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Paru dans la Revue Éducation physique et sport, n° 250, novembre-décembre 1994, pp. 11-16.

 

 

 

 

Professionnalisation du métier d’enseignant, formation en alternance et pratique réflexive

EPS interroge Philippe Perrenoud,
sociologue, professeur à l’Université de Genève

Août 1994

Vous insistez dans un ouvrage récent sur l’évolution que connaît le métier d’enseignant. Quelles sont, selon vous, les spécificités de ce métier aujourd’hui et comment les prendre en compte ?

Le métier d’enseignant n’a pas de réelle unité. On n’exerce pas le même métier selon la discipline qu’on enseigne, selon le niveau auquel on l’enseigne, selon le type d’établissement dans lequel on travaille. Il faut se garder de généraliser, reconnaître qu’à chaque époque, les conditions d’exercice du métier d’enseignant ménagent une grande diversité des environnements, des contraintes, des situations. Cependant, on peut essayer de distinguer trois tendances lourdes qui transforment graduellement ce métier. La première, c’est l’ambition croissante des politiques de l’éducation. Il y a un peu plus d’un siècle, l’enjeu était de scolariser tous les enfants, sans rêver d’une égalité des chances ou des acquis. Aujourd’hui, on veut amener chaque génération à un niveau élevé de formation, bien au delà de la maîtrise des savoir-faire de base (lire écrire compter), pour préparer à vivre dans une société complexe, multiculturelle, affectée par des changements technologiques rapides et des restructurations démographiques, économiques, culturelles qui bouleversent le paysage quotidien de chacun, les conditions de travail, d’habitat, de consommation, de communication, de coexistence. On attend de l’école qu’elle soit de plus en plus efficace, qu’elle amène 80 % d’une génération au niveau du bac, autrement dit qu’elle parvienne à faire apprendre des enfants et des adolescents qui, jadis, quittaient l’école très rapidement pour entrer sur le marché du travail. Les systèmes éducatifs se sont, pendant des décennies, accommodés de l’échec scolaire comme d’une fatalité. On pensait qu’un certain nombre d’élèves n’étaient " pas faits pour les études " et qu’il suffisait de leur donner une culture minimale pour en faire de bons travailleurs et de bons citoyens. Aujourd’hui, la barre est placée beaucoup plus haut et on attend donc du système éducatif, et par conséquent des établissements et des enseignants, beaucoup plus d’efficacité dans l’action pédagogique. Le thème de l’efficience du système éducatif, des établissements et des enseignants est devenu essentiel dans le débat sur l’école. Il s’agit plus que jamais d’évaluer les actions éducatives.

Dans le même temps, une seconde transformation s’opère. La croissance économique s’est ralentie dans la plupart des pays industrialisé, le volant de chômage devient structurel, la croissance des budget public et notamment des dépenses engagées dans l’éducation est stoppée, voire en régression. Désormais, il faut faire mieux avec les mêmes ressources, voire avec des moyens plus limités. C’est la seconde pression exercée sur l’école dans le sens du rendement, de l’efficacité, de l’action pédagogique. Pour compliquer ce tableau &emdash; c’est la troisième tendance &emdash; les conditions de l’enseignement rendent l’exercice du métier d’enseignant de plus en plus difficile.

Quelles sont les causes de cette dernière évolution ?

On a, depuis les années soixante, souligné l’impact de l’école parallèle que constitue la télévision, relayée par d’autres technologies. Aujourd’hui, la télématique, le vidéodisque, les médias mettent à disposition de chacun des ressources documentaires et des possibilités d’apprentissage sans précédent dans l’histoire. C’est un atout, mais cela oblige l’école à faire avec ces nouvelles ressources. Elle doit également s’adapter à un renouvellement accéléré des connaissances scientifiques et des pratiques sociales, donc à une actualisation de plus en plus rapide de la transposition didactique et des programmes. Les familles se sont transformées, leur influence éducative a diminué ou s’est diversifiée, si bien que toutes n’envoient plus à l’école des enfants prêts à obéir, à travailler, à payer le prix de la réussite dans la docilité. Une partie des enseignants mettent donc une énergie considérable à créer et recréer, au jour le jour, les conditions mêmes d’une relation pédagogique. Les situations concrètes sont très diverses, on le sait bien ; mais on peut dire qu’un nombre important d’enseignants sont confrontés au manque d’engagement des élèves, au faible soutien des familles, à la contestation, à la violence, à l’anomie, à la dégradation de la relation pédagogique et de l’environnement social. Il s’ensuit que, dans une fraction des lycées, des collèges et même des écoles, il n’est plus du tout évident de " faire la classe ", qu’on se heurte chaque jour à la résistance ou à la désorganisation des rapports sociaux et que la nature des problèmes auxquels sont confrontés les enseignants s’est transformée. Ils disent assez souvent qu’ils se sentent éducateurs, assistants sociaux et psychologues autant que professeurs. Même dans les pays relativement stables, on assiste dans le même temps à d’importants mouvements migratoires et les enseignants des grandes villes, et même parfois des petites bourgades, sont confrontés à des publics scolaires extrêmement hétérogènes.

