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La recherche en éducation et
la formation des enseignants :
le cas de Genève, en Suisse
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Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de
léducation
Université de Genève
1992
A. Recherche et formation initiale des enseignantsB. Recherche et formation continue des enseignants
C. Instances et partenaires dans la promotion de la recherche en éducation
D. Recherche en éducation, sa dissémination et son impact sur la politique et la pratique
E. Priorités et nouvelles tendances dans la recherche en éducation
F. La recherche et le statut des enseignants et des formateurs de formateurs
En Suisse, léducation relève des cantons ou demi-cantons. Il y a donc vingt-six systèmes éducatifs, chacun formant les maîtres à sa manière. Pour les maîtres de lenseignement secondaire postobligatoire, le schéma est assez constant : études universitaires jusquà la licence, suivies dune formation pédagogique en un ou deux ans, en général en emploi, qui se compose dordinaire de cours de didactique dune part, de cours de psychopédagogie, psychologie et sciences sociales dautre part. Pour lenseignement secondaire obligatoire, le même schéma est valable dans les cantons romands (parfois une demi licence suffit). Du côté alémanique, certaines universités offrent des cursus spécialisés de formation des maîtres secondaires, à la fois académique et didactique. Les maîtres des écoles professionnelles sont formés par un institut fédéral implanté dans les trois régions linguistiques du pays.
Pour lenseignement primaire, la plupart des cantons forment encore les maîtres dans les écoles normales, où lon entre à lissue de la scolarité obligatoire et qui assurent à la fois une formation de culture générale et une préparation pédagogique. Dans certains cas, le diplôme obtenu est reconnu équivalent au baccalauréat et donne accès à luniversité, dans dautres cas, cest un diplôme professionnel. Dans dautres cantons, les maîtres primaires en formation sont recrutés après la maturité (titre national certifiant une formation de culture générale, obtenu en trois ou quatre ans de scolarité postobligatoire ; ce titre, équivalent du baccalauréat français, ouvre la porte des universités). Les futurs maîtres primaires suivent alors une formation professionnelle (pédagogique et didactique) en deux ou trois ans, avec certains compléments de culture générale dans quelques domaines particulièrement pertinents pour lenseignement primaire, comme la musique, lhistoire ou les langues nationales, le dessin ou léducation physique.
Tous les cantons ne disposent pas dune université et, dans les cantons universitaires, limportance des sciences de léducation est très variable. Même lorsquil existe une université, elle ne contribue pas nécessairement à la formation initiale ou continue des enseignants. Il y a de grandes différences également en ce qui concerne la recherche en éducation à lintérieur des départements de linstruction publique (équivalents des ministères nationaux de léducation). Dans certains cantons, il ny a ni université, ni centre de recherche pédagogique, alors que dautres cantons ont plusieurs services ou dispositifs de recherche, qui collaborent éventuellement avec luniversité.
Une étude de la Suisse entière ressemblerait donc largement à la réunion de vingt-six études de cas, une par canton ou demi-canton, avec quelques comparaisons. Ce travail nest pas dans nos moyens. Cest pourquoi il a paru plus intéressant de ne parler ici que du canton de Genève. Non parce quil est représentatif. Il est au contraire parfaitement déviant par rapport à la moyenne helvétique. Mais peut-être parce quil représente, par sa singularité, un exemple intéressant de collaboration entre luniversité, les centres de recherche et les centres de formation.
Le canton de Genève est une collectivité de 380000 habitants, essentiellement urbaine, avec 1.3 % de la population active dans le secteur agricole et un secteur tertiaire très développé, hautement qualifié et fort diversifié : banques, assurances, recherche, entreprises multinationales, organisations internationales, santé, travail social, enseignement, culture. Il nest pas étonnant, dans ces conditions, que les taux de scolarisation après quinze ans soient très élevés et que 10 % seulement des jeunes entrent dans la vie active sans diplôme postobligatoire. Le système éducatif public accueille 90 % des 60000 jeunes scolarisés. La scolarité obligatoire compte neuf années, dont six décole primaire (tronc commun) et trois de Cycle dOrientation (école moyenne intégrée différenciée). Ensuite souvrent diverses voies de formation postobligatoire. Deux jeunes sur cinq sengagent alors dans un apprentissage professionnel en emploi, un tiers se dirigent vers une formation gymnasiale conduisant en quatre à la maturité ou un titre équivalent. Les autres suivent des voies intermédiaires. Orientation continue, démocratisation et différenciation de lenseignement sont à lordre du jour depuis le début des années 1960.
