Source et copyright à la fin du texte
in Lapierre, G. (dir.) Qui forme les enseignants en France aujourd’hui ?, Grenoble, Université Pierre Mendès France, 1996, pp. 75-100.

 

 

 

 

Former les maîtres du premier degré
à l’Université : le pari genevois

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et de sciences de l’éducation
Université de Genève
1996

Sommaire

Des savoirs et des compétences

Une année et un module analysés de plus près

Rendez-vous en l’an 2001

Références

 


IUFM, cinq ans après, où en sommes-nous ? " La question m’intéresse à un double titre : comme observateur assez proche de la réalité française et comme coordinateur, avec Mireille Cifali, d’un programme de formation des professeurs d’école à l’Université de Genève, en sciences de l’éducation.

J’ai travaillé avec un certain nombre d’IUFM au cours de ces dernières années, notamment ceux du pôle Sud-Est, au moment de la création des IUFM et plus récemment dans la phase d’élaboration du second plan de formation. Les questions que vous vous posez me sont donc un peu familières, parce qu’elles sont posées dans de nombreuses académies, parfois depuis longtemps. J’interviendrai demain matin pour vous restituer ce que j’ai compris des questions fondamentales qui traversent les IUFM. Dans l’immédiat, je vais tenter de montrer que certaines d’entre elles se posent aussi ailleurs, même si c’est dans ses structures différentes. Je vous invite à entrer un moment dans ma réalité, j’essayerai de faire l’exercice inverse demain matin. Je vais me borner à décrire les grandes lignes d’un projet qui est aussi un pari. À vous d’identifier ce qu’il y a de transférable.

J’habite à huit cents mètres de la frontière franco-suisse et l’Université où j’enseigne est située à deux à trois kilomètres de la même frontière. Genève est donc très proche de la France. Pourtant, du point de vue des institutions de formation, ce canton appartient à une autre planète, ou plutôt à un ensemble d’astéroïdes, vingt-six exactement, car chaque canton suisse a un système éducatif particulier (structures et programmes) auquel correspond un système spécifique de formation des maîtres. Certes, tout n’est pas différent, il y a des inspirations communes, des conventions entre cantons qui visent une certaine harmonisation et des modèles nationaux, assortis parfois de subventions, qui favorisent une certaine uniformisation. Cependant, chaque canton a son histoire et sa culture. Son enseignement public s’inscrit dans une constitution et une législation cantonales, sous le contrôle d’un parlement et d’un gouvernement élus par les électrices et électeurs du canton. À la faveur de cette assez forte autonomie, les politiques de l’éducation et les structures scolaires s’infléchissent en fonction des partis au pouvoir, du niveau - assez inégal - de développement économique, des valeurs qui prédominent, de la confession majoritaire et des rapports entres les églises et l’État, du degré d’urbanisation et de tertiarisation.

La République et Canton de Genève, petite collectivité d’environ 350’000 habitants, très urbaine et cosmopolite, fait souvent cavalier seul, parce qu’elle est confrontée à des problèmes de formation différents (économie largement tertiaire, forte immigration par exemple) et aussi parce que la pédagogie et les sciences de l’éducation y ont connu un développement sans précédent de Ferrière à Piaget, en passant par Claparède et Dottrens. Cette différence se manifeste aussi dans le domaine de la formation des enseignants, et plus fortement encore celle des enseignants primaires, qui est partiellement universitaire depuis 1930, au niveau " bac + 3 ". Le projet est de l’universitariser complètement dans le cadre universitaire des sciences de l’éducation. Nous essayons de construire un parcours complet de formation à la fois universitaire et professionnelle en sciences de l’éducation, qui ouvre aussi bien sur le doctorat et le troisième cycle - l’équivalent de vos DEA et DESS - que sur la pratique immédiate et autonome, sans formation complémentaire, du métier d’enseignant primaire. Ce projet, dans son principe, n’est pas très original, puisqu’il suit le chemin ouvert par le Canada et les États-Unis il y a près de 30 ans, et déjà emprunté par quelques pays européens. Cela reste un pari à gagner dans chaque situation nationale.

Ce qui se prépare à Genève paraît, sinon inconcevable, du moins inapplicable comme tel dans la plupart des autres cantons suisses, puisqu’ils connaissent encore le système des écoles normales, les unes de niveau lycée, assumant à la fois formation culturelle et formation professionnelle, les autres assurant une formation strictement professionnelle après le baccalauréat, mais sans lien avec la recherche en éducation et les universités, d’ailleurs inégalement présentes et développées. L’ensemble de la Suisse est en train de réexaminer ces structures, des réformes sont en cours ou en gestation dans le sens d’un modèle proposé à l’ensemble du pays, qui s’oriente vers des Hautes écoles pédagogiques, dispensant une formation professionnelle non universitaire de niveau " bac + 2 " ou " bac + 3 ". Des partenariats avec les universités sont esquissés et les relations avec la recherche en éducation devraient se développer. Toutefois, ces nouvelles institutions ne verront le jour que vers la fin du siècle, à un rythme et selon des modalités qui différeront d’un canton à l’autre et seront fortement dépendantes de la crise généralisée des finances publiques. Peut-être verra-t-on enfin, pour des raisons plus économiques que politiques, se développer des institutions de formation initiale des enseignants communes à plusieurs cantons ou du moins des partenariats entre hautes écoles.

Le système de formation genevois vit depuis plus de soixante ans selon un modèle que le reste de la Suisse promet pour l’an 2’000. Il n’est donc pas étonnant que le projet genevois veuille maintenant aller plus loin, dans le sens d’une universitarisation intégrale de la formation des professeurs d’école. Cette transformation institutionnelle, amorcée en 1990-92 et qui se concrétisera par l’ouverture d’un nouveau programme universitaire en 1996, n’est pas un but en soi, elle n’a de sens que si elle permet un progrès de la formation des enseignants et en particulier une plus forte articulation entre théories et pratiques et une meilleure prise en compte de la recherche en éducation dans la formation dans enseignants. On entend ainsi, pour le dire en deux mots, contribuer à la professionnalisation du métier d’enseignant et à l’émergence de praticiens capables de réfléchir sur leurs pratiques, d’innover, de travailler en équipe, de se former tout au long de leur vie professionnelle.

Le projet qui se met en place ne concerne que la formation des professeurs d’école. La formation des professeurs du second degré reste, en Suisse, fondée sur un titre universitaire (équivalent à une maîtrise) dans une discipline d’enseignement, complété par une formation pédagogique et didactique d’un ou deux ans, souvent en emploi et à temps partiel, assurée, selon les cas, soit par un département universitaire de pédagogie ou de sciences de l’éducation, soit, le plus souvent, par une institution de formation interne au système éducatif. La création de Hautes écoles pédagogiques poussera à regrouper les deux filières sous un même toit - comme on l’a fait à la création des IUFM - mais sans les confondre. À Genève, la question de leur rapprochement a été posée, mais elle est épineuse et pose des questions structurelles complexes. Aucune analyse de ce problème ne peut, par exemple, faire l’économie de la réflexion sur le degré de maîtrise des contenus à enseigner. L’hypothèse française d’un même niveau et d’une même durée de formation initiale pour tous paraît irrecevable aujourd’hui en Suisse. C’est pourquoi nous avons restructuré la formation des professeurs d’école sans attendre des clarifications qui prendront encore des années, peut-être des décennies…

