Source et copyright à la fin du texte

 

In Education et recherche, 1993,
n° 2, pp. 197-217.

 

 

 

L’organisation, l’efficacité
et le changement, réalités
construites par les acteurs

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation
Université de Genève
1993

 

Sommaire

I. L’organisation comme fiction

II. Le changement dans les organisations

III. Pas de changement sans apprentissage

IV. Les vertiges du constructivisme

Références


Peut-on rendre l’école plus efficace ? Les sciences de l’éducation prétendent volontiers offrir à cette question des réponses fondées sur la recherche. Elles se heurtent cependant à un obstacle de taille : quels sont au juste les critères d’efficacité ? Le degré auquel l’école réalise atteint ses finalités ? Certes. Mais ces dernières sont souvent multiples et contradictoires, ambiguës, vagues, changeantes. Elles sont l’enjeu de conflits tant dans leur énoncé de principe que dans leur interprétation au jour le jour. De plus, les textes se gardent bien de préciser pour quelle fraction des élèves ces finalités sont censées être atteintes. J’ai tenté ailleurs (Perrenoud, 1984, 1986) de montrer que ce flou dans le curriculum formel et les objectifs est fonctionnel et qu’aucun effort de rationalisation n’en aura définitivement raison : une société pluraliste ne peut dépasser une fois pour toutes les contradictions qui la traversent, qui sont constitutives de sa complexité (Morin, 1977 ; Perrenoud, 1993 b).

On peut tenter de réduire localement et provisoirement cette complexité, en invitant les décideurs à expliciter leurs objectifs, ou en les formulant à leur place à partir des textes disponible, ou du moins préciser à quelle interprétation des finalités on se réfère lorsqu’on entend évaluer ou améliorer l’efficacité du système éducatif.

D’un point méthodologique, on peut alors se mettre au travail. Encore faut-il, si l’on veut transformer l’école dans le sens d’une plus grande efficacité, que les critères choisis soit jugés intelligibles, légitimes et importants par les acteurs qui détiennent les clés du changement.

C’est justement aux représentations des acteurs du champ scolaire que je m’arrêterai ici. Je tenterai de montrer en quoi et pourquoi l’efficacité ne peut être qu’une réalité construite au sein d’un système d’action collective, en fonction des visions du monde, des intérêts et des stratégies des acteurs. Cette construction s’étend à nombre de notions connexes. J’en retiendrai principalement deux autres : la représentation de l’organisation et de ses finalités, en amont de l’efficacité ; et la représentation du changement et de sa nécessité, en aval :

Dans un premier temps, j’essayerai de construire une image réaliste des organisations, de leurs finalités et de leur fonctionnement. J’insisterai sur l’organisation comme fiction, comme réalité à construire dans la tête des acteurs.

Dans un second temps, j’examinerai comment les acteurs se situent face au changement, pour montrer notamment que le souci de l’efficacité n’induit aucune modernisation de façon automatique.

Dans un troisième temps, je tenterai de montrer que les conditions d’un apprentissage de l’organisation sont loin d’être toujours réunies.

Pour équilibrer l’aspect volontariste, optimiste et consensualiste des discours pédagogiques sur l’efficacité et l’innovation, je prendrai ici le parti d’une analyse assez froide des organisations. Parfois, en analysant l’écart entre le discours et les fonctionnements effectifs, je paraîtrai me situer du côté de la dénonciation, de la " leçon de morale ". Tel n’est pas mon propos.


I. L’organisation comme fiction

" Lorsqu’on cherche à singulariser l’organisation comme dispositif social particulier pour l’opposer à d’autres formes plus diffuses d’action collective, on met généralement l’accent sur le caractère intentionnel, explicite et codifié de son ordre et des structures, rôles, procédures et buts sur lesquels elle repose " (Friedberg, 1992, p. 531). Cette insistance sur l’intention souligne l’essentiel : l’organisation existe d’abord dans la conscience des acteurs qui la composent ou entrent en relation avec elle. Tous n’ont cependant pas les mêmes enjeux et le même poids dans la mise en forme des finalités et des structures. Certains ont, plus que d’autres, le pouvoir de dire, donc de faire exister l’organisation.

A. Le pouvoir de dire

Le sens commun nous dit qu’une organisation est un ensemble de gens qui poursuivent les mêmes buts et " s’organisent " en conséquence. Le sociologue dira plutôt qu’une organisation est un groupement contrôlé par un pouvoir organisateur assez fort et légitime, tant à l’intérieur et à l’extérieur, pour déclarer que ce groupement est une organisation ordonnée à des finalités et dotée d’une structure formelle. Plus précisément, pour faire exister l’organisation dans la tête des acteurs, ses membres, ses usagers, ses partenaires, il faut avoir le pouvoir symbolique et pratique :

  1. de présenter ce groupement comme une association, une corporation, une administration, une entreprise, au sens commun ou juridique de ces termes, autrement dit comme une organisation unifiée et gouvernée de façon cohérente ;
  2. d’énoncer les finalités auxquelles sont censées s’ordonner les activités des uns et des autres ;
  3. de dire qui est membre de l’organisation, et comment on le devient, à quelles conditions ;
  4. d’attribuer à l’organisation une raison sociale, un nom, un logo, un emblème, une identité collective ;
  5. de parler au nom de l’organisation, de discourir publiquement et légitimement sur sa raison d’être, ses buts, ses méthodes, ses politiques, son éthique, ses traditions ;
  6. de la représenter comme personne morale au sens du droit (sur les associations, les sociétés anonymes, les coopératives, les fondations ou les collectivités publiques) et au sens commun ;
  7. de délimiter le territoire, les frontières physiques de l’organisation, en fonction d’un espace, de bâtiments ou de découpages plus symboliques ;
  8. de disposer de ressources, d’une fortune, d’un capital financier ou immobilier, d’infrastructures, de revenus réputés appartenir à l’organisation (par opposition aux ressources propres des personnes) ;
  9. de décider des structures, de la division du travail, de la répartition des membres en services, cellules, départements, chacun recevant des missions permanentes, une part d’autonomie et de ressources, une hiérarchie légitime ;
  10. d’assigner à chaque membre des droits et des devoirs, un accès aux ressources, un rôle ou un cahier des charges, une part d’autorité ;
  11. d’énoncer des règles censées garantir la mobilité l’équité, la prise de décision, le traitement des litiges au sein de l’organisation ou à ses frontières.