Sur chacun des points suggérés dans les documents préparatoires de la rencontre, je tenterai desquisser un état de situation, puis de dire, dans un encadré, quels sont, à mon sens, les enjeux actuels dans ce domaine.
La formation des professeurs de lenseignement secondaire obligatoire ou postobligatoire suppose une licence universitaire dans une faculté de lettres, de sciences ou de sciences sociales (sans composante didactique), suivie de deux ans détudes pédagogiques en emploi, avec formation didactique dans une deux disciplines et formation en sciences humaines (pédagogie, psychologie, sociologie).
La formation initiale des enseignants primaires est plus originale, puisque dès les années 1930, sous limpulsion de Robert Dottrens, cest une formation de niveau " bac plus trois ". Au sortir de la maturité, les étudiants suivent un parcours essentiellement professionnel de trois ans, dont un an duniversité. Ce parcours est encadré par deux institutions : dune part les " Études pédagogiques ", un centre de formation rattaché à lenseignement primaire, qui accueille les futurs maîtres durant leur première et leur troisième année de formation initiale ; dautre part la Section des sciences de léducation de la Faculté de psychologie et des sciences de léducation de lUniversité de Genève, qui accueille les mêmes étudiants lors de leur deuxième année de formation.
Cette collaboration, qui était à lavant-garde il y a soixante ans, reste une formule intéressante et atypique pour la Suisse. Cependant, les États-Unis, le Canada et plusieurs pays européens sont allés depuis nettement plus loin dans le sens dune participation de luniversité à la formation des professeurs de lenseignement primaire, parfois jusquà une filière de formation entièrement universitaire. Depuis 1986, Genève envisage une restructuration de la formation initiale dans ce sens. On sinterroge actuellement sur la forme à donner à un institut de formation des maîtres capable de proposer un parcours de formation de trois ou quatre ans inspiré des principes suivants :
Dans cette perspective, les relations entre la recherche en éducation et la formation des maîtres sont encore plus cruciales. Non seulement dans le sens dune diffusion des connaissances, mais dune implication Une fraction croissante des formateurs denseignants primaires ont une licence ou un doctorat en sciences humaines et ont donc reçu eux-mêmes une certaine initiation à la recherche, notamment à la recherche en didactique (en mathématiques, en français langue maternelle ou en sciences), ou encore à la recherche sur les processus dapprentissage, les pratiques pédagogiques, lévaluation, les relations famille-école, léchec scolaire ou les phénomènes interculturels.
Pendant lannée quils passent à luniversité, les maîtres primaires en formation initiale sont évidemment confrontés au résultat de la recherche en sciences de léducation tels quils sont présentés dans les cours et séminaires de premier cycle. En outre, tous suivent pendant cette année un séminaire de recherche qui leur est spécialement destiné. Il sagit dune recherche conduite encadrée en groupe restreint par un ou plusieurs assistants, supervisée par un professeur ; elle doit à la fois permettre dapprofondir certains thèmes théoriques et initier à la recherche en éducation. Luniversité organise également une activité appelée Le journal, qui conduit les étudiants à rendre compte de leurs expériences de remplacements et de stages et à les théoriser sous la forme dune recherche personnelle.
Une partie des maîtres en formation ont loccasion de faire des stages dans des classes actives, des écoles expérimentales ou des équipes pédagogiques collaborant avec des chercheurs. Mais ce nest pas une règle générale.
Peut-être importe-t-il de dire que lUniversité conçoit de plus en plus clairement son rôle dans ce domaine comme une contribution des sciences de léducation et des sciences humaines en général à la formation professionnelle des enseignants. Certes, leur passage à luniversité équivaut presque à un premier cycle de sciences de léducation et leur donne la possibilité de poursuivre ou de reprendre leurs études jusquà la licence. Mais la priorité ne consiste donc pas à en faire des chercheurs, ni à les initier dabord à la méthodologie de recherche. Cest plutôt de les préparer à une pratique réfléchie, à une conduite de résolution de problèmes et danalyse de lexpérience, à une alternance théorie - pratique tout au long de leur carrière. Il apparaît de moins en moins suffisant dinformer les enseignants des résultats de la recherche. Limportant est de les introduire à une démarche active leur permettant de sapproprier les acquis des sciences humaines mais surtout de réfléchir par eux-mêmes, dans le cadre déquipes pédagogiques, détablissements ou de réseaux déchanges.