Par ailleurs, les nouvelles didactiques et les appels de Legrand, de Meirieu et de bien d’autres à la différenciation de l’enseignement ont défini un rôle nouveau de l’enseignant, en insistant sur sa capacité d’organiser des situations d’apprentissage et d’individualiser des parcours de formation plutôt que de transmettre purement et simplement des savoirs. Pour toutes ces raisons, le métier d’enseignant est soumis à des attentes plus fortes alors que les conditions mêmes de son exercice sont devenues plus incertaines.

Vous incitez à opter résolument pour la professionnalisation du métier d’enseignant. Vous dites que ce métier hésite entre professionnalisation et autonomie véritable d’une part, prolétarisation et dépendance accrue d’autre part. Pourriez-vous développer ce point de vue ?

La notion de professionnalisation mérite qu’on s’y arrête, car le débat sur ce thème est marqué par une grande confusion. On parle à tort et à travers de professionnalisme, de professionnalité, de professionnalisation, comme si ces mots étaient interchangeables. On indifféremment de professionnaliser l’enseignant, l’enseignement, le métier ou la formation, comme si cela revenait au même. Parfois, on se sert des ces expressions pour réaffirmer simplement qu’enseigner est un métier, qu’on y accède grâce à une formation spécialisée et que les " amateurs " &emdash; les parents ou d’autres profanes &emdash; n’ont pas à se mêler de pédagogie ou de didactique. On parle aussi de professionnalisation pour insister sur le caractère professionnel de la formation des enseignants, par opposition à ses contenus académiques. Tout cela n’est pas sans intérêt, mais le concept de professionnalisation est à mon sens galvaudé si l’on s’en sert seulement pour dire que l’enseignement est un métier. De cela, nul ne devrait douter aujourd’hui, même si la formation des maîtres est encore, à cet égard, pleine d’ambiguïté.

La vraie question est de savoir si ce métier est une profession à part entière ou un métier d’exécution. Au sens anglo-saxon du terme, une profession n’est pas un métier comme les autres. C’est un métier caractérisé par une formation longue, une forte responsabilité individuelle, la mobilisation de savoirs de haut niveau en situation d’incertitude et d’urgence, face à la complexité. Une profession est aussi un groupe social fortement organisé, qui se donne une déontologie, une discipline et contrôle assez largement la formation initiale et la formation continue. Une profession est un métier fortement valorisé, supposé rendre un service enviable à la société, ce qui justifie non seulement des revenus élevés mais une autonomie, un prestige et un pouvoir qu’on ne concède pas à la majorité des métiers

Le métier d’enseignant est-il aujourd’hui une profession ?

Le médecin, l’avocat, le chercheur, l’architecte sont des figures emblématiques du professionnel. Peu importe qu’ils soient salariés ou indépendants. Ce qui les rapproche, c’est que leur pratique ne peut être guidée que par des savoirs, des compétences, des objectifs généraux et une éthique. Il appartient aux professionnels de trouver les moyens, les méthodes, les dispositifs qui leur permettront d’atteindre leurs objectifs sans contrevenir à l’éthique. À l’autre extrémité de l’éventail, on trouve les métiers d’exécution, qui n’ont aucune autonomie de conception, de création, de réalisation, qui se caractérisent par l’obligation de suivre des procédures de travail fixées par d’autres, le bureau des méthodes, les ingénieurs du travail, les concepteurs qui pensent les gestes professionnels, la division du travail et les outillages, de sorte que les travailleurs soient mis au service d’un poste de travail optimisé.

Le métier d’enseignant est-il aujourd’hui une profession à part entière ? Les sociologues l’ont en général traité comme une semi-profession, parce qu’il est à certains égards proche de la médecine ou du droit (par la longueur de la formation, la place des savoirs, la complexité des situations) et, à d’autres égards, proche d’un métier d’exécution (par la dépendance des enseignants à l’égard de programmes, de procédures d’évaluation, d’horaires, de moyens d’enseignement décidés en dehors d’eux et qui leur sont imposés de façon plus ou moins contraignante). On affirme souvent qu’une fois refermée la porte de leur classe, les enseignants " font ce qu’ils veulent ". C’est ce que j’appelle une " autonomie de contrebande " : elle ne témoigne pas d’une réelle confiance faite à la compétence professionnelle des enseignants ; elle résulte plutôt d’une opacité des pratiques, qui profite à la fois au système et aux enseignants. Le métier d’enseignant vit dans une certaine ambiguïté du point de vue des qualifications et de l’autonomie.