Le pouvoir organisateur n’a rien d’abstrait, mais on ne saurait l’assimiler tout bonnement aux acteurs qui paraissent être aux commandes de l’organisation, chefs, rois, prêtres de haut rang, PDG, Secrétaire général, patron, général en chef, parrain, premier ministre ou chef d’État, etc. Ni ces personnages ni les conseils, bureaux, comités exécutifs, états majors et autres gouvernements dont ils s’entourent ne peuvent être détachés des mécanismes et des rapports sociaux qui leur confèrent leur titre et l’autorité qui y est attachée. Ces mécanismes peuvent être très simples ou fort subtils, basés sur la force, la compétence, le charisme, la tradition, le capital, la magie, la foi ou diverses formes de plébiscite ou d’élection. Au-delà de ces différences, importantes, la structure de pouvoir est faite partout de l’ensemble des relations qui donnent aux uns une position plus centrale, davantage de poids, de droits, de moyens de parler au nom de l’ensemble et de déterminer les finalités, les structures et les politiques de l’organisation.

B. Une fiction crédible

La nature même d’une organisation, d’un point de vue sociologique, c’est d’être une fiction crédible. Observés de près, au jour le jour, ses fonctionnements ne ressemblent pas trait pour trait à la représentation qu’en donne le pouvoir organisateur :

Tous ne sont pas également dupes de la fiction, il y a des degrés dans la naïveté. En règle générale, la part du cynisme, ou si l’on préfère, de la lucidité, s’accroît lorsqu’on se rapproche du centre, du pouvoir organisateur, des échelons élevés de la hiérarchie : il est pratiquement impossible de gérer une organisation en prenant constamment au sérieux ses finalités et son éthique déclarées. Le secrétaire général d’un parti, les dirigeants d’une entreprise, le médecin chef d’une clinique ou le président d’une association savent qu’il faut composer avec des factions, des conflits, des incohérences, des gaspillages, des inégalités inavouables. Au nom de l’organisation, " pour son bien ", le travail des dirigeants consiste donc, pour une part, à en fabriquer une image présentable, à nier les dysfonctionnements ou à les minimiser, en les présentant comme des bavures, des incidents de parcours, des exceptions, des fautes imputables à des personnes incompétentes ou irresponsables. Il y a, dans l’histoire, de célèbres exemples de gouvernements, d’administrations, d’entreprises qui ont purement et simplement nié l’évidence, qui ont inventé des productions, des actions, des ressources, des bilans imaginaires. Ainsi, ces entreprises qui n’existent que sur le papier (une simple boîte aux lettres peut suffire) et vendent par correspondance des biens et des services imaginaires, que des clients peu méfiants commandent, paient d’avance et ne reçoivent jamais… Dans un système totalitaire, qui dispose d’un énorme pouvoir de coercition et d’un impressionnant appareil de violence symbolique, de propagande, de déformation de la réalité, la part de la fiction peut être immense, comme l’ont illustré les aventures fascistes et staliniennes. La plupart du temps, cependant, les choses sont plus subtiles et la fiction consiste à enjoliver, accentuer les points forts, passer sous silence les points faibles. La représentation que l’organisation donne d’elle-même correspond suffisamment à la " réalité " pour lui permettre de durer sans recourir à des moyens totalitaires ou illégaux.

Tout cela n’est pas du tout " irrationnel ". Les êtres humains ont besoin de mythes, d’illusions, de croyances partagées qui donnent du sens à leur action. Cette vue des choses n’a aucune coloration morale. Aucun système d’action collective ne fonctionne de façon totalement cohérente, rationnelle, transparente. En même temps, les acteurs doivent constamment nier cette évidence lorsqu’ils sont responsables de l’ensemble. Parce que les organisations sont des construits sociaux que l’on présente et que l’on justifie, contrairement à la famille ou aux communautés territoriales, comme des moyens d’atteindre certains objectifs : une organisation sans objectifs réalisables ou qui n’arrive manifestement pas à les atteindre perd toute légitimité.

C. L’efficacité, un enjeu parmi d’autres

L’organisation moderne est la forme sociale la plus marquée par la rationalité, comme idéal et comme norme dans notre culture. Cette rationalité s’incarne désormais dans les fondements scientifiques des pratiques techniques, mais aussi de la " gestion des ressources humaines ", du management, de la direction du personnel, de la gestion d’une image, etc. Il est donc normal que toute organisation soit traversée par une tension entre l’idéal affiché de rationalité - objectifs clairs, efficacité, régulation, changement planifié - et la complexité des pratiques et des fonctionnements des acteurs. Ces derniers ne sont pas dépourvus de rationalité, ni de cohérence, mais ils sont mus par des logiques d’action différentes, ils appartiennent à diverses cultures (professionnelles et autres) et ont des ressources et des contraintes inégales. Chacun défend d’abord ses intérêts et réalise ses projets, pour lui ou son département, ce qui est loin de garantir la recherche d’une efficacité optimale de l’ensemble de l’organisation. Les dirigeants de l’organisation le savent. Ils savent aussi qu’ils n’ont pas les moyens de mettre de l’ordre dans ces fonctionnements sans risquer leur tête. Ils s’attachent donc, pour une part, à sauver les apparences.

Alors que le système économique des pays de l’Est a accumulé les échecs, il a fallu trois-quarts de siècle pour que cela soit admis. Il faut parfois qu’une organisation soit au bord du gouffre, de la faillite électorale (le parti communiste dans certains pays occidentaux) ou financière (l’empire Maxwell, la cinquième chaîne française de télévision) pour qu’on dise enfin toute la vérité. Une organisation, ou plutôt ses dirigeants et une partie de ses membres, ont un intérêt majeur à faire croire que l’organisation atteint ses buts déclarés et utilise de façon rigoureuse et rationnelle ses ressources, en particulier si elles proviennent des impôts ou du capital des actionnaires. Une organisation ne s’instrumente pas nécessairement pour savoir si elle atteint vraiment ses objectifs ; elle s’arme toujours pour prouver à d’éventuels détracteurs qu’elle est efficace !

Pendant longtemps, la sociologie des organisations s’est enfermée dans une opposition entre structure formelle et structure informelle : " La première correspondrait à la partie officielle et codifiée de la structure, la seconde renvoie au foisonnement des pratiques, interactions et relations non prévues officiellement, voire clandestines et occultes, et qui forment ce qu’on doit bien appeler une seconde réalité parallèle, en opposition à la première. Et il appartient au sociologue, lorsqu’il veut comprendre une organisation, de percer la façade ou la fiction de la première pour saisir la seconde dans toute sa richesse et sa complexité " (Friedberg, ibid, p. 533).

