Source et copyright à la fin du texte

 

Intervention au colloque de l’Association des cadres scolaires du Québec " Former des élèves compétents : la pédagogie à la croisée des chemins ", Québec, 9-11 décembre 1998.

 

 

 

L'école saisie par les compétences

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1999

Sommaire

I. L’école saisie par l’économie ?

II. L’école saisie par elle-même

III. Des programmes conçus en termes de compétences

IV. Former et évaluer à travers des tâches complexes

V. Accompagner et soutenir le changement

Références

Les uns après les autres, les pays développés décident de reformuler leurs programmes d’études en termes de compétences. Quelle mouche les pique ? L’école est-elle à la traîne du monde du travail, où l’idée de compétences fait fortune ? Recherche-t-elle un second souffle, après de multiples réformes de curriculum ? Subit-elle une mode, qui passera, comme les autres ? Est-elle dévorée par une ambition nouvelle ? Tentée par un retour aux sources ? Guettée par une renaissance de la pédagogie par objectifs ? S’agit-il de revenir au pragmatisme, à l’utilitarisme ? Plutôt que de se demander d’où vient le vent ou à qui profite le crime, tentons de saisir une occasion privilégiée de réfléchir à une question à la fois très simple et très compliquée : à quoi sert l’école ?

À force d’allonger la scolarité, d’empiler les années de programmes, l’école finit par préparer à elle-même. Lorsque l’avenir est sombre, peut-être est-il d’ailleurs plus rassurant de (se) préparer aux études plutôt qu’à des emplois précaires ou incertains dans des sociétés en proie au doute. Pourtant, plus que jamais, la question est vive : de quoi les jeunes auront-ils besoin pour affronter le siècle qui s’annonce ? De savoirs, sans doute. Mais de savoirs vivants, mobilisables dans la vie au travail et hors travail, susceptibles d’être transférés, transposés, adaptés aux circonstances, partagés, bricolés. L’idée de compétence n’affirme rien d’autre que le souci de faire des savoirs scolaires des outils pour penser et pour agir, au travail et hors travail. De façon terre à terre aussi bien que métaphysique. Pour s’orienter dans le métro comme dans la vie. Pour construire sa maison, comme des institutions. Pour négocier des contrats, mais aussi la paix.

Facile à dire ! Si l’on prend cette idée au sérieux, si l’on récrit les programmes dans ce sens, c’est aussi aux méthodes, à l’évaluation, au contrat didactique, au métier d’enseignant que l’on touche. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

 

I. L’école saisie par l’économie ?

Pour expliquer " l’irrésistible ascension " (Romainville, 1996) de la notion de compétence dans le champ scolaire, on invoque volontiers la place qu’elle a prise dans le champ économique, dans les entreprises et sur le marché du travail. Cette explication n’est pas dénuée de fondements, mais elle mérite deux nuances :

1. Aucun champ social n’est la source exclusive de toutes les idées à la mode. Il y a souvent circulation d’influences dans divers sens, ou réponses voisines à des problèmes semblables. Ainsi, on pourrait avoir l’impression que l’économie a inventé la notion d’excellence. Or, au début des années 1980, lorsque je réfléchissais sur la fabrication de l’excellence scolaire (Perrenoud, 1984), ce mot était absent de la littérature sur la gestion d’entreprise. Les spécialistes du management s’en sont emparés peu après, en ont fait un thème à la mode, avec celui de la qualité, du zéro défaut, dans le contexte d’une compétition accrue à l’échelle mondiale. Du coup, les formations de cadres et les livres consacrés au management ont multiplié les titres sur l’excellence, au point de faire oublier que la notion d’excellence a cours dans notre société bien avant l’avènement de l’économie de marché et qu’elle a conquis droit de cité dans le champ du travail artisanal et de l’école bien avant de concerner les entreprises.

Nous ne sommes pas, dans ce domaine, à l’abri du même anachronisme. Les spécialistes de la DRH (traduction : division des ressources humaines) donnent l’impression d’avoir inventé la notion de compétence, alors qu’elle est aussi ancienne que le travail humain et l’éducation.

2. Si le monde de l’entreprise n’a pas inventé la notion de compétence, reconnaissons qu’il lui a, depuis dix ans, donné une grande importance, dont résulterait celle qu’on lui donne dans les programmes scolaires contemporains. Sans doute est-il vrai que la vogue des compétences dans le champ des entreprises pousse le système éducatif à s’en préoccuper davantage (Ropé et Tanguy, 1994 ; Ropé, 1996). C’est sur l’interprétation de ce mouvement qu’on peut débattre.

Les critiques les plus acerbes de l’approche par compétences accusent volontiers l’école de se mettre au service du néo-libéralisme. En effet, dans le champ du travail salarié, la substitution progressive de la notion de compétence à celle de qualification semble justifiée par la recherche d’une plus grande flexibilité des emplois et des salaires. Alors que la qualification liées aux diplômes et autres formations qualifiantes donne des droits et constitue une protection contre les déqualifications abusives, les salaires " à la tête du client " ou les mesures arbitraires, la référence à des compétences autorise leur réévaluation constante, au gré des " restructurations de l’appareil de production ", du changement technologique, de l’organisation et de la division du travail. Dans le travail salarié, l’approche par compétences permet aussi de défaire des solidarités statutaires et d’individualiser les récompenses et les carrières dans l’entreprise, à qualification formelle égale. Elle contribue à recomposer la logique des qualifications dans une double logique de valorisation et de sélection (Parlier, 1997).

De là à accuser le langage des compétences de ne cacher, sous prétexte de flexibilité, qu’un accroissement de la précarité et de l’exploitation, il y a un pas que franchissent très vite ceux dont c’est la seule clé de lecture.

Sans nier cet usage tactique et intéressé de la notion de compétence par le management, on peut aussi reconnaître une face positive à cette évolution. Le développement des sciences du travail (ergonomie, psychologie et sociologie du travail) et les travaux sur la formation continue ont permis, depuis une vingtaine d’années, de reconnaître le travail comme source de formation (Barbier, 1996) aussi bien que comme expression de compétences, qui sont loin d’être toutes associées à la qualification formelle du poste.