J’ai très brièvement situé un cadre géographique, historique, institutionnel et rappelé la diversité de la Suisse. Je ne voudrais pas que l’on en tire prématurément la conclusion que rien de ce qui se passe dans un tel cadre ne saurait avoir de rapport avec la réalité française. Prenons la question de la taille des institutions et des populations concernées. On me dit souvent : il est impossible de transposer à un IUFM accueillant des milliers d’étudiants un dispositif de formation qui entend former 80 professeurs d’école par an. J’adopterai ici une thèse un peu provocatrice : ce n’est pas une question d’échelle ! Si les idées que je vais défendre ici ne sont pas applicables en France, c’est en raison de conceptions différentes de la formation, d’une histoire et de structures différentes de l’enseignement supérieur. L’école obligatoire, par exemple, a une organisation assez semblable, que le système éducatif soit organisé à l’échelle d’une collectivité de trois cents mille ou de cinquante millions d’habitants, parce que la structure de base - classe ou établissement - est répétée autant de fois qu’il le faut pour accueillir toute la population à scolariser. Ce n’est pas non plus un problème de ressources, puisque le rapport entre le nombre de formateurs et le nombre d’étudiants importe plus que les effectifs absolus. Si le modèle genevois s’écarte très nettement du modèle des IUFM français, ce n’est pas en raison de la taille de la population et des institutions. Ne nous trompons pas de débat. Ce n’est pas un modèle réservé aux petits pays ; c’est une autre façon de penser la formation et notamment son rapport aux sciences de l’éducation. L’échelle n’a d’importance - mais peut-être est-ce décisif - que dans ses incidences sur les processus d’innovation. Mais ici encore, le problème naît d’une contradiction politique entre innovation centralisée et gestion décentralisée…

Yves Lenoir n’a guère insisté sur ce qui reste, à mes yeux, une différence considérable entre le Québec et la France. Aux États-Unis et au Canada, ce sont les Facultés d’éducation ou de sciences d’éducation qui assurent intégralement la formation les enseignants primaires. Au Québec, elles coordonnent aussi celle des enseignants secondaires, dans le cadre d’un partenariat entre facultés universitaires. Ce modèle donne aux sciences de l’éducation une place centrale, alors qu’elle est marginale, voire infime, dans nombre d’IUFM. Le pari genevois est beaucoup plus proche du modèle nord-américain que du modèle français. Orienté vers une formation professionnelle et académique basée sur les sciences de l’éducation, il tentera en même temps d’éviter la dérive nord-américaine, qui a conduit à une faible articulation entre théories et pratiques.

Ce pari n’est pas sans risque, en raison du stade de développement des sciences de l’éducation et des difficultés de l’université à assumer pleinement des formations professionnelles, de peur de devenir une " école supérieure de métiers ". À Genève, ce pari n’est nullement absurde, mais il reste à le gagner. La phase de construction du dispositif n’est pas achevée, mais la première année est en place, pour accueillir les étudiants qui arrivent en octobre 1996. Le compte à rebours engagé depuis 1993 est extrêmement serré et riche de quelques rebondissements liés aux enjeux institutionnels et budgétaires. Je vous laisse imaginer les négociations de ces trois dernières années, au gré des tribulations inévitables d’un projet qui modifie sensiblement aussi bien le paysage universitaire que les rapports entre la formation initiale des enseignants et l’institution scolaire, qui s’en dessaisit. Disons simplement que rien n’aurait été possible sans une entente assez forte entre l’administration scolaire, les associations professionnelles et l’université. Des partenariats divers et anciens, dans ce domaine comme dans d’autres, le fait que tous les enseignants en exercice aient passé au moins un an à l’université et que nombre d’entre eux aient achevé une maîtrise en sciences de l’éducation au titre de leur formation continue, l’orientation de la recherche en éducation vers une collaboration avec les établissements, tout cela a évidemment joué en faveur du changement. Le dispositif lui-même a été élaboré par un groupe-projet de quatorze personnes, composé pour moitié d’enseignants-chercheurs universitaires et pour moitié d’enseignants primaires déchargés de leur classe à cette fin, durant trois ans. Le partenariat existait donc en amont du dispositif, il a fonctionné durant sa conception et se poursuivra au stade de sa mise en œuvre, dans le cadre d’un contrat en bonne et due forme, réglant notamment tout ce qui touche à la présence et à la formation des étudiants-stagiaires dans les établissements et aux formateurs de terrain. Une partie des formateurs universitaires nouveaux, en cours de recrutement, viendront sans doute du milieu professionnel, ils auront à la fois une maîtrise en sciences de l’éducation ou en sciences humaines et une formation et une expérience d’enseignant primaire, parfois aussi de formateur d’adultes. Il est évident que la genèse particulière d’un tel projet et la configuration d’acteurs sociaux impliqués détermine en partie son contenu et ses chances de succès, mais là n’est pas mon propos principal. Je vais essayer plutôt de me centrer sur l’état présent du projet et ses principes directeurs.


Des savoirs et des compétences

La formation des enseignants ne se borne pas à une juxtaposition de savoirs, elle les dépasse, pour aller vers des compétences de gestion de situations éducatives et didactiques complexes et singulières. La formation de compétences renvoie à des savoir-faire, à un " habitus ", à une éthique, à une identité, à une façon intégrée d’être au monde, d’entrer en relation et d’agir, toutes choses qui ne sont pas de l’ordre des savoirs. Il ne suffit donc pas, pour former des maîtres, de faire coexister dans un curriculum divers types de savoirs, ni même de les intégrer.

Il importe tout autant de faire leur juste place aux savoirs de divers types dont les enseignants ont besoin pour exercer leur métier. On peut, grosso modo, avancer qu’un professionnel de l’enseignement mobilise :

  1. Des savoirs savants, plus ou moins pointus, dans les disciplines à enseigner.
  2. Une familiarité avec les savoirs à enseigner tels qu’ils résultent d’une première phase de transposition didactique, celle qui aboutit aux programmes, aux manuels et autres composantes du curriculum prescrit.
  3. Les savoirs savants issus de la recherche en didactique et dans les autres champs des sciences de l’éducation.
  4. Les savoirs professionnels transmis par la culture des gens d’école (gestion de classe, maintien de la discipline, évaluation, devoirs, relations avec les parents, etc.).
  5. Les savoirs personnels (ou partagés à petite échelle, équipe pédagogique, établissement) construits à partir de l’expérience.

Les savoirs d’expérience ne peuvent, comme leur nom l’indique, faire partie d’un curriculum de formation. En revanche, ils ne sont pas absents du plan de formation dans la mesure où :

L’étude avancée des savoirs du premier type fait en général partie du programme des écoles normales. Nous avons pris, dans le cadre du projet genevois, un parti relativement radical, qui consiste à considérer que la maîtrise des disciplines à enseigner est acquise au niveau du baccalauréat ou sera complétée au gré des besoins et de l’expérience. Il faut immédiatement préciser que le baccalauréat est en Suisse un diplôme sélectif, que n’obtiennent, selon les cantons, que 20 à 25 % des élèves d’une génération, ce qui garantit un niveau relativement élevé de maîtrise des disciplines scolaires de base.

La formation professionnelle des enseignants se concentrera donc sur les savoirs de type 2, 3 et 4, en se bornant :

Les sciences de l’éducation à Genève

À Genève, pour entreprendre des études universitaires en sciences de l’éducation, il faut avoir un baccalauréat (scientifique, classique, langue, économique ou artistique) ou une formation équivalente. Les études durent quatre ans et s’achèvent par l’obtention de ce que nous appelons une licence, qui équivaut à une maîtrise française.

La prise en charge de la formation des professeurs d’école a incité la Section des sciences de l’éducation à préciser et diversifier les finalités des formations qu’elle offre et à reconstruire complètement la structure et les plans de formation du premier et second cycle conduisant en quatre ans à une maîtrise. Nous travaillons dans le cadre d’une université qui compte environ 15’000 étudiants, et plus précisément d’une Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, qui accueille à peu près 2’100 étudiants, dont 1’070 en sciences de l’éducation.

Ceux qui commencent leurs études vont, dès octobre 1996, suivre un tronc commun d’un an (premier cycle), puis se répartir entre trois orientations complémentaires au deuxième cycle (trois ans chaque fois), aboutissant à une licence unique en sciences de l’éducation, particularisée par une mention :

La restructuration des sciences de l’éducation à Genève

Premier cycle : culture de base en sciences de l’éducation
1 an
Deuxième cycle
mention Recherche et
intervention
Deuxième cycle
mention
Formateurs d’adultes
Deuxième cycle
mention
Enseignement
 

 

3 ans

Le premier cycle est commun aux différentes orientations et en constitue le fondement. Il vise à donner une culture commune en sciences de l’éducation et une base d’orientation aux étudiants dont le choix n’est pas encore arrêté. C’est un parcours qui laisse donc, pour jouer son rôle, relativement peu de liberté, avec trois domaines : les approches disciplinaires, les problématiques de l’éducation et de la formation et des stages d’observation dans divers milieux éducatifs et scolaires.

