Une équipe pédagogique ne traverse pas vingt ans d’histoire sans erreurs ni compromis, sans changements de cap et de langage, sans renouvellement des personnes. Pourtant, dans l’histoire de l’Unité coopérative d’enseignement, les fils rouges ne manquent pas : la fidélité au mouvement Freinet, le souci de l’enfant et de la relation éducative, une forme de pédagogie institutionnelle, l’adhésion au principe d’éducabilité - l’échec n’est pas une fatalité ! -, la lutte contre les inégalités par une pédagogie différenciée, l’ouverture de l’école aux parents, le travail d’équipe entre professionnels, une forme d’échange et de débat interne permanent. L’excellent essai de Rita Hofstetter, Etiennette Vellas et Vincent Barras retrace les principales étapes d’une histoire mouvementée. Je m’en tiendrai ici à une " permanence " qui me semble caractériser " la foi UCE " : un optimisme indéracinable quant à la capacité de l’être humain en formation d’être et de devenir " quelqu’un de bien ". Le langage politique et militant des années 68 a cédé la place à un discours plus personnaliste et intimiste, l’optimisme demeure.

Charles Péguy écrivait en 1904, dans une sorte d’éditorial qui s’appelait " Pour la rentrée "

Quand une société ne peut pas enseigner, c’est que cette société ne peut pas s’enseigner ; c’est qu’elle a honte, c’est qu’elle a peur de s’enseigner elle-même ; pour toute humanité, enseigner, au fond, c’est s’enseigner ; une société qui n’enseigne pas est une société qui ne s’aime pas, qui ne s’estime pas ; et tel est précisément le cas de la société moderne.

L’école nouvelle a toujours parié sur l’idée que l’humanité vaut mieux que l’état présent de la société et qu’elle peut et doit enseigner ce qu’elle porte en elle de plus vivant et de plus juste : la démocratie fondée sur le droit, le savoir, le respect des différences et de l’autonomie des personnes. Les enseignants de l’UCE, de jadis et de maintenant, et les parents qui les ont soutenu, ont eu et conservent le courage et la qualité de s’enseigner. Aujourd’hui, après des temps de persécution, puis d’indifférence, le système scolaire reconnaît la valeur de leur travail. Mieux vaut tard que jamais. Ceux qui rêvent d’un changement de l’école et de la société savent que, depuis vingt ans, un des laboratoires les plus actifs est installé à Onex, Chemin des Bossons. Il importe qu’il soit désormais l’un des lieux reconnus de la rénovation de l’école primaire genevoise.

Philippe Per