Cette ambiguïté peut-elle perdurer ?

Je crois plutôt que les tendances lourdes que j’ai évoquées tout à l’heure, notamment en faveur d’une efficacité accrue des systèmes éducatifs, malgré des budgets en diminution, poussent à en sortir. Or, pour rendre l’école plus efficace, on peut imaginer deux scénarios. Le premier consiste à accroître la dépendance des enseignants à l’égard des spécialistes qui conçoivent et fabriquent les programmes, les méthodes, les moyens d’enseignement, les didacticiels, les grilles d’évaluation les plus rationnels, à la lumière des connaissances les plus avancées. Cette tendance est à l’œuvre dans nombre de pays développés, elle participe du développement considérable de ce que Chevallard a appelé la noosphère, autrement dit la sphère des gens qui, sans être dans les classes, pensent les pratiques pédagogiques des enseignants, les instrumentent, leur proposent des modèles. C’est ce que l’OCDE nomme un " modèle à livraison de service " : l’enseignant est le livreur d’un produit didactique largement conçu et fabriqué en dehors de la classe. L’autre scénario, c’est la professionnalisation accrue du métier, vers davantage de qualifications professionnelles, d’autonomie, mais aussi de responsabilité et de transparence de l’action pédagogique. C’est pour l’OCDE un " modèle du professionnalisme ouvert ", que j’appelle une évolution vers plus de professionnalisation. Entre ces deux scénarios, rien n’est aujourd’hui joué.

Quelle sont la position et l’influence des enseignants dans ce débat ?

Les enseignants qui, individuellement et collectivement, devraient peser d’un grand poids dans cette évolution, sont en quelque sorte neutralisés par leur propre ambivalence. Comme tout le monde, ils rêvent d’avoir la liberté sans le risque, l’autonomie sans la responsabilité. Or, aller vers la professionnalisation, ce n’est pas acquérir le droit de faire ce qu’on veut en toute impunité. C’est au contraire accepter de rendre des comptes, au minimum sur les moyens qu’on se donne pour atteindre les objectifs pédagogiques, et dans une certaine mesure, même si ce n’est pas facile, sur les acquis effectifs des élèves qu’on vous confie. Un professionnel ne peut se protéger de toute critique en disant qu’il est arrivé à l’école à l’heure, qu’il a couvert le programme et suivi scrupuleusement les procédures d’évaluation. On lui demande de savoir et de dire ce que ses élèves ont appris. S’il n’a pas choisi la bonne méthode, s’est trompé dans sa planification didactique, n’a pas su individualiser ou différencier son enseignement, il ne pourra se retourner vers " le système ", il devra assumer sa part de responsabilité. La professionnalisation du métier d’enseignant est un long chemin, sur lequel beaucoup hésiteront à s’engager, parce que qu’ils pressentent une mise en cause de leurs pratiques professionnelles et de leur rapport aussi bien à l’institution qu’aux usagers.

Plus fondamentalement, la professionnalisation est indissociable de l’évolution vers une pratique réflexive, autrement dit vers une capacité non seulement de résolution de problèmes, mais de retour critique sur les concepts et les méthodes qu’on a mis en œuvre, de transformation graduelle de son propre système d’action pédagogique à la lumière de l’expérience.

Une telle évolution a évidemment des incidences sur la formation initiale et continue. Comment pensez-vous qu’on peut intégrer la " réflexion sur la pratique " dans la formation initiale des enseignants ?

La formation initiale peut contribuer à la professionnalisation du métier d’enseignant en préparant les étudiants stagiaires à construire leurs propres méthodes, leurs propres dispositifs de formation à partir d’objectifs généraux et de règles éthiques, à assumer à la fois l’autonomie et les responsabilité qui en découlent, mais encore à réfléchir constamment sur leurs pratiques, notamment dans le cadre d’un travail en équipe pédagogique.

