Source et copyright à la fin du texte
Texte d’une conférence au Colloque
Le développement des compétences
en didactique des langues romanes
 ", Louvain-la-Neuve, 27-23 janvier 2000.

 

 

 

 

Compétences, langage et communication

 

Philippe Perrenoud

 Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
2000

Sommaire

I. Le concept de compétence

II. Compétences contextualisées versus capacités générales

III. Les ressources propres à la langue et à la communication

IV. Construire dès l’école des compétences en rapport avec la langue ?

V. Les compétences au carrefour des sciences sociales

Références


 

Le concept de compétence pose plusieurs problèmes de taille lorsqu’on s’intéresse à l’action langagière et à la communication.

1. Chomsky a utilisé la notion de compétence dans un sens que connaissent les linguistes et les didacticiens de la langue et auquel certains restent fidèles. Dès lors, le sens que prend ce concept dans le champ du travail et de la formation leur paraît une déviation, une source de confusion, voire une aberration théorique. Le premier problème naît du fait qu’on utilise le même mot pour désigner des réalités différentes, quand bien même elles présentent une part de signification commune. Aucune acception n’est a priori plus légitime ou plus absurde que l’autre, d’un point de vue sémantique. La question est de savoir ni nous voulons nommer compétence une faculté innée de l’espèce humaine ou un acquis qui appartient à chaque personne et varie donc de l’une à l’autre.

2. Le second problème n’est pas propre au champ de la langue et de la communication, mais il s’y pose de façon particulière, sans doute en raison des ressources spécifiques déployées. C’est la question du niveau d’abstraction et du degré de contextualisation pertinents pour saisir une compétence. Existe-t-il une compétence unique, que l’on dirait narrative ou argumentative, permettant de faire face à la diversité des enjeux et des contenus narratifs ou argumentatifs ? Ou existe-t-il une compétence différente pour narrer des histoires drôles ou un drame, pour convaincre un patient de fumer moins ou pour persuader son patron de vous accorder une augmentation ? On retrouve ici l’opposition capacités/compétences et la question de savoir si une compétence renvoie ou non à une classe de situations, avec toutes les ambiguïtés de ce dernier concept.

3. Le troisième problème touche à la nature des ressources cognitives de nature langagière ou communicationnelle qu’un locuteur mobilise dans une situation d’échange. On peut analyser le travail d’un chimiste ou d’un boulanger en identifiant des connaissances déclaratives (concepts, principes), procédurales (techniques, méthodes) et conditionnelles (seuils décisifs, indicateurs de processus) propres à son environnement professionnel, aux technologies et aux matières qu’il manipule, auxquelles s’ajoutent des savoir-faire incorporés (schèmes, " savoir-y-faire ") et des postures à la fois intellectuelles et corporelles : veille attentive, patience, méticulosité, sens de l’organisation et de la coordination. On peut de même décrire les ressources d’un sauteur à la perche ou d’un tireur à l’arc, sachant que les schèmes sensori-moteurs seront plus centraux, mais sans exclure de nombreuses connaissances déclaratives, procédurales et conditionnelles, les unes fondées sur des savoirs communs, les autres issues de l’expérience, faiblement formalisées et partagées. À quelles ressources cognitives la pratique de la langue et de la communication renvoie-t-elle ?

4. Le quatrième problème, sans être propre à la didactique des langues, s’y pose dans des termes particuliers : peut-on, doit-on, à l’école, former à des compétences ou faut-il s’en tenir aux capacités et aux connaissances, autrement dit à ce que les Québécois appellent des " éléments de compétence ", ce que je nomme ici, avec Guillevic (1991) ou Le Boterf (1994) des ressources ? Si l’on vise à construire des compétences, l’enseignement des langues se trouve dans une posture particulière : la langue est un outil dans tous les domaines, dans les autres disciplines scolaires ou scientifiques, dans tous les métiers comme dans presque toutes les situations de la vie quotidienne. Former à des compétences, c’est alors investir l’ensemble de la vie sociale, avec les difficultés théoriques mais aussi les enjeux idéologiques et éthiques qu’on imagine.

En sociologue intéressé de longue date par la langue et la communication (Perrenoud, 1988, 1991 a ; 1992, 1994, 1996), par la didactique des langues, notamment de l’oral (Wirthner, Martin et Perrenoud, 1991 ; Perrenoud, 1991) mais aussi et d’abord par le curriculum et l’approche par compétences (Perrenoud, 1995, 1997, 1998 a, 1999 a et b, 2000 a et b), je vais tenter, à ma manière, de poser ces problèmes et d’inviter au dialogue entre les spécialistes de la langue et de sa didactique et d’autres courants de réflexion et de recherche.


