Bretagne

Guénioc

France

< retour

Le mégalithisme dans le contexte de l’Ouest de la France

Le mégalithisme de l’ouest de la France est l’un des plus connus avec les fameux alignements de menhirs à Carnac en Bretagne.
Cette région est celle qui possède les plus vieux tumulus et dolmens d’Europe. L’émergence du phénomène mégalithique en Bretagne, autour de 4500 av. J.-C., est contemporaine de l’arrivée des premiers agriculteurs, dont les ancêtres proviennent du Proche-Orient, puis de la vallée du Danube et du Bassin parisien. Le mégalithisme breton est issu de l’association des compétences dans le travail de la pierre des derniers chasseurs-cueilleurs d’Europe et de l’accumulation de richesses, ainsi que du début de hiérarchisation provenant des premiers agriculteurs. Les dolmens servent à y déposer les morts accompagnés d’offrande, mais les architectures qui les contiennent sont aussi des lieux ostentatoires du pouvoir vers les vivants. Quant aux menhirs, l’aspect cérémoniel de leur érection est évident, sans pouvoir préciser l’événement célébré. La construction des dolmens en Bretagne s’arrête vers 2500 av. J.-C., au moment de l’arrivée du métal, tandis que des menhirs continuent à être dressés pendant encore quelque temps, durant l’âge du Bronze.

Frise chronologique Bretagne

Carte de répartition des dolmens, menhirs, et allées couvertes sur la région Bretagne

Tumulus de la Table des Marchand, Locmariaquer, Morbihan
© Florian Cousseau.

Alignement de Cojoux, Saint-Just, Ille-et-Vilaine
© Florian Cousseau.

Tumulus du Souc’h, Plouhinec, Finistère
© Florian Cousseau.

Architectures funéraires et dolmens de Bretagne

La construction des architectures funéraires durant le Néolithique en Bretagne s’est faite en deux périodes avec des formes architecturales bien distinctes pour leurs dolmens. La première, 4500-3500 av. J.-C., voit l’édification des dolmens en tombe à couloir, qui présentent une nette différence entre la chambre et le couloir. Durant la seconde période, 3500-2500 av. J.-C., la forme des dolmens évolue en allées couvertes, sans distinction entre chambre et couloir. L’espace interne est donc un seul espace sépulcral, dont l’entrée est soit axiale, soit latérale. L’ouest de la France ne possède pas la plus grande densité de monuments en France et en Europe, mais ceux-ci sont très régulièrement réaménagés et tendent vers le gigantisme, en particulier pour la première période.
Pour exemple, une chapelle a été construite au sommet du plus grand tumulus en Bretagne : Saint Michel à Carnac qui dans son état final mesure 125 m de long pour 60 m de large et 10 m de haut. Ces dimensions monumentales démontrent un grand pouvoir de la part des utilisateurs, dont les premières données ADN démontrent des liens familiaux.

Menhir de Kerloas, Plouarzel, Finistère
© Florian Cousseau.

Tumulus Saint-Michel, Carnac, Morbihan
© Florian Cousseau.

La Roche-aux-Fées, Essé, Ille-et-Vilaine
© Florian Cousseau.

Nécropole de l'Île Guénioc à Landéda

L’île Guénioc se trouve sur la côte nord de la Bretagne, près de Brest. Située à 4 km au large, elle n’est pas habitée à cause des difficultés d’accès. Il y a 6000 ans, elle était rattachée au continent, car la mer était environ 5 m plus bas. Au centre de l’île, quatre cairns à dolmens à couloir ont été construits au Néolithique, alignés sur une crête qui dominait un plateau, aujourd’hui inondé et où se trouveraient les habitats associés. Dans ces quatre monuments, numérotés de I à IV, treize dolmens ont été découverts lors des fouilles dirigées par Pierre-Roland Giot à la fin des années 1960. Malheureusement, les architectures ont été perturbées à l’âge du Fer par les Gaulois venus s’installer sur le site au Ier siècle av. J.-C. Un grand enclos circulaire a alors été construit au sommet de l’île avec les pierres de la nécropole. Cet habitat gaulois a entamé les deux cairns centraux qui gardent néanmoins une longueur de plus de 35 m. Ils sont plus importants que ceux à l’extérieur qui possèdent une longueur de 20 m environ.
L’isolement du site par la mer a permis sa préservation exceptionnelle avec des hauteurs conservées de plus de 2 m.

