Source et copyright à la fin du texte
In F. Clerc & P.-A. Dupuis (dir.) Rôle et place de la pratique dans la formation initiale et continue des enseignants, Nancy, Éditions CRDP de Lorraine, 1994, pp. 19-44.

 

 

 

Du maître de stage au formateur de terrain :
formule creuse ou expression d’une
nouvelle articulation entre théorie et pratique ?

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1994

Sommaire

1. Les approches nouvelles de la formation des enseignants

2. Repenser les parcours et les dispositifs de formation initiale et continue

3. Le rôle de la pratique et des praticiens expérimentés dans la formation initiale

Pour conclure

Références


Il n’est plus très branché d’être " maître de stage ". Les enseignants en exercice qui reçoivent des enseignants en formation initiale dans leur établissement ou leur classe sont maintenant appelés " conseillers pédagogiques ", " formateurs associés " ou encore " formateurs de terrain ". Que penser de ces nouvelles dénominations ? Les balayeurs d’antan sont devenus techniciens de surface : ont-il pour autant changé de condition, de qualifications, de travail ? Notre société s’y entend pour redorer à peu de frais le blason de certains métiers ou certaines fonctions, faute de pouvoir les revaloriser plus concrètement. Je développerai ici une hypothèse très simple : il n’y a aucune raison que la valse des étiquettes modifie les identités et les pratiques si elle ne correspond pas à une conception nouvelle du rôle du terrain dans la formation des maîtres.

Cette conception s’élabore à partir d’intuitions anciennes &emdash; l’école active, le constructivisme &emdash; qui reprennent une vie nouvelle, à la faveur de notions comme articulation théorie-pratique, démarche clinique, case work, mise en synergie de savoirs d’expérience et de savoirs savants, professionnalisation du métier, apprentissage par objectifs-obstacles, orientation vers la résolution de problèmes, travail sur soi, rôle de la prise de conscience dans la construction d’un habitus professionnel, autoévaluation et autorégulation, métacognition, formation de praticiens réfléchis, individualisation des parcours de formation.

Je tenterai :

  1. de dégager quelques traits communs de ces approches ;
  2. d’expliciter leurs incidences sur la façon de penser les parcours de formation initiale ;
  3. d’analyser la redéfinition qu’elles induisent quant au rôle de la pratique et du terrain dans la formation, donc à la formation des formateurs de terrain.

Les deux premières parties reprennent, de façon très synthétique, des réflexions développées dans d’autres textes (Perrenoud, 1988 a & b, 1991, 1992 a, b & c, 1993 a, b, c, d, f, g, 1994 a & b). La troisième partie s’inspire, pour une part, des projets et des pratiques de formation des enseignants primaires à Genève (1993 e).


1. Les approches nouvelles
de la formation des enseignants

On ne saurait penser la formation des enseignants sans penser les pratiques pédagogiques et l’évolution du métier. C’est en principe la référence commune des formateurs, des responsables, des usagers. S’ils ne se réfèrent pas à une image partagée et explicite du métier, de son avenir, des compétences qu’il exige aujourd’hui et exigera demain, ils ne discutent plus que sur des dispositifs de formation, des contraintes institutionnelles, des procédures d’admission, de sélection, de certification, en vertu d’intérêts disciplinaires ou catégoriels plutôt que d’objectifs partagés. Il importe donc de revenir constamment à cette double interrogation : pourquoi la formation ? à quel genre de métier mène-t-elle ? Cela devrait aller de soi, mais la réalité est différente : dans maintes institutions de formation coexistent des images contradictoires, floues ou très implicites du métier. On se fonde encore trop souvent sur l’idée que chacun connaît la réalité du métier d’enseignant pour l’avoir exercé à un moment ou un autre de sa vie. On semble même penser que " tout le monde " sait ce qu’enseigner veut dire. Or, c’est loin d’être si simple.

Une autre formation pour un métier nouveau

La transposition didactique des pratiques professionnelles en objectifs et en cursus de formation est &emdash; ou devrait être &emdash; un travail permanent des institutions de formation, en particulier dans un monde qui change, où les technologies, les besoins, les conditions de travail se transforment. Mais tous les métiers ne sont pas logés à la même enseigne : alors que certains évoluent de façon continue à l’intérieur de la même " logique ", d’autres subissent des mutations. Elles sont plus visibles lorsque les progrès technologiques les imposent : l’informatique a par exemple bouleversé les arts graphiques et bien d’autres métiers. Dans l’enseignement, il est difficile de savoir si on est dans le registre de la modernisation continue ou du changement de paradigme. En proposant un scénario pour un métier nouveau, Meirieu (1990) prend clairement position : il ne s’agit pas simplement d’améliorer sans cesse la formation des enseignants, il est temps de la repenser en fonction d’une image nouvelle des processus d’apprentissage et des interactions didactiques, et aussi dans doute en fonction du développement des sciences de l’éducation et de l’évolution des formations tertiaires, de leur " universitarisation ".

Les raisons qui plaident pour un métier nouveau sont connues, je ne rappelle donc que quelques thèmes. On en appelle aujourd’hui à :

L’enjeu global est double : la crise et le déficit des finances publiques poussent la société à demander au système éducatif de faire aussi bien avec moins de ressources ; dans le même temps, on attend des rendements non seulement stables, mais qui vont en s’améliorant, en termes de taux de scolarisation et de nombre de diplômes, mais aussi de niveau réel de compétence des générations nouvelles. L’insistance sur des écoles plus efficaces, la " pression à la productivité " qui s’exercent sur le système éducatif et le corps enseignant peuvent conduire à deux scénarios : professionnalisation ou prolétarisation du métier.

La prolétarisation passerait par une dépendance accrue à l’égard de la noosphère (Chevallard, 1985), la sphère des spécialistes (des programmes, de la didactique, de l’évaluation, des technologies éducatives…) qui pensent la pratique des enseignants. On renforcerait alors la conception de l’enseignement comme " livraison de services " (Vonk, 1992). L’enseignant accompagnerait un " produit didactique " conçu en dehors de lui et même de l’établissement. On ne lui reconnaîtrait qu’une compétence professionnelle limitée : il lui suffirait, en quelque sorte, de suivre le mode d’emploi des programmes et des didactiques, en procédant à des ajustements de détail en fonction des conditions locales. Cette voie est tentante, parce qu’elle apparaît moins coûteuse, moins menaçante pour les bureaucraties scolaires, plus conforme aux façons de penser des planificateurs et aux intérêts de la noosphère ; et aussi parce qu’elle va dans le sens des aspirations d’une partie des enseignants (Bourdoncle, 1993 ; Perrenoud, 1993 g).

Pourtant, c’est une voie sans avenir dans un métier de l’humain, du moins si l’on veut vraiment amener la majorité des jeunes à de hauts niveaux de compétence réelle (et non de scolarisation formelle), à la mesure des incertitudes et de la complexité des sociétés modernes. L’échec scolaire résiste aux solutions toutes faites, il exige la prise en compte d’une multitude de facteurs et de dynamiques que seul un enseignant " expert " peut discerner et maîtriser. La seule voie d’avenir, certes plus risquée, plus coûteuse, plus lente, passe par ce qu’on appelle maintenant la professionnalisation du métier d’enseignant.