On sait aujourd’hui que même les travailleurs les moins qualifiés font preuve d’inventivité, de créativité, d’initiative, d’autonomie. Ce qui amène à définir la compétence comme faculté non seulement d’exécuter efficacement le travail prescrit, mais aussi d’inventer de nouveaux gestes professionnels. Au point que l’on pourrait être tenté d’identifier le cœur de la compétence professionnelle à la gestion de l’écart, nécessaire et inévitable, entre le travail prescrit et le travail réel. Personne n’exécute un travail sans s’affranchir en partie des prescriptions, au moins pour faire face aux aléas que même une procédure très détaillée ne peut prévoir. Dans les industries du process (pétrochimie, cimenterie, par exemple) de Terssac (1992) montre par exemple qu’il est impossible d’accomplir sa tâche sans prendre des initiatives et s’écarter des procédures, pour faire face aux caprices des machines et aux fluctuations de qualité, densité, plasticité des matières premières même les plus homogènes. Dans les métiers de l’humain, les impondérables et les fluctuations sont encore plus importants : pour coiffer ou laver quelqu’un, pour lui rendre un service ou lui accorder une autorisation, a fortiori pour le soigner ou l’instruire, le praticien ne cesse de combler l’écart entre le travail prescrit et ce qu’il est adéquat de faire pour compte tenir du corps, de l’esprit et des attitudes des personnes qu’il a en face de lui.

La part d’autonomie légitime varie selon le niveau de qualification associé à un métier. Dans une profession, au sens nord-américain (Dubar et Tripier, 1998), la part du travail prescrit est limitée et l’on attend des professionnels qu’ils inventent des stratégies différenciées, partiellement originales, pour résoudre des problèmes qui, s’ils ne sont pas toujours inédits, ne se posent jamais exactement dans les mêmes termes. Le conformisme s’exerce alors non par rapport à des modèles, mais en regard de règles d’éthique, de savoirs savants et professionnels jugés établis et incontournables, d’un " état de l’art " et d’un exercice supposé maîtrisé de la raison théorique et pratique. Chacun conviendra dans ce cas que la compétence professionnelle se situe au-delà du prescrit. Or, la psychologie et la sociologie du travail montrent que l’écart entre travail prescrit et travail réel reste important même dans les postes formellement moins qualifiés. Il est en revanche moins légitime, puisque les titulaires de ces postes sont censés suivre les règles édictées par l’encadrement et demander des directives complémentaires s’ils butent sur une situation non prévue par les prescriptions. Si, devant une machine ou derrière un guichet, un ouvrier ou un employé ne prenaient jamais le risque de s’écarter des règles, le travail serait constamment ralenti ou interrompu par des demandes de directives complémentaires à la hiérarchie ou la transmission du problème à un niveau plus qualifié de l'organisation. La " grève du zèle " n’est rien d’autre que la stricte application des règles : toutes les règles, rien que les règles. On sait que si les douaniers, les policiers, le personnel d’entretien ou les contrôleurs aériens font la grève du zèle, tout est paralysé. On leur demande en réalité de tricher intelligemment, de fermer les yeux, d’accélérer les contrôles. On le voit lorsqu’une vague d’attentats conduit à renforcer les contrôles dans les gares ou les aéroports : les opérations les plus banales deviennent interminables, les files d’attente s’allongent, les gens deviennent agressifs. Il faudrait tripler le personnel pour respecter constamment les règles. Les travailleurs sont donc subtilement invités à prendre des risques calculés. Or, le calcul du risque est une façon de gérer l’écart à la règle. Contrôler chaque chèque ou chaque passeport " sérieusement ", c’est impossible. On demande donc de faire preuve de jugement. Prenons le rôle de l’employé dont la tâche est de lever la barrière qui donne accès au parking réservé d’un hôpital (Jobert, 1998). En apparence, son travail est simple : ne permettre d’entrer qu’à ceux qui affichent le macaron ou montrent une autorisation écrite. En fait, le travail est nettement plus complexe, car cet employé doit chaque jour gérer des demandes de dérogation (" J’ai oublié ma carte ", " C’est une urgence médicale ", " Le Professeur X m’attend pour une séance très importante ", " Le directeur m’a dit au téléphone que je pourrais entrer "). L’employé assume un double risque : se montrer trop compréhensif et se le voir reprocher ; se montrer trop rigoriste et se le voir reprocher. Que faire ? Nulle règle ne le dit et l’organisation se garde bien de la formuler, laissant à l’employé la responsabilité des exceptions.

Bref, le travail réel est toujours plus riche et plus pauvre que le travail prescrit. Il est plus pauvre parce qu’une partie des procédures sont ignorées, respectées une fois sur quatre ou fortement simplifiées. C’est parfois par paresse, négligence ou absence de formation, mais c’est souvent pour que le travail se fasse, compte tenu du rapport entre les tâches et les forces engagées. Le travail réel est en même temps plus riche, parce que les problèmes appellent des solutions originales, parfois aux limites de ce qui est légitime, voire légal.

Les chefs d’établissements le savent bien, eux qui jonglent constamment avec les règles pour faire " tourner " leur collège. Contrats implicites, compensations sauvages d’heures supplémentaires, caisses noires et arrangements budgétaires sont des conditions de fonctionnement d’une organisation régie par des règles partiellement irréalistes, parce qu’elle ne tiennent pas compte de la complexité, de la diversité, de la pesanteur des situations. Les chefs d’établissements jouent avec les règles, non par intérêt personnel, mais au nom du bien commun, de la justice, de l’efficacité. De même, si les enseignants appliquaient tout le programme et rien que le programme, les classes ne fonctionneraient pas. S’ils n’ajustaient pas l’évaluation à la réalité de leurs élèves, les taux de redoublement exploseraient dans certaines classes. S’ils punissaient la moindre infraction, les établissements seraient le théâtre d’émeutes permanentes.

Dans le monde du travail, chacun joue avec les règles (Perrenoud, 1986), ouvertement ou de façon plus cachée, en faisant usage d’une autonomie accordée de jure ou prise de facto. Ce faisant, il exerce un jugement professionnel complexe, qui est la manifestation d’une compétence et la source d’une responsabilité. En principe, les travailleurs les moins qualifiés sont irréprochables s’ils peuvent démontrer qu’ils ont scrupuleusement suivi les règles. En pratique, on leur demande du discernement. Plus on monte dans la hiérarchie des métiers, moins on peut, lorsque les choses tournent mal, se protéger derrière le travail prescrit. Cette autonomie dans le travail (De Terssac, 1992) a toujours une double face :

Pourquoi faut-il ruser ? Parce que l’organisation du travail sous-estime constamment l’intelligence des êtres humains aussi bien que leur besoin d’indépendance, de fantaisie, de créativité. Bien souvent, elle ne tient pas compte, pour des raisons économiques et/ou par manque d’humanité, de la fatigue, de l’ennui, de la douleur, de la peur, des conflits qu’engendre le travail. Pour rendre le travail supportable, il faut brûler ou écourter certaines étapes, renoncer à certains contrôles, utiliser des outils ou des matériaux inappropriés, tricher avec la division du travail et les chaînes hiérarchiques, etc.