Les éclairages disciplinaires proposent une initiation aux diverses sciences sociales et humaines dont la réunion constitue les sciences de l’éducation. Nous sommes placés au carrefour de disciplines qui existent pour elles-mêmes dans d’autres facultés ou département universitaires, mais dont la rencontre, autour d’un objet commun, le système et les pratiques d’éducation et de formation, permet à la fois une recherche pluri, inter ou transdisciplinaire et des formations orientées vers la complexité des systèmes, des pratiques et des situations de formation. Parmi les sciences humaines qui ont " quelque chose à dire " sur l’éducation, il y a bien sûr la psychologie, chronologiquement première, dès Claparède, rejointe par la psychologie sociale, la sociologie, l’anthropologie, la psychanalyse, l’histoire, les sciences du langage. La philosophie, la pédagogie, l’épistémologie et l’éthique entretiennent un rapport moins empirique au réel, et suivent d’autres méthodes, mais elles constituent aussi des disciplines contributives aux sciences de l’éducation.

Les problématiques de l’éducation et de la formation, qui constituent le second domaine, s’organisent d’emblée autour de champs et de problèmes complexes construits par les acteurs sociaux : l’éducation des adultes, l’éducation scolaire, les disciplines d’enseignement, la relation éducative, la problématique de l’exclusion et de l’intégration, les politiques de l’éducation. À ces deux grands domaines, qui participent d’une culture universitaire relativement classique, s’ajoute une unité d’observation et d’analyse des terrains éducatifs et scolaires, qui représente un peu l’équivalent des modules de préprofessionnalisation dans les universités françaises, soit deux semaines ou 50 heures de stage avec un séminaire d’accompagnement. Cette unité remplit a à peu près les fonctions que Jacqueline Lacotte attribuait à la préprofessionnalisation : orientation et sensibilisation. Ce n’est pas encore de la formation professionnelle, mais cela devrait inviter les étudiants qui découvrent qu’ils " ne se sentent pas faits pour enseigner " à choisir d’autres voies. À ceux qui s’orientent vers la formation d’enseignants, cette unité donnera en outre, avant même que commence le second cycle, une certaine expérience, du terrain. Celle-ci a d’ailleurs un certain poids dans la procédure d’admission sur dossier au deuxième cycle mention Enseignement.

À l’issue de ce tronc commun, les étudiants devraient avoir une vue d’ensemble des disciplines et des champs sociaux concernés et une première appréhension de l’identité des sciences de l’éducation comme carrefour interdisciplinaire et articulation des théories à des champs, des systèmes, des pratiques de formation. Vous vous en doutez, c’est une conception qui suscite un débat constant et ne fait pas l’objet d’un véritable consensus, mais de cette sorte d’accord minimal qui permet aux universitaires de travailler ensemble, ou côte à côte, sans définir de la même façon la nature et les missions de l’institution…

Au deuxième cycle, la mention Recherche et intervention est la plus proche des sciences de l’éducation telles qu’on les conçoit depuis vingt-cinq ans à Genève, avec la préparation à la recherche, mais aussi à la recherche-action, à l’intervention en établissement, à l’accompagnement de projets, à l’ingénierie didactique, à la planification. Cette formation existe déjà, dans une large mesure, même si elle a été également restructurée. S’y ajoutent deux formations qui, elles, sont nouvelles : formation de formateurs d’adultes en sciences de l’éducation et formation d’enseignants primaires ou, si vous préférez, de professeurs d’école. Je me limite ici à décrire cette dernière mention.

Le second cycle mention Enseignement se propose de former des gens suffisamment polyvalents pour enseigner toutes les disciplines reconnues à l’école maternelle et primaire à des enfants de quatre à douze ans, c’est-à-dire dans l’ensemble des cycles d’études qui précèdent le passage dans l’enseignement secondaire, en tout deux ans de scolarité préobligatoire suivis de six ans de scolarité obligatoire. Cette polyvalence couvre également l’enseignement spécialisé. Du point de vue des disciplines, elle inclut l’éducation physique, la musique et les arts plastiques, même si ces disciplines sont en partie enseignées par des spécialistes formés selon une autre filière.

Objectifs de la formation des enseignants primaires

La formation est orientée par des objectifs, que voici réduit à leur plus simple expression sous la forme de douze compétences générales :

  1. Maîtriser et exercer la profession d’enseignant.
  2. Réfléchir sur sa pratique, innover, se former.
  3. Maîtriser les disciplines à enseigner et leurs didactiques.
  4. Se servir des sciences humaines comme base d’analyse des situations éducatives complexes.
  5. Assumer la dimension éducative de l’enseignement.
  6. Savoir concevoir, construire et gérer des situations d’apprentissage et d’enseignement.
  7. Prendre en compte la diversité des élèves.
  8. Assumer les dimensions relationnelles du métier.
  9. Intégrer une composante éthique à la pratique quotidienne.
  10. Travailler en équipe et coopérer avec d’autres professionnels.
  11. Se servir à bon escient des technologies.
  12. Entretenir un rapport critique et autonome aux savoirs.

Ces formulations synthétiques cachent l’essentiel du travail qui les sous-tend, à savoir une analyse du métier d’enseignant et des pratiques pédagogiques, et un inventaire des compétences requises pour enseigner à l’école primaire, qui sont au fondement d’une transposition didactique orientée vers une formation universitaire et professionnelle. Nous avons, on le voit, rejeté le principe d’un référentiel de compétences extrêmement détaillé, au profit de quelques grands axes, chacun exigeant sans doute une certaine explicitation, mais sans éclater en une myriade de savoir-faire. Les compétences ne sont pas un répertoire de savoir-faire spécialisés permettant de répondre d’avance à toutes les situations possibles. Les compétences donnent au contraire les moyens de construire des réponses originales à des situations inédites, à partir d’une culture scientifique de base, de savoirs professionnels, d’un savoir-analyser, d’un rapport au savoir et à la réalité, d’une expérience capitalisée.

Ainsi énoncée, chacune des compétences énoncées enfonce sans doute une porte ouverte. Il faudrait une discussion extrêmement serrée, sur le fond, pour savoir si nous parlons du même métier et si nous en construisons des représentations voisines. C’est ainsi qu’une compétence apparemment aussi triviale que " Maîtriser et exercer la profession d’enseignant " mériterait qu’on s’y arrête. L’enseignant est rarement " à son compte ", ce n’est pas artisan indépendant, mais un salarié d’une organisation, nanti d’un cahier des charges, de programmes, de directives et qui, pourtant, revendique ou se donne une certaine autonomie, au nom d’une éthique et d’un projet éducatifs personnels. Exister comme éducateur dans une organisation, concilier mandat et projet, savoir " jusqu’où ne pas aller trop loin " passe par des compétences spécifiques : art de la négociation, sens du compromis, intelligence tactique, ruse avec les textes et maniement du double discours. Une organisation demande à ses agents de faire des choses auxquelles ils ne croient pas complètement et leur interdit d’en faire d’autres qui leur semblent très importantes. En outre, en raison des divergences politiques et idéologiques qui empêchent de clarifier complètement les finalités de l’éducation et d’élaborer des programmes réalistes, l’école donne à chaque enseignant, de fait, des responsabilités qui vont bien au-delà de l’exécution, puisque se rejouent dans chaque salle de classe, tous les jours, à travers l’allégement sauvage des programme, l’évaluation, le degré de différenciation de l’enseignement, certains choix de politique de l’éducation. À cela s’ajoutent tous les débats en cours sur la professionnalisation du métier d’enseignant et ses corollaires : pratique réflexive, coopération, projets d’établissement, obligation de rendre compte des usages d’une autonomie professionnelle plus explicitement reconnue. Savoir maîtriser et exercer le métier d’enseignant est donc une compétence spécifique, qui n’est pas la simple réunion de compétences pédagogiques et didactiques, mais concerne le travail - donc la communication, la négociation, la coopération, la résolution des conflits - avec d’autres adultes dans une organisation complexe, la construction d’une identité à mi chemin entre l’éducateur magnifié par Rousseau et le rouage anonyme d’une machine bureaucratique…

Autre exemple : " Se servir des sciences humaines comme base d’analyse de situations éducatives complexes " peut paraître évident dans le cadre des sciences de l’éducation, mais consacre également une rupture avec l’option déductive ou applicationniste de Claparède. La théorie ne permet pas de savoir comment enseigner, mais elle aide à anticiper certains obstacles, à imaginer divers scénarios, aussi bien qu’à analyser l’expérience, à comprendre pourquoi les choses se sont passées de telle ou telle façon. Les savoirs théoriques sont des outils de régulation de la pratique, selon des boucles courtes - que faire durant les minutes ou les heures qui suivent - ou plus longues. Dans tous les cas, il s’agit de préparer à une pratique réflexive et à un apprentissage continu, appuyés sur une culture en sciences humaines et des capacités générales d’observation et d’analyse.