Professionnalisation : un concept mal compris

Les professions, au sens anglo-saxon du terme, constituent un sous-ensemble restreint des métiers, ceux qui présentent de façon marquée certaines caractéristiques :

  1. l’exercice d’une profession implique une activité intellectuelle qui engage la responsabilité individuelle de celui qui l’exerce ;
  2. c’est une activité savante, et non de nature routinière, mécanique ou répétitive ;
  3. elle est pourtant pratique, puisqu’elle se définit comme l’exercice d’un art plutôt que purement théorique et spéculative ;
  4. sa technique s’apprend au terme d’une longue formation ;
  5. le groupe qui exerce cette activité est régi par une forte organisation et une grande cohésion internes ;
  6. il s’agit d’une activité de nature altruiste au terme de laquelle un service précieux est rendu à la société (Lemosse, 1989, p. 57).

Les professionnels exercent une activité privilégiée puisqu’ils sont mieux formés, mieux payés, plus autonomes, plus prestigieux que les gens qui exercent d’autres métiers. C’est le cas des médecins auxquels on concède un pouvoir considérable car, en contrepartie, on espère obtenir de leur part quelque chose d’essentiel : la santé et la vie. Par comparaison, l’enseignement se présente aujourd’hui comme une semi-profession, un métier qui, à certains égards, ressemble à une profession à part entière, et à d’autres, paraît plus proche d’un métier d’exécution.

Prenons la formation continue. Qui la gère ? Dans une profession à part entière, ce sont les professionnels avec l’aide des institutions, des universités, voire de l’État. Ils sont maîtres de la formation continue. Dans l’Education nationale, la formation continue est gérée par l’employeur et non par le corps enseignant. Second exemple : les enseignants ne sont pas organisés pour définir une éthique professionnelle ; c’est l’employeur qui définit éventuellement un code de bonne conduite. Troisième exemple : dans la réussite ou l’échec de l’action pédagogique, la responsabilité personnelle de l’enseignant n’est pas très forte. Sauf en cas d’atteinte aux mœurs ou de faute professionnelle très grave et patente, l’enseignant est juridiquement inattaquable. À un parent qui lui demande des comptes parce qu’au bout de deux ou trois ans de scolarité obligatoire son enfant ne sait pas lire, l’enseignant offre toujours des explications qui le mettent personnellement hors de cause : manque de prérequis, de motivation, de soutien, d’aptitudes du côté de l’élève ; manque de moyens, de temps, de cohérence, de formation du côté du système éducatif. Même à l’égard de l’administration scolaire, un enseignant ne rend compte de son efficacité pédagogique que lorsqu’elle descend au-dessous d’un seuil critique. Peut-être est-ce une situation confortable et qui protège de certains arbitraires, mais elle n’est pas la marque du professionnel qui affronte le risque d’être mis en cause personnellement.

Dans un métier faiblement professionnalisé, la hiérarchie et les spécialistes disent à chacun ce qu’il doit faire. S’il respecte des directives, il n’est pas responsable des résultats. À un véritable professionnel, à l’autre extrême, nul ne dit &emdash; et souvent ne saurait dire &emdash; ce qu’il faut faire. Confronté à des problèmes dont il ne connaît pas d’avance la solution, le professionnel est censé les poser et les résoudre en respectant un corps de connaissances, une certaine rationalité dans le choix de ses démarches et une éthique. Il a en principe les moyens d’évaluer la situation et de construire une réponse adaptée, sans réinventer la poudre, mais sans être tenu de choisir la solution dans un répertoire constitué par d’autres. Même s’il est salarié dans une organisation, on ne contrôle pas en détail ses pratiques, sauf d’un point de vue budgétaire ou gestionnaire. En contrepartie, il doit rendre des comptes sur l’atteinte des objectifs. Il n’a pas, comme on le dit parfois, l’obligation de réussir. Mais en cas de litige, il doit pouvoir montrer qu’il a fait de son mieux et qu’aucun de ses collègues, placé devant la même situation, avec les mêmes urgences, les mêmes données, les mêmes moyens, n’aurait fait beaucoup mieux. La faute professionnelle est alors plus difficile à cerner : elle n’est pas infraction à une règle absolue, mais plutôt manque d’intelligence, d’audace ou de prudence, de feeling, de rigueur, de sensibilité, bref, de compétence.

La professionnalisation a certains corollaires : contrôle et supervision par les pairs, capacité collective d’auto-organisation de la formation continue, davantage d’autonomie, mais aussi de responsabilités et de risques assumés personnellement, donc une éthique, capacité de négocier une division du travail souple avec d’autres professionnels, responsabilité de la mise à jour constante de ses savoirs et compétences, développement d’une identité professionnelle claire (Perrenoud, 1993 d). La professionnalisation, n’est pas seulement une évolution des enseignants, c’est aussi une évolution du système des cultures professionnelles et des cultures d’établissements, des fonctions d’encadrement et des rapports entre les établissements et le centre du système éducatif.


2. Repenser les parcours et les dispositifs
de formation initiale et continue

Comment la formation doit-elle prendre en compte cette situation nouvelle ? À elle seule, la formation initiale ne peut conduire à une professionnalisation du métier, qui est une transformation de longue haleine. Le corps des professeurs se renouvelle lentement et les modifications actuelles de la formation initiale ne se répercuteront que dans vingt ou trente ans à l’échelle du système dans son ensemble. Il faut également faire la part d’une forte déperdition de compétence : même s’ils sont formés de façon novatrice et solide, les enseignants débutants sont soumis à la pression de leurs collègues, de leurs élèves et de leurs parents, de la direction de leur établissement. On ne saurait leur demander de renouveler à eux seuls un monde scolaire qui fonctionne selon d’autres modèles de pensée et d’action.

La formation de compétences

Sans attendre de miracles, on peut cependant songer à orienter fortement la formation initiale dans le sens d’une plus forte professionnalisation du métier d’enseignant et donc dans le sens d’une appropriation de compétences de haut niveau, celles qui sont requises pour identifier les obstacles à surmonter ou les problèmes à résoudre, envisager diverses stratégies réalistes, choisir la moins mauvaise en pesant les chances et les risques, la planifier et la mettre en œuvre la stratégie, au besoin en mobilisant d’autres acteurs, piloter cette mise en œuvre au gré des événements, en affinant ou modulant la stratégie prévue, réévaluer régulièrement la situation et au besoin changer radicalement de stratégie, respecter tout au long du processus certaines règles de droit ou d’éthique parfois contradictoires, maîtriser ses émotions, ses humeurs, ses valeurs, ses sympathies ou ses inimitiés chaque fois qu’elles interfèrent avec l’efficacité ou l’éthique, coopérer avec d’autres professionnels lorsque c’est nécessaire, efficace ou équitable, tirer des enseignements de l’expérience, documenter les opérations et les décisions (Perrenoud, 1994 a).