Ce n’est pas uniquement pour se protéger des attentes excessives, c’est pour faire réussir l’action. Les procédures sont rédigées par des experts qui ne font pas eux-mêmes le travail, à la manière de ces architectes qui se gardent bien d’habiter les maisons qu’ils dessinent. Les experts pêchent constamment par optimisme, naïf ou cynique. Les matériaux et les êtres humains résistent, le temps s’écoule plus vite qu’il n’est prévu, le processus ne suit pas son cours et les plans ne sont pas applicables à la lettre. Il faut improviser des solutions de fortune, prendre des raccourcis, bricoler, pour faire son travail aussi bien que pour ne pas le faire !

La compétence est de jouer avec les règles à bon escient, sans être pris en flagrant délit, en calculant les risques : risque de provoquer un désastre par excès de précipitation aussi bien que de paralyser la production par excès de précautions. Dans le monde du travail, chacun est invité tacitement à tricher à condition de ne pas se faire prendre !

Pourquoi s’arrêter à cet écart entre travail prescrit et travail réel ? Pour souligner que le monde du travail n’est pas seulement le lieu de l’exploitation de l’homme par l’homme, mais aussi un lieu central de réflexion sur l’activité humaine. Si la notion de compétence s’y enracine, c’est parce qu’elle offre une clé essentielle pour penser les rapports de l’esprit et du corps, de la formation et de l’action (Barbier, 1996 ; Clot, 1994 ; Guillevic, 1991 ; Jobert, 1998 ; Leplat, 1997 ; Perrenoud, 1996 ; Stroobants, 1993 ; Terssac, 1992, 1996 ; Trépos, 1992).

On pourrait en dire autant du sport, des arts, des activités politiques, syndicales, associatives. Dans tous ces domaines, les compétences sont la clé d’une action efficace et maîtrisée. Que l’école n’ignore pas trois quarts des activités humaines et qu’elle y prépare ne constitue pas une tare. Qu’elle apprenne de leur expérience est un signe d’intelligence plus que de dépendance. Il reste à garder un regard critique sur les attentes du monde économique et à ne pas considérer les représentants du patronat comme seuls porte-parole légitimes du monde du travail.

Ajoutons que ce dernier a aussi construit une expertise croissante dans le champ de la formation. Je pense ici non seulement à la formation " sur le tas " des moins qualifiés ou aux formations initiales en alternance, mais à la formation continue comme construction de compétences à partir des situations de travail. La formation continue des cadres et de la plupart des catégories de travailleurs s’est installée dans les entreprises, à large échelle, bien avant de gagner l’administration publique ou les professionnels de l’enseignement. Ici encore, on peut ne retenir de cette expérience que les aspects les plus utilitaristes, liés au profit, à une culture d’entreprise particulière, à la compétition, à l’ajustement des êtres humains à l’évolution des technologies et des postes de travail. On peut aussi retenir de la formation continue en entreprise une expertise dans l’identification des compétences clés, dans l’établissement de bilans et de plans de formation individualisés, dans la conception de dispositifs de formation ancrés dans le travail, à travers les études de cas, les simulations, les analyses de pratiques, les jeux de rôles.

Il serait absurde que, juste pour afficher son indépendance à l’égard du monde de l’économie, l’école réinvente la roue. Le sport, l’art et le travail sont des pratiques privilégiées pour qui veut comprendre la nature d’une expertise et la genèse des compétences qui la sous-tendent.

 II. L’école saisie par elle-même

Pourquoi voudrait-on que l’école développe des compétences aujourd’hui plus que hier ? La question est posée de la sorte pour souligner que le système éducatif n’a cessé, dès sa création, de développer certaines compétences ou du moins certaines capacités qui fonctionnent comme des ressources pour des compétences plus contextualisées :

L’enjeu est donc, non d’introduire les compétences dans l’école, mais d’accentuer leur développement. Pourquoi ? Pour deux raisons :

Pour la première catégorie d’élèves, l’insistance sur les compétences ne dissipera pas par miracle les difficultés d’apprentissage, si elle ne s’allie pas à une pédagogie différenciée. Pour les élèves qui assimilent les savoirs scolaires correctement, mais n’arrivent pas à les mobiliser hors du contexte d’acquisition, l’approche par compétences est un pas en avant décisif, parce qu’elle leur offre l’occasion de travailler ce transfert.

Transfert et compétences, même combat ? Oui, car transférer, qu’est-ce d’autre qu’utiliser ses savoirs à bon escient ? Patrick Mendelsohn écrit :

  • Ce que nous appelons " transfert d’apprentissage " ne pourrait être finalement qu’un jugement de valeur sur la disponibilité, le degré de généralité ou l’accessibilité des connaissances déjà encodées en mémoire à long terme. (…) La vraie question du transfert pourrait être celle de l’adéquation entre, d’une part la qualité et le contenu des connaissances enseignées et, d’autre part, les contraintes des différents domaines où elles sont susceptibles de s’appliquer ? (…) Du coup, la problématique du " transfert de connaissances " se réduit à celle, bien plus triviale mais tout aussi difficile, de l’adéquation des connaissances enseignées avec les situations dans lesquelles on est amené à les utiliser (Mendelsohn, 1996, p. 20).
  • On pourrait sans doute envisager un transfert " pur " entre une situation d’apprentissage et un examen de connaissance, dans le cadre de l’école, d’un jeu télévisé ou d’une sélection. Dans la plupart des situations, il ne s’agit pas d’étaler ses connaissances, mais de les utiliser, de les mobiliser pour prendre une décision, résoudre un problème, venir à bout d’une tâche, affronter un dilemme. Dans des situations d’action, on peut certes être appelé à faire valoir ses connaissances, soit pour convaincre d’autres acteurs du bien-fondé d’une proposition, soit pour se justifier après-coup, par exemple pour se laver du soupçon d’une erreur. La plupart du temps, les connaissances n’ont pas besoin d’être exposées à autrui, ni même verbalisées par le sujet pour guider l’action. Elles sous-tendent l’analyse de la situation, la comparaison des options possibles et la prise de décision en enrichissant les représentations, les anticipations, les raisonnements de l’acteur.

    La métaphore de la mobilisation, développée par Le Boterf (1996, 1998), semble aujourd’hui plus juste, plus générale, plus dynamique, plus respectueuse du rôle actif du sujet et de ses intentions que la métaphore du transfert, qui suggère un déplacement (à la manière dont on parle de transferts de fonds ou de technologies) plutôt qu’un usage. On peut transférer un employé, un capital ou une base de données, on s’approprie une connaissance et on la mobilise.