I. Le concept de compétence

En linguistique, la définition de la notion de compétence ne devrait pas faire l’ombre d’un doute, puisqu’elle figure dans le Robert :

_ 3. Ling. (angl. competence, Chomsky). Système fondé par les règles et les éléments auxquels ces règles s’appliquent (lexique), intégré par l’usager d’une langue naturelle et qui lui permet de former un nombre indéfini de phrases " grammaticales " dans cette langue et de comprendre des phrases jamais entendues. La compétence est une virtualité dont l’actualisation (par la parole ou l’écriture) constitue la " performance ". Acquérir la compétence d’une langue. - Compétence lexicale. - Par ext. Compétence culturelle, idéologique, etc. : maîtrise des systèmes de référence sociaux (par un individu).

Ce que le dictionnaire décrit mérite à coup sûr d’être nommé. La notion de compétence fait partie de mots qui nous viennent à l’esprit pour désigner ce " déjà là " qui préexiste à nos faits et gestes et dans une large mesure les rend possibles, non pas dans le vide, mais lorsque nous sommes confrontés à des situations.

Quelle que soit la façon dont on se représente et on nomme ce " déjà là ", on se trouve pris dans un réseau de contraintes sémantiques aussi bien que de connotations philosophiques. Il s’agit en effet de distinguer et de nommer un tout et ses parties, des virtualités et leur actualisation, des ressources et les mécanismes qui les activent, ce qui est inné et ce qui est acquis, ce qui est singulier et ce qui est partagé, ce qui est individuel et ce qui est collectif, ce qui est cognitif et ce qui ne l’est pas, ce qui est réfléchi et ce qui demeure ou devient inconscient. Il est donc question de construire un champ conceptuel plutôt qu’un seul concept et donc un réseau sémantique. Or, les mots dont nous disposons, qui nous viennent pour la plupart du langage courant, sont bien trop polysémiques et rares pour suffire à penser la réalité complexe des sujets humains et de leurs activités. Chaque chercheur, chaque auteur se trouve donc poussé à faire des choix stratégiques dans l’usage du langage, à préciser le sens ordinaire des mots, voire à le " redresser ".

Devant ce flottement de nos concepts et de notre langage, que faire de l’expression " compétence " ? Les sciences humaines et sociales peuvent la rejeter radicalement, ce qui revient non à l’éradiquer, mais à l’abandonner au sens commun. Cette " politique " présente à mes yeux deux inconvénients majeurs :

1. Elle restreint encore notre vocabulaire et oblige à étendre le sens d’autres mots, par exemple savoirs ou capacités, au-delà de leur usage commun, introduisant du coup de nouvelles typologies, par exemple pour distinguer des savoirs opératoires et d’autres qui ne le sont pas.

2. Elle oblige à multiplier les traductions entre le langage de la recherche et celui des acteurs sociaux, qui ne sont pas prêts à renoncer à parler de compétences ; pour les didactiques et les sciences de l’éducation, il s’ensuivrait un profit de distinction, mais cet hermétisme distingué se payerait d’un regrettable isolement.

Si la notion de compétence était la seule qui soit douteuse, une rigoureuse mise en quarantaine serait peut-être la bonne méthode. En réalité, tous les mots disponibles pour désigner les opérations mentales et ce qui les sous-tend sont polysémiques et connotés, voire idéologiquement piégés. Croire que bannir tel ou tel résoudra nos problèmes conceptuels et terminologiques serait très naïf.

Il me semble plus fécond de tenter de penser et repenser ensemble les fonctions cognitives supérieures et l’action humaine situées. Chacun pourrait viser un minimum de cohérence dans ses propres usages lexicaux et s’efforcer de contribuer à un rapprochement.

Je vais tenter de démontrer que la notion de compétence reste utile pour penser le " déjà là " sans lequel nous ne pourrions agir en situation. Or, la définition qu’en a proposé Chomsky ne permet pas de penser ce qui est acquis et ce qui est diversifié.

Comme le relèvent Dolz, Pasquier et Bronckart :

Si l'on prend en considération les postulats innéistes, mentalistes et universalistes de l'épistémologie chomskyenne, cette notion-princeps peut être caractérisée de la manière suivante :

a. la compétence est de nature biologique ; inscrite dans le potentiel génétique du sujet, elle échappe à tout déterminisme historique ou social ;

b. la compétence est une connaissance formelle (purement syntaxique), indépendante des connaissances d'ordre pragmatique et donc à l'abri de tout effet de contexte ;

c. la compétence ne fait l'objet d'aucun apprentissage ; elle " émerge " au gré de la maturation du système nerveux ;

d. la compétence ne s'applique qu'aux phrases, et n'a a priori aucune pertinence pour ce qui concerne les aptitudes relatives aux textes et aux discours (Dolz, Pasquier et Bronckart, 1993, p. 23-24).

Les mêmes auteurs en déduisent que :

…la notion de compétence ne désigne rien d'autre que la grammaire interne qui sous-tendrait l'ensemble des manifestations langagières concrètes (ou performances) de tout individu (ibid, p. 23).