On se demandera peut-être : n’est-ce pas ce que fait déjà la formation initiale ? En la rendant universitaire pour toutes les catégories d’enseignants, en ajoutant deux années d’IUFM à plusieurs années d’études universitaires de base, n’a-t-on pas justement l’ambition de garantir un haut niveau de qualification et la capacité de réfléchir sur les problèmes professionnels ? Dans une certaine mesure, on peut dire qu’un tel niveau de formation crée en effet les bases d’une pratique réflexive. Mais il n’en est qu’une condition nécessaire. Il ne suffit pas d’être savant et intelligent pour savoir réfléchir méthodiquement sur sa pratique. Cela s’apprend, essentiellement par l’exercice intensif d’une telle réflexion, dès la formation initiale. Ce qui suppose un parcours de formation fondé sur une alternance, mais aussi une très forte articulation théorie pratique, sur une démarche clinique, sur un va-et-vient constant entre l’expérience et la réflexion. Pour cela, il ne suffit pas de suivre quelques stages. Il faut que leur conception, leur durée, leur nature soient favorables à la construction de compétences et à l’apprentissage d’une pratique réflexive. Il faut que, dans l’ensemble du parcours de formation, la formation professionnelle, dans ce sens, n’ait pas la portion congrue. Aujourd’hui, dans les IUFM français, il reste un déséquilibre considérable entre la part faite aux savoirs académiques et la part faite aux savoirs professionnels de haut niveau.

Qu’entendez-vous par démarche clinique pour la formation des enseignants, notamment lorsque vous dite qu’il s’agit de former à un " métier impossible " ?

La démarche clinique de formation n’est rien d’autre que la mise en place de situations qui permettent d’apprendre en réfléchissant sur l’expérience. On sait bien que les médecins apprennent réellement leur métier durant leurs années de clinique, même s’ils ont au préalable assimilé un nombre impressionnant de connaissances fondamentales. Ce modèle est d’ailleurs fortement mis en question par un certain nombre de Facultés de médecine, dans plusieurs pays : plutôt que d’inviter les étudiants à s’approprier durant plusieurs années des connaissances de base décontextualisées, elles les mettent d’emblée en situation de résolution de problèmes, face à des cas imaginaires, puis réels, en mettant à leur disposition le temps et les ressources nécessaires pour qu’ils construisent peu à peu les savoirs théoriques requis, en fonction des problèmes à résoudre. Une formation clinique des enseignants ne saurait, trait pour trait, être calquée sur la formation des médecins ou des psychologues, mais l’esprit général de cette démarche est transposable, parce qu’il part des mêmes fondements : l’impossibilité de fonder la pratique sur la théorie, le statut du savoir savant comme grille de lecture et outil de régulation de l’expérience pratique plutôt que comme base dont on pourrait déduire à coup sûr les bonnes stratégies d’enseignement. Une démarche clinique ne nie nullement le rôle des savoirs théoriques, ici ceux de la didactique et des sciences de l’éducation, mais elle postule que ces savoirs ne suffisent pas, que les compétences supposent leur mise en œuvre en situation réelle et complexe. Cette intégration et cette mobilisation des savoirs en situation ne s’apprend que par la pratique, une pratique d’emblée réflexive, au départ encadrée et soutenue par les formateurs de l’institution et ceux du terrain, conseillers pédagogiques ou maîtres de stages.

Former à un métier impossible (l’expression est de Freud, qui parlait aussi de la politique et de la psychanalyse), c’est former à un métier de l’humain, qui travaille avec l’autre, parfois contre l’autre, qui n’atteint jamais entièrement ses fins, qui n’est jamais sûr d’être respectueux d’une éthique rigoureuse. La formation doit donc non seulement permettre aux étudiants stagiaires de construire des compétences, mais leur donner les moyens personnels d’affronter la complexité, l’incertitude, le doute, l’échec, la différence, le conflit.

Le débat sur les relations " théorie-pratique " bat son plein dans les IUFM. Vous dites que le professionnel est celui qui est capable de mobiliser et d’actualiser des savoirs d’origines différentes, vous parlez à ce sujet de " schèmes " (Piaget) et " d’habitus " (Bourdieu). Comment proposez-vous d’intégrer ces notions dans la formation des enseignants à la complexité de ce métier ?

Un enseignant transmet des savoirs, ou mieux, en favorise la construction dans l’esprit des apprenants. Pour guider son action pédagogique et didactique, il s’appuie sur d’autres savoirs, qui touchent, eux, aux processus d’apprentissage, à la transposition et à la planification didactiques, à la relation éducative, à la dynamique des groupes, à la gestion du temps, de l’espace, des technologies, à l’implication des parents, à la résolution des conflits, etc. Pour enseigner efficacement, il ne suffit pas de maîtriser intellectuellement ces savoirs " pédagogiques ", il faut être capable de les mobiliser au jour le jour en situation, de les intégrer à des routines économiques et en même temps de réagir adéquatement en situation d’urgence. La mobilisation des savoirs en situation exige des schèmes d’action, d’anticipation, de jugement, de décision qui ne sont jamais la pure et simple mise en application de recettes, de méthodes ou autres " connaissances procédurales ". Ce sont ces schèmes qui sous-tendent le travail quotidien en classe. Former les enseignants, c’est en dernière instance les rendre capables d’agir dans des situations de plus en plus diverses et complexes, en atteignant de plus en plus sûrement leurs objectifs, dans un respect de plus en plus affirmé de règles éthiques.