    Il serait certes injuste de limiter la métaphore du transfert à ses aspects les plus mécaniques. Les psychologues cognitivistes qui étudient le transfert le font aujourd’hui dans une perspective constructiviste et interactionniste. Toutefois, métaphore pour métaphore, celle de la mobilisation convient mieux. Faut-il pour autant, avec Le Boterf (1994), parler d’un savoir-mobiliser ? On peut douter de l’existence d’une capacité de mobilisation indépendante des savoirs et savoir-faire spécifiques à mobiliser. En revanche, l’idée de ressources semble plus féconde.

    Une compétence mobilise souvent des ressources externes à la personnes, notamment des outils et des matériaux. On s’en tiendra ici aux ressources internes du sujet : informations, savoirs, schèmes, capacités, compétences plus spécifiques, mais aussi postures, normes, valeurs et attitudes qui guident l’action dans ses aspects axiologiques. Sans de telles ressources, il n’y a pas de compétences. Ce sont des conditions nécessaires.

    Elles ne suffisent pas : si le sujet ne parvient pas à les mobiliser à bon escient, en temps utile, c’est comme si elles n’existaient pas. Or, on le sait maintenant, pas plus que le " transfert ", la mobilisation ne s’opère magiquement, en quelque sorte " par dessus le marché ", du seul fait de l’intelligence du sujet. Il n’y a que dans les contes de fées que les outils sont animés d’une vie propre. Le processus par lequel on mobilise des ressources reste mystérieux, puisqu’il ne suffit pas qu’elles soient disponibles. On peut y voir un " travail de l’esprit ", parfois si rapide qu’il passe inaperçu, parfois plus lent et incertain. Le comble de l’expertise est de rendre la mobilisation foudroyante, donc de la sous-estimer.

    On pourrait être tenté de considérer que la mobilisation de savoirs et autres ressources n’est qu’une question de sens commun et d’intelligence générale. Il est vrai que, toutes choses égales d’ailleurs, le bon sens et l’intelligence aident à mobiliser et à orchestrer adéquatement les ressources nécessaires. Cela ne suffit pas. Imaginons une personne très intelligente confinée sur une île déserte à la suite d’un naufragé. Ce Robinson découvrirait, dans quelques malles échouées miraculeusement sur la plage, tous les traités de médecine contemporains. Il disposerait de tout son temps pour les lire et relire, voire les apprendre par cœur. Supposons même que ses notions de biologie, chimie, physique et mathématique soient largement suffisantes pour lui permettre de tout comprendre. Notre Robinson saura-t-il pour autant se soigner ? Sans doute sera-t-il moins démuni que s'il était dépourvu de tous ces savoirs. Deviendra-t-il pour autant médecin ? Lui confieriez-vous votre santé si on le ramenait soudain à la civilisation ?

    Pour être médecin, il ne suffit pas d’avoir assimilé un ensemble de savoirs déclaratifs, procéduraux ou conditionnels, de les avoir en tête ou d’être capable de les retrouver rapidement. Il faut encore les connecter au tableau clinique et trancher tous les dilemmes que proposent tant l’interprétation des symptômes que le choix d’une stratégie thérapeutique. Sur cent cas, l’un est un " cas d’école ", un problème canonique, les autres s’éloignent des standards. Il faut donc exercer son jugement et prendre des risques. Lorsqu’on se trouve confronté à des pathologies mal connues ou non identifiées, dans des situations d’urgence, la part de l’improvisation et du risque s’accroît, jusqu’à fonder la décision sur l’intuition et l’expérience plutôt que des savoirs établis par la recherche. Le praticien réflexif part des savoirs et va au-delà pour agir au mieux. L’un des ophtalmologues évoqués par Schön (1983, 1994) affirme que 80 % des problèmes qu’il traite ne figurent pas comme tels dans les ouvrages de référence. C’est bien pourquoi on exige une expérience clinique encadrée avant de décerner un diplôme et pourquoi on reste médecin assistant quelques années avant de voler de ses propres ailes. La formation clinique a deux enjeux : consolider, approfondir, diversifier la connaissance théorique et entraîner la mobilisation des ressources pour résoudre des problèmes. L’expertise professionnelle n’est pas l’addition d’une érudition spécifique et d’une intelligence générale, La formation construit une intelligence professionnelle spécifique (Carbonneau et Hétu, 1996).

    Il n’en va pas autrement des autres compétences : sans entraînement, la mobilisation des savoirs et autres ressources ne se produira pas, ne sera pas pertinente ou sera trop lente et incertaine pour permettre une action efficace. Les pilotes de lignes sont pas exemple entraînés à décider en situation d’urgence, d’incertitude et de stress, pour que la mobilisation se fasse très vite et en dépit d’un état émotionnel qui trouble la pensée. Or, tout entraînement prend du temps. Là est le vrai problème de la construction de compétences dès l’école (Perrenoud, 1998 a).

    En effet, dans le champ de l’éducation scolaire, le thème du transfert et de la construction de compétences n’est pas neuf, même s'il reprend depuis peu de la force et se pare d’un nouveau langage. Il renouvelle une opposition classique entre têtes bien faites et têtes bien pleines, entre le savoir fonctionnel, voire " utilitariste " et l’érudition gratuite. La culture est-elle ipso facto du côté des têtes bien pleines et des savoirs gratuits ? Ne soutient-elle pas l’action aussi bien que la méditation ? Pourquoi opposer la pensée et l’action, alors que l’espèce humaine est justement caractérisée par le fait que l’individu pense pour agir et s’appuie sur un héritage collectif pour comprendre et maîtriser le monde ? Nul n’est propriétaire de la culture. Le débat en oppose plutôt deux visions, l’une qui privilégie un rapport actif et volontariste au monde, l’autre qui met l’accent sur l’art, les valeurs, la quête de sens et de transcendance.

    D’un point de vue anthropologique, nous ne pouvons renoncer à aucune de ces dimensions de l’existence humaine. Le champ scolaire n’a pas encore intégré cette évidence et reste le théâtre d’affrontements idéologiques entre des conceptions différentes, mais également restrictives, de la culture, les unes trop pragmatiques, les autres excessivement détachées de la vie quotidienne des gens. Pourquoi devrait-on choisir entre l’art et l’économie, la philosophie et la technique, la cuisine et la littérature, les savoirs et les compétences ? Nous avons besoin de tout cela, non seulement dans une société, mais idéalement, en chacun de ses membres.

    Cela ne signifie pas que tout est possible. Les programmes scolaires doivent faire des choix, sous peine de devenir insignifiants. Si un programme ne peut être suivi qu’à moitié ou par la moitié des élèves, tant il est irréaliste, chaque professeur l’allégera sauvagement, en fonction de ses propres convictions. Si le système éducatif veut garder la maîtrise des finalités, qu’il les rende accessibles à tous, enseignants et apprenants. Mieux vaut, comme le fait le Québec, laisser ouvertement une partie des programmes à l’initiative des établissements et des enseignants que d’entretenir la fiction d’une culture commune dans laquelle chacun taille clandestinement un sous-ensemble qui lui convient.