L’opposition entre structure formelle et informelle a historiquement marqué un immense pas en avant, puisqu’elle a fondé une rupture avec le discours des acteurs, et notamment des dirigeants, portés à nier le moindre écart entre la structure formelle et la réalité des fonctionnements. Aujourd’hui cependant, avec Friedberg, j’insisterai sur " le caractère trop simpliste et finalement intenable d’une telle dichotomie, qui traite de manière indépendante ce qui est en réalité inséparable et inextricable " (ibid, p. 533). Il me semble plus fécond de ne pas opposer deux structures de natures différentes, mais de considérer d’une part la structure d’un système d’action organisée, autrement dit l’ensemble des régularités observables dans les pratiques, les interactions et leurs effets, d’autre part l’ensemble de représentations qui prétendent prescrire ou décrire les buts et les fonctionnements de l’organisation. La question de savoir dans quelle mesure cette prétention est fondée et quelles sont les raisons d’un éventuel écart doit être à chaque fois posée et résolue empiriquement. En sachant que ces représentations (que la sociologie classique des organisations identifie à une " structure formelle ") n’est qu’un instrument au service d’une partie des acteurs pour " mettre en forme " le système d’action collective. Friedberg rappelle que cela ne les place pas " au-dessus de la mêlée " :

" En effet, la structure formelle n’est pas indépendante du champ de forces qu’elle construit, elle ne dispose d’aucune rationalité supérieure aux conduites et pratiques qu’elle cherche à canaliser et à réguler. Elle en est au contraire partie prenante intégrale, et elle ne trouve force et prégnance que parce que, et dans la mesure où, elle est reprise et intégrée dans ces conduites et pratiques qui l’utilisent autant comme protection que comme ressource dans les transactions et négociations qui les lient. Bref, elle n’est pas la simple expression d’une logique de l’efficacité. En tant qu’instrument de gouvernement et de régulation de l’organisation, elle est le produit d’une négociation entre ses membres, elle est l’expression cristallisée et codifiée d’un rapport de force et d’un compromis entre les participants qu’elle a en même temps pour fonction de figer. Ses caractéristiques sont donc profondément liées aux pratiques des participants (des dirigeants aux exécutants), pratiques qui renvoient elles-mêmes aux aptitudes organisationnelles de ceux-ci, c’est-à-dire à leurs capacités cognitives et relationnelles à jouer le jeu organisationnel de la coopération et du conflit " (Friedberg, ibid, p. 533-534).

On pourrait être tenté de placer la volonté d’efficacité du côté de la structure formelle, en analysant ses limites comme la conséquence de gaspillages, conflits, routines, résistances au changement et autres déviances relevant de la structure informelle, autrement dit des fonctionnements effectifs. Cette façon de voir témoigne d’une forte idéalisation de la structure formelle, alors qu’elle n’est qu’un tissu de représentations fabriquées par les acteurs dominants, ceux qui détiennent le pouvoir organisateur. Et que leurs stratégies peuvent parfaitement les conduire à maintenir ou à créer des postes, des services, des tâches inutiles et à défendre des politiques - de modernisation technologique, de recrutement du personnel, de recherche scientifique, de conquête de marchés, etc. - qui n’ont pas pour principale logique d’accroître l’efficacité de l’organisation, ni même de la maintenir. Rien n’indique par exemple que les dirigeants qui mettent en place un système informatisé de gestion se préoccupent vraiment de l’efficacité du système. Ils peuvent être animés par d’autres mobiles, par exemple le souci de renforcer leur contrôle en disposant de davantage d’informations centralisées.

Certes, aucun pouvoir organisateur, sous peine de paraître irresponsable, ne peut avouer que les structures qu’il met en place n’ont pas pour seule fonction d’accroître l’efficacité de l’ensemble. Ne sont-ils pas jugés sur leur souci manifeste d’efficacité et sur des indices d’efficacité apparente ? L’observateur ne saurait accepter une partition des collaborateurs d’une organisation qui placerait tous les " responsables " du côté de la rationalité et de l’efficacité, et tous les autres du côté de ceux qui vaquent tranquillement à leurs occupations.

Pour comprendre comment les divers acteurs construisent une représentation de l’efficacité et agissent en conséquence, il faut s’intéresser à leurs raisons et à leurs stratégies, qui varient selon leurs positions dans le système. J’ai dit ailleurs (Perrenoud, 1976, 1983, 1987) les limites du paradigme stratégique développé notamment par Crozier & Friedberg (1977) dans " L’acteur et le système ". On ne peut rendre compte de toutes les pratiques éducatives dans ces termes, les unes infra, d’autres supra stratégiques. Ici, à propos d’efficacité, le paradigme stratégique me semble cependant le plus fécond.

D. Trois types de stratégies

Seul un acteur social suicidaire pourrait se fixer comme ligne de conduite de rechercher constamment à comprendre et à dire comment les choses se passent, à traquer les incohérences dans les finalités, les gaspillages et les incertitudes dans la mise en œuvre et à dénoncer tous les jeux contraires aux objectifs ou à la politique déclarée de l’organisation. D’une certaine façon, tous les membres d’une organisation ont un enjeu commun, qui induit une certaine complicité : faire en sorte que leurs conditions de travail, leurs privilèges et leur pouvoir se conservent, faire ce qu’il faut pour écarter les menaces, rendre l’environnement prévisible et maîtrisable. Comme dans certaines familles, les acteurs sont solidaires au moins sur un point : ne rien laisser transparaître à l’extérieur de la réalité de leur fonctionnement et des raisons éventuelles de douter de l’efficacité de leur action.

Cette complicité a toutefois des limites : les salariés et leurs associations n’ont pas intérêt à prendre pour argent comptant toutes les déclarations de la direction. Par ailleurs, à l’intérieur de la structure du pouvoir, les compétitions et les conflits vont bon train entre les anciens et les modernes, les gens en place et ceux qui aspirent à leur succéder, ou diverses factions qui défendent des politiques opposées ou ont des alliances différentes à l’intérieur ou à l’extérieur de l’organisation. Les organisations alternent donc entre des phases d’autosatisfaction et de soutien du mythe, et des phases plus lucides, plus critiques, lorsqu’une partie des acteurs pensent avoir intérêt à " dévoiler la vérité ".

Même si les stratégies sont diverses, toutes sont régies par la même logique pragmatique : présenter les choses de manière à servir certaines visions du monde et certains intérêts matériels. Lorsqu’un acteur prétend montrer les choses " comme elles sont ", c’est en général parce qu’il y trouve son compte : si Gorbatchov a instauré la Glasnost, à la différence de ses prédécesseurs, c’est dans le cadre d’une stratégie de rupture qui lui donnait un sens. Le souci de " la vérité pour la vérité " n’est un mobile - au mieux - que chez les intellectuels, qui sont précisément, en vertu de la division du travail, en mesure de dire les choses comme elles sont, ou du moins comme ils les voient, sans subordonner leur construction de la réalité à des fins pragmatiques.