Réservant la notion de compétence linguistique à LA grammaire génératrice de nos actes de langage, Chomsky considère du coup cette compétence comme innée et propre à l’espèce. Nul ne doute qu’il faille identifier et nommer un montage génétique qui n’existe pas chez les singes et les autres espèces animales. Il est certain que pour apprendre une langue et former des phrases " grammaticales " il faut disposer d’un appareil psychique compatible avec le traitement de régularités syntaxiques. Utiliser le terme de compétence pour le dire me semble une sorte de " luxe sémantique ". Il suffirait de parler de " faculté grammaticale ". Cette expression issue de la philosophie me semble parfaitement adéquate et suffisante pour désigner ce que Chomsky appelle " compétence ". La faculté de former des phrases ne devrait pas, d’ailleurs, avoir un statut plus extraordinaire que la faculté de compter, de comparer, d’ordonner, de se souvenir, de rêver, d’anticiper, de raisonner, etc. Ces fonctions cognitives supérieures ont à l’évidence des bases neurologiques, anatomiques et physiologiques. Elles ne se développent que si l’individu dispose d’un patrimoine génétique à même de piloter la maturation d’un système nerveux et du cerveau.

J’estime regrettable de " galvauder " la notion de compétence pour désigner des facultés de l’espèce. Comment nommer alors leurs réalisations, très inégales selon les individus et qui passent, chez chacun, par une genèse, des apprentissages, voire des processus de dégradation, donc différents stades au cours du cycle de vie ?

Il me semble plus judicieux de parler de compétences pour désigner les multiples façons dont une faculté innée (générique ou individuelle) se marie avec l’expérience et l’apprentissage pour produire des sujets concrets, différents et inégaux. La notion de compétence permet alors de penser les différences entre cultures, entre groupes et entre personnes qui, appartenant à la même espèce, ont donc la même faculté langagière innée, mais l’ont développée très différemment.

Je parlerai donc de compétences langagières pour désigner diverses composantes de ce " déjà là " qui sous-tend les actes de langage, l’écoute et les paroles d’un sujet, intégrant, d’une part, l’inné, l’acquis et leurs interactions au cours de la genèse, d’autre part, le générique et le singulier, en passant par divers niveaux de structuration collective.

Pour dire les choses autrement : les schèmes de production et d’interprétation langagière d’un individu forment une composante de son habitus, concept que Bourdieu (1980) définit d’ailleurs par métaphore comme la " grammaire génératrice " des actions d’un sujet. Bourdieu (1982) parle parfois d’habitus linguistique, comme on pourrait parler d’habitus mathématique, musical, culinaire, sexuel, politique ou sportif, mais ces raccourcis ne sont qu’une manière commode de désigner une facette d’un ensemble unique. Nous ne portons pas en nous autant d’habitus que de champs de la pratique, même si chaque champ social sollicite certaines composantes de notre habitus plus que d’autres.

Une remarque complémentaire s’impose : alors que l’habitus désigne l’ensemble de nos schèmes, et inclut donc l’entier de ce qui fonde notre rapport au monde, la notion de compétence est à la fois plus restreinte (ce n’est qu’une composante de l’habitus) et plus fortement liée à un point de vue sur l’action. En effet, elle se réfère au degré de maîtrise d’un type de tâches ou d’une famille de situations, alors qu’un schème peut sous-tendre aussi bien une performance hors du commun qu’une action médiocre.

Même si l’on fait le deuil de l’acception chomskyenne de la compétence, plusieurs problèmes essentiels restent ouverts. Le principal est sans doute celui du pluriel des compétences langagières. Je ne vois pas quel serait le sens, si l’on s’éloigne de l’approche innéiste et générique, de penser l’individu comme porteur d’une unique compétence langagière. On peut opposer le même scepticisme à l’idée d’une unique compétence de communication.

Ce pluriel concerne à la fois les situations de communication et les opérations langagières :

Ce qui nous ramène à un vieux problème, l’opposition (ou la distinction) entre capacités et compétences. 


II. Compétences contextualisées versus capacités générales

La distinction est loin de faire l’unanimité. Certains la refusent, alors que d’autres la pratiquent, mais nomment compétences ce que d’autres appellent capacités, et inversement.

Le problème conceptuel naît de la nécessité de penser :

Je propose de réserver la notion de compétence à ce second niveau, dans la mouvance de l’ergonomie et de la psychologie du travail, habituées à penser les rapports complexes entre un opérateur, des situations et des tâches. Ce choix mérite cependant un débat. Mes collègues genevois en didactique des langues (Dolz, Pasquier et Bronckart, 1993 ; Dolz et Bronckart, 2000) proposent de renoncer à la notion de compétence et de s’en tenir à l’inventaire de capacités langagières. Ils en distinguent de trois types :

Si leur approche psychogénétique les rend sensibles aux interdépendances entre ces divers ordres de capacités au cours du développement du sujet, ces auteurs admettent cependant que " notre connaissance des interactions complexes qui existent entre les modalités instrumentales majeures reste encore largement insuffisante " (ibid.). Or, l’inventaire de ces capacités ne me semble par répondre à la question de savoir comment ces diverses opérations, donc les capacités sous-jacentes, se combinent dans une action située et singulière.