Je n’insiste pas sur les objectifs et j’en viens à la démarche de formation, mais il va de soi qu’ils sont liés.

Dispositif et unités de formation

On l’aura compris déjà, ce projet s’arrime à une volonté très claire de construire une formation en alternance, au sens le plus fort, c’est à dire avec une constante articulation entre théories et pratiques et en partenariat avec le terrain. Cela ne veut pas dire que l’université s’occupera de la théorie et que les stages pourvoiront à la " formation pratique ". L’articulation entre théories et pratiques n’existe que par leur mise en relation. Elle disparaît dès lorsqu’on s’absorbe dans les unes en oubliant les autres. Tous les formateurs sont donc concernés. Leur tâche, en des lieux et dans des postures différentes, est d’organiser, de faciliter le va-et-vient entre ce que les étudiants apprennent dans le registre théorique et ce qu’ils vivent et observent sur le terrain. Nous avons voulu réaliser un parcours orienté vers une pratique réfléchie, construit au gré d’une démarche clinique, définie comme un mode de construction de savoirs personnels à partir d’une réflexion sur l’expérience, alimentée par une formation théorique et méthodologique.

Pourquoi insérer une telle formation dans une Faculté universitaire plutôt que dans un Institut supérieur externe ou dans une école professionnelle rattachée à une faculté, comme il en existe à Genève pour la pharmacie, l’interprétariat et d’autres formations comparables ? Nous tenions à ce que la formation des enseignants soit de même statut et de même niveau d’exigence que les autres. Aucun professeur n’interviendra dans un seul programme et cette double ou triple insertion devrait s’étendre progressivement à tous les enseignants-chercheurs, y compris ceux qui viennent du terrain professionnel. La formation des enseignants n’a pas de statut spécial, c’est une formation comme les autres, aussi académique que professionnelle, ouvrant sur les mêmes parcours de troisième cycle et de doctorat. Nous ne souhaitions pas recréer une école Normale enkystée dans l’université, mais ouvrir une formation universitaire dont la spécificité ne tient pas à une lointaine filiation avec les écoles normales, mais à des objectifs orientés vers les compétences, à la démarche clinique de formation et au partenariat avec un terrain. La formation parallèle des formateurs d’adultes sera, elle aussi, une formation en alternance, avec la même perspective.

Compte tenu de la taille du système éducatif genevois (environ 1’500 classe primaires), l’administration a mis à disposition 80 " places de stages " par an. On verra que cette expression consacrée recouvre des insertions multiples, mais c’est une approximation suffisante pour estimer la capacité d’accueil et d’encadrement de l’enseignement primaire. À raison de 80 nouveaux étudiants par an, recrutés sur dossier à l’entrée du deuxième cycle mention Enseignement, la filière une fois complète comptera environ 240 étudiants. Chacun travaillera au gré de son cursus avec une bonne dizaine d’enseignants primaires différents ; ces 240 étudiants mobiliseront donc non 240 formateurs de terrain, mais trois ou quatre fois plus. C’est cependant un système à taille humaine, qu’on peut gérer de façon partiellement expérimentale : tout n’est pas ficelé, une partie de ce que je vais présenter est encore en cours de conception ou de négociation et les modalités de formation dont je vais faire état restent en partie des hypothèses de travail. Elles suffisent à donner à voir l’essentiel d’une démarche de formation.

Le principal problème de l’alternance est de dépasser la simple juxtaposition de périodes de cours et de périodes de stage. Comment s’y prendre ? Cela n’est possible qu’en concevant autrement la notion même d’unité de formation. À Genève, les sciences de l’éducation fonctionnent depuis vingt ans avec un système d’unités capitalisables : chaque unité de formation est considérée comme une " unité de valeur " que l’étudiant peut acquérir s’il satisfait aux critères d’évaluation, selon une modalité dichotomique : acquis ou non acquis. Il n’y a ni notes, ni moyennes. La capitalisation du nombre requis d’unités de valeur dans des délais d’études raisonnables et la soutenance d’un mémoire de fin d’études permettent d’obtenir une maîtrise en quatre ans d’études à temps plein. Le choix des unités doit suivre certaines règles, mais permet une assez forte individualisation des parcours de formation, aussi bien dans leur contenu que dans le rythme de progression. Ce système permet aux personnes ayant des charges de famille ou aux professionnels de l’éducation ou de travail social de faire ou d’achever des études universitaires plus tranquillement, à temps partiel, parallèlement à d’autres investissements. L’esprit de ce système sera maintenu, avec des assouplissements supplémentaires, autorisant notamment à associer à chaque unité de formation un nombre de crédits variable d’une unité à une autre. Le système européen ECTS (European Community Transfer System) considère qu’une année universitaire standard, à temps plein, vaut 60 crédits, ce qui correspond à 540 heures de cours suivies par l’étudiant ou à leur équivalent sous d’autres formes (séminaires, stages, travaux pratiques, recherches, travaux indépendants sous contrat, mémoire ou d’autres encore). Le poids des unités de formation en crédits va de 3, par exemple pour un cours de deux heures hebdomadaires durant un semestre, à 18, pour le mémoire de fin d’études. À raison de 60 crédits par an, la licence en sciences de l’éducation peut être accomplie en quatre ans, puisqu’elle exige 240 crédits. Mais on peut avancer plus lentement.

Cette souplesse rend possible des unités de formation à géométrie variable, et notamment des unités dites compactes qui combinent temps de travail sur le terrain et temps de travail en faculté. C’est une condition d’une autre articulation entre théories et pratiques. Il s’agit en effet de rompre avec l’idée, courante dans les institutions de formation des enseignants, que quand les étudiants sont " en stage ", ils ne relèvent plus de leurs formateurs habituels, ceux qui leur donnent des enseignements disciplinaires, didactiques ou pédagogiques. Ils sont confiés à des maîtres de stages ou conseillers pédagogiques, sous la surveillance des chefs d’établissement. Les étudiants vivent donc deux vies. Avant un stage, dans le meilleur des cas, les formateurs du centre le préparent avec eux, mais rien n’assure qu’ils retrouveront les mêmes étudiants à leur retour de stage. Le stage ne leur appartient pas. Au retour de stage, les étudiants échangent des impressions entre eux, éventuellement avec les formateurs le premier jour, et les cours reprennent.

Le dispositif genevois s’efforcera, pour combattre cette juxtaposition, de placer les temps de faculté et les temps de terrain sous la responsabilité des mêmes formateurs, à savoir une équipe universitaire animant un réseau spécifique de formateurs de terrain dans le cadre d’une unité compacte de plusieurs semaines consécutives (de 3 à 14) faisant alterner semaines de terrain et semaines de faculté. Les semaines de terrain ne sont pas considérées comme des " stages ". La notion de stage, sans disparaître, n’est désormais plus utilisée que pour les stages en responsabilité. Les autres périodes passées dans des classes sont définies comme des semaines de terrain, complètement intégrés à une unité de formation compacte. Ce changement de vocabulaire n’est pas anodin, les mots véhiculent des images toutes faites et la notion de stage n’évoque pas une unité de formation, mais une expérience d’un autre ordre, qui se déroule " ailleurs " et dont les liens avec le reste de la formation sont ténus.

