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De quelques compétences
du formateur-expert

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1999

Sommaire

Le formateur au sein d’un acteur collectif

Les compétences individuelles des formateurs

Références


Les enseignants-experts savent-ils mieux que les novices quelles compétences ils mettent en œuvre ? On peut en douter, car la maîtrise des savoirs à enseigner cache souvent l’importance des compétences pour enseigner. On sait que nombre d’enseignants estiment encore qu’il suffit de " dominer sa matière " et d’avoir quelques compétences de communication pour transmettre efficacement des savoirs. Les compétences qu’ils manifestent en pratique (gestion de classe, planification, prise en compte des différences, transposition, médiations, négociations et régulations diverses) restent souvent soit inaperçues, soit banalisées, dépourvues de nom. Une formation professionnelle plus poussée en didactique, pédagogie et sciences humaines devrait peu à peu donner à voir la réalité du travail enseignant (Durand, 1996) et les compétences qu’il exige (Perrenoud, 1999), même dans le cadre classique du cours dialogué entrecoupé d’exercices et d’évaluations papier-crayon

Les formateurs, qui travaillent sur les transformations de la personne (dans le registre de l’identité, du développement de soi, de la posture réflexive et de la construction de compétences) sont censés avoir une vue plus pointue de leur propres compétences. On peut estimer que c’est le cas s’ils ont suivi une formation en éducation des adultes et en ingénierie. Lorsque les formateurs viennent du métier et se forment " sur le tas ", il n’est pas certain qu’ils soient plus au clair que les enseignants sur les compétences qu’ils mettent en œuvre. La familiarité avec un métier et la légitimité qu’elle donne jouent ici le même rôle de " couverture " que la maîtrise des savoirs académiques.

C’est pourquoi il n’est pas inutile de réfléchir sur les compétences des formateurs. Sans en proposer un référentiel, je tenterai de distinguer ici celles qui permettent de participer à la construction du plan de formation de celles qui aident à fonctionner, au jour le jour, avec des étudiants.

 Le formateur au sein d’un acteur collectif

Lorsqu’un formateur rencontre ses étudiants au début d’une unité de formation, la partie qui s’engage est largement déterminée par des décisions institutionnelles prises en amont et dont la plupart lui échappent :

Bref, le formateur est joue dans une pièce dont il n’est pas l’auteur. Parfois, il doit servir le texte à la virgule près, parfois, il lui loisible d’amener quelques répliques de son cru ; dans les cas les moins contraints, il s’approche même de la commedia dell arte, en improvisant à partir d’une trame.

Cette dépendance, légitime puisqu’il n’est pas à son compte, appelle certaines conclusions en termes de compétences :

1. Pas plus que le talent d’un acteur ne sauve une mauvaise pièce, les compétences d’un formateur ne peuvent faire de miracles dans un dispositif de formation mal conçu.

2. L’inverse est également vrai : le dispositif et le plan le mieux conçus seront d’une médiocre efficacité si les formateurs n’y adhèrent pas, ne le comprennent pas ou n’ont pas les compétences correspondantes.

3. Il est donc regrettable de limiter le rôle des formateur à celui d’acteurs. Ils ont le droit et le devoir de participer à l’écriture et aux réécritures successives du scénario.

4. On peut souhaiter aussi que la distribution des rôles et des places dans le dispositif fasse l’objet de négociations à ciel ouvert.

Si l’on fait ces choix - qui se discutent - il faut assumer leurs implications quant aux compétences requises des formateurs pour :

Pour développer ces compétences, il convient évidemment de mesurer à la fois la dépendance et l’influence possible de chacun, donc sa responsabilité. Cette situation n’est pas originale. A partir d’un certain degré de qualification, tous les salariés qui travaillent dans une organisation choisissent, consciemment ou non, entre trois stratégies (Perrenoud, 1993) :

Dans la fonction ou le métier de formateur, la deuxième stratégie peut paraître séduisante, pour une double raison : les formateurs s’imaginent souvent sans prise sur l’institution et ils croient disposer d’une marge de liberté suffisante pour espérer tirer leur épingle du jeu.