Autant d’acteurs, autant de stratégies. Pour mettre un peu d’ordre dans cette diversité, au risque de schématiser, je distinguerai trois types de stratégies, en fonction du degré de centralité et de participation des acteurs au pouvoir organisateur :

  1. La participation à la politique de l’organisation, ou l’investissement dans la construction institutionnelle.
  2. Le jeu avec les règles, ou la recherche de la façon de tirer son épingle du jeu.
  3. " La vie est ailleurs " ou le conformisme de routine.

Chacune offre des raisons différentes, mais aussi convaincantes, de ne pas se battre constamment contre la fiction d’une organisation rationnelle et efficace, voire d’y contribuer.

1. Participer activement au pouvoir organisateur

C’est, paradoxalement, la stratégie qui peut favoriser le plus la transparence, du moins par moments. Lorsqu’on veut conquérir le pouvoir, il peut être opportun de dénoncer plus ou moins ouvertement la gestion des autorités en place. Lorsqu’on fait partie de l’élite dirigeante d’une organisation, il est parfois nécessaire de jeter un pavé dans la mare, de faire un exercice de " réalisme ", pour mieux préparer l’avenir. Diriger une organisation, c’est naviguer à vue entre la défense aveugle et inconditionnelle du système et la critique lucide de ses dysfonctionnements et de ses incohérences. Le pouvoir cherche à construire la réalité, à découper les choses, à identifier les problèmes, les causes et les responsabilités de sorte qu’il puisse " élaguer les branches mortes ", revitaliser ou réorganiser les secteurs les moins efficaces, renouveler une partie du personnel, resserrer le budget ou mettre fin à certains gaspillages sans pour autant mettre en danger l’organisation elle-même, et sans mettre gravement en cause la politique et les qualifications de ses dirigeants au plus haut niveau : tout l’art est de ne faire partie ni du problème, ni de la solution ! À ceux qui se risquent à formuler un constat de faillite globale advient ce qui est arrivé aux dirigeants des pays de l’Est depuis quelques années : on leur sait gré de leur " parler vrai ", mais pas au point de les maintenir au pouvoir… À l’inverse, dans une situation où l’environnement se transforme rapidement, les dirigeants qui ne veillent pas à adapter de façon constante les structures et les méthodes de leur organisation risquent bien de courir à leur perte. C’est évident dans les entreprises, mais même dans les administrations, les partis, les syndicats, les organisations hospitalières ou caritatives, on ne peut indéfiniment se payer de mots, prétendre qu’on atteint les objectifs, faire croire qu’on dispose de méthodes infaillibles.

Ceux qui s’engagent dans la construction de l’institution et de ses politiques sont donc à la fois enclins à une certaine lucidité et portés à une prudence extrême quant à ce qu’il faut dire publiquement. Certains dirigeants des organisations en savent beaucoup plus et sont plus clairvoyants que ne le laissent supposer leurs propos lénifiants. Tout se passe comme si la vérité de la crise, de l’échec, des difficultés devait rester à l’intérieur du cercle fermé de ceux qui en feront bon usage et ne s’en serviront pas contre l’organisation.

2. Tirer son épingle du jeu

Les travailleurs qualifiés de rang moyen, qui n’occupent pas de positions centrales dans la hiérarchie, se contentent généralement de " jouer leurs cartes " pour maintenir et améliorer leur situation dans le système. La plus sûre façon de ne prendre aucun risque est alors de ne jamais exprimer le moindre doute quant au discours officiel de l’organisation, sauf à titre privé. Ceux qui savent se servir des rouages de l’institution pour faire progresser leur carrière, élargir leur département, donner à leur service ou à leur fonction davantage d’importance sont d’assez bons analystes des fonctionnements, des incohérences, des défauts du système. Mais ils se gardent bien de partager cette connaissance, sauf avec quelques-uns de leurs " complices ". Ils ont donc un rapport cynique et instrumental à l’organisation, toute la connaissance qu’ils ont élaborée au fil des années étant mobilisée pour optimiser leurs chances face aux autres acteurs et pour justifier leur attitude à leurs propres yeux : " Puisqu’on ne peut rien faire, puisqu’ils sont incompétents en haut lieu, puisque l’honnêteté ne paie pas… "

3. La vie est ailleurs

Pour la majorité des membres d’une organisation, en particulier à la base, le plus simple est de ne pas penser, de ne pas critiquer ouvertement, de ne prendre aucune initiative, de ne faire aucune proposition et de feindre d’adhérer au discours officiel, tout simplement pour avoir la paix, conserver son emploi et de bonnes relations avec ses collègues. Ce qui importe alors, c’est d’avoir le moins d’ennuis possibles et d’investir le minimum d’énergie dans le travail, pour en disposer dans d’autres secteurs de l’existence. Dans ce cas, l’acteur n’a aucune raison de réfléchir sur les buts et les stratégies de l’organisation, de s’informer, de se donner une vue d’ensemble. Il se contente d’être un pion sur l’échiquier, sachant que son sort est entre les mains de décideurs sur lesquels il a peu de prise. Cela n’exclut pas une mobilisation massive lorsque des intérêts matériels précis sont touchés, mais une fois l’épreuve de force passée, qu’elle soit gagnée ou perdue, on retombe dans une certaine indifférence.


II. Le changement dans les organisations

Les jeux autour de la rationalité et de l’efficacité, constants dans le fonctionnement de toute organisation, s’intensifient dans les périodes de réformes, que les changements soient proposés spontanément par la fraction éclairée, moderniste de l’organisation ou qu’ils répondent à l’évolution de l’environnement, de la demande, des ressources, du droit, etc. Ni la modernisation endogène ni les réactions de survie face à l’évolution de l’écosystème ne sont des évidences partagées. Il faut les justifier, donc proposer une nouvelle construction de la réalité de l’organisation, de son efficacité, de son fonctionnement, de son environnement, une construction susceptible de légitimer le changement, un changement dont la nécessité ne s’impose jamais d’elle-même. Le changement est rarement automatique dans les organisations, il est en général décidé en fonction des représentations, des analyses, des anticipations des acteurs, dans le cadre de leur fonctionnement ordinaire à l’intérieur de l’organisation.