On pourrait imaginer un parcours de formation défini comme une simple succession d’unités compactes, qui représentaient en quelques sortes de brefs cycles d’études, dont l’enchaînement conduirait au titre final. Mais ce n’est pas aussi simple, puisqu’il faut d’une part tenter de conserver la flexibilité du système d’unités capitalisables, d’autre part trouver le moyen de faire coexister des unités compactes, cadre privilégié de l’alternance, et des unités filées, selon le format des cours universitaires classiques, plus adéquates pour transmettre des connaissances en suivant un " texte du savoir ".

Comment faire coexister deux logiques temporelles différentes dans les mêmes semaines et les mêmes années ? Par exemple en divisant la semaine de travail en deux types de plages horaires, selon le schéma suivant :

Lundi
Mardi
Mercredi
Jeudi
Vendredi
8 à 16 heures
*****
*****
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*****
*****
16 à 19 heures
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UF compactes

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UF filées

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Lundi, mardi, jeudi et vendredi, les plages de 8 à 16 heures sont réservées aux unités compactes. Dès 16 heures les mêmes jours et toute la journée le mercredi, jour de fermeture des écoles, ce seront les plages réservées aux UF filées, cours ou séminaires, à raison de deux heures par semaine ou par quinzaine, durant une année ou un semestre.

La coïncidence entre les plages réservées aux unités compactes et les horaires de l’école primaire évite tout conflit, tant pour les formateurs que pour les étudiants, entre leur participation à des unités filées, qui exige une présence régulière durant l’année, et leur travail en unités compactes, plus intensif. Je précise que les plages horaires réservées à un type d’unités - compactes ou filées - ne doivent nullement être intégralement occupées : la semaine moyenne de l’étudiant devrait se composer d’environ 6 heures hebdomadaires en unités filées et de 16 à 25 heures en unités compactes (16 lorsqu’il travaille en faculté, 25 lorsqu’il travaille dans une école).

Les unités de formation de trois semaines disposent, à elles seules, de toutes les heures hebdomadaires réservées aux unités compactes (jusqu’à 16 par semaine), pour un travail intensif et suivi. C’est le cas, notamment, des unités d’intégration par lesquelles commence chaque année universitaire. Pour des périodes plus longues, plusieurs unités compactes se partagent les plages horaires dans le cadre d’un module, qui est en quelque sorte une fédération d’unités de formation compactes qui courent en parallèle durant 9 ou 14 semaines et mettent, dans toute la mesure du possible, leurs ressources en commun, en particulier les espaces, le temps des formateurs et les semaines de terrain, qui appartiennent en " copropriété " aux unités de formation du module, à charge pour elles de coordonner les tâches et les postures des étudiants aussi bien que des formateurs de terrain (maître de stages) durant la même semaine, de sorte à rendre leur travail possible. Cette organisation par modules permet de reconnaître des spécificités sans transformer le parcours en une suite d’unités compactes d’au plus deux ou trois semaines chacune, ce qui rendrait l’alternance impraticable.

Chaque unité compacte est confiée à plusieurs enseignants-chercheurs, jamais moins de deux, parfois jusqu’à six ou huit. Ils forment une équipe de formateurs conjointement responsables de l’unité, de bout en bout, planification, activité sur le terrain, évaluation et attribution des crédits comprises. Si l’UF est courte et occupe tout le temps réservé aux unités compactes, l’équipe qui en est responsable travaille avec son propre réseau de formateurs de terrain, qui s’engagent volontairement, sur la base d’un appel d’offres, pour travailler avec cette équipe universitaire, sur la thématique qui lui incombe dans le plan de formation. Lorsque plusieurs unités compactes forment un module, l’ensemble des formateurs concernés forment une seule équipe, qui constitue autour d’elle un unique réseau de formateurs de terrain. On voit que l’intégration du temps de terrain aux unités ou aux modules fait émerger des réseaux et des partenariats spécifiques autour de thématiques délimitées. Diverses instances de coordination, dont une responsable de la gestion administrative des réseaux, garantissent un minimum d’unité aux appels d’offre, aux contrats, aux procédures et aux règles déontologiques. Le programme définit à grands traits le rôle général des formateurs de terrain, mais chaque équipe l’infléchit et le concrétise, en fonction de ses objectifs et en collaboration avec les formateurs de terrain intéressés.

À ce stade, on se trouve encore dans un dispositif sans contenu. Je vais y venir, mais on aurait tort de sous-estimer les problèmes d’ingénierie de formation. L’articulation entre théories et pratiques ne peut se concrétiser que si l’on rompt avec certaines routines, en forgeant de nouveaux concepts et le langage correspondant. Les unités compactes et les modules ne sont certainement pas la seule réponse à la question de l’alternance et de l’intégration, mais nul ne devrait ignorer la question en demeurant dans l’illusion que :

juxtaposition + bonnes paroles + bonne volonté = articulation.

Ce n’est pas impossible, mais très improbable. Dans les organisations, ne coopèrent durablement que ceux que la division du travail rend à ce point interdépendants qu’ils n’ont pas vraiment le choix !

Domaines de formation

Encore faut-il que les synergies se créent autour d’objets communs qui ne soient pas complètement artificiels. Comment définir les unités de formation en respectant la division du travail scientifique, mais sans favoriser immédiatement les cloisonnements ? Tout n’est pas dans tout ! Le travail de la recherche consiste à séparer pour l’analyse ce qui est réuni dans la réalité, le travail de la formation consiste à l’inverse, au moins pour une part, à réunir ce qui est au départ dissocié, pour construire des compétences… Entre la globalité du programme et la relative spécificité des unités de formation (UF), les cinq domaines figurant dans le tableau suivant représentent un niveau d’organisation intermédiaire.

Une unité de formation appartient en principe à un domaine et à un seul. On ne s’étonnera pas de l’existence d’unités de formation correspondant aux diverses disciplines enseignées à l’école primaire : français, mathématique, allemand, histoire, géographie, sciences, arts plastiques, musique, éducation physique. Pour chacune de ces disciplines scolaires, il existe une didactique, qui articule chaque fois un champ de recherche - la didactique théorique - et un champ de pratique, la didactique comme " art " d’enseigner une discipline particulière. Chaque discipline donne lieu à une unité compacte, sauf le français (lecture comprise) et les mathématiques, disciplines dans lesquelles il y a deux unités de formation importantes, compte tenu de l’étendue des programmes et du statut central de ces disciplines à l’école primaire. Les didactiques des disciplines sont donc regroupées en deux modules, un premier où les didactiques du français et des mathématiques partagent 11 semaines avec les didactiques des arts plastiques, de la musique et de l’éducation physique, un second, un an plus tard, où les didactiques du français et des mathématiques partagent 14 semaines avec les didactiques de l’allemand, de l’histoire, de la géographie et des sciences. Rappelons que les enseignants primaires sont polyvalents - nous disons " généralistes à Genève " - et doivent être capables d’enseigner correctement toutes ces disciplines à tous les niveaux, y compris la musique, les arts plastiques, l’éducation physique, même si elles sont de temps en temps assumées par des spécialistes. Des cours et séminaires filés de didactique complètent les unités compactes.