Dans un autre texte, Bronckart et Dolz énumèrent les capacités mobilisées dans la conduite d’un exposé sur un animal :

1) comprendre et analyser des textes oraux complexes de l’ordre du savoir ; 2) se documenter sur un thème donné ; 3) organiser les parties de l’exposé ; 4) utiliser des notes comme aide mémoire à l’oral ; 5) reformuler pour faciliter la compréhension de l’auditeur ; 6) gérer les pauses, le volume de la voix, le débit, l’intonation expressive (Bronckart et Dolz, 2000, p. 41).

Quiconque a l’expérience de l’exposé sait que c’est la coordination de tout cela qui s’acquière le plus lentement. On peut attribuer cette tâche d’orchestration à une " capacité d’action, qui piloterait en quelque sorte globalement l’interaction langagière - ici l’exposé, pourtant faiblement dialogique - et solliciterait les capacités discursives et linguistico-discursives dans un contexte donné. On se trouve alors assez proche de ce que j’appelle compétences, à une différence près : l’absence de référence à des familles identifiées de situations et de pratiques sociales.

On peut renvoyer cette question à la psychologie cognitive générale, qui se préoccuperait de l’intégration des ressources cognitives dans l’action. Que la mobilisation de connaissances et de capacités en situation ne relève pas entièrement de la psycholinguistique ou de la didactique des langues me semble évident, car il existe peu d’actions complexes qui puisent leurs ressources dans une seule famille ou un seul ordre de capacités ou de connaissances. Cependant, avant de confier les tâches d’identification et d’orchestration des ressources cognitives pertinentes à une sorte d’intelligence générale, il me semble que l’on pourrait s’inspirer des travaux sur l’expertise et l’intelligence professionnelles.

Loin de se limiter à un alliage entre une intelligence abstraite et formelle, d’une part, des ressources très pointues d’autre part, faites de connaissances et de capacités spécialisées et rares, les praticiens experts font preuve d’une " intelligence pratique " construite à travers la rencontre réitérée avec des situations comparables. Jobert (2000) parlera d’intelligence au travail comme Cifali (1994) parle d’intelligence du vivant ou Carbonneau et Hétu (1996) d’intelligence professionnelle, avec une référence commune à la métis grecque. C’est ce qui sépare le novice de l’expert (Tochon, 1993) : le novice bien formé maîtrise les connaissances et les capacités spécialisées requises, mais il se trouve au début de la genèse d’une intelligence professionnelle, voire en amont s’il n’a pas suivi une formation initiale en alternance. L’intelligence professionnelle n’est pas faite que de connaissances et de capacités pointues. Elle n’existe au contraire que parce que l’expert sait orchestrer ces ressources en temps réel, manifestant ce qu’on appelle en médecine le " sens clinique ".

Plutôt que d’intelligence professionnelle ou d’expertise, on pourrait être tenté de parler de " raison pratique " ou de " faculté de jugement ". Mais on risquerait alors de suggérer qu’à l’intelligence noble, abstraite, discursive - face lumineuse - correspondrait une face cachée, une intelligence plus " pratique ", mais tout aussi générale. Or, la ruse, le bricolage, l’intuition, le know-how, le flair ne sont pas indépendants du champ ; ces acquis sont issus de l’expérience, de l’entraînement et de la réflexion dans un domaine d’action particulier. Nul n’est expert dans tous les champs d’action et toutes les situations. Le radiologue qui décode les nuances les plus subtiles dans une image, le géologue qui " flaire " un gisement à partir d’indices infimes, le musicien qui fait un arrangement sans presque y penser seraient sans doute lamentables si l’on inversait subitement les rôles, et tous peuvent être aveugles aux mal-être de leurs enfants ou à la détérioration d’une relation amoureuse.

Je plaide pour la reconnaissance d’expertises multiples qui renvoient à des catégories de situations, voire de problèmes. Le même individu peut manifester plusieurs expertises construites indépendamment les unes des autres. Notons ici que la référence au thème des " intelligences multiples " (artistique, scientifique, pratique, logique, etc.), dont on sait la vogue actuelle grâce à Gardener, serait ici un contresens : une expertise n’est pas un talent inné, mais une construction, issue de l’expérience réflexive dans un terrain particulier. Sans dimension réflexive, l’expérience ne garantit pas l’expertise, mais c’en est une condition nécessaire

Sans doute, un entraînement intensif de l’observation, de l’anticipation, de la comparaison, du calcul dans un domaine développe-t-il des capacités qui peuvent trouver à s’appliquer ailleurs par analogie et accélèrent donc la construction d’autres types d’expertise, Mais, en tant que telle, l’expertise est liée à un champ d’activité, à un rapport à la réalité et à un type de problèmes.

Si l’on reprend le débat sur compétences et capacités dans ce cadre, on notera que l’expertise suppose des capacités et des connaissances, à la fois générales et spécialisées, mais qu’elle ne s’y réduit pas. Il faut en outre que le sujet parvienne à orchestrer et mobiliser ces ressources à bon escient, au moment opportun, avec le bon timing et le juste enchaînement.