Qui sont les acteurs du changement, et pourquoi y travaillent-ils ? Ici encore, tout dépend de leur position dans l’organisation. Tous les acteurs n’ont pas les mêmes moyens, les mêmes enjeux, le même mode d’existence. Ils n’ont pas le même rapport au changement, à l’apprentissage de l’organisation. Je m’en tiendrai ici à l’analyse du changement de l’organisation elle-même, prise globalement. Pour l’analyse de la façon dont les individus apprennent, et notamment les enseignants au sein des systèmes éducatifs et des établissements, je renvoie à d’autres textes (Schön, 1983, 1987 ; Gather Thurler, 1992 ; Huberman, 1983, 1990 ; Perrenoud, 1983, 1992).

Lorsqu’on parle de l’organisation comme acteur du changement, on parle évidemment du pouvoir organisateur et plus exactement des acteurs individuels ou collectifs qui l’exercent au nom de l’ensemble. L’organisation est un acteur rêvé, on lui fait tenir un discours, afficher des objectifs, suivre des stratégies. " On ", ce sont des individus ou des petits groupes. Mais on ne saurait analyser leur rapport au changement de la même façon que pour les acteurs de la base, pour lesquels l’organisation est un écosystème.

A. L’organisation comme écosystème

Pour un acteur ordinaire, l’organisation se présente comme un environnement plus structuré, prévisible, intelligible qu’une foule ou qu’un marché. S’il a un peu de bon sens, il prend l’organisation comme une donnée ; ce n’est pas pour lui une variable changeable, il peut au mieux aller travailler ailleurs. Sa logique est de s’accommoder, de faire avec. Il n’ignore pas nécessairement que l’organisation est le produit d’une histoire, de décisions, de raisonnements partiellement arbitraires. Il n’empêche qu’à un moment donné, pour lui, elle est ce qu’elle est, les règles, les espaces, la division du travail sont des structures à l’intérieur desquelles il ne peut qu’espérer tirer son épingle du jeu. Cela n’implique pas un conformisme total : il y a toujours une part de négociation, d’interprétation, de variation. Tout acteur est donc à sa façon " instituant ", il exerce un " petit pouvoir organisateur " dans le cadre de son territoire et de son rôle. Mais ce ne sont que des aménagements de détail, portant sur l’horaire, la méthode, l’accent mis sur tel ou tel objectif. Dans l’enseignement, cette liberté est plus forte que dans d’autres métiers, mais elle n’empêche aucunement la dépendance à l’égard des structures en place : les programmes, les bâtiments, les lois, les manuels, l’organisation du cursus et des classes, les procédures d’évaluation apparaissent comme des faits qu’on ne peut ignorer ni modifier.

Certes, en se constituant en acteurs collectifs, les individus peuvent exercer une influence sur les structures. Mais alors, justement, ils prétendent devenir des acteurs dominants, ceux qui pensent l’organisation, son fonctionnement, ses structures, ses règles, ses politiques et même ses buts déclarés comme des moyens au services de finalités et de stratégies plus globales.

B. L’organisation comme variable changeable

Même les dirigeants les moins contestés d’une organisation ne sont pas entièrement libres. Ils sont périodiquement soumis à l’approbation de leurs mandants, actionnaires, coopérateurs, électeurs. Ils sont contrôlés par l’État - notamment l’appareil administratif, judiciaire, fiscal - et par d’autres organisations, notamment celles qui modulent l’accès aux ressources financières, aux savoirs et aux technologies, aux marchés ou aux usagers, aux diverses variétés de réputation et de légitimité. Les pouvoirs organisateurs sont soumis au regard des media et de l’opinion publique. Enfin, ils ne peuvent se couper du soutien et de l’adhésion d’une partie de leurs cadres et de leur personnel. On retrouve donc des contraintes et des stratégies d’acteurs pris dans un écosystème et confrontés aux stratégies et à l’existence même d’autres organisations. Mais l’écosystème est alors le système social régional ou national, et on a affaire à des stratégies en regard desquelles l’organisation elle-même devient une ressource, un moyen, une variable changeable, non seulement dans son aménagement de détail, mais dans ses structures fondamentales. On peut la développer, l’amputer de certains secteurs, la fractionner ou la fusionner avec d’autres, la restructurer, la décentraliser, la moderniser. À ce niveau, l’organisation est pensée comme une réalité modelable. L’exemple le plus spectaculaire est certainement la fabrication et le démantèlement rapide de sociétés bancaires ou financières au service de stratégies spéculatives, voire du blanchiment de l’argent sale ou d’autres fins illégales. À l’autre extrême, l’école apparaît une organisation peu manipulable, enserrée dans un corset de lois, d’habitudes, d’évidences, d’acteurs capables de maintenir le statu quo à la faveur d’alliances locales, de procédures, d’appels à l’opinion, etc. Comme partie de l’État ou simplement comme organisation appartenant à une collectivité, l’école n’est certainement pas assimilable à une société anonyme dans un paradis fiscal. Il reste que le pouvoir organisateur est justement, au moins virtuellement, un pouvoir sur l’organisation, sa structure, sa vocation, son intégration à des ensembles plus vastes, son degré de décentralisation, etc.

Les changements majeurs de l’organisation ne se jouent pas à ce niveau seulement. Surtout à l’école, compte tenu de l’autonomie relative des enseignants. Toutes les études des processus d’innovation montrent que les réformes adoptées sur le papier ne passent dans les pratiques que si les acteurs du terrain (établissement, administrateurs, enseignants, élèves) ont intérêt à y adhérer et à en respecter l’esprit, sans quoi les intentions des réformateurs sont rapidement appauvries ou dénaturées. Il reste qu’un certain nombre de changements exigent du pouvoir organisateur l’affirmation d’une politique claire. Or les enjeux sont multiples et complexes. Ni le changement, ni le statu quo n’importent, en tant que tels, aux dirigeants. Une fois leur situation personnelle garantie, au moins pour un temps, ils s’orientent en fonction de ce qu’ils définissent comme les intérêts de l’organisation. Il arrive que certains dirigeants " s’en mettent plein les poches " ou détournent le pouvoir de l’organisation à leur profit. C’est rarement leur principale logique. Pour une part, ils s’identifient vraiment à l’ensemble, en partie par passion de la croissance, du pouvoir, de la conquête, du progrès, du bien commun ; et en partie parce que leurs intérêts bien compris passent par la survie et le développement de l’organisation. Tout ce qui est bon pour la General Motors est bon pour son PDG, en principe…

Reste à savoir comment les dirigeants d’une organisation - au sens large - se représentent ses intérêts. Il ne suffit pas de s’identifier au système, ni d’en avoir une vue d’ensemble, pour avoir des idées claires et des stratégies efficaces de changement. Schématiquement, on peut distinguer deux types de résistances au changement du côté du pouvoir organisateur :

Examinons-les séparément. Les unes et les autres rappellent que l’efficacité n’est pas le seul enjeu. Mais tous les autres enjeux ne sont pas du même ordre.