Dans un métier impossible, un métier de l’humain (Cifali, 1986 ; 1994), l’inscription de l’échec dans la pratique la plus ordinaire implique en outre des savoir-faire spécifiques : analyser les incertitudes et les contradictions ; gérer les blocages, les déceptions, les conflits ; anticiper les stratégies d’autrui et leurs conséquences ; négocier des compromis, pondérer des avantages et des inconvénients, mais surtout des objectifs difficiles à concilier.

Tout cela exige des modes d’appréhension de la complexité, des outils d’analyse et de décentration, des fonctionnements différenciés et évolutifs. Ce qui conduit assez logiquement à privilégier des compétences flexibles, polyvalentes, ouvertes. La formation passe donc non seulement par l’appropriation de savoirs, mais par la construction d’un habitus professionnel, " petit lot de schèmes permettant d’engendrer une infinité de pratiques adaptées à des situations toujours renouvelées, sans jamais se constituer en principes explicites " (Bourdieu, 1972, p. 209). Il ne suffit pas de doter le praticien de " connaissances procédurales ", en laissant à son intuition le soin de régler leur mise en œuvre en situation. Former l’habitus, c’est précisément former l’intuition et, plus globalement, tous les schèmes qui permettent, dans l’urgence, devant la complexité et l’incertitude, de prendre " la moins mauvaise décision ", sans avoir le temps de peser le pour et le contre, ni la possibilité de mettre les événements à distance, pour maîtriser son implication, envisager calmement des alternatives, faire appel à des ressources externes.

Dix orientations pour la formation initiale

Pour aller dans ce sens, on peut mobiliser quelques notions qui, sans être à l’origine coordonnées, présentent une inspiration suffisamment cohérente pour se compléter. Je ne puis ici proposer une synthèse des courants théoriques et des expériences qui aident à penser ou repenser les parcours de formation initiale des enseignants. Je me limiterai à quelques pistes : 1. penser la transposition didactique à partir de pratiques complexes ; 2. articuler théorie et pratique tout au long de la formation ; 3. pratiquer une démarche clinique et le case work ; 4. favoriser le compagnonnage ; 5. former à et par une pratique réfléchie ; 6. reconnaître et développer les savoirs d’expérience ; 7. travailler sur des situations-problèmes et des objectifs-obstacles ; 8. transformer et former l’habitus ; 9. prévoir des parcours individualisés ; 10. maîtriser le curriculum caché. Sur chacune, il conviendrait de s’arrêter longuement. Je ne puis proposer ici qu’un bref survol.

Penser la transposition didactique à partir de pratiques complexes

Même en formation professionnelle, dans la construction d’un curriculum, il se peut que la logique de la gestion de plans d’études, des découpages disciplinaires, des territoires prenne le pas sur la logique des compétences globales à construire. Si bien qu’un débat sur les contenus, leur place et leur statut dans le parcours peut finir par masquer les objectifs de la formation et surtout le rapport entre les activités proposées (situations, séquences, modules, cours, stages) et les compétences globales visées, dont la valeur s’analysera, en dernière instance, sur un terrain, en situation réelle et complexe.

Pour combattre cette dérive, il n’y a qu’une voie : demander à chaque équipe de formateurs, à chaque responsable d’un domaine 1. de participer à l’élaboration de l’ensemble du parcours, plutôt que d’y construire son nid ; 2. de justifier son apport en fonction de sa contribution aux objectifs globaux plutôt que par son importance dans un champ disciplinaire. Ainsi, il ne suffit pas de dire qu’il faut donner aux futurs enseignants des connaissances dans le domaine de la psychologie de l’enfant, de la didactique du texte, de l’initiation aux technologies nouvelles, du développement personnel ou de la sociologie des établissements. Il faut dire pourquoi. Et aussi comment on se représente l’intégration de ces savoirs aux compétences globales et quels moyens on se donne de vérifier cette hypothèse.

Articuler théorie et pratique tout au long de la formation initiale

Pour parler d’alternance entre théorie et pratique, il faut évidemment qu’une large part du temps de formation &emdash; au moins le tiers &emdash; soit un temps de travail en établissement scolaire et en classe, selon des modalités diverses : observation, essais, recherche, coopération avec le titulaire, pleine responsabilité. Il faut aussi que les observations et les expériences des étudiants se déroulent dans de vraies classes, non dans les classes modèles d’une " école d’application " ou chez des maîtres de stages exemplaires. Mais cela ne garantit pas une véritable articulation entre théorie et pratique, qui ne s’opère que si les observations et les expériences accumulées durant les stages sont préparées et analysées sur place, avec les formateurs de terrain, mais aussi, et de façon systématique, dans d’autres moments et d’autre lieux de la formation. Le " trajet de la formation " (Ferry, 1983) est toujours sinueux.

Plus globalement : la pratique et les situations professionnelles concrètes ne doivent pas rester dans les coulisses ou à la marge de la formation. Elles en sont au contraire le fil rouge, des objets sur lesquels on travaille constamment. Cela signifie qu’il faut élaborer un parcours de formation dont de nombreux modules se soucient d’articuler théorie et pratique, qu’ils aient pour cadre un établissement scolaire, un centre de formation ou les deux.

Pratiquer une démarche clinique et le case work

C’est en résolvant des problèmes qu’on acquiert des compétences de résolution de problèmes. Il faut se trouver souvent devant un cas compliqué, pour lequel il n’y a pas de solution immédiate, qui oblige à se demander " Que faire ? " et à adopter une méthode d’identification du problème, d’observation de la situation, de construction d’hypothèses explicatives, d’élaboration de stratégies d’action.

La formation des médecins est depuis longtemps acquise à la démarche clinique. Dans certaines universités, elle tend à devenir la voie royale dès la première année, les étudiants étant placés d’emblée devant des cas complexes, ayant pour tâche de repérer et de mobiliser &emdash; et ce faisant de s’approprier &emdash; les savoirs méthodologiques, techniques ou théoriques nécessaires pour comprendre et agir dans une situation singulière.

Cette démarche est praticable en formation des enseignants (Cifali, 1991). Elle demande aux formateurs une grande mobilité, des capacités d’improvisation, une certaine polyvalence. Elle exige des dispositifs souples, diversifiés, négociés et bâtis en fonction des besoins et des demandes. C’est au prix de cette complexité qu’on peut prétendre construire des compétences. Cela n’exclut pas qu’une part de la formation soit faite sur le mode plus classique d’une progression dans un " texte du savoir ", dans le cadre d’un curriculum planifié. On ne peut prétendre construire toutes les connaissances dans l’action. Il faut résister cependant à la tentation des formateurs, qui est de maîtriser de bout en bout leur progression dans le curriculum par souci de rigueur, d’efficacité, voire de confort, en oubliant que la construction des compétences exige un aller et retour constant entre le général et le particulier, l’action et l’analyse.

Dans les pays anglo-saxons, cette démarche prend notamment l’allure du case work (Greenwood & Parkay, 1989 ; Richert, 1990 ; Shulman, 1992 ; Valli, 1992). Les références théoriques ne sont pas les mêmes, les approches en terme de démarche clinique insistent d’avantage sur les aspects épistémologiques, le case work est plus pragmatique, plus soucieux de dispositifs didactiques, mais je crois que ces diverses inspirations sont complémentaires.