Il est vrai que le travail de formateur est moins prescrit que les soins infirmiers, par exemple. Les technologies y ont une faible place, si bien que le métier échappe à cette source majeure de standardisation des pratiques. L’opacité des gestes professionnels du formateur peut renforcer son illusion de l’autonomie, mais elle est alors " de contrebande " (Perrenoud, 1996 a), au sens où elle ne subsiste qu’à condition de rester dans l’ombre. Enfin, le métier de formateur n’est pas fédéré par des savoirs scientifiques, techniques et méthodologiques qui s’imposent à chacun, sinon dans le registre des connaissances à enseigner.

S’il se satisfait de cette forme de liberté, le formateur peut se concentrer sur son travail avec les étudiants. Si, en revanche, il lui en coûte souvent de s’inscrire dans les programmes et les dispositifs institués, il aura intérêt à se démener pour les faire évoluer dans un sens plus conforme à ses attentes. Il aura alors le plein usage des compétences suivantes :

Les institutions de formation ont-elles intérêt à favoriser le développement de telles compétences ? Certaines directions semblent s’opposer à toute prise de pouvoir des formateurs. Sans doute est-ce une tactique à courte vue : une politique de formation qui se fonde sur la faiblesse des formateurs ne peut être que de moindre qualité, pour la simple raison que chacun retrouve par la ruse ou à la faveur de l’opacité des pratiques ce qu’il n’obtient pas par la participation aux décisions.

Sans doute faudrait-il prolonger l’analyse en identifiant les compétences collectives requises d’un corps de formateurs qui veulent participer à la conception du plan de formation et à la gestion de leur propre institution. On retrouverait là, notamment, les compétences à l’œuvre dans la définition initiale et le pilotage négocié de tout projet d’établissement.

 Les compétences individuelles des formateurs

Tous les formateurs ne font pas le même travail. J’ai distingué (Perrenoud, 1998 c) trois catégories :

Laissons ici de côté les formateurs de terrain stricto sensu. Former n’est pas leur rôle principal. Ce sont des formateurs " occasionnels ", qui ne travaillent pas dans un centre de formation, mais dans un service, une école ou toute autre structure accueillant des stagiaires.

D’autres professionnels, en revanche, interviennent à temps partiel dans le centre de formation, pour présenter certains aspects de leur métier, transmettre des savoirs experts ou accompagner des " travaux pratiques ", des séminaires d’analyse ou des mémoires professionnels. Ils côtoient alors divers formateurs permanents, qui diffèrent par leurs taux d’activité, leurs origines, leurs statuts.

Les uns dispensent des savoirs (scientifiques, professionnels, méthodologiques, techniques, gestionnaires), les autres développent des compétences. Les premiers s’en tiennent à la " théorie ", si l’on entend par là des savoirs formalisés transmis de façon organisée et discursive. Les seconds se réfèrent plus fortement aux pratiques.

Dans toute institution de formation professionnelle, on trouve ainsi des enseignants dont la tâche est d’apporter des connaissances, sans avoir à se soucier de leur intégration à des compétences professionnelles. Ils occupent parfois une place très importante, parfois marginale. Tout dépend de la division du travail et de la conception en vigueur. C’est pourquoi l’on ne peut détacher le débat sur les compétences des formateurs du modèle de formation considéré.

J’ai défini ailleurs (Perrenoud, 1998 a) quelques critères de qualité d’une formation professionnelle telle que je la conçois :

Si l’on va dans ce sens, on limitera le nombre des formateurs qui transmettent des connaissances sans référence, ou de très loin, à leur mobilisation dans le métier. Il en restera toujours, notamment pour des disciplines de culture générale. Ces formateurs fonctionnent comme des professeurs et ont besoin des compétences correspondantes.

Ceux qui sont au cœur de l’articulation entre théorie et pratique ont besoin, en outre, de compétences spécifiques de formateurs, au sens où formateur s’oppose à enseignant (Braun, 1989). Dans la mesure où la plupart des formateurs ont aussi à transmettre des connaissances, ils doivent posséder à la fois les compétences d’un enseignant et d’autres encore, que je regrouperai en trois ensembles :

Avant d’y revenir, arrêtons-nous un instant sur les compétences classiques et nouvelles d’un professeur.