On peut considérer cette orientation comme un résultante directe dune vingtaine dannées de recherche sur le cycle de vie des enseignants, la professionnalisation du métier, la diffusion des résultats de la recherche, la formation initiale et continue, linnovation, le fonctionnement des établissements, le rôle des cadre, les pratiques pédagogiques, la gestion de classe, la différenciation de lenseignement, lévaluation formative, la relation pédagogique. Dune certaine façon, la formation initiale des enseignants, du moins du côté de luniversité, est à la fois un terrain dobservation et un champ qui se transforme en fonction des acquis de la recherche en éducation.
Lenjeu actuel nest pas dabord de mieux diffuser la recherche, mais de construire sur la base des acquis des sciences de léducation, un cursus de formation préparant à une pratique réfléchie et à une recherche personnelle tout au long du cycle de vie professionnel.
Au cours des vingt dernières années, plusieurs centaines denseignants primaires genevois ont poursuivi leurs études universitaires jusquau niveau de la licence en sciences de léducation. Comme ce titre nest pas indispensable pour enseigner et ne conduit pas, la plupart du temps, à une promotion professionnelle (quand bien même il devient presque nécessaire pour accéder aux fonctions de formateur denseignants ou de cadre), on peut considérer quil sagit de formation continue. Tous les enseignants qui viennent ou reviennent en sciences de léducation pour y faire une licence reçoivent une formation minimale à la recherche, notamment en présentant un mémoire de licence et une recherche personnelle.
Pour les enseignants secondaires, cest plus rare, puisquune licence en sciences de léducation serait pour eux une seconde licence. Cependant, un certain nombre dentre eux sengagent dans cette voie, notamment pour devenir formateurs denseignants ; dautres sinscrivent dans des certificats spécifiques ou suivent une partie de leur formation continue à luniversité.
Une loi récente a institué une formation continue professionnelle relativement substantielle pour tous les enseignants de lécole publique. Il sagit dune formation intégrée à lemploi, de lordre de neuf demi-journées par année. Cest une formation " à la carte ". Dans lenseignement primaire, les maîtres choisissent à lintérieur dun assez vaste catalogue doffres émanant principalement des services de didactique (évaluation, informatique, français, environnement, allemand, appui, élèves non francophones, etc.). Luniversité participe à cette formation continue non certifiée, soit en offrant directement des cours et des séminaires, soit en collaborant avec ces services ou en formant les formateurs. Ajoutons que la Faculté de psychologie et des sciences de léducation et dans une certaine mesure les centres de recherche genevois contribuent à la formation et à linformation continue des maîtres des autres cantons romands, qui ne disposent pas tous dune université ou de centres de recherche aussi importants.
Une partie de la formation continue tend à prendre la forme de projets détablissements et déquipes pédagogiques, à la faveur desquels dautres formes de collaboration peuvent se développer entre la pratique et la recherche en éducation, sous la forme de recherches-développements, recherches impliquées, recherches-actions. Dans ce domaine, les centres, services et dispositifs de recherche (pédagogique et sociologique) du Département de linstruction publique jouent un rôle important puisquils sont, davantage que luniversité, insérés dans ladministration scolaire et en situation détablir des contrats de collaboration de longue durée avec certaines écoles ou groupes denseignants. De telles activités ne relèvent pas formellement de la formation continue, mais les nombreuses expériences pédagogiques, recherches-actions et recherches-développements menées dans tous les ordres denseignement touchent un nombre important denseignants en fonction et ont indéniablement dimportants effets de formation des enseignants qui sy engagent.