C. Préférer l’équilibre ou la légitimité à l’efficacité

Toute organisation se présente comme un moyen, qui devrait disparaître ou se transformer si les buts recherchés sont atteints ou n’ont plus de raison d’être. Mais on sait bien qu’une organisation peut devenir une fin en soi, tout simplement parce qu’elle crée des emplois et assure à ses membres, notamment les plus influents, un revenu, un pouvoir, une place dans la société, une identité et contribue parfois à donner un sens à leur vie. Les dirigeants des organisations peuvent être les premiers prisonniers de cette logique. Même s’ils ne le sont pas, ils doivent tenir compte des attentes des salariés, voire des usagers.

Dans un monde en transformation, dominé par la compétition, maintenir une organisation, c’est souvent croître et multiplier. Il ne suffit plus de stabiliser les ressources et les fonctionnements pour survivre. Les autres organisations prennent des initiatives, créent des marchés, font des alliances, l’État définit de nouveaux standards, amende la législation, les usagers expriment de nouveaux besoins, etc. Dans une logique instrumentale rationnelle, la problématique du changement serait très simple : conserver ce qui marche, changer ce qui ne marche pas ou pourrait marcher mieux. C’est la devise de certains entrepreneurs. En réalité, atteindre les objectifs, on l’a vu, n’est pas le seul enjeu.

Pourquoi des dirigeants éclairés renonceraient-ils, en connaissance de cause, à un surcroît d’efficacité ? Pour diverses raisons, par exemple :

  1. Pour conserver l’unité de l’organisation : pacifier importe plus que d’ouvrir de nouveaux fronts, affermir l’identité, le sentiment d’appartenance vaut mieux, dans certaines phases, que d’opposer les anciens et les modernes, ceux qui ont tout à perdre ou tout à gagner du changement ; préserver une culture commune, parfois fragile, que le changement risquerait de faire éclater, ce peut être un choix à la fois conservateur et raisonnable.
  2. Il peut être plus rentable d’investir dans l’image, la réputation, la légitimité sociale plutôt que dans l’innovation. Dans une société médiatique, qui a la mémoire courte, les changements en profondeur sont souvent trop longs pour satisfaire l’opinion. Mieux vaut alors travailler à modifier les représentations, en jouant sur la publicité, les relations publiques, les appuis politiques.
  3. S’assurer des alliances, des marchés, des débouchés peut être plus adéquat que de transformer les pratiques à l’intérieur de l’organisation. Notamment parce que les systèmes d’action collective moins formalisés offrent de moindre résistances et qu’il est plus facile parfois de maîtriser l’environnement que d’introduire des changements internes.
  4. Constituer des réserves en vue d’un changement ultérieur, attendre son heure peut être une bonne politique. Il se peut fort bien que la réussite d’une restructuration soit fonction de sa coïncidence avec un changement technologique ou démographique, un climat politique favorable, un renouvellement d’une partie du personnel.
  5.  

D. Gérer à courte vue

Il arrive aussi que les dirigeants des organisations ne soient pas à la hauteur, et qu’il s’opposent au changement pour des raisons moins avouables, qui tiennent à leurs limites ou stratégies personnelles davantage qu’au souci de l’ensemble. Certains :

  1. s’identifient, pour des raisons narcissiques, à un certain état de l’organisation, qu’ils ont créé ou aménagé ;
  2. s’enferment dans leur univers familier et ne voient pas que le monde change ;
  3. sont entourés de courtisans qui font écran et masquent les vrais problèmes ;
  4. ne font que passer, en marche vers d’autres postes, et ne veulent pas prendre de risques pour leur carrière ;
  5. protègent leurs proches, leurs manies, leur confort, leurs avantages ;
  6. veulent sauver la face, ne pas donner à autrui l’occasion d’un examen de leur gestion à la faveur d’un changement qui agirait comme révélateur ;
  7. sont dépassés par la complexité, ils ont atteint leur niveau d’incompétence.

Pour corser le tableau, ajoutons qu’une partie des changements ne répondent à aucun souci d’efficacité, mais servent des intérêts d’un autre ordre, par exemple dans le cadre d’un marchandage (Huberman, 1982) ou pour sauvegarder un équilibre (Nouvelot, 1988), un pouvoir ou des privilèges.


III. Pas de changement sans apprentissage

On vient de le voir, même s’il paraît s’imposer " logiquement " en fonction de transformations des besoins des usagers, des savoirs, des technologies ou encore de l’environnement de l’organisation, le changement n’est pas automatique :

La dépendance à l’égard du bon vouloir des membres de l’organisation et des sous-systèmes est d’autant plus forte que le changement implique leur adhésion active et volontaire.

 A. À l’école, la part des acteurs est déterminante

Dans certaines organisations, on peut mettre le personnel ou les usagers devant le fait accompli : des opérations financières, immobilières, technologiques irréversibles créent des situations nouvelles devant lesquelles il n’y a pas d’autre choix que s’adapter ou s’en aller. Dans les systèmes scolaires, rien de tel. Même si on met des ordinateurs dans toutes les classes, rien ne garantit, à la différence d’autres organisations, qu’on s’en servira intelligemment, ni même qu’on les utilisera le moins du monde… Même lorsqu’un pouvoir organisateur peut, de façon unilatérale, redéfinir la " structure formelle ", il n’est pas maître de l’interprétation et de l’usage que les acteurs feront, sur le terrain, des ressources et des règles nouvelles. Ce fonctionnement autoritaire devient d’ailleurs de plus en plus rare : dans les organisations modernes, la consultation et la négociation prennent le pas sur les décisions solitaires.