Avoir les compétences classiques et nouvelles d’un enseignant

Dans la mesure où tout formateur fonctionne par moments comme un enseignant, mieux vaudrait qu’il dispose des compétences " classiques " qu’exige la transmission méthodique de connaissances :

Que ces compétences soient " classiques " ne signifie pas que tous les professeurs les détiennent. Les formateurs sont parfois encore moins bien armés. Il leur arrive d’emprunter au métier d’enseignant, sans en avoir toutes les compétences, chaque fois qu’ils ont à transmettre de façon ordonnée un corpus organisé de connaissances.

A ces classiques, il faudrait ajouter les compétences ancrées dans les pédagogies actives ou la recherche contemporaine en éducation, par exemple :

On s’approche ici des compétences spécifiques du formateur dans un dispositif d’alternance, parce que ces courants insistent déjà, en partie, sur l’opportunité ou la nécessité :

Ces compétences (Perrenoud, 1999), qu’elles soient classiques ou nouvelles, devraient s’appuyer sur des savoirs pointus :

Ces compétences et ces connaissances sont nécessaires pour enseigner et faire apprendre des savoirs. Pour aider l’apprenant à construire des compétences, il en faut d’autres.

Savoir construire et faire fonctionner des dispositifs d’alternance

On vise là, chez les formateurs, des compétences d’ingénierie. Elles trouvent déjà à s’exercer à l’échelle du plan de formation, puisque c’est lui qui règle l’alternance des lieux et des temps de formation, notamment le rapport entre temps de terrain et apports théoriques. Dans une formation construite sur le mode de la juxtaposition entre des temps longs de cours théoriques ou méthodologiques (années, semestres entiers) et des temps moins nombreux, mais aussi longs, de stages, les contraintes didactiques qui pèsent sur l’articulation théorie-pratique sont sans commune mesure avec celles qui existent &endash; il y en a toujours &endash; lorsque les mêmes unités de formation thématiques et les mêmes équipes de formateurs gèrent à la fois les temps de terrain et les temps de travail à l’institut de formation, comme c’est le cas de la formation genevoise des enseignants primaires (Perrenoud, 1996 b, 1998 b). C’est au niveau du plan de formation que se définit le format des unités de formation et une politique d’articulation théorie-pratique. C’est là aussi que des unités spécifiques d’intégration des savoirs, d’exploration des problèmes professionnels, d’études de cas, d’analyse de la pratique ou d’aide méthodologique au travail sur le terrain peuvent être définies. Certaines institutions y ajoutent des dispositifs de suivi ou de supervision des étudiants. C’est aussi au niveau des plans de formation que se définit en partie le rôle des formateurs praticiens. Supposons qu’on le définisse comme suit :

a. Pousser le stagiaire à expliciter ses attentes, ses projets, ses représentations préalables.

b. Verbaliser ses propres modes de pensée et de décision, même intuitifs.

c. Ne pas jouer la comédie de la maîtrise, faire entrer dans les coulisses de l'action.

d. Exprimer ses doutes, ses peurs, ses ambivalences, ses lassitudes.

e. Se mettre en jeu comme personne, ne pas se cacher derrière le rôle.

f. Accepter la différence comme irréductible, ne pas vouloir que l’autre vous ressemble.

g. Prendre les erreurs de l’un ou de l’autre comme occasions de progresser.

h. Renoncer à incarner une norme, un surmoi, un modèle.

De telles attentes (Perrenoud, 1994), si elles sont formulées par un centre de formation, auront, on peut l’espérer, certaines incidences sur les pratiques des formateurs de terrain. Elles n’ont de sens, cependant, que si les pratiques de formateurs du centre sont mises en cohérence. Donc, ici encore, on ne peut penser les compétences du formateur permanent sans expliciter la conception de l’alternance et de la division du travail qui sous-tend l’ensemble du plan de formation.