Les attitudes face à la recherche, face à luniversité, face aux centres de recherche, sont évidemment fort diverses au sein du corps enseignant et une partie des maîtres sont, comme ailleurs, fort sceptiques sur limportance de la théorie ou lapport des chercheurs à la pratique. Cependant, cette attitude est loin dêtre majoritaire et les chercheurs en quête dun terrain dobservation ou dexpérimentation trouvent assez facilement des collaborations dans le corps enseignant. À linverse, les équipes pédagogiques et les écoles qui souhaitent collaborer avec des chercheurs ou des formateurs universitaires nont en général guère de peine à trouver des interlocuteurs. On peut donc dire que la collaboration entre la recherche et la pratique pédagogique est en train dentrer dans les moeurs. Dabord, sans doute, parce que beaucoup denseignants ont eu, au cours de leur formation initiale ou à travers leur formation continue ou diverses expériences pédagogiques, loccasion dentrer en contact avec le monde de la recherche et de collaborer concrètement avec des chercheurs, ce qui défait les préjugés les plus courants. Il y a une seconde raison, moins évidente : la plupart des chercheurs en éducation et des formateurs universitaires ont pris depuis fort longtemps le parti dêtre présents dans les classes, les établissements, les lieux de formation continue et de collaborer activement avec le système scolaire à tous les niveaux, y compris les associations de parents, les associations professionnelles, les cadres. Les chercheurs en éducation considèrent que le travail sur le terrain et la collaboration avec les enseignants ne les détournent nullement de la recherche fondamentale, au contraire. Alors que dans dautres pays, luniversité regarde avec un certain mépris les praticiens se débattre avec les problèmes complexes de lécole daujourdhui, et gardent leurs distances, les chercheurs genevois ont pris une attitude exactement inverse, qui a des conséquences très bénéfiques tant pour la recherche que pour la pratique pédagogique. Ces positions sont renforcées par louverture des autorités scolaires à la recherche. Dans lenseignement primaire, lassociation professionnelle des enseignants manifeste également une attitude favorable à la recherche en éducation et à la participation de luniversité et des centres de recherche non seulement à la formation des maîtres, mais à lélaboration des politiques de léducation, à la conception des réformes et à leur suivi. Dans lenseignement secondaire, lattitude semble plus réservée.
Parmi leurs collaborateurs, la Faculté des sciences de léducation et les services de recherche comptent des maîtres déchargés de leur classe pour quelques années, et qui font fonction dassistants ou denseignants-chercheurs. Ils font partie de ce que lon nommera, avec Chevallard, la noosphère, cest-à-dire la sphère des gens qui pensent les pratiques pédagogiques, sphère assez substantielle à Genève puisquaux chercheurs proprement dit sajoutent de nombreux formateurs et spécialistes de didactique, de moyens denseignement et de technologies éducatives.
Lenjeu actuel de la formation continue est de participer au processus de professionnalisation du métier denseignant et de multiplication des projets détablissement et des dynamiques de changement. Loffre de formation compte moins que ses modalités délaboration et de négociation, et son inscription dans un processus de développement professionnel plus large.
La recherche en éducation se déroule dune part dans le cadre universitaire de la Faculté de psychologie et des sciences de léducation, dautre part dans quatre centres ou dispositifs de recherche rattachés au Département de linstruction publique (ministère de léducation). Ces centres nont pas exactement le même statut :
Il faut faire la part de la recherche menée dans les services de didactique, notamment dans lenseignement primaire autour de thèmes comme le français, lévaluation, linformatique ou lenvironnement.
Il y a entre les quatre structures de recherche du Département de linstruction publique et la Faculté de psychologie et des sciences de léducation, des liens multiples, qui vont de recherches conjointes à lorganisation commune de manifestations ou de publications scientifiques en passant par des échanges de collaborateurs. Contrairement à ce qui se passe ailleurs, il ny a pas un clivage net entre une recherche fondamentale qui serait conduite à lUniversité et une recherche appliquée qui serait conduite dans les centres ou dispositifs de recherche insérés dans ladministration scolaire. Au contraire, la Faculté de psychologie et des sciences de léducation sest depuis longtemps impliquée dans des innovations pédagogiques et des recherches appliquées dans le cadre du système scolaire. À linverse, plusieurs des services de recherche sont très actifs dans les réseaux scientifiques nationaux et internationaux, et conduisent des recherches à long terme, dont certaines peuvent être qualifiées de fondamentales, sur léchec scolaire, lapprentissage de la lecture, lorientation scolaire, etc.