Intégrer la notions de schème (et celle d’habitus comme système de schèmes) à la formation des enseignants ne consiste pas d’abord à faire des cours sur ces notions, encore qu’il ne soit pas inutile qu’un professionnel sache de quoi sont faites ses compétences et soit capable de métacognition. L’essentiel n’est pas d’en parler, mais ce créer les conditions propices à une formation de l’habitus. Celui d’un enseignant se forme comme celui d’un skieur, d’un pilote de Formule 1, d’un chirurgien ou d’un homme d’affaires : sur le terrain, par l’exercice en situation réelle ou réaliste, exercice qui débouche sur des apprentissages, des régulations, de nouveaux essais, une maîtrise pratique qui s’affirme progressivement, sous le contrôle de la réflexion, mais aussi de la répétition, seule garante de la rapidité et de la sûreté des réactions en situation de stress ou d’urgence. Il faut bien sûr des schémas, des techniques, des méthodes, des savoirs, mais il serait naïf de croire que leur simple assimilation intellectuelle suffit à construire des schèmes mobilisables en temps réel.

Au moment où le niveau de recrutement des enseignants du primaire s’élève au niveau de la licence et où la formation des enseignants du premier et second degré se fait dans les IUFM, vous attirez notre attention sur le fait que cette " universitarisation " ne garantit pas une plus grande efficacité pédagogique dans les classes. Pourquoi ?

Le niveau formel de scolarisation et la durée des études ne sont pas, en tant que tels, des gages absolues de compétences professionnelles solides. Tout dépend de l’usage qu’on fait du temps des études. Si l’on doublait la durée des études de droit, les avocats seraient sans doute encore plus savants. Mais c’est en pratiquant, en étudiant les dossiers, en plaidant, qu’ils apprennent véritablement leur métier. On peut imaginer des professions où les institutions de formation initiale se contenteraient de dispenser des savoirs savants, y compris les savoirs professionnels, et laisseraient aux structures et aux professionnels en place le soin d’encadrer la " formation pratique ". Dans l’Éducation nationale, les établissements et les enseignants en activité n’ont pas un rôle trop affirmé et surtout une réelle compétence de formation professionnelle des enseignants nouveaux. Le milieu scolaire les accueille certes pour les stages, et il a une forte capacité de socialisation des nouveaux venus, mais elle va souvent dans le sens de la conformité aux normes ambiantes plus que dans celui de la construction de véritables compétences professionnelles.

À ce sujet, quels rôles doivent jouer les stages et les formateurs de terrain au cours du cursus de formation ?

Plutôt que de superposer à une couche de savoirs savants une couche d’expérience pratique, il me paraît possible d’alterner durant plusieurs années ces deux types d’apprentissage. Mais il ne suffit pas pour cela de porter la formation à l’université, ni même de faire alterner des moments de stages et des moments de formation théorique. L’alternance n’est qu’une condition nécessaire d’une articulation théorie pratique et d’une véritable démarche clinique. Tout se joue dans la mise en relation des différentes composantes et des différents moments de la formation, et donc dans la coordination et la synergie des rôles des divers formateurs du centre et du terrain.

On réfléchit partout, en ce moment, sur une redéfinition de la place et du rôle des formateurs de terrain, façon nouvelle d’appeler les conseillers pédagogiques et maîtres de stages, mais aussi, on peut l’espérer, façon nouvelle de concevoir leur rôle. Plutôt que de maîtres exemplaires, on a besoin aujourd’hui de formateurs de terrain désireux et capables de favoriser l’explicitation des attentes et du contrat didactique, de verbaliser leurs propres modes de pensée et de décision, de ne pas jouer la comédie de la maîtrise, d’exprimer leurs doutes, leurs peurs, leurs ambivalences, leurs lassitudes, d’accepter les différences comme irréductibles, de prendre les erreurs comme des occasions de progresser, bref de devenir des formateurs d’adultes à part entière.

Peut-on parler réellement d’expertise en enseignement ? Quelles en sont les conditions ? Un enseignant expert est-il un enseignant qui maîtrise la didactique de sa discipline ?