Favoriser le compagnonnage

Le compagnon est celui qui fait entrer un débutant, voire un collègue, dans la complexité du métier ou, en formation continue, l’accompagne dans son cheminement (Charlier, 1988). On y reviendra à propos des formateurs du terrain, mais on peut insister ici sur une dimension plus générale : dans les métiers complexes, en particulier les métiers de l’humain, on apprend en faisant avec quelqu’un de plus expérimenté. Pas nécessairement pour l’imiter, mais pour l’observer et saisir ses raisonnements, ses hésitations, ses manières de vérifier, de décider, d’identifier ses erreurs et de les corriger.

On se trouve ici aux antipodes d’une formation où il suffirait de " donner à voir " des pratiques exemplaires pour que les observateurs attentifs se les approprient. Le compagnon n’offre pas forcément un modèle. Il donne plutôt à voir une pratique explicitée, sans cacher les zones d’ombre, les errements, les angoisses, les partis pris. Il y a donc rapport de confiance entre le compagnon et l’apprenti, le premier n’est pas tenu de donner le spectacle de la maîtrise, le second, en contrepartie, s’engage dans le dialogue, s’implique dans la situation, ne reste pas observateur, ne juge pas unilatéralement. J’y reviendrai à propos des formateurs de terrain.

Former à et par une pratique réfléchie

Schön (1983, 1987, 1991) a insisté sur la part de la réflexion dans l’action et sur l’action dans une pratique professionnelle complexe. Un enseignant n’a pas constamment le temps de peser tranquillement le pour et le contre, mais, même dans l’urgence, il réfléchit, interprète, anticipe, cherche à comprendre. Et dès qu’il a un moment de répit, il revient sur ce qui s’est passé, ce qu’il a cru, voulu, décidé, tenté. Peut-être cette réflexion n’est-elle pas aussi sereine, sophistiquée, rigoureuse que dans un laboratoire, mais le propre de toute action intelligente est d’être réflexive, du moins en partie.

D’où l’importance d’intégrer cette dimension à la formation, non seulement comme une méthodologie particulière à utiliser dans l’exercice du métier, mais comme le moteur cognitif de la formation elle-même. Ce qui exige le développement 1. d’une épistémologie de la connaissance dans et sur l’action ; 2. d’une recherche sur la façon dont les praticiens réfléchissent à leur pratique et la changent (Gather Thurler, 1992) ; 3. de stratégies didactiques susceptibles de modéliser et de faire expérimenter la pratique réfléchie dès le début de la formation initiale des enseignants (Clift, Houston & Pugach, 1990 ; Tabaschnick & Zeichner, 1990).

Reconnaître et développer les savoirs d’expérience

Chacun construit des savoirs au gré de l’expérience, qui s’enrichissent au fil des années de pratique. Il n’est pas nécessaire d’atteindre un âge avancé pour commencer à accumuler des observations, des hypothèses, des questions. Cela peut commencer dès le premier jour de la formation initiale. Encore faut-il, bien entendu, qu’elle donne d’emblée l’occasion de faire des expériences à la faveur desquelles se construiront des représentations, des théories subjectives, mais aussi des connexions avec des savoirs savants ou d’autres savoirs d’expérience (Elbaz, 1993 ; Gauthier, 1993 ; Raymond, 1993 a & b ; Tardif, 1993 a, b & c).

Nul ne peut empêcher les praticiens de tirer de leur expérience des représentations et des savoirs, qu’ils réinvestissent inévitablement dans leur action future. L’important est de donner une place à ces savoirs et de favoriser leur mise en relation avec des savoirs issus d’autres sources, plutôt que de leur dénier toute valeur, par exemple sous prétexte qu’ils ne sont pas issus d’une recherche " scientifique ". On touche évidemment là à des savoirs qui ne viennent pas seulement de l’expérience professionnelle, mais d’avant et d’ailleurs (Raymond, Butt & Yamagishi, 1993). La formation est alors à la fois déconstruction, explicitation, critique, remaniement, intégration de ces savoirs à d’autres, fondés sur d’autres légitimités et d’autres provenances.

Travailler sur des situations-problèmes et des objectifs-obstacles

Martinand (1986), Meirieu (1988, 1989), Develay (1992) y insistent : c’est sur ce qui résiste, mais paraît surmontable que la formation doit se concentrer. On se trouve alors dans la " zone proximale de développement " conceptualisée par Vygotsky (1985), cette zone où l’apprentissage est possible.

Il s’ensuit évidemment qu’il faut différencier les attentes et les cheminements, puisque les étudiants butent sur des obstacles différents. Mais l’individualisation ne suffit pas à amener les gens à se confronter comme par miracle aux obstacles les plus féconds pour eux. Il faut encore des situations didactiques, des démarches de projets et des outils d’observation qui permettent à chacun de se trouver au pied d’un mur et de repérer ce qui l’empêche d’avancer.

Transformer et former l’habitus

Dans la mesure où la pratique fonctionne en partie à l’insu de l’acteur, dans la routine ou l’urgence, le parcours de formation doit travailler sur la formation de l’habitus dans une double direction. D’une part, placer l’étudiant dans des situations assez variées et déstabilisantes pour forcer la différenciation et le coordination de ses schèmes. D’autre part, travailler à une prise de conscience, en faisant appel à la vidéoformation, à des techniques de verbalisation et d’explicitation des conduites, à la reconstruction régulière de l’enchaînement des pensées, des émotions, des anticipations, des décisions et des actions en situation de stress, d’injustice, de colère, d’incertitude, de désarroi, de lassitude, de déprime, de choc culturel, de dilemme moral, de peur d’être débordé, de blocage intellectuel, d’affrontement violent, de rapports de séduction, etc.

Ce travail sur soi se fait à la fois dans un registre psychanalytique et anthropologique. Le registre psychanalytique est connu, même s’il suscite des résistances. Le registre anthropologique renvoie à tout ce qui, dans notre façon de penser et de faire, d’entrer en relation et d’être au monde, est inconscient sans être refoulé. C’est ainsi que chacun, dans l’interaction face à face, cherche à maintenir ou à rétablir avec l’autre une distance optimale, qui le met à l’aise. C’est ce que Hall (1971) appelle " distance personnelle ". Or, on observe que la distance optimale varie, selon les cultures. Ainsi, quand on observe une conversation entre un Scandinave et un Méditerranéen, ou entre un Nord-Américain et un Sud-Américain, on peut assister à un amusant ballet : l’un s’éloigne, l’autre se rapproche, en alternance, car aucun ne se sent durablement à la bonne distance. Chacun fait fonctionner une norme dont il ignore en général l’existence même et réagit à un sentiment diffus de malaise. Si l’autre suscite régulièrement un tel malaise, en l’absence d’une réflexion anthropologique minimale, l’acteur ne peut qu’interpréter le comportement d’autrui en termes de caractère, de mauvaise éducation, de déviance ou de pathologie individuelle (personne excessivement distante ou au contraire recherchant maladivement la proximité, entrant abusivement dans la sphère personnelle). Autre exemple : regarder quelqu’un dans les yeux passe pour de l’effronterie dans telle culture et pour de l’honnêteté dans telle autre. Si on l’ignore, comment ne pas interpréter le comportement inattendu d’un enfant comme un trait de caractère, insolence ou obséquiosité par exemple ?