Dans le cadre de la coordination scolaire romande, ces centres collaborent avec lInstitut romand de recherches et de documentation pédagogique et dautres centres cantonaux. Il existe également, en sciences de léducation, certaines collaborations entre les universités romandes, mais elles pourraient être considérablement développées.
Les centres et dispositifs de recherche sont implantés depuis dix à trente ans dans le système et ont acquis suffisamment de crédit pour collaborer de façon ouverte et indépendante avec ladministration scolaire. Il devient rare que des mandats de recherche soient imposés den haut. La plupart du temps, il y a concertation, négociation à partir dun problème, voire anticipation et prise dinitiative par les services de recherche.
Dans de nombreux domaines, les centres de recherche et lUniversité travaillent avec des enseignants détachés de leur classe ou déchargés dune partie de leur enseignement (dans le secondaire), dans le cadre dinnovations, de recherches-actions, mais aussi parfois denquêtes.
La Faculté de psychologie et des sciences de léducation est co-responsable de la " Maison des petits ", une école où Piaget a conduit de nombreuses observations, et qui demeure un lieu dexpérience et de recherche particulièrement sur lapprentissage de la lecture et la différenciation de lenseignement aujourdhui.
Même la recherche appliquée nest pas, en règle générale, dabord axée vers le très court terme. Une partie des travaux sinscrivent dans des centres dintérêts permanents, avec une certaine spécialisation des chercheurs et des temps forts (projets, travaux de terrain) et des temps plus faibles (mise à jour de la documentation, maintien du réseau de relations scientifiques et avec les praticiens).
Les travaux des centres et du dispositif de recherche du Département sont en majeure partie financés par le budget de lÉtat de Genève, auquel sajoutent un certain nombre de subventions du Fonds national suisse de la recherche scientifique ou dautres fondations. À lUniversité, le financement est assuré par les mêmes subsides, par des contrats et par le budget de fonctionnement de la faculté qui, cependant, na pas un grand nombre de collaborateurs engagés à plein temps dans la recherche scientifique.
Lenjeu actuel nest pas dobtenir par tous les moyens davantage de postes et de ressources pour la recherche, mais de consolider les lieux et les processus de concertation entre praticiens, décideurs et chercheurs, non seulement sur les recherches à mener, mais sur les problèmes à poser et résoudre.
Il a existé pendant longtemps une commission de la recherche regroupant les directions des centres et dispositifs de recherche et les directions des ordres denseignement, lUniversité étant également représentée. Aujourdhui, cette commission nest plus très active. Néanmoins, il existe à lintérieur du Département de linstruction publique plusieurs instances de coordination de la recherche en éducation dans tel ou tel domaine.
La diffusion des résultats de recherche se fait à travers des documents, cahiers et ouvrages assez largement diffusés à lintérieur du système éducatif, chaque centre et la Faculté de psychologie et des sciences de léducation ayant par exemple une série de Cahiers largement mis à la disposition des cadres du système éducatif et des enseignants.
La diffusion se fait également à travers lenseignement (formation initiale et formation continue), et une série dinterventions dans les établissements ou de collaboration à des projets de réforme.
À plusieurs moments de lhistoire du système éducatif, dimportantes décisions ont été prises, du moins en partie, sur la base de travaux de recherche ; on se trouve donc très loin du divorce quon observe dans certains systèmes entre la recherche en éducation et la décision politique. Cela ne veut pas dire que toutes les recherches sont suivies deffets et que les décideurs tiennent systématiquement compte des travaux des chercheurs. Cependant, globalement, linformation circule et les interactions sont relativement denses entre les chercheurs et une partie du système éducatif, à différents niveaux. Sans doute les chercheurs souhaiteraient-ils être encore mieux entendus mais, malgré lexpérience de la collaboration, il faut reconnaître quils ne sont pas toujours en mesure dapporter des éléments de décision à temps ou en tenant compte de toutes les contraintes des acteurs. Par ailleurs, en contrepartie de leur assez large autonomie dinvestigation et de publication, il est normal que ladministration scolaire et les associations professionnelles ne se sentent pas liées par les observations et propositions des chercheurs. Cest à cette condition quun véritable dialogue sinstaure, sans dépendance ni technocratie.
La relative petitesse du système et limportance du réseau dinterconnaissance réduit probablement le besoin de répertoires et de fichiers exhaustifs. Cest peut-être regrettable.