Le plan crée des espaces-temps de formation dont le fonctionnement n’est pas entièrement prescrit. Pour les investir et y faire fonctionner divers dispositifs, il reste de nombreuses options à prendre, qui relèvent aussi d’une forme d’ingénierie de formation. Chez les formateurs qui fonctionnent comme des enseignants, cette ingénierie sera didactique, au sens habituel du mot : aménagement du contrat, de la transposition, de la planification didactiques. Lorsqu’on construit des compétences, cette ingénierie portera sur des dispositifs spécifiques.

Ces dispositifs varient selon la facette des compétences qu’on veut travailler. Par exemple, pour travailler l’habitus et les dimensions les moins conscientes de l’action professionnelle, le formateur a intérêt à maîtriser tout ou partie des dispositifs suivants :

1. La pratique réflexive, comme outil permanent d’autoformation modélisé et soutenu par les formateurs.

2. L’analyse des pratiques en groupe, comme occasion de mettre des mots sur des gestes professionnels et d’identifier des régularités dans l’action la moins réfléchie.

3. L’observation mutuelle comme méthode de renvoi à un alter ego d’une image non jugeante, mais détaillée et sans complaisance, de ce qu’il fait vraiment.

4. Le questionnement et l’écoute des usagers comme source de prise de conscience.

5. L’écriture clinique, comme forme de mise à distance de situations de travail mise en forme et narrée de sorte à en dégager les enjeux et les mécanismes sous-jacents.

6. La vidéoformation comme trace plus complète, mais moins construite et interprétative de l’action.

7. L’entretien d’explicitation comme mode d’accès à la pensée implicite, au non réfléchi, à une forme d’inconscient pratique.

8. L’histoire de vie comme retour sur les expériences et les itinéraires dont le praticien est le produit.

9. La simulation et les jeux de rôles comme approximations de situations de travail, sans le risque et avec des arrêts sur image pour l’analyse.

10. L’expérimentation et l’expérience, à partir d’une tradition de la psychologie sociale, pour identifier et observer certains mécanismes.

On en trouvera le détail ailleurs (Perrenoud, 1996 c). Cette liste n’épuise pas les compétences nécessaires pour faire fonctionner des formations en alternance. Pour travailler les dimensions éthiques, relationnelles ou plus techniques, il faut inventer et animer d’autres dispositifs.

Maîtriser divers modes d’intervention sur l’action

La formation de compétences passe par une interférence avec l’action professionnelle, que ce soit au stade du projet et de la planification, lorsqu’elle est en cours ou dans l’après-coup de l’analyse et du debriefing.

Tardif (1998) nous rappelle la diversité des postures possibles. Il distingue six modalités d’intervention en formation :

1. Le recours au modèle (modeling). Les étudiants se retrouvent alors dans un contexte d’observation où une personne experte exécute devant eux une tâche professionnelle, selon un protocole de pensée à voix haute.

2. L’entraînement (coaching). Les étudiants doivent réaliser une tâche complexe et ils reçoivent l’assistance du professeur qui agit entre autres comme médiateur entre la connaissance et l’étudiant. C’est une forme de pratique guidée.

3. L’échafaudage (scaffolding). Les étudiants ont à réaliser une tâche complexe et le support qui leur est offert varie selon leur degré de maîtrise des compétences. Le professeur peut assumer lui-même une partie de la tâche compte tenu des compétences des étudiants.

4. L’articulation (articulation). Le professeur dirige l’attention des étudiants sur les compétences et les connaissances qu’ils ont développées ainsi que sur leurs stratégies d’acquisition de ces compétences et de ces connaissances.

5. La réflexion (reflection). Le professeur incite les étudiants à comparer leur processus de résolution de problèmes avec celui d’une personne experte et avec celui d’autres étudiants. Cette modalité est orientée sur le développement de la réflexion dans l’action.

6. L’exploration (exploration). Le professeur incite les étudiants à proposer plusieurs hypothèses de solution pour un même problème et il les incite également à générer des problèmes et à les résoudre.

Sans discuter ou compléter cette liste, on la retiendra ici parce qu’elle indique un ensemble de compétences et de connaissances requises du formateur qui opère sur l’action de l’étudiant et doit autant que possible savoir ce qu’il fait et comment il infléchit la construction des compétences.