Domaines
Définition
UF centrées sur les didactiques des disciplines (UFD)
L’enseignement est organisé dans une large mesure par disciplines scolaires. Dans chacune, on travaillera les objectifs et les finalités, les savoirs à enseigner, les démarches didactiques et pédagogiques qui en permettent l’appropriation par les élèves.
UF centrées sur les aspects transversaux (UFT)
Certains processus " traversent " les disciplines scolaires : évaluation, processus d’apprentissage, gestion de classe, métier d’élève, relations familles-école, phénomènes interculturels, etc.
Même s’ils sont en partie abordés dans chaque didactique, ils exigent aussi des approches transversales.
UF centrées sur les outils et les méthodes de travail et de recherche

(UFO)

Centrées sur des outils au service du métier d’étudiant, d’enseignant et de chercheur en éducation, leur but commun est de donner une première maîtrise d’instruments de communication, de planification, de recherche.
UF d’intégration des savoirs, savoir-faire,

et développement de la personne (UFI)

Les enseignements sont centrés sur : le questionnement éthique, les normes, les valeurs ; le développement personnel et interpersonnel ; la mise en relation des éléments de la formation dans la perspective d’une pratique professionnelle (centrations sur l’approche systémique du métier, le sens de la formation, la construction de l’identité professionnelle).
UF de stages en responsabilité (UFS)
Ce sont des périodes d’immersion intensive (stage compact) ou régulière (stage filé), accompagnées d’un séminaire

Chacun sait désormais ce que recouvrent les didactiques des disciplines d’enseignement. Les autres domaines demandent quelques explications. Les approches transversales, même si ce langage commence à se stabiliser, font l’objet de définitions moins communes. Elles correspondent en partie à ce que les IUFM appellent parfois la " formation générale ". Cette expression me semble malheureuse, sauf si elle doit désigner quelques vagues réflexions philosophico-psycho-socio-pédagogiques sur l’éducation. Les approches transversales ne sont ni plus ni moins générales que les approches didactiques. Mais, alors que les didactiques s’organisent autour d’objets institués par le système éducatif, les disciplines d’enseignement, les approches transversales suivent des découpages moins universels. Une problématique est dite transversale lorsqu’elle traverse les disciplines d’enseignement :

Nous en avons retenu sept, groupées en deux modules.

Le module 1 Relations et situations éducatives complexes, diversité des acteurs. est formé de quatre unités de formation (UF) compactes se partageant un bloc de onze semaines :

Le module Processus et difficultés d’apprentissage, régulation et différenciation est formé de trois unités de formation (UF) compactes se partageant un bloc de neuf semaines :

On voit que certains phénomènes peuvent être abordés tout aussi légitimement en didactique des disciplines et de façon transversale, sans faire double emploi. Ainsi, en évaluation, les didactiques se centreront sur la nature spécifique des savoirs, des rapports au savoir, des organisations cognitives, des étapes de l’apprentissage, des erreurs. L’approche transversale éclairera les processus de régulation et les fonctionnements métacognitifs généralement à l’œuvre dans les apprentissage et analysera aussi les autres fonctions de l’évaluation. Les mêmes données seront situées dans des éclairages et des contextes différents.

Toutes ces approches sont interdisciplinaires, qu’elles soient didactiques ou transversales. À Genève, les didactiques des disciplines font partie intégrante des sciences de l’éducation. Il est plus facile de faire coexister deux types d’orientation plutôt que deux orientations. En sciences de l’éducation, une partie des enseignants-chercheurs sont à la fois didacticiens et transversaux, par exemple dans le domaine de la lecture.

Les approches transversales et didactiques sont les piliers de la formation des enseignants primaires : en heures, ils vont se partager probablement 80 % du temps de formation. Les trois autres domaines prennent moins de place, mais sont tout aussi importants. À sa façon, chacun permet de mettre en relation approches didactiques et transversales. Les unités de formation centrées sur les outils et les méthodes de travail et de recherche ne forment pas un domaine vraiment homogène, puisqu’elles recouvrent à la fois les méthodologies de la recherche et les technologies nouvelles, informatique et médias. Ces outils valent indifféremment pour les approches transversales et didactiques.

Les unités centrées sur l’intégration des savoirs et des savoir-faire et le développement de la personne n’ont pas de contenus spécifiques, elles visent plutôt à mettre en relation les autres domaines. Elles sont nées du constat qu’il n’existe guère, dans les plans de formation, de temps et de lieux d’intégration et qu’on rejette trop souvent la responsabilité de ce travail sur les étudiants, alors qu’il est au coeur de la formation de compétences. Les unités d’intégration prennent deux formes :

Les unités de stage en responsabilité n’ont pas non plus de thématique particulière, sinon la responsabilité elle-même. Elles couvrent donc l’entier de la pratique avec toute sa complexité, en tout pour huit semaines pleines, groupées en trois périodes, auxquelles s’ajoute un stage filé d’une demi-journée par semaine durant toute une année scolaire. Ces stages, on l’a vu, n’épuisent pas, et de très loin, les temps de terrain, mais ils joueront évidemment un rôle décisif dans l’intégration des compétences et la construction de l’identité professionnelle.

À ces cinq domaines s’ajoute, en dernière année, un important module dit de " consolidation différenciée ". C’est un ensemble d’unités de formation relevant d’un ou plusieurs des domaines principaux. Leur particularité est de ne pas être inscrites au plan de formation autrement que sous cet énoncé vide de contenu, ce qui permettra de les construire au gré des propositions des enseignants et des demandes des étudiants achevant leurs études. Avec le mémoire et les stages en responsabilité, la consolidation différenciée sera l’affaire de la troisième année de deuxième cycle, dont le contenu n’est donc pas programmé et s’infléchira en fonction des compétences que chacun veut et doit encore construire ou étendre dans le temps qui reste avant de devenir titulaire d’une classe.


Une année et un module analysés de plus près

Je ne puis ici détailler l’ensemble de la formation. Je vous propose de m’en tenir à un zoom sur la première année de la formation professionnelle, celle qui suit le tronc commun.

La première année du deuxième cycle

On voit que dans les plages horaires réservées aux unités compactes se succèdent une unité d’intégration située tout au début de la formation, un premier module de didactique des disciplines, une unité d’initiation aux médias et à l’informatique et un premier module transversal. Pour simplifier le tout, ces deux derniers sont imbriqués.

Dans les plages horaires réservées aux unités filées courent en parallèle un premier séminaire clinique (choix entre éthique, développement personnel ou analyse de pratiques), un séminaire de recherche et des cours plus classiques.

Voici comment l’année se présente schématiquement : 

Licence en sciences de l’éducation mention Enseignement
Première année du deuxième cycle - programme conseillé

Les UF compactes se succèdent :

UFI Profession enseignante, rôle et identité
3 semaines précédées d’un stage durant les vacances
Module
de didactiques des disciplines 1

Didactiques du français, des mathématiques, des arts plastiques, de la
musique, de l’éducation physique
11 semaines

UFO Media et infor-mati-que

1 semane

Module
transversal 1
Relations et
situations éducatives complexes, diversité des acteurs
12 semaines
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UFO Media et informatique - une 1/2 journée par semaine
UFO Media et infor- mati-que

1 semaine

Les UF filées courent en parallèle :

Séminaire clinique à choix (éthique, développement personnel ou analyse de la pratique)
Séminaire de recherche à choix
Cours filé de didactique des disciplines (options)
Cours filé sur les approches transversales (options)

Au cours des années suivantes, on retrouve une succession d’unités ou de modules comprenant chacun, dans des proportions variables, des semaines de terrain. Sur l’ensemble des trois ans, les étudiants devraient passer 30 à 40 % de leur temps sur le terrain.

Un module transversal vu de plus près

Nouveau zoom : je vais maintenant m’intéresser au premier module transversal Relations et situations éducatives complexes, qui regroupe donc quatre unités de formation parallèles : Relations intersubjectives et désir d’apprendre, Rapport au savoir, métier d’élève, métier d’enseignant, Diversité culturelle et gestion de classe et École, familles, société. Ces quatre thématiques ont en commun de mettre l’accent sur la complexité et d’articuler approches psychanalytiques, psychopédagogiques, anthropologiques et sociologiques dans des proportions diverses. À ce stade de la formation, il serait prématuré de viser des savoir-faire professionnels stabilisés. On développera donc avant tout des regards sur la complexité et des outils d’analyse. Dans ces domaines, le sens de l’observation et la capacité d’analyse importent plus que des modèles prescriptifs de gestion de classe, de dévolution de tâches aux élèves ou de contrôle des conduites ou des attitudes.