On le voit, l’habitus est un territoire inconnu. La formation consiste à l’explorer, à prendre conscience de fonctionnements apparemment spontanés, et, selon les cas, à s’appuyer sur cette prise de conscience pour modifier soit les schèmes eux-mêmes, soit pour en transformer le sens ou les conditions de mise en œuvre. En suivant les exemples précédents, on voit que la formation ne conduit pas à nier les différences culturelles, mais au contraire à les intégrer comme une hypothèse interprétative du comportement d’autrui, ce qui module les réactions, transforme le rejet ou la déception en tolérance et conduit à des régulations plus explicites et moins blessantes de l’interaction. La vidéoformation (Faingold, 1993 b) et l’entretien d’explicitation (Faingold, 1993 a, Vermersch, 1993) paraissent des outils irremplaçables pour favoriser la prise de conscience.

Développer la métacognition

Les travaux sur la pratique réfléchie renvoient à une forme de métaconnaissance, par le praticien, de ses propres processus de pensée. Les travaux sur la métacognition s’imposent ici non pas seulement comme mode de fonctionnement professionnel, mais comme ressource au service d’une didactique de la formation d’adultes, d’une didactique soucieuse de voir les apprenants prendre en charge et réguler leurs propres processus d’apprentissage (Allal et Saada-Robert, 1992, Allal, 1993). On s’inspirera aussi des travaux sur l’évaluation formatrice (Nunziati, 1990), qui insistent sur la nécessité de développer chez l’apprenant une représentation claire des objectifs et des cheminements.

Prévoir des parcours individualisés

En formation des maîtres, rien n’impose une stricte identité des objectifs de formation : il y a différentes façons de se sentir et de se vouloir enseignant et différentes façons de définir l’essentiel et l’accessoire. Sans doute une formation professionnelle crédible impose-t-elle l’acquisition de certaines compétences, mais elle peut et doit laisser un espace de choix, en fonction des intérêts, des projets, des valeurs de l’étudiant.

Même lorsque le parcours vise à former les mêmes compétences, tous n’ont pas besoin d’en parcourir les mêmes segments. Selon son histoire antérieure, sa personnalité, son héritage culturel, chaque étudiant est plus ou moins avancé en début de formation initiale, dans la construction de telle ou telle des compétences visées par la formation. L’identité des objectifs ne commande donc nullement l’identité des parcours. Enfin, même lorsque deux étudiants partent du même niveau et visent le même objectif, l’individualisation de leurs parcours respectifs peut s’imposer en raison de la différence de leurs rythmes et de leurs façons d’apprendre la même chose. Cette évidence devrait conduire toutes les écoles à pratiquer un enseignement différencié et une évaluation formative. On sait qu’on est loin de cet idéal. Mais l’individualisation des parcours de formation va plus loin, exige des dispositifs didactiques souples et diversifiés (Bauthier, Berbaum et Meirieu, 1993). La formation des maîtres pourrait donner l’exemple à une époque où on invite les enseignants du primaire à travailler en cycles, ceux du secondaire à créer des modules.

Maîtriser le curriculum caché

Cela rejoint un thème fondamental : la formation des maîtres donne à voir un curriculum, des pratiques d’enseignement et d’évaluation, une relation pédagogique. L’ensemble de l’expérience vécue par l’étudiant en formation initiale est donc un message fort sur l’éducation, ses finalités et ses modalités. J’ai dit ailleurs (Perrenoud, 1986) les ravages du " Faites comme je dis, pas comme je fais ! ". Si l’on veut une pédagogie du projet, des méthodes actives, une évaluation formative, des contrats didactiques clairs, une relation pédagogique chaleureuse, du travail d’équipe, de l’ouverture interdisciplinaire, il faut naturellement donner aux étudiants l’occasion de maîtriser les fondement théoriques et techniques de ces belles idées et le temps de les expérimenter comme stagiaires. Mais l’ensemble de leur formation est de ce point de vue un stage : si les formateurs appliquent ces idées, elles seront crédibles et concrètes. Sinon…


3. Le rôle de la pratique et des praticiens
expérimentés dans la formation initiale

Pour réfléchir utilement à ce problème, il conviendrait de préciser à quel parcours on fait référence. À un extrême, on trouve les formations dont les stages représentent une partie marginale, à la fois parce qu’elle occupe moins de 20 %, parfois moins de 10 % du temps global, parce que son statut est mineur et parce qu’elle n’intervient qu’à la dernière minute, juste avant que les maîtres soient jetés à l’eau. À l’autre extrême, on trouve les parcours entièrement construits sur une logique d’alternance et d’articulation entre théorie et pratique tout au long de la formation, qui consacrent entre le tiers et la moitié du temps à un travail en classe ou en établissement, qui valorisent le rôle du terrain. Comment pourrait-on raisonner sur le rôle des stages et des formateurs de terrain de la même façon dans l’un ou l’autre cas ? Dans le premier, le stage est investi soit d’attentes très faibles &emdash; c’est un rituel initiatique &emdash;, soit d’espoirs irréalistes : compenser à lui seul le déséquilibre de l’ensemble du parcours. Dans ce dernier cas de figure, le formateur de terrain devrait être une femme ou un homme providentiels, mentors, personnages charismatiques, médiateurs, créateurs de mythes, compagnons et maîtres, bref, auteurs d’un miracle permanent en quelques semaines.

Il est plus intéressant de s’arrêter au second modèle et aux parcours qui s’en rapprochent. Si, près d’une semaine sur deux en moyenne, l’étudiant est dans les écoles et les classes, on peut imaginer des stages construits sur plusieurs classes et comportant des temps de rencontre avec les parents, ou de concertation entre enseignants. On peut surtout imaginer divers types de stages, selon leur longueur, la tâche du stagiaire, celle du maître formateur de terrain. On peut aussi parler d’établissements formateurs plutôt que de maîtres isolés. Je ne puis ici entrer dans toutes ces nuances. Je tenterai simplement de proposer quelques éléments généraux de réponse à la question du rôle de la pratique et des praticiens dans la formation.

Articuler théorie et pratique : l’affaire de tous les formateurs

Dans une formation professionnelle articulant théorie et pratique, le pire serait qu’une partie des formateurs soient entièrement du côté de la théorie, les autres entièrement du côté de la pratique. Il importe au contraire que par-delà les spécialisations et les statuts des uns et des autres, chacun se sente responsable de l’articulation entre théorie et pratique, et non d’une composante seulement. Le stage n’est donc nullement LE moment de la pratique. Il doit être présent indirectement, symboliquement dans de nombreux temps de la formation.

On s’écarte alors résolument du modèle du stage comme unique moment de la formation où on se centrerait sur la gestion de classe, la planification didactique, l’organisation du travail, bref l’ensemble des problèmes concrets d’une pratique pédagogique. Cette pratique devrait être au contraire le fil conducteur de tous les apports des formateurs, ce qui suppose une culture commune et une conception relativement cohérente du métier.

