Dès lors, rien de tel que d’explorer avec vigilance et en leur compagnie, les nombreuses situations de décision qui se présentent en classe

Opérer des choix collectifs, renoncer à une partie du pouvoir individuel au profit de celui du groupe, sont les objectifs de formation à la citoyenneté qui amènent une enseignante à exploiter lors de son conseil une situation du quotidien apparemment le plus banal. Voici son récit d’une mise en acte de la démocratie :

Dès lors, rien de tel que d’explorer avec vigilance et en leur compagnie, les nombreuses situations de décision qui se présentent en classe.

Ex. : choisir la couleur du papier qui va entourer le cadeau que nous offrons à la classe de Didier et Sandrine… Chaque "je" énonce avec fougue sa préférence…"Rouge… Vert…Jaune…" etc.

Oui, mais comment on fait pour décider ? … Et chacun de repartir à la criée des camelots pour vanter sa préférence… "Rouge… Vert… Jaune…" etc.

Oui, j’ai pris note : toi tu préfères le rouge, toi tu préfères le vert… etc. … Tout ce que vous avez dit est écrit… mais rien n’est décidé… Comment on fait pour décider ?

Après trois ou quatre tentatives identiques arrive le moment du silence consterné… réalisation muette d’un deuil inévitable, puis émergence de quelques propositions tentant désespérément de préserver tous les possibles…

On pourrait séparer le cadeau en plusieurs parties et les emballer avec des couleurs différentes…

On pourrait emballer le cadeau avec plusieurs papiers l’un sur l’autre…

J’ai souvent encouragé les recherches de solutions préservant tous les possibles afin que les enfants expérimentent le fait de décider et d’être respectés dans leur choix. Mais en l’occurrence, cela devient tiré par les cheveux… L’occasion est bonne pour passer un "cran" au dessus. Je réaffirme donc qu’il n’y a qu’un seul cadeau et qu’on ne va pas le mettre en morceaux pour préserver la présence de toutes les couleurs préférées ni gaspiller le papier de soie.

Je me demande si l’idée de voter va surgir… Il n’en est rien et je m’abstiens de la proposer. L’unique proposition pour régler le problème (faite par un enfant) est adoptée faute d’idée concurrente : "On pourrait faire Am Stram Gram pour décider…"

Enseignante de 1^E/2^E à l’école de Châteaubriand

La rubrique que ce texte inaugure aujourd’hui a l’ambition de devenir un lieu d’échange de pratiques. Comment mieux transmettre la complexité de ces moments plein de sens, vécus lors des conseils de classe ou des conseils d’enfants, qu’à travers le récit du vécu ? Les tentatives de théorisation et de généralisation sont certes indispensables à la construction de savoir, mais échouent en partie à restituer les mouvements intérieurs, l’émotion, les hésitations et les doutes qui accompagnent constamment le praticien dans l’action. Ces aspects de la réalité sont pourtant le lot quotidien de la pratique et méritent donc leur lieu de partage.

Ecrire son quotidien, c’est prendre une distance avec les événements, ouvrir un espace de réflexion qui permette de mieux comprendre ce qui s’est passé. Mireille Cifali et Rita Hofstetter avancent l’hypothèse que "le récit constituerait l’espace théorique des pratiques". Cette écriture, non seulement événementielle, mais impliquant son auteur avec ses difficultés ou ses réussites peut largement dépasser la fonction de journal personnel pour atteindre à celle de moyen privilégié de transmission de connaissances entre professionnels à partir du moment où les auteurs acceptent de laisser publier leurs récits.

C’est à cette démarche que cette rubrique vous convie. Les premiers textes qui y paraîtront émanent des enseignants avec lesquels j’ai travaillé durant l’année 97-98 soit en formation continue, soit en projets d’école, soit en atelier de recherche. Elle ne leur est cependant pas réservée et j’invite tous ceux qui le souhaitent à apporter leur contribution à cette recherche commune de sens sur le conseil sous forme d’anecdotes courtes et contextualisées .

Tous les textes que vous me ferez parvenir ne pourront être publiés, pour des raisons évidentes de place, et parce que je me réserve le choix des thèmes, afin de livrer aux lecteurs des aspects variés du conseil. Leur publication n’aura lieu qu’avec l’autorisation expresse de l’ auteur qui pourra choisir de signer ou de rester anonyme. Enfin, si certains d’entre vous se sentent bloqués devant l’écriture, je me propose volontiers de prendre rendez-vous avec eux pour travailler ensemble.

Ces anecdotes peuvent aussi intéresser les enfants. On peut imaginer de proposer au conseil l’institution du moment, chaque mois, où sont lues les "BREVES DE CONSEIL" comme une ouverture à la réalité et aux préoccupations vécues par d’autres élèves, d’autres degrés, vues à travers le regard des enseignants. Dans un premier temps, cela peut donner lieu à de passionnantes discussions pendant le conseil réservé à cette activité. Puis les enfants peuvent avoir envie de suivre l’exemple de leurs aînés et se mettre à leur tour à produire des récits de leur propre conseil ou des réactions écrites aux récits entendus. L’écriture des enfants a également sa place dans cette rubrique où elle sera même la bienvenue en complément à celle des adultes. Je vous encourage donc à partager l’aventure avec eux…

20, ch. Des Recluses

tél. : 792’46’82 ou

705’98’31 (prof.)

fax. : 705’98’28