La logique universitaire classique voudrait que les responsables des diverses unités de formation se partagent équitablement le temps et l’espace disponible pour travailler, chacun de son côté, sur une problématique spécialisée. Le fait d’avoir en commun les mêmes semaines de terrain et le même réseau de formateurs de terrain, donc de devoir définir leur rôle de façon commune et de donner des tâches coordonnées aux étudiants, tout cela pousse à des décloisonnements. Cette tendance est renforcée par le simple bon sens dans la gestion des ressources humaines : si chacun s’enferme dans une spécialisation, il devra faire quatre fois le même travail, avec une vingtaine d’étudiants chaque fois, puisque c’est la configuration de base dans les unités compactes. C’est sur ce modèle que fonctionnent les professeurs du second degré, en répétant le même cours dans des classes parallèles. L’alternative retenue ici est de travailler dans un champ plus large avec le même groupe, et de couvrir plusieurs unités de formation dans les mêmes groupes de base, avec les mêmes formateurs. Cela demande une certaine polyvalence des formateurs, plus facile pour les approches transversales qu’en didactique. Dans le module transversal décrit ici, l’idée est de décloisonner au maximum et de traiter les quatre thématiques non comme des enseignements indépendants, mais comme quatre fils rouges s’entrecroisant tout au long du module, dans les divers projets et groupes de travail. C’est pourquoi elles n’apparaissent pas dans la structure, aucune n’ayant des temps ou des espaces protégés.

Les douze semaines du module composent une alternance de semaines de terrain (T) et de semaines de faculté (F), chacune participant à une progression, dont voici une vue provisoire, en l’état du projet :

Schéma des douze semaines du module - hypothèses

Lieu
Activité
1
F
Cadrage théorique sur les quatre thématiques du module à partir d’apports structurés et de l’analyse d’observations et d’expériences passées (histoire de vie, stages, vidéo).
2
F
Définition par petits groupes (4-5 étudiant (e) s) d’une esquisse de projet d’observation/intervention en école. Les esquisses doivent toucher aux moins deux thématiques présentes dans le module, en les articulant.
3
T
Observation et entretiens sur le terrain.
Tâches des étudiant (e) s : 1. Faire connaissance avec le formateur de terrain et convenir avec lui d’un contrat de formation portant sur des thèmes transversaux intéressant les deux interlocuteurs. 2. Discuter avec le formateur de terrain à partir de l’esquisse, pour l’enrichir. Observer et interroger dans ce sens. 3. Observer et décrire par écrit trois situations éducatives complexes selon chacun des quatre UF du module. 4. Commencer à rédiger leur journal de terrain. 5. Commencer à élaborer leur liste personnelle de compétences transversales à acquérir.
4
F
Mise en commun, analyse, confrontations, apports théoriques
5
T
Observation et entretiens sur le terrain.
Tâches des étudiant (e) s : 1. Travail de compagnonnage avec le formateur de terrain sur un thème transversal spécifique et tout ce qui arrive de significatif durant la semaine. 2. Réalisation du projet (observations, entretiens, petites expériences). 3. Observer et décrire par écrit trois situations éducatives complexes selon chacun des quatre UF du module. 4. Continuer à rédiger leur journal de terrain. 5. Continuer à élaborer leur liste personnelle de compétences transversales à acquérir.
6
T
Observation et entretiens sur le terrain. Suite de la semaine 5.
7
F
Mise en commun, analyse, écriture, confrontations,
apports théoriques et méthodologiques.
8
F
Suite et fin de la mise en commun des projets et de leurs résultats.
Construction d’une grille d’analyse des situations-problèmes transversales auxquelles est confronté un (e) enseignant (e) généraliste.
9
T
Observation et entretiens sur le terrain.
Tâches des étudiant (e) s : 1. Travailler en compagnonnage avec le formateur de terrain sur un thème transversal spécifique et sur tout ce qui arrive de significatif durant la semaine. 2. Identifier et décrire par écrit cinq situations-problèmes selon la grille construite en commun. 3. Continuer à rédiger leur journal de terrain. 4. Continuer à élaborer leur liste personnelle de compétences transversales à acquérir.
10
T
Observation et entretiens sur le terrain. Suite de la semaine 9.
11
F
Mise en commun des situations-problèmes identifiées et décrites, retour à la grille et aux UF du module. Mise en commun et confrontation des listes de compétences transversales. Synthèse du journal de terrain. Rédaction du portfolio individuel.
12
F
Suite de la mise en commun des situations-problèmes identifiées et décrites. Evaluation selon les quatre UF du module à partir du portfolio et d’un entretien.

Démarches de formation et évaluation

On voit courir en parallèle une douzaine de démarches de formation, elles aussi provisoires :

  1. Un compagnonnage spécifique avec la formatrice ou le formateur de terrain, durant tout le module, centré sur un thème transversal de leur choix, négocié entre lui et l’étudiant,
  2. La construction et la conduite par les étudiants, en dialogue avec les enseignants universitaires, de projets d’observation ou d’intervention sur le terrain.
  3. L’identification sur le terrain (avec l’aide du formateur de terrain), la mise par écrit (ou la restitution orale) et l’analyse en groupe de formation de situations éducatives complexes.
  4. L’identification (avec l’aide de la formatrice ou du formateur de terrain), la mise par écrit (ou la restitution orale) et l’analyse de situations-problèmes, autrement dit de situations éducatives complexes qui se présentent pour l’enseignant (éventuellement pour le stagiaire) non seulement comme des énigmes " intéressantes ", mais comme des incidents critiques qui appellent une décision et une action pertinentes.
  5. L’identification des compétences transversales mises en œuvre par la formatrice ou le formateur de terrain dans sa classe et son école (par exemple dans l’organisation des espaces, l’accueil d’un enfant immigré, l’information des parents, la gestion des conflits) et la construction par l’étudiant d’une liste des compétences transversales qu’il souhaite acquérir ou consolider en priorité.
  6. La rédaction par chaque étudiant d’un journal de terrain consignant régulièrement ses observations et impressions les plus subjectives, journal qui ne sera pas rendu comme tel, mais dont l’étudiant se servira en cours de module comme aide-mémoire pour poser des questions, restituer des observations, décrire des situations et des actions, et dont il tirera en fin de module une synthèse.
  7. La participation à des ateliers méthodologiques dans des domaines où, il existe des savoir-faire transversaux qu’on peut acquérir sans avoir à les réinventer complètement. Par exemple : institution et fonctionnement d’un conseil de classe, animation d’une réunion de parents, fonctionnement en équipe pédagogique, organisation de la semaine par plan de travail, médiation et gestion de conflits, accueil et intégration d’un nouvel élève, répartition équitable des services et des tâches dans la classe, etc.
  8. L’analyse et la régulation du processus de formation.
  9. La participation à des moments plus classiques de cours et de séminaires centrés sur des savoirs théoriques ou méthodologiques.
  10. Un travail personnel (lecture, documentation, réflexion, écriture) ou en petits groupes informels.

Il n’est pas possible ici de détailler ces démarches, encore moins de préciser leur place exacte dans le travail de chaque semaine. Cette maquette sera d’ailleurs remaniée maintes fois au gré de l’élargissement de l’équipe de formateurs et elle évoluera ensuite d’année en année, au gré de l’expérience. Ce qui m’importe est plutôt de donner à voir des démarches visant à allier l’expérience personnelle (observation ou intervention), la réflexion sur cette expérience et sa mise en relation avec des savoirs issus des sciences humaines. Dans les groupes de travail restreints centrés sur l’analyse de situations complexes, ces savoirs ne pourront être constamment transmis de façon structurée, à la manière d’un cours. Ils seront plutôt amenés et construits à partir de l’analyse de pratiques et de situations concrètes. Cela suppose évidemment le renvoi à des lectures, à des cours filés structurés autour d’un texte du savoir, mais aussi à des moments de cadrage et d’approfondissement théorique dans le module. Le module devrait tenter de mettre en œuvre le précepte de Dewey : " Toute leçon est une réponse ". La conséquence est évidemment que les contenus traités dépendront des groupes et des années et qu’ils ne seront jamais exhaustifs, ni planifiables des mois à l’avance. Les formateurs devront donc, outre leur polyvalence, manifester une assez grande capacité de négocier, d’improviser, de construire un curriculum sur mesure.

L’évaluation formative porte sur toutes les démarches individuelles ou collectives des étudiants :

L’évaluation certificative pourrait se faire sur la base d’un portfolio contenant l’ensemble des productions individuelles de l’étudiant et des productions collectives auxquelles il a contribué. Soit par exemple :

On imagine bien que le travail d’articulation théorie-pratique ne pourra utiliser tous les matériaux recueillis par les étudiants. En ménageant une certaine équité, les formateurs reviendront de façon approfondie sur une partie des cas plutôt que d’organiser de rapides tours de table. Le portfolio permet, lui, de faire justice à l’ensemble des apports personnels d’un étudiant, qu’ils aient ou non été traités en groupe.