C’est précisément ce que désigne la notion de compétence telle qu’elle se développe maintenant dans le champ du travail et de la formation. Pour Guillevic :

La compétence des opérateurs sera considérée comme l’ensemble des ressources disponibles pour faire face à une situation nouvelle dans le travail. Ces ressources sont constituées par des connaissances stockées en mémoire et par des moyens d’activation et de coordination de ces connaissances (Guillevic, 1991, p. 145).

Pour Le Boterf :

La compétence ne réside pas dans les ressources (connaissances, capacités…) à mobiliser mais dans la mobilisation même de ces ressources. La compétence est de l’ordre du " savoir mobiliser " (Le Boterf, 1994, p. 16).

Pour De Montmollin :

Soulignons immédiatement le pluriel : les compétences, pour l’ergonome, ce sont les savoirs mis en œuvre (et tels qu’ils sont mis en œuvre) par l’opérateur dans les diverses situations de travail.( …) L’analyse retrouve ici des savoirs théoriques (connaissances déclaratives et procédurales, en général verbalisables), et des savoirs d’action (savoir-faire, à la limite des routines en général difficilement verbalisables - mais heureusement l’analyste dispose des comportements observés). Il faut y ajouter des métaconnaissances, indispensables pour agir réellement. On entend par ce terme des connaissances de l’opérateur sur ses propres connaissances, permettant leur gestion ici et maintenant, en fonction de l’évolution des situations. On pourrait les caractériser comme des savoirs de mise en œuvre des savoirs ; ce sont des savoirs d’action par excellence (De Montmollin., 1996, p. 193).

Ces trois citations ont en commun une insistance : les ressources ne sont rien si on ne sait pas s’en servir et les mettre en synergie face à une situation singulière. Mobiliser, coordonner, orchestrer, tels sont les concepts clés pour penser l’organisation de l’action complexe. J’ai rappelé ailleurs (Perrenoud, 2000) que cela restait un langage métaphorique, mais souligné aussi que de la métaphore de la mobilisation me semblait plus riche, juste et féconde que celle du " transfert de connaissances ".

Si l’on distingue leur mobilisation orchestrée du fonctionnement isolé de chaque capacité, il reste à déterminer si l’orchestration manifeste une capacité supra-ordonnée (comme la planification), une " métacapacité " (au sens où De Montmollin parle de " métaconnaissances ") ou encore une compétence.

Je prendrai ce dernier parti, sans cacher que la distinction entre capacités et compétences n’est pas aussi univoque que certains le souhaiteraient. Je proposerai la convention suivante :

Ainsi, animer une conversation ou y participer en y faisant bonne figure seraient des compétences, qui mobilisent des capacités comme savoir écouter, interrompre, attendre, questionner, intervenir, conclure, etc.

On mesure immédiatement l’impossibilité de s’en tenir à deux niveaux. Il existe des emboîtements, tant pour les compétences que pour les capacités. Les capacités évoquées plus haut mobilisent elles-mêmes certaines des capacités de base inventoriées par Dolz, Pasquier et Bronckart (1993). De même, la compétence de mener une conversation est elle-même une ressource au service de compétences plus globales, par exemple " entretenir une relation ".

On pourrait en conclure qu’il suffit d’opter pour un vocable (capacité ou compétence) et de s’attacher aux poupées russes qui font que chaque niveau peut à la fois constituer une ressource pour les niveaux supérieurs et mobiliser des niveaux inférieurs comme ressources. Ces emboîtements ne simplifient pas le travail d’inventaire, mais telle est la complexité de l’activité individuelle et sociale.

Pourquoi y ajouter une distinction fragile entre capacités et compétences ? L’enjeu sémantique est de marquer, sinon une stricte opposition, du moins une polarité. À l’un des pôles, on trouve des capacités langagières décontextualisées, donc pertinentes dans une grande diversité de contextes, mais impuissantes à y faire face à elles seules. À l’autre extrême se situent des compétences qui s’adressent à des catégories de situations relativement définies. Par exemple :

On le voit, la distinction est subtile, car le degré de contextualisation d’une action n’est pas facile à établir. Certaines capacités - par exemple savoir argumenter ou questionner - ne désignent explicitement aucun contexte, mais de telles opérations langagières n’ont en réalité de sens que dans une classe délimitée de situations, aussi large et abstraite soit-elle. À l’inverse, toute compétence, par le seul fait qu’elle vaut pour une famille de situations, n’est qu’incomplètement contextualisée.

Plus le contexte se fait explicite et précis, plus il apparaît clairement que l’acteur doit gérer de multiples paramètres et donc orchestrer de multiples ressources, parmi lesquelles, assez souvent, des capacités et des connaissances langagières. Au gré de l’expérience et de la réflexion qu’elle suscite, le sujet procède à une certaine mise en ordre, construisant mentalement (pas toujours de façon réfléchie) des familles de situations comparables. Ces familles ou classes logiques sont des construits plus ou moins stables. La culture propose parfois un nom pour des catégories assez vastes de situations, dans lesquelles de nombreux acteurs peuvent se reconnaître : situations de concurrence, de conflit, de partage, de danger, coopération, d’échange, etc. L’usage identifie souvent une classe de situations par l’énoncé de sa composante principale. On parlera par exemple de " situations argumentatives " pour évoquer une situation dans laquelle la capacité argumentative est mobilisée en priorité.