    Même en plaidant pour une vision " œcuménique ", tentant de réconcilier des conceptions habituellement antinomiques de la culture, il reste à affronter un vif conflit de priorités. Les compétences ne tournent pas le dos aux savoirs, puisqu’elle ne peuvent s’en passer (Perrenoud, 1998 b), mais il faut en revanche accepter d’enseigner moins de connaissances si l’on veut réellement développer des compétences.

    On apprend à marcher à marchant, à chanter en chantant. Pourquoi apprendrait-on à réfléchir, à observer, à imaginer, à communiquer, à analyser, à négocier autrement qu’en pratiquant ces activités dans des situations assez diverses pour que la compétence ne soit pas liée à un seul type de contexte, d’enjeu ou de partenaires ? Où trouver ce temps à l’école ? En allongeant le temps des études ? Il est déjà trop long, la scolarité infantilise l’adolescence et le début de l’âge adulte, prolonge la dépendance, fait du quart, voire du tiers de la vie un temps d’étude qui précède la " vraie vie ", puisqu’il est censé la préparer. Heureusement, les jeunes n’attendent pas leur dernier diplôme pour vivre. Mais l’emprise de l’école ne saurait s’étendre davantage. Allonger la semaine de l’écolier n’est guère plus raisonnable, puisqu’elle est déjà plus longue que la semaine du salarié moyen. On ne peut d’ailleurs apprendre de façon aussi dense.

    Il n’y a donc qu’une solution ; alléger les programmes notionnels, restreindre la part des savoirs enseignés pour faire de la place à l’entraînement de leur mobilisation en situation complexe.

    A cette fin, il importe de clarifier les raisons de savoir (Perrenoud, 1999 d), les motifs pour lesquels un savoir est enseigné à l’école. La présence d’un savoir dans les programmes peut se justifier de huit manières au moins, comme :

    Il serait absurde, au nom de l’approche par compétences, de prétendre éliminer des programmes tout savoir qui ne serait pas clairement présenté comme une ressource mobilisable dans l’exercice d’une compétence identifiée et valorisée. Il serait tout aussi indéfendable de maintenir ou d’introduire dans les programmes scolaires des savoirs dont la raison d’être est confuse, du moins au niveau du cursus considéré. La présence d’un champ de savoir au niveau de l’université ou de l’enseignement postobligatoire ne justifie pas ipso facto une initiation dès l’école primaire. Ni la tradition, ni les pressions des lobbies disciplinaires, ni l’idée que " ça ne peut pas faire de mal " ne devraient suffire à maintenir des chapitres de disciplines, voire des disciplines entières. Certes, avec un peu de complaisance et d’habileté, on peut tout justifier, au nom de la culture générale ou des besoins de l’enseignement supérieur. Ici, c’est de bonne foi et de rigueur qu’il est question.

    Il serait naïf de s’attendre dans ce registre à un dialogue franc et serein. Trop d’intérêts sont en jeu, et trop de visions opposées de la culture et des missions de l’école. Toutefois, formuler quelques critères et tenter de les appliquer avec cohérence est la seule chance d’alléger le poids des savoirs dans les programmes. Il reste à les écrire en termes de compétences.

     

    III. Des programmes conçus en termes de compétences

    A supposer qu’on se mette d’accord sur les fondements conceptuels et sur la nécessité d’accorder plus de temps et d’importance au développement des compétences dès l’école, il resterait un question cruciale : concrètement, quelles compétences faut-il développer en priorité ? Un socle de compétences a une organisation logique, un fondement conceptuel (une définition des compétences et des capacités, une vision des disciplines et du transversal, par exemple), mais aussi un contenu, qui n’est jamais neutre en regard des pratiques sociales et des systèmes de valeurs qui coexistent dans une société.

    En formation professionnelle, la question est relativement simple : la référence à un métier permet de circonscrire des tâches typiques appelant des compétences spécifiques. La tâche est beaucoup plus difficile en formation générale, à l’école primaire aussi bien qu’au secondaire. Aucune pratique sociale de référence ne s’impose alors. Que faire ? Plusieurs stratégies se présentent.

    1. La plus conservatrice est de partir des savoirs actuellement enseignés et de chercher à définir des compétences qui pourraient les mobiliser. Comme ils n’ont pas été conçus dans cette esprit et figurent souvent dans les programmes pour une autre raison (propédeutique, base de sélection, etc.), cette démarche aboutit à des référentiels de compétences de faible intérêt, qui ajoutent un verbe d’action aux connaissances théoriques (par exemple " savoir se servir du principe d’Archimède ") ou postulent des usages que nul n’a pris la peine de vérifier (" se servir de la connaissance du système cardio-vasculaire pour ménager sa santé ou optimiser son entraînement sportif "). Ces stratégies se bornent à habiller les contenus habituels des atours des compétences, sans réflexion sur le fond, ni mise en cause des programmes existants.

    2. Une seconde stratégie consiste à laisser les savoirs aux disciplines et à définir des " compétences transversales ". Au pire, ils enlèvent quelques heures aux disciplines, mais ils ne s’en prennent pas à la nature de leurs programmes. Chacun se serre un peu pour faire place à un nouveau venu, comme dans un ascenseur bondé, mais cela n’affecte pas son identité. Existe-t-il des compétences transversales ? Rey (1996) énonce quelques raisons d’en douter. On peut aussi prétendre que presque toutes les compétences sont transversales, au sens où les ressources qu’elles mobilisent appartiennent à plus d’une discipline, notamment lorsqu’il faut maîtriser des codes et des stratégies de communication graphique, orale ou écrite. Aucune compétence n’est purement disciplinaire. Un chercheur pointu en physique ou en biologie mobilise d’autres savoirs. Il serait donc plus sage de distinguer :

    3. La troisième stratégie est d’énoncer des capacités tellement générales qu’on ne sait même plus si elles sont disciplinaires ou transversales : savoir analyser, argumenter, raisonner, observer, s’exprimer, négocier sont sans doute des capacités utiles, mais elles en renvoient à immense diversité de métiers, de pratiques et de situations. Du coup, chacun conviendra de la nécessité pour chacun d’apprendre à observer ou à formuler des hypothèses. Surtout si l’on estime que la transmission rigoureuse de savoirs théoriques développe spontanément de telles capacités, comme aiment à le croire beaucoup de professeurs. Savoir analyser, c’est bien, mais existe-t-il un savoir-analyser valable pour n’importe quel objet, dans n’importe quel contexte ? Analyser un texte, une crise, un budget, une radiographie, une substance, une enquête ou un rêve, est-ce une capacité très polyvalente ou seulement une abstraction verbale, qui recouvre en fait des capacités ou des compétences très diverses ? En résumé : le chimiste, le politologue et le psychanalyste peuvent-ils échanger leurs rôles en restant compétents ?