Huberman a institué à l’Université de Genève, dans le cadre de la formation des enseignants primaires en sciences de l’éducation, un journal où les étudiants consignent, durant leurs semaines de présence en classe, leurs observations quotidiennes. Dans un second temps, plus tard, ils reviennent sur ces notes pour en dégager quelques thèmes forts ; ce qui suppose des méthodologies d’observation, de notation et de restitution, donc des consignes et des contrats clairs. Il est important de partir de l’expérience des étudiants pour la théoriser en prenant le risque du désordre, de trous dans leur formation théorique, de sauts du coq à l’âne, de la diversité des besoins. Pour faire face à cette situation, à cette diversité, les formateurs doivent être polyvalents, capables de faire face à toutes les demandes, soit pour y répondre eux-mêmes, soit pour aider les étudiants à trouver un interlocuteur compétent.

Les formateurs de terrain sont, dans cet esprit, des formateurs à part entière, avec une vue d’ensemble du parcours. Aujourd’hui, on en est encore très loin dans la plupart des institutions de formation, même lorsqu’elles se réclamant de l’alternance entre théorie et pratique. Le maître de stage est souvent quelqu’un que l’institution de formation " utilise " sans payer le prix de son intégration. Or, il est fondamental que les formateurs aient une représentation précise des finalités et de la cohérence du parcours de formation et y travaillent en étroite liaison avec les autres formateurs, en sachant quelle contribution on attend d’eux, en ne se percevant pas comme des gens serviables qui prêtent simplement leur classe, leurs élèves, leur réalité, mais comme de véritables formateurs d’adultes, même si ce n’est pas leur identité principale.

Rôles et attitudes du formateur de terrain

Traditionnellement, on attend des maîtres de stages la démonstration d’une pratique maîtrisée, voire exemplaire, en espérant que l’étudiant se l’appropriera par imprégnation et imitation. D’où un choix de " bons maîtres " &emdash; aux yeux de l’inspection &emdash;, c’est-à-dire de maîtres conformes à ce que l’institution attend d’eux. Aux enseignants engagés dans la recherche-action, l’innovation, le tâtonnement expérimental, les institutions de formation des maîtres ont dit pendant longtemps : nous ne vous envoyons pas de stagiaires, ils seraient déstabilisés par toutes les questions que vous vous posez… C’est pourtant dans ces établissements actifs qu’il faudrait en priorité orienter les stagiaires. Les enseignants créatifs et novateurs, qui prennent des risques, représentent l’avenir du métier.

Que faut-il attendre désormais, plus globalement, d’un formateur de terrain ? Pourquoi mérite-t-il une autre étiquette que celle de maître de stage ? Voici l’esquisse d’une réponse en quelques points. Le formateur de terrain doit :

Reprenons ces aspects un à un.

Favoriser l’explicitation des attentes et du contrat didactique

Le formateur de terrain peut encourager le stagiaire à expliciter ses attentes, ses projets, ses représentations préalables. Il y a traditionnellement une rétention de curiosité du côté à la fois du maître de stage et du stagiaire, en vertu du contrat didactique non écrit et non dit passé entre eux : " Maître, je regarde et j’apprends à votre exemple ". Dans cet état d’esprit, le stagiaire n’ose pas interroger l’enseignant expérimenté sur son parcours, ses échecs, ses incertitudes, ses hésitations. Comme le spectateur au théâtre, il n’ose pas demander à visiter les coulisses, à suivre les répétitions. Pour sa part, le maître de stage, même lorsqu’il ne met pas un point d’honneur à démontrer une maîtrise sans faille, ne se sent pas nécessairement encouragé à mettre en évidence les difficultés du métier.

Aussi longtemps que ce point de vue prévaut dans les institutions de formation et rencontre des aspirations des maîtres de stage, il n’est pas vraiment nécessaire d’expliciter les attentes respectives et le contrat didactique. Lorsqu’on veut développer une formation articulant théorie et pratique, il importe de mieux définir les types de stages et d’expliciter le " contrat type " correspondant à chacun. Même s’il est mis noir sur blanc, et s’il est dûment commenté par les formateurs organisant les stages, c’est évidemment dans la situation elle-même que le véritable contrat se négocie. L’expliciter est l’un des rôles du formateur de terrain, auquel il revient de préciser aussi bien ses attentes que ses limites, d’entendre les attentes du stagiaire et de négocier un arrangement ad hoc, qui tienne compte à la fois du cahier des charges global et des besoins de deux personnes singulières, appelées à travailler ensemble durant une période singulière de leur vie.

Verbaliser ses propres modes de pensée et de décision

C’est vrai même et surtout s’ils sont intuitifs ; le plus intéressant est souvent ce qu’il y a de plus difficile à verbaliser. Si l’on accepte la part du bricolage (Hameline, 1982 ; Perrenoud, 1983) dans la pratique pédagogique, on prend au sérieux l’art particulier du pédagogue : " faire avec ", faire fonctionner ensemble, de façon relativement harmonieuse, des moyens, des savoirs, des contraintes qui n’ont pas toujours été prévus à cette fin. Ce qui exige des façons de penser dont l’efficacité suppose certains accommodements avec la rigueur : c’est ce qui sépare le bricoleur de l’ingénieur, du moins celui qui a la forme d’esprit, le temps et les moyens voulus pour ne travailler qu’avec des matériaux spécialement conçus et fabriqués pour s’imbriquer et contribuer à son entreprise. Or, les compétences spécifiques du bricoleur sont, en éducation, à la fois peu valorisées et peu connues. Comment fait-on lorsqu’on ne peut pas " tout faire " ? Comment allège-t-on sauvagement les programmes ? Comment retombe-t-on sur ses pieds, comment trouve-t-on des raccourcis ? Comment parvient-on à dégager un " à peu près " acceptable en évaluation ? Comment bricole-t-on des séquences didactiques qui feraient frémir d’indignation un didacticien orthodoxe, mais ont le mérite de tenir compte du temps disponible et des élèves tels qu’ils sont ? Comment planifie-t-on tout en sachant que toute programmation sera sans doute rapidement dépassée par les événements ? Comment fait-on une place aux initiatives et aux demandes des élèves sans perdre tout contrôle de l’activité ? Comment sait-on qu’on en a fait " juste assez " pour que la classe " tourne " ? Ces savoir-faire fondamentaux ne figurent pas dans les livres de méthodologies, et pour cause : ils donnent les moyens de ruser avec les normes et les modèles parfaits. De même que les élèves apprennent les uns des autres à tricher, à bachoter, à " passer entre les gouttes ", les enseignants en formation devraient apprendre des plus expérimentés à prendre aussi bien des chemins de traverse que des raccourcis.

Cet effort de verbalisation vaut pour tout ce qui relève de l’improvisation aussi bien que de la routine, de la documentation et de la préparation intellectuelle aussi bien que du maintien de l’ordre, de la gestion des groupes aussi bien que de la relation intersubjective, des savoirs et de leur transposition didactique aussi bien que des choses de la vie quotidienne.

Ne pas jouer la comédie de la maîtrise

Il s’agit de faire entrer le stagiaire dans l’arrière-boutique ou la cuisine, là où les choses se préparent, souvent dans l’urgence, le doute, la panique parfois.