Les catégories de situations véhiculées par la culture proposent aux acteurs du " prêt-à-penser " dans les domaines qui leurs sont les moins familiers. L’image d’une " situation de marchandage " fonctionnera comme point de repère dans l’esprit du touriste qui, demandant le prix d’un objet, s’entend répondre " Qu’est-ce que tu offres ? ". Les habitants d’un pays où le marchandage est la règle disposeront de catégories plus fines. Et un acteur négociant ou acheteur régulier d’un certain type de produits ou de services construira des catégories qui lui sont personnelles et développera peut-être pour chacune une compétence en partie spécifique.

Dans des situations inconnues, insolites, nous faisons fonctionner notre intelligence et tentons de transposer des compétences vaguement pertinentes. Lorsque nous affrontons de façon réitérée des situations semblables, elles forment une " famille ", à laquelle s’associe une compétence plus spécifique, donc plus adéquate et efficace que le " General Problem Solver " que porte en soi tout être humain.

Contrairement à une capacité, qui se définit d’abord par un ensemble d’opérations (langagières ou autres) et les objets (au sens large) sur lesquels elles portent, une compétence se définit d’abord par une classe de situations et ce que j’appellerai un rapport pragmatique à ces situations, sous-tendu par une intention, un projet ou du moins des préférences. On ne peut par exemple penser le travail humain sans identifier des situations de travail prototypiques, qui font appel à des compétences différentes.

Une grande partie des situations de travail, comme les situations que vivent les êtres humains dans d’autres registres, sont des situations de communication. La sociologie et la psychosociologie du travail, de la famille, de la vie politique ou associative, de l’éducation doivent donc constamment identifier des situations de communication et les compétences qu’elles sollicitent au premier chef.

Il me semble donc difficile de soutenir un programme de recherche en didactique des langues qui ne penserait pas les situations de communication et se bornerait à décrire des activités et des capacités langagières décontextualisées.

Est-ce à dire que les situations de communication appellent des " compétences de communication " ? Je ne franchirai pas ce pas. Ce qu’on appelle " situation de communication " est en réalité une situation d’interaction dans laquelle la communication directe ou immédiate entre acteurs joue un rôle essentiel. Aucune interaction n’est réductible à la communication, à des actes de parole, au fonctionnement de discours. Aucune pragmatique ne peut être enfermée dans la langue, ni même dans la communication. Il s’agit d’actions et d’interactions, ou si l’on préfère d’activités individuelles ou collectives au sens de Vygotski ou Bronckart.

Les compétences concernées mobilisent certainement des capacités langagières, mais elles ne sont pas elles-mêmes " langagières ". J’hésiterai même à les appeler " compétences de communication ", pour trois raisons :

1. Mise au singulier, la notion de compétence de communication renvoie à mon sens à une fiction, une sorte de capacité de communiquer efficacement avec n’importe qui, à propos de n’importe quoi, dans n’importe quelle intention, etc.

2. Mises au pluriel, les compétences de communication ne sont souvent que des capacités portables d’un contexte à un autre, par exemple une capacité d’écoute, de reformulation ou de métacommunication sur le code.

3. À supposer que l’on parle véritablement de compétences " de communication ", il n'est pas fondé de les mettre toutes dans le même sac, alors qu’une compétence d’animation de réunion n’a aucun rapport avec une compétence de médiation dans un conflit, quand bien même la communication est centrale dans l’exercice de chacune.

Il me semble donc raisonnable de proposer que la didactique des langues :

Bien entendu, les linguistes et les didacticiens se sont depuis longtemps intéressés aux interactions sociales et aux situations dans lesquelles les échanges verbaux sont cruciaux. Je dis simplement qu’on se trouve alors :

Je ne vois aucun inconvénient à ce l’on identifie des compétences telles que " savoir raconter des histoires à ses enfants ", " savoir inventer un pieux mensonge lorsqu’on reçoit un cadeau qu’on n’apprécie pas " ou encore " savoir trouver la faille dans l’argumentation d’un fonctionnaire qui veut appliquer le règlement ". Qu’une famille de situations et la compétence correspondante soient caractérisées par des mots appartenant au registre de la langue ou de la communication n’est pas gênant si l’on accepte de considérer ces situations et ces compétences dans toute leur épaisseur psychosociologique et donc de ne pas les réduire à une approche langagière ou communicative. Raconter des histoires, dire des mensonges ou réclamer une exception sont des actions complexes, multiréférentielles, qui ne sont intelligibles qu’en référence au pouvoir, au contrat, aux règles, à la raison, à l’amour, à la vérité, à la réciprocité, au don ; or, tout cela ne relève pas du langage et de la communication et peut même ne pas s’y réfracter du tout, restant dans le non dit, mais structurant l’interaction.