On oppose volontiers aujourd’hui les novices et les experts. Ces notions ne sont pas toujours bien définies, mais elles ont le mérite de mettre l’accent sur le processus progressif de construction des compétences, au gré duquel on apprend à résoudre des problèmes complexes de plus en plus vite, de plus en plus sûrement, avec de plus en plus de distance, d’efficacité, de rigueur. On lie souvent l’expertise à l’expérience et à l’acquisition d’un " savoir d’expérience ", expression qui fait fortune ces temps. Je lierai pour ma part l’expertise, plus globalement, à la formation d’un habitus professionnel permettant de faire face à une gamme de plus en plus diversifiée de situations, en se situant régulièrement au delà des stratégies de survie, en trouvant un compromis entre des objectifs à long terme et les contraintes du quotidien. Ce que j’appelle une didactique " tout terrain " est une forme d’expertise. C’est la facette des compétences professionnelles la plus centrées sur les savoirs à enseigner, leur transposition en tâches et en activités, l’aménagement de situations didactiques. Il y d’autres facettes !

On construit souvent les plans de formation sur plusieurs piliers, la maîtrise des savoirs scolaires à transmettre, la maîtrise de la didactique des disciplines qu’on enseigne et enfin des compétences plus " transversales ", de l’ordre de la relation, de la gestion de classe, de la différenciation de l’enseignement, de l’évaluation formative, des relations avec les familles et l’environnement. Ces découpages ont un certain sens dans l’état actuel de la division du travail de recherche. À terme, cependant, l’expertise en enseignement ne peut être conçue comme une juxtaposition de formes bien distinctes d’expertises spécialisées. C’est au contraire une capacité globale d’intégrer toutes sortes de savoirs et de ressources dans des processus de décision qui ont toujours une dimension affective, relationnelle aussi bien que cognitive et didactique.

La création d’une licence " polyvalente " (préparatoire au recrutement des professeurs des écoles), d’un nouveau type par rapport aux actuelles licences " disciplinaires " a été évoquée en France. Pouvez-vous décrire la licence en sciences de l’éducation, mention " enseignement ", sur laquelle les autorités genevoises sont en train de réfléchir ?

En Suisse, la licence est l’équivalent d’une maîtrise. En sciences de l’éducation, à Genève, c’est une formation graduée de 4 ans, en Faculté. Le projet d’une licence " mention enseignement " diffère fortement de la voie française et se rapproche davantage des modèles nord-américains, en tentant d’en éviter les écueils. Il s’agit de créer, à partir d’un tronc commun d’un an, plusieurs parcours parallèles de second cycle, de trois ans chacun, l’un menant à la profession enseignante dans le premier degré, toutes fonctions et tous niveaux confondus. Le projet est assez avancé. Je ne puis en décrire le détail. Disons simplement qu’il inscrit clairement la formation professionnelle des enseignants dans les sciences de l’éducation, didactiques des disciplines comprises. Le second cycle se présenterait comme une succession d’unités de formation dites compactes, parce qu’au contraire des cours universitaires classiques, elle concentrerait une thématique sur un bloc de 8 à 12 semaines consécutives, avec une alternance entre semaines de faculté (une quinzaine d’heures de séminaires sur le thème central) et semaines de terrain, que l’étudiant passerait dans une classe. Cela n’exclut pas des stages longs en responsabilité, mais ce modèle se veut en rupture avec la simple juxtaposition de cours et de stages. Chaque unité de formation mobiliserait un réseau spécifique de formateurs de terrain, associés à la démarche. Le temps de formation en établissement et en classe se situerait entre 30 et 50 % du temps de formation au second cycle.

L’initiation à la recherche en éducation vous paraît-elle utile ou indispensable dans la formation initiale et/ou continue des enseignants ?

C’est une question qu’on ne peut pas dissocier du débat sur la place des sciences de l’éducation dans la formation des enseignants. Pour moi, l’initiation à la recherche est d’abord une démarche de formation, un moyen pour s’approprier de façon active, critique, autonome, des savoirs construits pas la psychologie, la sociologie, la psychologie sociale, l’anthropologie, l’histoire de l’éducation. Je n’ajoute pas à cette liste les didactiques : ce ne sont pas à mon avis des sciences humaines supplémentaires, mais au contraire des approches qui les mobilisent toutes pour comprendre ce qui se joue dans un champ particulier du savoir, de sa scolarisation, de sa transposition à des fins d’enseignement.

Nous ne pouvons plus croire aujourd’hui à une approche scientiste de la formation des enseignants, imaginer qu’il suffise de connaître les théories du développement de l’enfant, de l’apprentissage, des interactions didactiques, des relations entre les personnes, du fonctionnement des groupes pour savoir ipso facto comment enseigner, combattre l’échec scolaire, différencier la pédagogie, assurer les apprentissages. À l’inverse, on ne voit pas comment on pourrait assurer la maîtrise des situations pédagogiques complexes si l’on ne dispose pas d’une culture solide en sciences humaines, qui n’apporte pas LA solution à tous les problèmes, mais des hypothèses, des méthodes, des outils pour analyser la réalité et la pratique et imaginer des alternatives.