L’enseignement est un métier dans lequel on ne dit pas volontiers " Aidez-moi ! " Chacun apprend &emdash; parfois à ses dépens &emdash; à ne pas dévoiler ses faiblesses, de peur d’être jugé par ses pairs. En agissant de la sorte, on se prive de ressources majeures dans la relation avec les collègues et on renforce l’individualisme et parfois la solitude de tous, au détriment d’une culture de coopération (Gather Thurler, 1993 b). L’enjeu dépasse donc la formation de nouveaux enseignants. Dans ce cadre, on peut espérer inverser la tendance à se jouer la comédie de la maîtrise si l’on demande clairement aux formateurs de terrain de ne pas entretenir de mythes, mais au contraire de montrer que l’enseignement est un art difficile, une pratique dont nul ne détient toutes les clés, la rencontre régulière de l’échec ou du demi échec, soit pour certains élèves, soit dans certaines activités. Rien n’est moins formateur que de croire qu’on est le seul à ne pas réussir tout le temps. Dans les métiers de l’humain, la compétence est aussi d’accepter l’échec ou l’ambiguïté des résultats, sans cynisme mais sans culpabilité. Les sauteurs à la perche qui se côtoient sur un stade savent que même les meilleurs ont des passages à vide, des jours " sans ", où ils ne trouvent pas leurs marques, manquent d’influx, d’inspiration et de confiance. L’entraînement, l’encadrement des athlètes visent évidemment à limiter ces fluctuations, mais on sait qu’elles sont inscrites dans la pratique elle-même. On pourrait imaginer dans l’enseignement une sagesse équivalente, qui ne soit pas seulement une conquête individuelle, mais une partie de la culture commune.

Pour cela, le maître formateur doit évidemment renoncer à incarner une norme, un surmoi, un modèle : on ne peut à la fois être un modèle et aider l’autre à penser, à se situer, à se construire. Etre la norme de l’autre, c’est penser à sa place. La formation devrait plutôt donner à l’autre l’envie de penser sa pratique par lui-même, mais pas seul. Il s’agit d’aider l’autre à apprendre plutôt que de lui proposer une image idéale.

Exprimer ses doutes, ses peurs, ses ambivalences, ses lassitudes

On se trouve là dans les coulisses des coulisses, autrement dit à l’étage des états d’âmes, des humeurs, des angoisses, du plaisir, de la confiance en soi, de l’identité. Les choses ne sont bien sûr séparées ici que pour l’analyse : le formateur de terrain, en verbalisant ce qu’il fait et en renonçant à feindre une maîtrise de chaque instant, donne évidement accès à ses états d’âme. Non pas de façon abstraite, mais en fonction par exemple d’un moment qui s’est mal passé, ou d’une activité pour laquelle il ne se sent pas prêt ou motivé. Il faut que le stagiaire sache que dans ce métier on est rarement sûr de ce qu’on fait, qu’il y a des moments de lassitude, d’incertitude, de cynisme.

Les états d’âme portent aussi sur la condition enseignante elle-même, la vie dans les établissements, le temps qui passe, la vie qui avance, les moments d’exaltation ou de déprime, d’ouverture aux autres ou de repli sur soi. Il importe que les stagiaires, sans recevoir un message philosophique, moins encore une norme, entendent que c’est un métier où il y a peu de mobilité, où il faut donc durer, trouver un équilibre entre la routine fastidieuse et la débauche d’énergie créatrice. Un métier qui peut entamer la personne si elle ne trouve pas des moyens de se ressourcer et de renforcer son identité. Un métier à la fois solitaire et constamment dépendant des autres, dans lequel il faut donc choisir entre subir ou investir dans un fonctionnement collectif.

Ces propos mériteraient quelques nuances. C’est moins leur substance qui m’importe ici que le registre qu’ils désignent aux formateurs de terrain : accepter de parler de soi pour permettre à l’autre de se situer, d’anticiper, de n’être pas totalement démuni et déconcerté une fois livré à lui-même dans un établissement. En bref, il s’agit de se mettre en jeu comme personne, de ne pas se cacher derrière le rôle. L’enseignant est une personne ! Faut-il, pour qu’Abraham (1984) l’affirme dans le titre d’un livre, que cela n’aille pas de soi !

Accepter les différences comme irréductibles

Il est difficile de ne pas vouloir au moins un peu que l’autre vous ressemble. À force de relativiser, on peut concevoir que ce qui est bon pour l’un ne l’est pas pour l’autre, parce qu’ils n’ont pas les mêmes atouts, les mêmes points faibles, la même trajectoire, le même projet. Ce relativisme intégral est difficile à tenir et il est normal que les formateurs de terrain soient tentés de gagner leurs stagiaires à leur façon de voir et de faire. C’est d’ailleurs ce qu’on leur a demandé durant des décennies, l’institution de formation qui leur " confie " des stagiaires prenant soin de s’assurer qu’ils étaient effectivement exemplaires (de son point de vue, bien entendu).

L’orientation proposée ici en appelle donc à une véritable reconversion : la pratique du formateur de terrain n’est plus d’abord un modèle, ni même une illustration de ce qu’il faut faire, mais elle fournit aux stagiaires des matériaux susceptibles d’enrichir leur " boîte à outils ", aussi bien lorsqu’ils se les approprient fidèlement que lorsqu’ils les détournent ou les rejettent. L’essentiel est que les stagiaires sachent pourquoi et qu’ils ne se déterminent pas par identification ou opposition à la personne des maîtres de stages, mais en fonction de ce que les représentations et les pratiques qu’ils donnent à voir éveillent et mettent en mouvement.

Les maîtres expérimentés savent très bien, pour l’avoir eux-mêmes vécu, que l’expérience des uns est rarement transposable dans son entier. Le stagiaire éprouve à la fois le besoin et la nécessité de composer, à partir d’éléments divers, sa propre façon de penser et de faire. Mais il est tentant de l’oublier, gratifiant de penser qu’on trace la voie à de plus jeunes. D’où l’importance d’une réflexion avec les maîtres de stages sur ce qui est formateur dans leur pratique. On passe d’un paradigme qui présente la pratique elle-même comme formatrice à condition d’être maîtrisée à un paradigme nouveau, dans lequel la pratique n’est formatrice que parce qu’elle donne accès au sens, au projet, à la singularité de la personne, à ses stratégies, illusions et désillusions. En ce sens, un stage est une étude de cas, une confrontation à la différence et à la complexité de l’autre.

Il s’ensuit que, si l’on demande au formateur de terrain de contribuer à l’évaluation du stage ou du stagiaire, les critères de succès ne sont pas " S’est-il pénétré de ma manière de penser et de faire, l’a-t-il incorporé fidèlement ? ", mais plutôt " S’est-il confronté activement à ma manière de penser et de faire, en a-t-il tiré des éléments de réflexion qui le font progresser le long de son propre chemin ? "

Prendre les erreurs comme des occasions de progresser

Tout est évidemment lié, la comédie de la maîtrise impliquant la dissimulation de l’erreur. Avec Mante (1993), je pense que c’est un aspect essentiel, qui mérite d’être distingué, parce qu’il n’a pas seulement des incidences sur l’attitude globale, la moins normative possible, mais des conséquences plus techniques.