Il me paraît souhaitable que la didactique des langues s’intéresse aux situations de la vie et aux compétences correspondantes. C’est à cette condition qu’elle aura une chance d’identifier les capacités langagières effectivement mises en œuvre dans une société et à une époque données, sachant que la typologie évoquée (capacités d’action, capacités discursives et capacités linguistico-discursives) n’offre qu’un cadre général.

 


III. Les ressources propres à la langue et à la communication

De l’inventaire des ressources (capacités et connaissances) proprement langagières découleront aussi bien une problématique de transposition didactique qu’une problématique d’explication des inégalités devant la norme scolaire.

Identifier les " pratiques sociales " et les capacités et connaissances qu’elles sollicitent vraiment alimenterait à coup sûr une critique des programmes et des finalités de l’école dans le domaine des langues, critique dont pourraient sortir des compétences langagières moins étrangères à la vie des gens. L’approche communicative de la langue va dans ce sens, mais il me semble qu’il reste du chemin à faire pour " déscolariser " la lecture, la production de textes, l’oral. Ce chemin est pavé d’obstacles didactiques, mais aussi de résistances idéologiques connues : on agite la menace du niveau qui baisse et des élites qu’on sacrifie dès qu’on s’en prend à la tradition.

Autre enjeu : l’inventaire des ressources langagières en usage (ou qui font cruellement défaut dans la vie de tous les jours) est la condition d’une analyse plus précise des inégalités entre classes sociales et entre groupes ethniques, notamment en regard :

Enfin, toute gestion avisée des dispositifs et des situations didactiques a évidemment intérêt à s’appuyer, chez les enseignants, mais aussi chez les formateurs et les auteurs de moyens d’enseignement, sur une connaissance précise des ressources langagières.

N’étant ni psycholinguiste, ni didacticien des langues, je ne suis pas compétent pour discuter l’inventaire des capacités d'ores et déjà identifiées. J’aimerais plutôt mettre en évidence une problématique sur laquelle les spécialistes de la langue pourraient contribuer à faire avancer la conceptualisation de l’inconscient pratique qui constitue une partie importante de notre habitus.

Sauvageot écrivait il y près de 30 ans :

C’est que le parlé est une " praxie ", comme disent les physiologistes dans leur jargon. Le sujet parlant a appris à parler dès sa plus tendre enfance en imitant les émissions sonores qu’il a entendues autour de lui et dont il a petit à petit compris la signification. Il n’a rien créé par lui-même ; il a monté en lui un nombre indéterminé de ce que nous appellerons des " stéréotypes ", c’est-à-dire des phrases prononcées selon un certain ordre de succession de termes agencés entre eux et qui se sont toujours présentés à l’oreille " en forme ". L’esprit s’est ainsi empli d’une infinité de " formes " sonores que le parleur a appris à analyser, découpant chaque forme en ses éléments constitutifs, identifiant ceux-ci avec les éléments similaires contenus dans les autres formes, etc. Ce " montage " s’est accompli au contact des réalités de la vie ; il s’est associé à des images de toutes sortes et il a fini par devenir un appareil énorme aux multiples articulations, dont l’esprit s’est emparé pour y trouver un appui dans ses démarches. Car le langage parlé n’est pas seulement un " code " de communication mais aussi un mécanisme dont les différentes pièces sont utilisées pour supporter les perpétuels mouvements de la pensée.

Le sujet parlant, quand il prend conscience qu’il parle, a déjà acquis une certaine maîtrise de cet appareil et il s’en sert pour ainsi dire instinctivement, car tous ces montages ont été installés en lui si profondément, si solidement qu’ils sont actionnés par une sorte d’automatisme. On parle aussi sûrement qu’on marche et les élèves du Conservatoire sont souvent surpris quand on leur enseigne qu’ils doivent apprendre, par exemple, à respirer pour mieux régler leur parlé. Selon une expression d’un maître scandinave : on parle comme on respire. Par ces considérations, nous voulons rappeler que le langage parlé s’est déjà presque totalement construit dans l’esprit de l’individu quand celui-ci s’avise de l’activité qu’il exerce en parlant.

Cette activité, il peut l’exercer sans trop de défaillances bien qu’il n’ait aucune idée de ce qu’il fait quand il parle. (…) Il n’est donc pas besoin de savoir comment fonctionne le langage pour savoir parler et même très bien parler (Sauvageot, 1972, p. 181)

Les linguistes d’aujourd’hui trouveront sans doute ces propos assez proches du sens commun. Pourtant, ils mettent en évidence un problème qu’il faut affronter dans toutes les disciplines, mais qui me semble crucial en langue : une partie des capacités en jeu dans l’activité langagière et la communication orale sont des praxies. On parlera de routines dans le langage de la phénoménologie (Schütz, 1987), de schèmes dans le langage piagétien (Piaget, 1967), d’habitus dans celui de Bourdieu, en ajoutant qu’on se trouve dans tous les cas dans le registre de l’inconscient pratique (Piaget, 1964) ou du préréfléchi (Vermersch, 1994).