Le rôle des formateurs de terrain

Les enseignants primaires accueillant et encadrant les étudiants dans les classes sont évidemment une pièce essentielle dans ce dispositif, c’est pour cette raison qu’on les nomme formateurs de terrain plutôt que conseillers pédagogiques ou maîtres de stage. Ils doivent naturellement avoir une idée des objectifs du module auquel ils contribuent et de ses démarches de formation, pour s’intégrer à un processus globale de formation, Cela ne les empêchera pas d’avoir leur propre projet de formation, peut-être selon le modèle classique " C’est bien joli ce que vous faites à l’université, mais chez moi vous apprenez le métier, là-bas c’est autre chose, c’est une culture intéressante mais ici, c’est la vraie vie ". D’où l’émergence du compagnonnage et d’un contrat spécifique, dont on souhaite cependant qu’ils restent, pour l’essentiel, dans le cadre thématique du module.

Cette formation a besoin de formateurs de terrain qui soient des praticiens réfléchis, mais aussi des praticiens " extravertis ", acceptant sans trop de défenses d’expliciter à l’intention de l’étudiant leurs modes de faire, de raisonner, de décider. Il y a rupture avec le modèle du maître exemplaire. Du formateur de terrain, on n’attend pas une démonstration aussi éblouissante dans son accomplissement qu’opaque dans ses tenants et aboutissants. Il s’agit, au contraire, de faire entrer l’étudiant dans les coulisses du théâtre pédagogique, y compris dans ce que j’appelle les non-dits et la face cachée du métier d’enseignant. Cette posture demande, pour être assumée avec une certaine confiance, beaucoup de concertation sur les vertus formatrices d’une telle démarche, qu’on pourrait schématiser en disant que l’enjeu est de permettre à chacun de construire sa propre pratique plutôt que de s’approprier une pratique accomplie. Cela n’exclut nullement une part d’imitation et d’emprunt, mais l’étudiant procédera un peu à la manière d’un peintre familier de l’histoire de l’art, qui reconnaît et combine des héritages différents, mais ne s’inscrit dans aucune orthodoxie.

Chaque étudiant travaillera durant tout le module avec le même formateur de terrain. Ces derniers constituent donc un réseau de personnes ou de groupes volontaires permettant d’encadrer les 80 étudiants durant les 12 semaines du module et notamment les 5 semaines qu’ils passeront sur le terrain. Les formateurs de terrain sont réunis par l’équipe des formateurs universitaires pour prendre connaissance et discuter des objectifs et contenus du module, du dispositif et de leur rôle. Leur rôle de formateur présente trois facettes également importantes :

1. Négocier avec l’étudiant un contrat de formation portant sur des thèmes transversaux de leur choix, choisis d’un commun accord dans des domaines où le ou les formateurs de terrain concernés ont investi plus fortement que dans d’autres.

2. Étendre ce compagnonnage à toutes les occasions d’observer et de comprendre des aspects transversaux significatifs de la vie d’une classe ou d’un établissement (pratique réflexive au gré des occasions et incidents critiques qui se présentent).

3. Aider l’étudiant à concevoir, puis à réaliser les travaux qu’il doit conduire (projets, identification et description de situations complexes, et de situations-problèmes, journal de terrain, élaboration d’une liste personnelle de compétences transversales, portfolio pour l’évaluation).


Rendez-vous en l’an 2001

Il est agréable de présenter un projet sur le point d’être mis en œuvre, surtout si les compromis et les contraintes de tous genres ne l’ont ni vidé de sa substance, ni condamné à l’échec ou à l’enlisement avant même d’avoir commencé.

Le dispositif que j’ai décrit entre en vigueur en automne 1996. Il faudra bien 5 ans pour le stabiliser et évaluer les compétences des premières cohortes d’enseignants formés de cette façon. Il sera temps, alors, d’inviter à Genève nos collègues des IUFM pour nous demander avec eux " Formation des professeurs d’école en sciences de l’éducation, cinq ans après, où en sommes-nous ? " Il est probable qu’une partie de nos illusions auront été malmenées et que nous aurons dû faire face à des problèmes, des contradictions ou des effets pervers que nous ne soupçonnons même pas. Pour les découvrir, il n’y a qu’une seule voie : continuer et affronter la complexité au jour le jour.

Peut-être serait-il sage de ne décrire que les innovations stabilisées et qui donnent satisfaction. Mais, outre le fait que cela réduirait à néant nombre de conversations sur l’école ou la formation, il nous semble absurde d’attendre d’avoir des certitudes pour alimenter le débat entre systèmes éducatifs, alors que nombre d’entre nous travaillent sur les mêmes questions. Elles appelleront, en fin de compte, des réponses plurielles, adaptées à des contextes différents, mais pourquoi ne pas faire un bout de chemin ensemble, avant que chacun ne s’enferme dans sa différence ?


Références

On ne trouvera ici que des textes directement liés au projet et à sa conception. Il faudrait évidemment renvoyer à maintes reprises à des travaux théoriques ou à d’autres dispositifs, mais la tâche est difficile, tant il y a d’ouvriers sur le chantier de l’alternance et de la pratique réfléchie…

Documents de travail élaborés par le groupe-projet

Objectifs et structures de la nouvelle option de la licence en sciences de l’éducation avec mention " Enseignement primaire ", Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, 1993.

La formation des maîtres à l’Université : problèmes ouverts, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, 1994.

Vers un parcours des enseignants primaires aboutissant à une licence en sciences de l’éducation, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, 1994.

Formation initiale des enseignants : état de la réflexion et propositions des cinq groupes thématiques, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, 1994.

Objectifs, structures et parcours de formation de la nouvelle option de la licence en sciences de l’éducation avec mention " Enseignement ", Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, 1994.

Construire des compétences professionnelles : quel rôle pour les enseignants formateurs de terrain ? Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, 1995.

Documents de travail élaborés par le Comité de programme

Visite guidée de la nouvelle formation des enseignants primaires à l’Université, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, 1996.

Publications centrées sur le projet

Bonneton, D., Hohl, J.-M. et Thévenaz Th. (1995) Former à une pratique réfléchie ou la création d’une nouvelle filière de formation initiale des enseignants primaires à l’Université de Genève, Cahiers pédagogiques, n° 35, pp. 28-31.

Bonneton, D. et al. (1994) Formation initiale des enseignants. Cap sur la nouvelle licence, Journal de l’enseignement primaire, n° 53, pp. 17-19.

Bonneton, D. et Snoeckx, M. (1995) Formateurs de terrain, quelles collaborations dans le cadre de formation initiale des enseignants primaires à l’Université de Genève, Journal de l’enseignement primaire, n° 57, pp. 19-21.

Hahn, M. (1995) Le projet de formation universitaire des enseignants primaires à Genève, in Les Sciences de l’Éducation face aux interrogations du public, Genève, Cahiers de la Section des sciences de l’éducation, Numéro spécial, pp. 105-112.

Perrenoud, Ph. (1993) Die Ausbildung des Primarlehrkräfte an der Universität. Neue Perspektiven des Lehrerbildung in Genf, Beiträge zur Lehrerbildung, n° 2, pp. 139-152.

Perrenoud, Ph. (1993) Former les maîtres primaires à l’université, à partir des sciences de l’éducation ? Les perspectives à Genève, Beiträge zur Lehrerbildung, n° spécial en français " La formation des enseignants en Suisse romande et au Tessin ", pp. 13-22.

Perrenoud, Ph. (1994) Former les enseignants primaires dans le cadre des sciences de l’éducation : le projet genevois, Recherche et Formation, n° 16, pp. 39-60.

Publications précisant certaines orientations du projet

Cifali, M. (1991) Caractéristiques du métier d’enseignant et compétences : enjeux actuels, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.

Cifali, M. (1991) Modèle clinique de formation professionnelle, apports des sciences humaines, théorisation d’une pratique, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.

Cifali, M. (1994) Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique, Paris, PUF.

Cifali, M. (1995) " J’écris mon quotidien ", Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.

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