Dans une organisation qui prend en charge des personnes, la part des acteurs est encore plus déterminante. Les infrastructures, les technologies et les règles ne peuvent gouverner complètement les pratiques, parce que la nature du travail exige qu’une partie des décisions soient prises sur le vif et dans le terrain, par des professionnels suffisamment qualifiés et autonomes pour faire face à la situation. L’une des caractéristiques des organisations de traitement de gens, c’est que les professionnels sont aux prises non pas avec une matière inerte, mais avec des usagers, des malades, des prisonniers ou des élèves. Ces individus ne sont pas des membres ordinaires de l’organisation. Parfois, ils y sont impliqués contre leur gré, par exemple dans les cas d’emprisonnement, d’internement psychiatrique et de scolarisation obligatoire. La plupart du temps, ils, s’y trouvent pour une période limitée, sans statut professionnel ni revenu. Leur pouvoir est en général faible, parce qu’ils sont là pour être soignés, resocialisés ou éduqués. Ils sont livrés à la compétence de professionnels qui travaillent " pour leur bien ", sans nécessairement les consulter ou tenir compte de leurs préférences. Détenus, patients ou élèves occupent donc la position basse dans les rapports de pouvoir et, même s’ils sont le plus grand nombre, ils n’existent, en quelque sorte, qu’à la périphérie de l’organisation. Cela ne signifie pas qu’ils n’ont aucun pouvoir. Ils ont au moins celui de contester, de pervertir, de saboter ou de compliquer l’action éducative, thérapeutique ou toute autre forme de prise en charge. À l’école, les enseignants doivent constamment composer avec leurs élèves et leurs parents. Cette négociation n’est possible que s’ils n’ont pas les mains complètement liées.

À quoi s’ajoutent la diversité des situations locales, l’infinie variation des cas de figures et des problèmes, du moins dans leur détail, la complexité et l’ambiguïté des critères de rationalité, l’absence de consensus à l’intérieur même du monde des professionnels, la légitimité limitée de la hiérarchie scolaire dans le domaine proprement pédagogique. Pour toutes ces raisons les organisations scolaires ne sauraient fonctionner en prescrivant dans le détail l’action quotidienne des enseignants. C’est pourquoi on ne peut changer l’école en changeant la lettre du règlement, Il faut que l’esprit se transforme aussi, donc que les acteurs s’approprient les réformes, en comprennent la nécessité, y voient leur intérêt (cf. par exemple Felder, 1987, 1988 ; Favre, 1988 ; Perrenoud, 1992, 1993 a). À l’école, le changement décidé au centre, par le pouvoir organisateur, peut être bloqué ou dénaturé si les stratégies de changement sont purement bureaucratiques, ne laissent aucun espace de négociation et d’appropriation aux acteurs. Remodeler des filières, des diplômes, des programmes, des normes de sélection, c’est de moins en moins possible de façon unilatérale. Et cela ne garantit aucune résultat. Certes, quelques décisions isolées, par exemple l’introduction de la mixité, ou quelques aménagements bureaucratiques, par exemple un remaniement de la carte scolaire, peuvent avoir des conséquences considérables sans que les acteurs adhèrent au changement, simplement parce qu’ils doivent, de gré ou de force, s’adapter à des situations nouvelles et peu réversibles. Mais la plupart des changements significatifs sont des changements dans les comportements et les interactions, et notamment les interactions entre maîtres et élèves. C’est pourquoi, dans l’école, le changement de l’organisation passe la plupart du temps par l’émergence de nouveaux schèmes d’interaction et de fonctionnement, ce qui implique non seulement un apprentissage pour chacun - nouvelles attitudes, nouvelles qualifications, nouvelles façons de penser, de décider et de faire - mais aussi une coordination des apprentissages individuels, sans laquelle le système ne saurait fonctionner.

Si l’on se détache des conceptions biologiques de l’apprentissage, on peut le concevoir comme la transformation progressive des schèmes de fonctionnement et d’action d’un système vivant, sous l’empire de l’expérience, mais aussi de la réorganisation conceptuelle, de la réflexion, de l’assimilation et du traitement d’informations nouvelles (Gather Thurler & Perrenoud, 1991). Dans ce sens, on peut soutenir que les organisations apprennent. Bien sûr, leurs schèmes de fonctionnement renvoient toujours à l’orchestration de conduites donc d’habitus individuels. L’organisation apprend parce que certains des acteurs qui la composent apprennent, ou sont remplacés par d’autres qui ont d’autres qualifications, d’autres façons de penser et de faire. Mais il ne suffit pas que les acteurs apprennent, pris individuellement, pour que l’organisation apprenne. Il faut que les fonctionnements de l’organisation soient eux-mêmes transformés de façon coordonnée.

N’exagérons pas cependant l’exigence d’orchestration : aucune organisation humaine n’est réglée comme une horloge, c’est à la fois sa faiblesse et sa force. Sa faiblesse, parce que cela recouvre une part importante d’aléas, de dysfonctionnements, d’incertitudes. Sa force, parce que l’organisation continue à fonctionner malgré un nombre considérable de désordres et d’incohérences. Il serait donc excessif de se représenter la transformation coordonnée des habitus comme l’exact ajustement d’une série d’engrenages dont le moindre pourrait gripper la machine s’il n’était parfaitement calibré. Le changement peut aller de l’avant malgré certaines résistances, certaines incompétences, certaines déviances, certains malentendus sur son sens ou ses modalités. Les êtres humains ont aussi les moyens de supporter des périodes de crise et de flottement dont ils sortent en négociant un nouvel ordre provisoire. Cependant, en deçà d’un certain seuil, c’est le changement lui-même ou du moins son sens, qui sont compromis. Gérer le changement dans une organisation ne conduit donc pas nécessairement à mettre au pas, de façon obsessionnelle, chacun des acteurs, chacun des sous-systèmes, mais à faire en sorte qu’une majorité d’entre eux jouent le jeu tant bien que mal. Or ce minimum n’est pas toujours atteignable.

B. L’école apprend si…

Comme tout système vivant, l’école apprend au gré de l’expérience. Mais l’expérience humaine n’est jamais pure immédiateté, elle est toujours construction du sens, réflexion, mise en ordre et en perspective, en fonction soit d’une réflexion solitaire soit d’une interaction avec des proches. Lorsqu’on s’intéresse à un acteur collectif, à l’organisation comme système, l’expérience devient une réalité plus complexe, multiforme, faite d’une multitude d’expériences individuelles mais aussi d’une expérience collective à l’échelle des sous-systèmes et du système. À ce niveau, l’expérience fait plus encore l’objet d’un discours interprétatif, d’une analyse, d’une représentation négociée entre les membres de l’organisation.

Lorsqu’un système éducatif se lance dans une réforme de curriculum, par exemple l’introduction de la mathématique moderne ou d’un enseignement des langues fondé sur la communication, l’expérience du changement est constamment " théorisée " par les acteurs, a priori, sur le vif et a posteriori, fût-ce de façon sauvage, naïve ou orientée. Mais nul n’apprend de l’expérience s’il met toute son énergie à sauver la face, à masquer les échecs, à sauvegarder des mythologies ou des intérêts acquis. L’expérience n’est source d’apprentissage que si l’organisation ou l’individu font preuve d’une certaine lucidité.