    Ces trois stratégies, aussi discutables soient-elles, tiennent le haut du pavé dans les actuelles rénovations de programmes en termes de compétences. Ce sont à la fois les moins prometteuses et les plus probables : elles minimisent en effet les conflits et les deuils. Les groupes disciplinaires se défendent farouchement contre toute réduction des heures accordées à leur discipline, mais plus mollement contre des ajouts à l’édifice, s’ils intéressent une partie des professeurs et créent des emplois. Le changement dans l’école est presque toujours une extension, qui ne menace pas trop les pratiques et les intérêts des gens en place.

    Ces façons prudentes d’empoigner les problèmes sont peut-être les seules praticables, dans un premier temps. Pour aller au-delà, il conviendrait d’adopter une stratégie plus audacieuse : reconstruire la transposition didactique à partir d’une analyse fine des pratiques sociales actuelles et prévisibles, en se concentrant sur celles qui concernent le plus grand nombre de personnes, dans le travail et hors du travail. Faire cette démarche sérieusement est une entreprise de longue haleine, fondée sur des enquêtes. L’OCDE s’est engagée dans cette voie dans le prolongement des travaux sur les indicateurs. Le plus sage serait de mener de grandes enquêtes sur les pratiques de nos contemporains, pour identifier les savoirs et les compétences qu’ils utilisent ou qui leur font défaut. Pour aller plus vite, on peut provisoirement se fonder sur des avis d’experts, chercheurs, mais surtout praticiens dans divers champ (travail loisirs, famille, politique, etc.). A défaut d’en être les auteurs, ils pourraient être les inspirateurs et les premiers lecteurs critiques des programmes écrits en termes de compétences. A la lourdeur de tels dispositifs s’ajoute une autre difficulté : comment choisir, parmi les modes de vie et les pratiques qui coexistent dans une société pluraliste, ceux qui appellent des compétences qui devraient être développées dès l’école ?

    La première génération des programmes écrits en termes de compétences sera de toute façon une première approximation. Alors pourquoi ne pas tenter une rupture, ne pas se risquer à définir de vraies compétences, en prenant le risque d’afficher des choix éthiques et idéologiques clairs ?

    Prenons l’exemple de l’argumentation. On peut en faire une capacité aseptisée en se gardant de toute précision quant aux enjeux, aux interlocuteurs, aux rapports sociaux sous-jacents. On insistera alors sur les aspects linguistiques de l’argumentation comme type de texte oral ou écrit, ce qui conviendra aux professeurs de français. Certes, les aspects linguistiques peuvent pointer sur les dimensions psycholinguistiques ou sociolinguistiques d’un acte de parole ou d’un écrit argumentatif, mais de façon encore abstraite. Dire à quelles situations plus précises d’argumentation l’école primaire et l’école secondaire préparent, c’est se heurter à une objection classique : on ne peut réduire la diversité quasi infinie des situations argumentatives à quelques configurations stéréotypées. C’est vrai : travailler sur des situations concrètes ne devrait jamais y enfermer. Mais que penserait-on d’une formation médicale qui en resterait au niveau des principes de diagnostic et de soin sous prétexte que les patients et les pathologies sont d’une extrême diversité ? En formation professionnelle, on ne prétend pas que les situations rencontrées épuisent le réel, mais on sait aussi qu’à n’en rencontrer aucune, on se trouve dans le cas d’un individu qui apprend à nager dans un livre.

    La force de la formation professionnelle, c’est que les situations de travail sont assez bien identifiées, si bien que le débat idéologique, sans être absent, ne paralyse pas la transposition didactique. Lorsqu’une Faculté de Droit prépare à l’argumentation dans un prétoire, elle s’adresse à des enjeux repérés, autour par exemple des délits prévus pas le code pénal, de la jurisprudence et de la procédure correspondantes. Lorsque l’école veut travailler l’argumentation, elle se trouve face à un éventail impressionnant de pratiques sociales. Lesquelles faut-il constituer en références ? Celles qui touchent les élèves, comme enfants ou adolescents ? Ou celles qui renvoient à la vie adulte ?

    Dans les deux cas, le choix n’est pas confortable. Quelles sont en effets les situations argumentatives dans lesquelles se trouvent les élèves ? Par rapport aux adultes dont ils dépendent, il s’agit en général de justifier un écart à la norme ou de gagner un peu plus de liberté ou de ressources. Concrètement, travailler l’argumentation en classe pourrait préparer les élèves à mieux convaincre leurs parents d’augmenter leur argent de poche, de les laisser choisir plus librement leurs fréquentations ou leurs loisirs, de les autoriser à rentrer plus tard ou d’avoir des relations sexuelles avant l’âge que les parents jugent " normal ", d’accepter qu’ils abandonnent le piano ou changent d’orientation scolaire. Cela signifierait aussi qu’on leur donne des armes argumentatives contre l’école, contre d’autres professeurs, voire contre celui qui les forme à l’argumentation. On imagine la tranquillité requise pour assumer le risque d’une éducation qui, réussie, renforcerait l’autonomie et modifierait les rapports de force dans la famille et dans l’école.

    Est-il plus simple de se référer à des situations de la vie adulte ? En apparence, cela interfère moins avec la vie quotidienne, ici et maintenant. Mais les enjeux idéologiques ne sont pas moins grands. Supposons qu’on entraîne l’argumentation dans le champ des revendications monétaires : augmentation de salaire, crédit, hausse de loyer ou compensation d’heures supplémentaires. On voit immédiatement quelles protestations cela déclencherait du côté du patronat. Supposons qu’on entraîne l’argumentation dans le champ des rapports à la médecine : demande d’explications, négociation de l’opportunité de certains traitements, contestation de certaines options thérapeutiques, dénonciation d’erreurs médicales. On peut douter que le corps médical applaudisse à cette éducation. Supposons alors qu’on entraîne l’argumentation dans le champ de la consommation (contrats, garanties, service après-vente, réclamations) ou dans le champ de la police et de la justice, ou encore de la politique municipale. Dans tous ces domaines, les compétences argumentatives peuvent modifier les rapports de force, autour des règles et de leur interprétation. Si l’école affichait clairement l’intention de permettre à chacun d’apprendre à défendre ses intérêts et ses droits, elle heurterait tous ceux qui tirent bénéfice &endash; matériel ou symbolique &endash; de la faible compétence argumentative de leurs clients, usagers, ou subordonnés.