On voit fort bien, à ce propos, qu’une partie de l’action de formation peut fonctionner de façon intuitive ou sur la base du sens commun, retrouvant parfois, sans le savoir, des modalités théorisées par d’autres. Comme M. Jourdain faisait de la prose, un bon formateur adopte des postures et des démarches efficaces sans avoir toujours accès à la culture et à la formalisation correspondantes. On ne saurait cependant, à terme, fonder trop d’espoir sur des compétences et des savoirs entièrement construits au fil de l’expérience. Pour un formateur qui retrouve seul, grâce à sa lucidité et à sa posture réflexive, les bases de la formation des adultes, il y en a neuf qui restent en deçà d’une action efficace parce que leur propre formation a été laissée au hasard.

Relever les défis et affronter des dilemmes

Une autre façon de conceptualiser les compétences des formateurs est d’analyser les dilemmes et les défis auxquels ils sont confrontés. L’action de formation n’est pas une action technique. Elle manie des paradoxes et des contradictions, qui tiennent au fait qu’il faut savoir à la fois intervenir et ne pas intervenir, étayer et désétayer, encadrer et faire confiance, évaluer lucidement et renforcer positivement.

A propos de la formation d’enseignants, j’avais (Perrenoud, 1998) relevé une dizaine de ces défis. Ils valent aussi pour d’autres formations professionnelles :

1. Savoir aider les étudiants à se situer par rapport aux valeurs et aux finalités du métier, sans pour autant faire œuvre de mission.

2. Savoir aider les étudiants à construire leur identité professionnelle, sans incarner un modèle d’excellence.

3. Savoir faire expliciter et analyser les dimensions non réfléchies de l’action et les routines, sans les disqualifier.

4. Savoir faire travailler les étudiants sur eux-mêmes comme personne et sur leur relation à autrui, sans devenir thérapeute.

5. Savoir travailler sur les non dits et les contradictions du métier, être réaliste sans désenchanter le monde.

6. Savoir partir des pratiques et de l’expérience, sans s’y enfermer, pour formaliser, comparer, expliquer, théoriser.

7. Savoir aider à construire des compétences, à exercer la mobilisation des savoirs sans renoncer à la distance réflexive.

8. Savoir identifier et combattre les résistances à la formation, à la prise de risque, au changement, sans les mépriser.

9. Savoir travailler sur les dynamiques collectives, la coopération, l’organisation et le rapport au pouvoir et aux institutions.

10. Savoir travailler sur le rapport au savoir, à la théorie, à l’action, à la formation.

 

Favoriser une posture réflexive en l’adoptant et en la modélisant

Le principal défi du formateur reste bien entendu celui qu’a magnifiquement formulé Jean Rostand :

Former les esprits sans les conformer, les enrichir sans les endoctriner, les armer sans les enrôler, leur communiquer une force, les séduire au vrai pour les amener à leur propre vérité, leur donner le meilleur de soi sans attendre ce salaire qu’est la ressemblance.

La pratique réflexive, dans la ligne de Schön (1994, 1996), repose sur des outils, mais c’est d’abord une posture, un rapport à la réalité, à la théorie, à la réflexion sur et dans l’action.

Du formateur, on attendra donc qu’il incarne lui-même cette posture, dans le double registre de l’action professionnelle et de l’action de formation. L’incarner n’est pas la professer seulement. C’est d’abord la mettre en pratique. Mais c’est aussi l’expliciter et la modéliser.

Beaucoup de formateurs succombent à la tentation de feindre une totale maîtrise de leur propre action, comme si la moindre faille pouvait nuire à leur réputation et à la légitimité de leur message. On peut, au contraire, soutenir qu’un formateur crédible parvient à faire partager la part d’hésitation et d’incertitude qui l’habite, non parce qu’il est incompétent, mais parce que l’action compétente n’est jamais infaillible, ni dénuée de doutes. Pour y parvenir, il faut évidemment avoir et partager la conviction que la compétence n’est pas synonyme de perfection, mais de réflexivité et de régulation !

 

Références

Altet, M. (1994) La formation professionnelle des enseignants, Paris, PUF.