Utiliser l’erreur pour progresser, c’est vite dit. Comment faire ? Tous les didacticiens qui ont parlé du rôle formateur de l’erreur prêchent encore largement dans le désert. Une partie de notre éducation nous pousse à corriger l’erreur de l’apprenant, en général en lui donnant la bonne réponse, dans le meilleur des cas en la lui faisant découvrir. De là à comprendre véritablement les raisons de son erreur, à entrer dans sa logique et à se servir de cette intrusion pour l’aider efficacement à transformer ses procédures de pensée, il y a un pas immense.

Il n’est guère formateur de dire au stagiaire, explicitement ou implicitement qu’il fallait faire autrement. Il serait plus utile de lui demander pourquoi il a fait ce qu’il a fait, de reconstituer son cheminement intérieur, ses doutes éventuels ; d’essayer de savoir s’il pensait avoir un choix ou n’a vu qu’une possibilité ; si, après coup, il entrevoit d’autres possibilités. Ce travail de reconstitution a posteriori est une forme d’articulation entre théorie et pratique. On part de l’hypothèse que l’erreur est rarement due au hasard, qu’elle manifeste une dimension d’un système de pensée ou d’action. Il reste à démêler, dans la richesse du réel, ce qu’une erreur révèle. Si le formateur de terrain n’applique cette démarche, en temps ordinaire, ni aux erreurs de ses élèves, ni à ses propres erreurs, comment aurait-il la disposition d’esprit et les outils voulus pour analyser les erreurs d’un stagiaire ?

En ce sens, on peut redire que le formateur de terrain devrait être " un bon pédagogue ". C’est toutefois dans un sens bien précis : quelqu’un qui sait observer et intervenir dans les processus d’apprentissage sans se substituer à l’apprenant ni le faire régresser. Si la pédagogie différenciée était le pain quotidien de tous les enseignants en exercice, sans doute transposeraient-ils tout naturellement leurs capacités d’observation formative et de régulation interactive de leurs élèves à leurs stagiaires… Ce n’est hélas pas la situation courante.

Quelle formation des formateurs de terrain ?

Pour incarner ces grandes options, il faut fonctionner autrement dans le dialogue maître formateur/étudiant. Il faut négocier un autre contrat, apporter d’autres réponses, jouer un autre jeu. Aujourd’hui, on souhaite une forme de compagnonnage, on valorise l’initiation aux coulisses, aux doutes, au bricolage, l’association à une pratique réfléchie. Or, une partie des maîtres de stage traditionnels ne se reconnaissent plus dans cette demande et sortent du jeu. Par contre, d’autres qui n’appréciaient pas jusqu’alors cette fonction commencent à s’y intéresser, pensant qu’ils vont enfin pouvoir parler aux stagiaires de ce qui les préoccupe vraiment, c’est-à-dire les problèmes non réglés, les impasses, les difficultés du métier.

Suffit-il de trouver des formateurs de terrain acquis à cette façon de penser ? Ou faut-il les former ? Je pense que oui. Je ne puis ici esquisser un programme de formation, qui dépendrait d’ailleurs du niveau d’enseignement et du cadre institutionnel. Je m’en tiendrai à l’analyse des objectifs majeurs d’une formation des formateurs de terrain :

  1. Justifier la nécessité de leur formation
  2. Susciter leur adhésion à la démarche de formation
  3. Construire un langage commun à propos de la pratique
  4. Former à intervenir dans le processus de formation
  5. Former à évaluer les stagiaires

Reprenons-les un à un, en tentant d’esquisser pour chacun une hypothèse de départ et quelques objectifs plus spécifiques. Dans tous les cas, on donnera une place essentielle au travail sur les représentations. Sans négliger l’appropriation de savoirs et savoir-faire nouveaux, il s’agit dans une large mesure de partir non pas d’une table rase, mais d’un trop plein d’images toutes faites, à déconstruire tranquillement et activement !

Justifier la nécessité d’une formation

Hypothèse : la plupart des formateurs de terrain s’engagent sans être convaincus qu’ils ont besoin de compétences nouvelles et différentes de celles qu’ils mettent en œuvre dans leur classe.

Il s’agit donc de les convaincre du contraire, sans nier leur expérience et leurs compétences pédagogiques. Autrement dit de montrer :

Susciter l’adhésion à la démarche de formation

Hypothèse : la plupart des formateurs de terrain s’engagent sur la base d’un malentendu, d’une représentation de leur rôle qui ne correspond pas à aux attentes de l’institut de formation des enseignants, du moins telles que je les imagine ici dans le cadre d’une forte articulation entre théorie et pratique : ils pensent qu’ils doivent conduire le stagiaire à faire comme eux, parce qu’ils sont de bons enseignants et qu’on les a choisis pour cette raison.

Pour les convaincre du contraire, leur formation doit montrer :

Construire un langage commun à propos de la pratique

Hypothèse : la plupart des formateurs de terrain n’ont qu’une idée très vague des concepts et théories dont leurs stagiaires sont dotés par leur formation théorique ; il y a donc distance probable entre leur façon de conceptualiser l’apprentissage, l’action pédagogique, la gestion de classe, la didactique et la façon dont les stagiaires sont formés.

Il importe donc :

Former à intervenir dans le processus de formation

Hypothèse : la plupart des formateurs de terrain n’ont pas a priori conscience du type de conseils, d’observations, de feed-back, de provocations, de suggestions, d’expériences, d’échanges qui peuvent aider le stagiaire à progresser.

Il s’agit en particulier de les préparer à :

Former à évaluer les stagiaires

Hypothèse : la plupart des formateurs de terrain ne sont pas à l’aise avec l’évaluation des stagiaires et oscillent entre la tentation de rejeter cette responsabilité sur l’institut de formation des enseignants et l’envie de l’assumer.

La formation devrait en particulier préparer les formateurs de terrain à :


Pour conclure

Du maître de stage au formateur de terrain : formule creuse ou expression d’une nouvelle articulation entre théorie et pratique ? À cette question, on le voit, la réponse passe par un détour. L’articulation entre théorie et pratique est une formule aujourd’hui consacrée. Mais sa signification est loin d’être évidente. J’ai tenté de montrer qu’elle est plus qu’une simple alternance entre des lieux de formation, qu’elle suppose un travail conjoint de formateurs situés les uns " dans le terrain ", comme enseignants, mais aussi conseillers pédagogiques, inspecteurs, chefs d’établissements, les autres dans l’institut de formation des enseignants.

Pour que le terrain soit formateur, il ne suffit pas que les stagiaires l’arpentent en tous sens, fût-ce de façon intensive ; il ne suffit pas davantage qu’ils y fassent d’intéressantes rencontres ou suivent de prometteurs itinéraires dessinés par les formateurs de l’institut. Il faut encore qu’à ces conditions &emdash; qui sont loin d’être acquises partout &emdash; s’en ajoute une autre, déterminante : qu’il y ait sur le terrain des formateurs à part entière et des établissements ou des équipes ayant la même identité et la même vocation.


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