Valeur de la diversité, droit à l’erreur, épistémologie réaliste et critique, souci de la méthode, objectivation des pratiques, ouverture vers l’extérieur : telles sont les conditions auxquelles l’école peut apprendre (Gather Thurler & Perrenoud, 1991). Reste à savoir comment on convainc les organisations et leurs membres d’aller dans ce sens. Toute l’analyse présentée ici suggère que cela ne va pas de soi, que les acteurs individuels et collectifs ont de bonnes raisons de résister à de tels modèles, quand bien même ces derniers semblent incarner une forme de rationalité. Car, on l’a vu, le souci de l’efficacité n’est pas l’unique logique à l’œuvre dans les organisations. Reconnaître la valeur de la diversité, c’est sans doute " s’enrichir des différences ", c’est aussi créer du désordre, compliquer la gestion et parfois poser d’insolubles problèmes de justice.

Si le droit à l’erreur est une condition de tout apprentissage complexe, sa mise en œuvre est aussi, dans un environnement hostile, un acte parfois suicidaire. Dans certains procès, il vaut mieux plaider non coupable, même contre l’évidence, parce que l’humilité se retournera toujours contre celui qui reconnaît ses torts ou ses limites. L’école est parfois dans cette situation face à ceux des employeurs ou des parents qui ne lésinent pas sur la mauvaise foi.

Une épistémologie réaliste et critique n’est tenable qu’au prix d’un acte de foi en l’honnêteté des gens, tant des partenaires externes de l’organisation que de ses membres. L’analyse des conflits syndicaux à l’intérieur de l’école et des débats publics sur l’éducation montre qu’il est extrêmement difficile de mettre constamment carte sur table. Reconnaître qu’on ne sait pas enseigner l’orthographe peut favoriser une exploitation éhontée d’un tel aveu. À l’échelle du système scolaire dans son ensemble, il en va de même.

Le souci de la méthode entre en conflit avec d’autres logiques de l’organisation. Avoir la mémoire courte peut aider à redonner une impulsion, à recréer l’unité après des conflits, à restaurer la confiance. Le rappel des erreurs du passé n’est pas toujours supportable. De même, prendre le temps de réfléchir, d’analyser, de rectifier le tir n’est possible que dans certaines conditions de sérénité. Certains changement éducatifs ne sont possibles qu’à la faveur d’un concours de circonstances, d’une alliance éphémère entre des forces sociales d’ordinaire antagonistes. Dans la vie des organisations et des sociétés, bien réfléchir, c’est parfois ne pas agir du tout.

L’objectivation des fonctionnements et de leurs effets, on l’a vu, s’oppose constamment à l’envie de maintenir la fiction d’une organisation efficace, cohérente, qui sait où elle va et utilise à bon escient toutes ses qualifications et tous ses moyens matériels. Seules les organisations très solides peuvent se payer le luxe de la lucidité maximale et se prêter aux regards d’observateurs sans complaisance. On le voit bien lorsqu’il s’agit d’inviter des experts extérieurs à dresser le bilan d’une politique de l’éducation ou du fonctionnement d’une organisation scolaire. Un certain nombre de systèmes ne se prêtent tout simplement pas à un tel jeu, d’autres prennent tant de précautions, exigent tant de garanties que l’exercice devient purement diplomatique.

L’ouverture vers l’extérieur relève semble-t-il du bon sens, si l’on reste dans l’abstrait. Mais certains acteurs de l’organisation peuvent avoir beaucoup à perdre en acceptant d’être confronté à d’autres pratiques et d’autres modes de résolution des problèmes. La légitimité d’un certain nombre de pratiques ne passe-t-elle pas, au sein d’une organisation, par l’affirmation qu’il est " impossible de faire autrement ". Tout élargissement du regard à d’autres systèmes, d’autres pays risque fort de montrer que cette évidence n’est pas fondée, qu’on peut construire les bâtiments scolaires selon d’autres normes, formuler les programmes selon une autre logique, évaluer différemment, former les maîtres d’une autre manière, faire un autre usage des technologies, etc. Tous ceux qui ne sont pas prêts à la confrontation avec des alternatives défendables ont tout intérêt à maintenir la fermeture.

Ces propos ne sont évidemment pas très optimistes. Mais le rôle de la sociologie n’est pas de dire des choses agréables. Si l’école ne change pas ou ne change pas très vite, c’est en partie parce que les stratégies des innovateurs sont parfois un peu courtes, maladroites, autoritaires. Beaucoup de réformateurs manquent encore d’imagination, ne se mettent pas à la place des autres, adoptent un modèle technique tout à fait inadéquat dans les affaires humaines et butent sur des obstacles qu’ils n’ont même pas anticipés, faute d’un modèle d’analyse pertinent des organisations. Mais il faut aussi envisager le pire : les stratégies de changement les plus subtiles ne peuvent que moduler les rapports de force, elles ne les inversent pas. Dans un système globalement conservateur, le génie des innovateurs ne suffira pas à changer la face des choses. Peut-être est-ce le premier talent d’un innovateur efficace : faire la différence entre les systèmes où la cause du changement est perdue d’avance et ceux qui ne semblent pas totalement imperméables aux idées nouvelles.


IV. Les vertiges du constructivisme

Nous sommes prêts à admettre que les organisations n’atteignent pas tous leurs objectifs déclarés et ne sont pas toujours aussi efficaces qu’elles le prétendent. Il est moins facile d’accepter que l’organisation elle-même, ses finalités, ses structures, ses critères d’efficacité, la nécessité et les effets du changement sont des constructions dans la tête de multiples acteurs, qui n’ont guère de raisons de se mettre d’accord sur la définition de la réalité, en raison à la fois de leurs différences de position, de culture, de point de vue et de leurs divergences d’intérêts.

Lorsqu’on adopte une démarche constructiviste, qui restitue aux acteurs l’essentiel des définitions et des concepts, on peut avoir l’impression d’avancer sur des sables mouvants. Plus aucun concept ne renvoie à des observables univoques, on se trouve en présence d’une diversité irréductible. On peut comprendre la tentation des sciences de l’éducation d’en revenir régulièrement à des définitions stables des finalités et des critères, pour analyser l’efficacité objective des curricula et des pratiques pédagogiques. Mais c’est une politique de l’autruche : on retrouvera la diversité des représentations dès lors qu’il s’agira de faire connaître et accepter les résultats de la recherche…


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