    C’est bien pourquoi l’approche par compétences hésite à appeler un chat un chat. Tactiquement, on peut sans doute hésiter à renforcer encore l’alliance des vestales du savoir et des défenseurs inconditionnels de l’ordre social. Ces prudences tactiques contribuent en revanche à rendre l’approche par compétences abstraite et peu convaincante aux yeux de l’immense majorité des parents, qui ne voient pas le rapport entre ce qu’ils vivent chaque jour et ce que les nouveaux programmes proposent. Une partie des parents et des élèves soutiennent des programmes conservateurs pour la simple raison qu’ils paraissent rassurants. Il se peut que l’approche par compétences ait davantage d’alliés à l’extérieur de l’école que dans la place, non pas simplement du côté de l’économie, mais chez tous ceux qui savent, d’expérience, qu’on ne maîtrise pas la vie quotidienne avec des savoirs seulement. Peut-être, en parlant clair, avancera-t-on vers le dépassement de cette antinomie absurde entre des savoirs requis pour décrocher un diplôme et des compétences nécessaires pour se débrouiller dans la vie !

    Entre euphémisation et provocation, les programmes écrits en termes de compétences cherchent encore leur chemin.

     

    IV. Former et évaluer à travers des tâches complexes

    Même si les programmes étaient parfaitement cohérents et réalistes, il resterait à les mettre en œuvre. Or, une approche par compétences représente une forme de " révolution didactique " pour une partie au moins des enseignants. Elle exige en effet de :

    J’ai décrit ailleurs ces changements (Perrenoud, 1998, chapitre 3). Je me bornerai ici à expliciter le fil rouge qui les relie.

    Une compétence ne peut s’enseigner. On ne peut enseigner que les savoirs, qui sont notamment des ressources. Même alors, mieux vaudrait que ces savoirs soient enseignés en référence aux problèmes qu’ils permettent de traiter, en contexte, plutôt que sous forme d’un " texte du savoir " entièrement détaché de ses usages, quels qu’ils soient. A cette contextualisation devrait s’ajouter tout ce que nous savons sur la construction des savoirs en termes d’interaction, de conflits sociocognitifs, de sens du travail et des contenus, de contrat didactique, de méthodes actives et coopératives.

    Je ne puis ici résumer l’apport des mouvements d’école nouvelle et de la recherche en éducation, didactiques des disciplines comprises. J’insiste simplement sur un point : il est exclu de considérer la construction des savoirs comme une " zone protégée ", que l’approche par compétences laisserait intacte. Elle ne tourne pas le dos aux savoirs, elle leur donne toute leur importance, mais elle n’est pas compatible avec la manière habituelle de les " transmettre ", notamment dans l’enseignement secondaire.

    A cela s’ajoute la simple impossibilité d’enseigner ou de transmettre des compétences. Cela ne signifie pas que les apprenants doivent devenir des autodidactes se formant par essais et erreurs. Il reste essentiel d’offrir une médiation, de construire des dispositifs de formation plus ambitieux que ceux qui fonctionnent aujourd’hui dans la plupart des écoles.

    L’enseignant change de rôle : il devient entraîneur. Comme sur un terrain de sports ou dans un atelier artistique, il soutient l’apprentissage. Il organise des situations complexes, invente des problèmes et des défis, propose des énigmes ou des projets. Son rôle est donc très important, mais il ne tient plus le devant de la scène et ne monopolise plus la parole. Sa compétence principale évolue :

    Ce qui peut sembler cohérent, dit de façon aussi globale et abstraite, a des implications considérables pour le métier d’enseignant. Une fois ces implications devenues visibles, il faut s’attendre à de fortes résistances des enseignants, notamment au second degré. D’où l’importance de ne pas dissocier les contenus d’une approche par compétences des stratégies de changement.

     

    V. Accompagner et soutenir le changement

    Le développement d’une approche par compétences se situe dans le registre de ce que j’ai appelé les " réformes du 3ème type ", qui touchent aux pratiques. Toutes les réformes de curriculum appellent, idéalement, de nouvelles pratiques pédagogiques. Toutefois, certains contenus nouveaux peuvent, à la rigueur, se mettre en place sans que les pratiques pédagogiques évoluent sensiblement. Cela édulcore sans doute le renouveau, mais sans le vider de tout sens.

    L’approche par compétences ne peut se contenter de cette demi-mesure. Elle ne se réalisera, quelles que soient la force et la cohérence des programmes, que si les fonctionnements didactiques changent dans les classes, au quotidien. Si l’école est saisie par les compétences mais ne parvient pas à en saisir ses enseignants, l’échec est inéluctable. La voie autoritaire n’a aucune chance dans un domaine où l’adhésion à l’esprit des textes est décisive. Il faut donc construire, patiemment, des représentations communes, notamment à travers la formation professionnelle.

    Peut-on, doit-on infléchir la formation initiale des enseignants ? A terme, sans doute, si les programmes et les pratiques évoluent dans le sens d’une approche par compétences. On peut demander à la formation initiale d’anticiper sur les évolutions prévisibles du système éducatif, mais pas de préparer à un métier qui n’existe pas encore et qui, peut-être, ne verra jamais le jour. Par ailleurs, on sait que les infléchissements de la formation initiale ne concernent que les nouveaux enseignants, ce qui, au gré d’un renouvellement progressif du corps enseignant, ne porte ses fruits que très lentement. En outre, l’évolution des institutions de formation initiale vers l’enseignement supérieur (universitaire ou non, plus ou moins avancée selon les pays) n’est pas compatible avec une mobilisation autoritaire en fonction de la réforme en cours. Il faut donc faire avec ce qu’on peut interpréter comme une " introuvable synchronisation " entre réformes scolaires et rénovations de la formation initiale des enseignants (Perrenoud, 1999 c).

    Est-ce à dire que la formation initiale n’est nullement concernée ? Elle pourrait l’être de plusieurs manières, sans qu’on amenuise son autonomie relative, ni qu’on lui fasse porter des espoirs démesurés :

    1. Elle pourrait elle-même, contre la tradition du tout disciplinaire (Tardif, 1996) former plus radicalement et plus explicitement à de véritables compétences professionnelles. La résistance des enseignants à l’approche par compétences tient en partie à la centration de leur propre formation sur les savoirs, et plus particulièrement les savoirs à enseigner, et au déni de leurs propres compétences.
    2. Elle pourrait mettre la pratique réflexive au centre de la formation, comme posture, comme métacompétence, en y entraînant intensivement les futurs enseignants. C’est la clé de tout changement individuel ou collectif.
    3. Elle pourrait initier plus sérieusement à la recherche en éducation et en formation.
    4. Elle pourrait orienter la formation vers la construction, l’animation et la régulation de situations et de séquences didactiques et aider les futurs enseignants à rompre avec l’image stéréotypée de la forme scolaire (cours suivis d’exercices).
    5. Elle pourrait provoquer des ouvertures interdisciplinaires et travailler sur les pratiques sociales de référence, l’ancrage des savoirs dans la culture et l’action.
    6. Elle pourrait donner des outils pour comprendre, négocier, mettre en œuvre des innovations et des réformes, développer des " savoirs d’innovation " (Gather Thurler, 1998 b).