Plan de répartition des vestiges présents sur l’île Guénioc
© Florian Cousseau.

Vue aérienne de l’île Guénioc en 1961
© Archives UMR6566-CReAAH.

Vue aérienne de la nécropole de Guénioc en 2017
© Philippe Gouezin.

Une grande diversité des formes et constructions

Les cairns de Guénioc montrent une grande diversité dans l’architecture des dolmens. Toutes les possibilités de formes ou moyens de construction de Bretagne se retrouvent sur l’île. Le cairn II possède des dolmens à chambre quadrangulaire avec des parois formées de monolithes. La seule chambre connue pour le cairn IV possède les mêmes caractéristiques.
Toutefois, le mode de couvrement entre les deux édifices diffère. Les chambres du cairn II étaient couvertes de voûtes en encorbellement, alors que celle du cairn IV a un système de dalles de couverture. Par contre, les dolmens des cairns I et III sont similaires entre eux. Leur chambre est circulaire, intégralement construite en pierre sèche et couverte par une voûte en encorbellement. L’architecture n’est donc pas homogène dans la nécropole. Chaque cairn présente un type de dolmen particulier que l’on retrouve ailleurs en Bretagne. Par contre, une telle diversité dans un seul site est unique dans l’ouest de la France.

Chambre circulaire du cairn I de Guénioc, construite entièrement en pierre sèche et couverte d’une voûte en encorbellement aujourd’hui disparue © Florian Cousseau.

Chambre couverte par une voûte en encorbellement du cairn de Barnenez, Plouezoc’h, Finistère
© Florian Cousseau.

Chambre quadrangulaire du cairn IV de Guénioc couverte par une table de couverture
© Yves Lelièvre.

Chambre quadrangulaire du cairn II de Guénioc avec des monolithes en parois
© Florian Cousseau.

Des bâtisseurs de mégalithes spécialisés et mobiles ?

Les travaux actuels sur les architectures mégalithiques en Bretagne prouvent qu’elles sont aussi complexes que les cathédrales et nécessitent les mêmes méthodes d’étude du bâti. Elles ont montré que chaque édifice avait fait l’objet d’aménagements durant son millénaire d’utilisation. Le cairn III, dont la fouille a été la plus exhaustive, possède trois grandes phases de construction. La première a été l’édification d’un cairn quadrangulaire entourant le plus grand dolmen. Quelques dizaines d’années ou siècles plus tard, le monument a été agrandi en y ajoutant trois dolmens au nord. Pour finir, une extension avec deux dolmens tête-bêche a été ajoutée au sud. La morphologie générale du cairn a également été modifiée passant de rectangulaire à trapézoïdale et tendant vers le gigantisme.
L’étude de ces différents aménagements complexes démontre que les bâtisseurs avaient une grande maîtrise technique du bâti, assurant notamment la pérennité du site jusqu’à nos jours. La reconnaissance de ce savoir-faire permet aux archéologues de suggérer que les bâtisseurs de mégalithes au Néolithique en Bretagne étaient spécialisés. De plus, les mêmes techniques de construction ont été retrouvées entre la nécropole de Guénioc et le cairn de Barnenez, distants de 60 km. Les mêmes bâtisseurs ont donc dû les bâtir, démontrant leur mobilité.

Évolution du cairn III de Guénioc au fil du temps, du plus foncé au plus clair
© Florian Cousseau.

Vue zénithale du cairn III de Guénioc
© Philippe Gouezin.

Vue aérienne depuis l’est du cairn III de Guénioc
© Philippe Gouezin.

Cairn de Barnenez, Plouezoc’h, Finistère
© Florian Cousseau.