Altet, M. (1996) Les compétences de l’enseignant professionnel. Entre savoirs, schèmes d’action et adaptation : le savoir-analyser, in Paquay, L., Altet, M., Charlier, E. et Perrenoud, Ph. (dir.), Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, de Boeck, pp. 27-40, sous presse.

Altet, M. (1998) Quelle formation professionnalisante pour développer les compétences de " l’enseignant professionnel " et une culture professionnelle d’acteur, in Tardif, M., Lessard, C. et Gauthier, C. (dir.) Formation des maîtres et contextes sociaux. Perspectives internationales, Paris, PUF, pp. 71-86.

Braun, A. (1989) Enseignant et/ou formateur, Paris, Éditions d’organisation.

Durand, M. (1996) L’enseignement en milieu scolaire, Paris, PUF.

Paquay, L., Altet, M., Charlier, E. et Perrenoud, Ph. (dir.) (1996) Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, de Boeck, pp. 181-208 (2e éd. 1998).

Perrenoud, Ph. (1993) L’organisation, l’efficacité et le changement, réalités construites par les acteurs, Éducation et Recherche, n° 2, pp. 197-217.

Perrenoud, Ph. (1994) Du maître de stage au formateur de terrain : formule creuse ou expression d’une nouvelle articulation entre théorie et pratique ?, in Clerc, F. et Dupuis, P.-A. (dir.) Rôle et place de la pratique dans la formation initiale et continue des enseignants, Nancy, Éditions CRDP de Lorraine, pp. 19-44.

Perrenoud, Ph. (1996 a) Le métier d’enseignant entre prolétarisation et professionnalisation : deux modèles du changement, Perspectives, vol XXVI, n° 3, septembre, pp. 543-562.

Perrenoud, Ph. (1996 b) Former les maîtres du premier degré à l’Université : le pari genevois, in Lapierre, G. (dir.) Qui forme les enseignants en France aujourd’hui ?, Grenoble, Université Pierre Mendès France, Actes des Assises de l’A.R.C.U.F.E.F, pp. 75-100..

Perrenoud, Ph. (1996 c) Le travail sur l’habitus dans la formation des enseignants. Analyse des pratiques et prise de conscience, in Paquay, L., Altet, M., Charlier, E. et Perrenoud, Ph. (dir.), Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, de Boeck, pp. 181-208 (2e éd. 1998).

Perrenoud, Ph. (1998 a) La qualité d’une formation se joue d’abord dans sa conception. Contribution à la réflexion sur les programmes, Pédagogie collégiale (Québec), Vol. 11, n° 3, mai, vol.11, n° 4, pp. 16-22.

Perrenoud, Ph. (1998 b) De l’alternance à l’articulation entre théories et pratiques dans la formation des enseignants, in Tardif, M., Lessard, C. et Gauthier, C. (dir.). Formation des maîtres et contextes sociaux. Perspectives internationales, Paris, PUF, pp. 153-199.

Perrenoud, Ph. (1998 c) Le rôle des formateurs de terrain, in Bouvier, A. et Obin, J.-P. (dir.) La formation des enseignants sur le terrain, Paris, Hachette, pp. 219-241.

Perrenoud, Ph. (1999) Dix nouvelles compétences pour enseigner. Invitation au voyage, Paris, ESF.

Schön, D. (1994) Le praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel, Montréal, Éditions Logiques.

Schön, D. (1996) À la recherche d’une nouvelle épistémologie de la pratique et de ce qu’elle implique pour l’éducation des adultes, in Barbier, J.-M. (dir.) Savoirs théoriques et savoirs d’action, Paris, PUF, pp. 201-222.

Schön, D. (dir.) (1996) Le tournant réflexif. Pratiques éducatives et études de cas, Montréal, Éditions Logiques.

St-Arnaud, Y. (1992) Connaître par l’action, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal.

Tardif, J. (1996) Le transfert de compétences analysé à travers la formation de professionnels, in Meirieu, Ph., Develay, M., Durand, C. et Mariani, Y. (dir.) Le concept de transfert de connaissance en formation initiale et continue, Lyon, CRDP, pp. 31-46.

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