    En dépit de ces évolutions, de toute façon souhaitable, le poids du changement repose largement sur la formation continue et le développement professionnel. La formation continue a des figures encore plus diverses selon les systèmes éducatifs, mais partout, elle a vocation à soutenir l’implantation des réformes et des politiques de l’éducation. Ce n’est pas son seul rôle. Elle peut, comme la formation initiale, contribuer à la professionnalisation du métier d’enseignant, ou répondre à des besoins spécifiques de mise à jour ou d’élargissement des compétences processionnelles. Il reste légitime, en période de réforme, de la mobiliser comme un agent de changement au service d’une politique de l’éducation.

    Sa tâche est trop souvent réduite à une instrumentation des enseignants. On peut la concevoir plus largement. La formation continue devrait offrir un cadre privilégié pour travailler sur les raisons de changer. On peut partir du postulat que les raisons d’aller vers une approche par compétences ne sont pas jugées claires ou par une partie des enseignants. Les ministères peuvent multiplier les informations (brochures, circulaires, émissions, conférences), ils ne transformeront pas les représentations de cette façon. Cette information est utile parce qu’elle donne des références et une légitimité à ceux qui font, sur le terrain, un travail d’argumentation et de négociation. C’est le rôle des cadres scolaires et des chefs d’établissements, mais les formateurs peuvent aussi, dans une autre posture, contribuer à organiser ce travail sur les raisons du changement. Encore faut-il, bien entendu, qu’ils soient eux-mêmes convaincus, donc associés à la stratégie…

    Ce travail sur les représentations permet l’expression des interrogations et des résistances. Le rôle de la formation n’est pas de les minimiser ou de les qualifier d’irrationnelles. C’est au contraire de prendre les doutes et les objections au sérieux et de les travailler avec des groupes d’enseignants. Les résistances seront en effet d’autant plus légitimes :

    Ce travail dans le registre des valeurs, des finalités, de l’idéologie, de la cohérence et du réalisme des réformes prépare une seconde phase, qui portera davantage sur les obstacles concrets que les enseignants rencontrent ou s’attendent à rencontrer lors de la mise en œuvre en classe.

    Si la formation continue, est un élément décisif, on ne saurait lui faire porter toutes les espérances. Le rôle des ministères reste central, non seulement dans l’élaboration des programmes et des réformes, mais dans le travail d’explication destiné à la classe politique, aux médias, à l’opinion publique, aux parents d’élèves, aux élèves eux-mêmes et enfin aux agents du système éducatif. On observe encore trop souvent un immense investissement de conception et une grande pauvreté de communication.

    Dans une société médiatique, on a tendance à surestimer la communication directe. Le " two step flow of communication " décrit par Lazarsfeld reste une réalité. La stratégie de changement dépend donc des relais, des opinion leaders. Tous les leaders d’opinion ne sont pas des cadres. Certains enseignants militants ou innovateurs, certains formateurs, certains experts, certains chercheurs, certains rédacteurs de la presse pédagogique jouent ce rôle. On pourrait en revanche exiger que tous les cadres scolaires, inspecteurs, conseillers pédagogiques et chefs d’établissement soient désireux et capables d’exercer un réel leadership professionnel et de relayer la volonté de changement. Cela suppose qu’on les associe assez tôt au processus et qu’ils ne soient pas de simples porteurs d’un message à l’élaboration duquel ils n’ont pas participé.

    Enfin, il est un niveau stratégique à prendre tout particulièrement en considération, celui de l’établissement scolaire. Évoluant vers une autonomie relative (Derouet et Dutercq, 1997 ; Gather Thurler, 1998 a), entre mandat et projet (Perrenoud, 1999 b), il devient un lieu de politique de l’éducation, non seulement dans le registre local, mais comme acteur collectif capable d’infléchir les politiques nationales. L’approche par compétences sera donc en partie ce que les établissements en feront, au gré de leur projet, de leur conception de la culture et des priorités, et de l’usage qu’ils estimeront devoir faire de leur part d’autonomie curriculaire.

    En France, quelques heures consacrées aux parcours diversifiés permettent aux collèges (l’enseignement secondaire obligatoire, 11-15 ans) de développer des démarches de projet et des activités interdisciplinaires, en principe favorables au développement de compétences, tant disciplinaires que transversales. Ce temps reste marginal dans la grille horaire et son usage est relativement cadré par le ministère, mais il subsiste une marge d’interprétation, qui peut être employée pour contribuer à l’intégration des savoirs et à l’exercice de leur mobilisation ou renforcer au contraire l’apport de connaissances, quand bien même ce n’est pas l’esprit des textes officiels.

    Au Québec, la réforme récente a donné aux conseils d’établissement un pouvoir curriculaire nettement plus grand. Qu’en feront-ils ? Les établissements acquis à l’approche par compétences pourraient, par exemple, consacrer ce temps, intégralement, à des projets et à diverses formes d’entraînement à la mobilisation des savoirs, sans ajouter de contenus nouveaux. D’autres, au contraire, ajouteront des savoirs choisis localement aux savoirs définis par les programmes ministériels.

    Faut-il craindre cette forme d’autonomie ? Revenir en arrière, dans la plus pure tradition centralisatrice ? Peut-être vaudrait-il mieux donner à tous les acteurs les moyens de mesurer les enjeux et d’opter en connaissance de cause pour la construction de compétences dès l’école, sur la base d’une analyse partagée de l’évolution du monde du travail, mais aussi de la famille, des loisirs, des médias, des technologies, des villes ou de la planète.

    La conception de la culture ne peut évoluer par décret. La seule stratégie valable, à long terme, est de créer les conditions de construction d’une vision commune des évolutions de la société et des besoins des personnes et des communautés. Il est normal que l’approche par compétences soit proposée de façon volontariste et que certaines décisions soient prises sans attendre un improbable consensus. Que cela ne masque pas l’évidence : le changement se joue dans la tête des acteurs, les enseignants, les élèves, les parents, les cadres et les autres. Une démarche volontariste ne peut que mettre en marche un processus de réforme, instituer des lieux et des règles de débat et de décision. Ensuite, tout dépend de l’adhésion des acteurs…

    Il n’est pas sûr que les ministères aient pris conscience clairement que la rénovation des programmes en terme de compétences ne pourra se jouer par la publication de textes, qu’il faut donc inventer de nouvelles stratégies de changement, participatives et progressives, à la mesure des ruptures proposées.

     

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