Lenjeu actuel est de diffuser mieux, de ne pas se contenter des publications et manifestations scientifiques classiques, mais de multiplier les formes et les occasions de communication, de renforcer les réseaux existants et dy impliquer encore plus les chercheurs, dans le cadre de la formation, des processus de décision, des associations professionnelles.
Il ny a pas, dans la recherche en éducation à Genève, de fermeture méthodologique. Les travaux sont parfois qualitatifs, parfois quantitatifs, parfois avec une forte implication dans le terrain (recherche-action), parfois très distants. Les diverses disciplines (psychologie, linguistique, pédagogie, sociologie, anthropologie, économie) sont représentées et le travail interdisciplinaire, sans être systématique, est relativement courant. La sociologie de léducation, du fait des travaux du professeur Girod au Département de sociologie, puis de la création dune service de la recherche sociologique et de la présence de plusieurs sociologues à la Faculté de psychologie et des sciences de léducation, est certainement plus largement représentée que dans dautres systèmes comparables. Dans beaucoup de domaines importants (échec scolaire et inégalité devant lécole, relations interculturelles, relations famille-école, intégration des enfants migrants, réformes scolaires, mais aussi didactique, évaluation, scolarisation de linformatique), les contributions proviennent systématiquement de divers horizons disciplinaires, tant la psychologie et la pédagogie que les sciences sociales.
Dans le domaine des didactiques disciplinaires, en particulier en français, mathématique, sciences et environnement, de nombreux travaux de pointe sont menés à la Faculté de psychologie et des sciences de léducation ou dans les centres de recherche du Département de linstruction publique.
Sans être dabord orientée par les demandes des formateurs ou des institutions de formation, une bonne partie de la recherche en éducation menée à Genève est donc directement utilisable en formation initiale et continue des maîtres, parce que beaucoup de travaux portent sur la didactique, la relation pédagogique, la collaboration famille-école, les pratiques denseignement, le curriculum, les mécanismes de discrimination et de sélection au niveau de la salle de classe, le fonctionnement des établissements, les processus dinnovation. Tous ces travaux constituent des bases pour de nombreuses actions de formation, dans le cadre desquels les publications des chercheurs sont utilisées.
Lenjeu actuel est de reconstruire lunité des savoirs dans une perspective systémique et interdisciplinaire, et darticuler mieux savoirs savants et savoirs dexpérience.
Les formateurs denseignants, en dehors de lUniversité, ne sont pas généralement des chercheurs, mais ils ont assez souvent participé à des recherches en collaboration avec luniversité ou les services de recherche du Département de linstruction publique.
Ces collaborations peuvent jouer un rôle dans la carrière des formateurs denseignants, mais rien nest codifié dans ce sens.
Du côté de lUniversité, qui participe directement à la formation initiale des enseignants primaires et à la formation continue des enseignants des divers degrés, plusieurs travaux de recherche portent sur le processus de formation lui-même, et notamment les problèmes dalternance, darticulation théorie-pratique, de démarche clinique de formation qui sont au centre de la réflexion daujourdhui à la Faculté de psychologie et des sciences de léducation. Cette dernière comporte par ailleurs une subdivision déducation des adultes qui conduit des travaux plus généraux sur la formation dadultes, enseignants ou non.
Dans la mesure où la formation des maîtres est en pleine restructuration, et la formation des formateurs en voie de sorganiser et de se codifier, il est probable que les rapports entre la formation et la recherche vont devenir plus clairs. Aujourdhui, ils sont pas fréquents, mais dépendent beaucoup des choix personnels, qui vont dune complète méconnaissance mutuelle à la collaboration intensive
Lenjeu actuel est de clarifier et de renforcer les relations entre le monde de la recherche en éducation et formateurs non universitaires, à la fois quant à leur propre formation et pratique dans se domaine et quant à lusage des résultats et méthodes de recherche dans la formation initiale ou continue des enseignants.
La situation de Genève est certainement privilégiée en raison de la structure sociale, de la politique de léducation, de la concentration de ressources, de la tradition de la cité dans le domaine des sciences de léducation. Cest loin dêtre un modèle, et sur de nombreux points létat des choses nest ni tout à fait clair, ni vraiment satisfaisant. Du moins ne part-on pas de rien !
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