En formation des enseignants, impliquer les étudiants dans des pratiques de recherche en éducation me semble avoir trois fonctions distinctes : d’abord, c’est une démarche de pédagogie active pour s’approprier les concepts des sciences humaines ; en second lieu, c’est une façon de comprendre le mode de production des savoirs savants et donc leurs limites (ne pas attendre des sciences humaines des réponses à tout, ne pas leur tourner le dos en ne faisant confiance qu’au sens commun et au savoir d’expérience) ; enfin, une démarche de recherche en formation est un paradigme de pratique réflexive, avec d’autres. Mais je ne pense pas que l’initiation à la recherche doive jouer un rôle central dans les plans de formation.

Le vrai problème est ailleurs, il touche à la participation des formateurs d’enseignants à la recherche. Elle me paraît indispensable pour une partie d’entre eux, mais cela ne conduit pas nécessairement à superposer les activités de recherche des formateurs et l’initiation de leurs étudiants à la recherche…

Dans le cadre de la formation des enseignants par la recherche, il est demandé aux enseignants stagiaires de rédiger un mémoire professionnel. Alors que les formateurs non universitaires des IUFM se disent peu formés à diriger ces travaux, les stagiaires considèrent cette épreuve de validation comme un travail supplémentaire inutile. Pourriez-vous nous donner votre point de vue sur les rapports respectifs de la formation des maîtres et de la recherche en éducation, ainsi que sur les conditions à respecter pour donner un caractère formateur aux activités de recherche proposées aux futurs professionnels de l’enseignement ?

Les mémoires professionnels ne présentent, semble-t-il, aucune unité d’un IUFM à l’autre, dans leur conception, leur mode d’encadrement, leur rapport au terrain. Dans certains cas, ce sont des mémoires de didactique des disciplines sur des sujets assez pointus, qui nantissent peut-être l’étudiant d’un certain nombre de savoirs et savoir-faire théoriques et méthodologiques, mais dont on voit mal l’apport à une pratique de débutant. Dans d’autres cas, le mémoire professionnel est véritablement un outil de réflexion au service de l’étudiant, qui lui permet d’approfondir l’un des domaines qui le passionne, ou dans lequel il se sent le moins sûr, a le plus besoin d’y voir clair, d’expliciter ses objectifs, d’identifier les obstacles auxquels il se heurte, d’inventorier des stratégies possibles. Le mémoire professionnel ne devrait être qu’un moment fort et structuré de pratique réflexive. Même dans cet esprit, on ne lèvera pas toute résistance, pour une raison assez simple : la structure actuelle de la formation des enseignants en France met les étudiants stagiaires en situation d’urgence : ils ont une courte année universitaire, après le concours, pour se préparer à tenir une classe. Il vivent donc dans l’urgence, parant au plus pressé. Les moins assurés, les plus angoissés peuvent, à juste titre, ressentir le mémoire professionnel comme un travail trop académique, qui les détourne de leurs préoccupations immédiates et les centre sur un objet unique, alors qu’ils préférerait obtenir des " réponses concrètes " à une série de petits problèmes à résoudre, dont aucun ne mérite un aussi long détour. L’écriture d’un mémoire professionnel passe par une mise à l’écart d’autres problèmes quotidiens, ce qui n’est possible que si la survie est assurée.

La question de l’encadrement des mémoires professionnels ne peut être valablement posée qu’à partir d’une conception claire de leur rôle. Si l’on privilégie un mémoire de recherche de haut niveau, peut-être n’est-il pas utile de mobiliser des conseillers pédagogiques ou d’autres formateurs de terrain. Si on définit au contraire le mémoire comme un moment de pratique réflexive appuyée sur l’écrit, il est pertinent de demander à des formateurs de terrain de participer à son encadrement et son évaluation, à condition toutefois de ne pas leur demander subrepticement d’appliquer les normes de validation d’un mémoire de recherche… Ce qui compte, dans un véritable mémoire professionnel, ce n’est pas d’abord l’étendue de la bibliographie ou la richesse des citations d’auteurs, c’est la capacité de poser un problème et d’aller le plus loin possible dans son analyse, voire dans l’expérimentation de solutions.

Les stagiaires acceptent parfois assez mal de recevoir une " formation commune " donnée par les spécialistes des sciences de l’éducation. Pourriez-vous nous dire à quelles conditions les apports des sciences humaines pourraient contribuer efficacement à la formation des enseignants ?

