Invariant pédagogique n°19

Les notes et les classements sont toujours une erreur.

La note est l'appréciation, par un adulte, du travail de l'enfant. Elle serait valable si elle était objective et juste. Elle peut l'être, partiellement du moins, quand il s'agit d'acquisitions simples, de la technique des quatre opérations par exemple. Mais pour le travail plus complexe où l'intelligence, la compréhension, les notions même de comportement entrent en ligne de compte, toute mesure systématique est défaillante. Il ne faut pas s'étonner si, à ce niveau, les notes peuvent varier du simple au double selon les examinateurs, ce qui n'empêche pas d'user imperturbablement des demis ou des quarts, comme si en suivait au chronomètre.

Que dire alors des classements établis sur la base de ces notes fausses, et comment décider qu'un tel élève passe avant celui qui le suit avec quelques centièmes de points d'avance.

C'est là, manifestement, la plus fausse des mathématiques, la plus inhumaine des statistiques.

Professeurs et parents y tiennent pourtant parce que, dans les données actuelles de l'école, avec des enfants qui n'ont pas envie de travailler, les notes et les classements restent encore le moyen le plus efficace de sanction et d'émulation. Mais ce moyen a une contrepartie gravement dangereuse :

- Comme il s'agit de noter, et avec un minimum d'erreurs, on s'en tient en pédagogie à ce qui est mesurable. Un exercice, un calcul, un problème, la répétition d'un cours, tout cela peut effectivement entraîner une note acceptable. Mais la compréhension, les fonctions d'intelligence, la création, l'invention, le sens artistique, scientifique, historique, ne peuvent pas être notés. Alors on les réduit au minimum à l'École, et on les supprime de la compétition. Ils n'entrent que faiblement en compte dans les examens et concours.

Voilà la situation actuelle. Nous y pallions :

Freinet, C. (1969). Pour l'école du peuple. Paris, Petite collection Maspero, p.164-165.

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