Je suis frappé, dans les IUFM, par le statut marginal des sciences humaines en regard des didactiques des disciplines et par le déséquilibre entre la psychologie cognitive et les autres sciences de l’homme, sociologie, psychologie sociale, psychanalyse ou anthropologie de l’éducation. Tout cela ne peut que créer d’énormes malentendus. Pourquoi confiner les sciences humaines dans la formation commune, comme s’il s’agissait d’un apport tellement général, abstrait, loin du terrain qu’on le met à distance de la formation professionnelle proprement dite ? Admettons que la maîtrise des savoirs savants ou des pratiques sociales de référence fassent l’objet, dans une large mesure, d’un enseignement séparé. Pour le reste, les didactiques des disciplines et les sciences humaines sont deux composantes indissociables et tout aussi importantes et nécessaires de la formation professionnelle. Si les sciences humaines sont réduites à la portion congrue, deviennent une sorte de " supplément d’âme ", un petit détour par la psychologie de l’enfant ou de l’adolescent, la sociologie ou l’histoire de l’éducation, on peut comprendre que les étudiants n’en voient guère le sens, parce que ça ne correspond à aucune de leurs urgences. En première année, elles pèsent peu dans la réussite du concours ; en seconde année, sous cette forme académique, les sciences humaines ne répondent pas à la priorité des étudiants, qui est de survivre dans une classe. Dès le moment où on les conçoit autrement, par exemple comme apport décisif dans des groupes d’analyse de la pratique, comme ressources pour une pratique réflexive, elles permettent d’affronter les problèmes très concrets de relations pédagogiques, de gestion de classe, de travail en équipes, d’insertion dans un établissement, de résolution des conflits, de maintien de l’ordre, de lutte contre la violence ou le racisme, etc. Elles permettent aussi, et peut-être d’abord, de comprendre ce qui se joue au jour le jour dans les interactions didactiques, dans le désir d’apprendre, la distance culturelle, l’identité de l’apprenant, sa confiance en soi, sa capacité de communiquer et de construire un rapport au savoir qui ne soit pas purement défensif ou utilitariste.

La vraie question est de savoir pourquoi les IUFM ont " manqué le coche " en donnant un statut aussi marginal aux sciences humaines. Sans doute le rapport de ces dernières au terrain, à la pratique, au fonctionnement du système éducatif n’est-il pas étranger à cette orientation. Comment ne pas y voir d’abord les conséquences d’un rapport de force connu entre les sciences naturelles et les disciplines universitaires traditionnelles d’une part, les sciences sociales et humaines d’autre part ? Ces dernières restent les parents pauvres dans l’université. Le partenariat avec les IUFM en souffre dans maintes régions.

Notes
  1. Perrenoud, Ph. (1994) La formation des enseignants entre théorie et pratique, Paris, L’Harmattan.
  2. Chevallard, Y. (1991) La transposition didactique, Grenoble, La Pensée sauvage Éditions.
  3. op. cit.. Voir aussi Perrenoud, Ph. (1994) L’ambiguïté des savoirs et du rapport au savoir dans le métier d’enseignant, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation (repris dans Perrenoud, Ph., Enseigner : agir dans l’urgence, décider dans l’incertitude. Savoirs et compétences dans un métier complexe, Paris, ESF, 1996, chapitre 6, pp. 129-159).
  4. Perrenoud, Ph. (1994) Le travail sur l’habitus dans la formation des enseignants. Analyse des pratiques et prise de conscience, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation (publié in Paquay, L., Altet, M., Charlier, É. et Perrenoud, Ph. (dir.) Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, de Boeck, 1996, pp. 181-208, 2e éd. 1998).
  5. Perrenoud, Ph. (1994) Du maître de stage au formateur de terrain : formule creuse ou expression d’une nouvelle articulation entre théorie et pratique ?, in Clerc, F. et Dupuis, P.-A. (dir.) Rôle et place de la pratique dans la formation initiale et continue des enseignants, Nancy, Éditions CRDP de Lorraine, pp. 19-44.
  6. Perrenoud, Ph. (1993) Vers des démarches didactiques favorisant une régulation individualisée des apprentissages, in L. Allal, D. Bain & Ph. Perrenoud (éd.) Evaluation formative et didactique du français, Neuchâtel & Paris, Delachaux & Niestlé, pp. 31-50.
  7. Pour plus de détails, voir Groupe-projet (1994) Objectifs, structures et parcours de formation de la nouvelle option de la licence en sciences de l’éducation avec mention Enseignement, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation. Voir aussi Perrenoud, Ph. (1994) Former les enseignants primaires dans le cadre des sciences de l’éducation : le projet genevois, Recherche et Formation, n° 16, pp. 39-60.
  8. Perrenoud, Ph. (1991) Le rôle d’une initiation à la recherche dans la formation de base des enseignants, in INRP, La place de la recherche dans la formation des enseignants, Paris, INRP, pp. 91-121 (repris dans Perrenoud, Ph., La formation des enseignants entre théorie et pratique, Paris, L’Harmattan, 1994, chapitre VI, pp. 123-146).
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