Le problème a sans doute été partiellement masqué par la priorité accordée à l’écrit, registre dans lequel des savoirs orthographiques et grammaticaux savants ou du moins scolaires ont longtemps paru déterminants. On sait aujourd’hui que le savoir sur une langue ne garantit aucunement sa maîtrise pratique. On sait aussi que la production de textes écrits fait appel à des schèmes dont certains ne sont guère plus conscients que ceux qui sous-tendent la production orale.

Je suis parfois étonné de voir l’insistance de certains didacticiens du français sur les savoirs, alors qu’ils ont affaire à une pratique qui ne s’appuie pas entièrement et je dirai même pas essentiellement sur des savoirs. On peut certes étendre la notion de savoir au point d’y englober tout l’acquis cognitif d’un locuteur, mais alors le problème se déplace : comment distinguer les savoirs qui prennent la forme de représentations déclaratives, procédurales ou conditionnelles et ceux qui fonctionnent " à l’état pratique " ? En parlant de " connaissances-en acte ", voire de " théorèmes-en-acte ", Vergnaud (1994, 1995, 1996) souligne l’existence de connaissances incorporées, faiblement conscientes, a fortiori non formalisées. Il adopte cependant une terminologie ambiguë, laissant entendre que ce sont des savoirs auxquels il ne manquerait que la conscience…

La notion de " savoirs d’action " (Barbier, 1996) n’est pas beaucoup plus claire, car on peut l’entendre soit comme une allusion à leur usage dans l’action, ce qui ne préjuge pas de la façon dont ils se développent, se conservent et se manifestent, soit au contraire comme une référence à leur mode de fonctionnement : des savoirs qui ne sont saisissables que dans l’action. Dans ce second cas de figure, soit l’acteur ne se représente pas ce qu’il fait ou du moins comment il le fait, soit cette représentation ne guide pas l’action et n’en est que le reflet ex post. Pour ma part, j’estime que la notion de compétence est plus riche et moins ambiguë que " connaissance-en-actes " ou " savoirs d’action ". Je réserverai cette dernière expression à de vrais savoirs, non disciplinaires, en partie experts, construits dans l’action et pour l’action. Il y en a dans toute pratique complexe et l’identification des ressources mobilisées par les compétences leur donne un statut.

Si l’on admet l’idée de fonctionnements inconscients, à décrire comme tels sans les ramener à des savoirs inconscients, on s’oblige à explique leur genèse et leur mise en oeuvre plus rigoureusement qu’en disant qu’ils s’apparentent à des savoirs, la conscience en moins. Dans cette perspective, la didactique des langues. si elle le voulait, pourrait occuper une position stratégique dans l’élucidation des processus d’apprentissage de schèmes inconscients dans un cadre scolaire et dans la conceptualisation des processus de transposition didactique correspondants.

L’apprentissage de schèmes est monnaie courante dans le champ des formations professionnelles, mais on le pense souvent soit dans le registre de savoirs procéduraux (techniques, méthodes, marches à suivre) à apprendre pour les appliquer, soit d’un " savoir-y-faire " qui se construit par la pratique, dans les stages ou en laboratoire, donc dans une certaine opacité. Le travail sur l’habitus et l’inconscient pratique est un thème encore émergent de la recherche sur les formations professionnelles (Perrenoud, 1996 a et b, 1999 d).

Dans le champ scolaire, l’exercice, voire le drill ont la même fonction, mais on les traite en général par le sens commun - tout en leur faisant une large place - en réservant les dispositifs didactiques pointus aux savoirs et à la dimension réflexive. Il me semble tout aussi urgent de s’intéresser à ce que les élèves apprennent par la pratique, sans exiger que la maîtrise pratique, pour être digne d’intérêt, se double constamment d’un savoir procédural formalisé.

La didactique des langues me semble un domaine privilégié pour pousser plus loin la théorisation de la construction de schèmes au gré de l’expérience, puisque l’enseignement de la langue maternelle prétend, plus que les autres, développer par la pratique des capacités pratiques de compréhension et d’expression orales et écrites. Cela ne veut pas dire qu’il faut se vouer à un entraînement sans dimension réflexive. Le défi didactique majeur est, dans les formations en alternance, d’articuler sciemment une pratique de terrain et un retour réflexif sur cette pratique. Il ne me semble pas que le défi soit tout autre pour l’apprentissage des langues. Il reste à savoir si l’on forme l’habitus en encourageant l’automatisation de procédures apprises ou si on le fait évoluer par une prise de conscience des schèmes installés. Il me semble que la seconde posture reste encore marginale dans les pratiques de formation professionnelle, en dépit du développement de démarches cliniques, de l’approche par problèmes, des études de cas et de l’analyse du travail et des pratiques. Est-elle plus développée en didactique des langues ?

Par ailleurs, si l’on constitue la pratique langagière comme référence essentielle de la transposition didactique, on trouve une autre raison de s’intéresser aux praxies et aux schèmes. Lorsqu’on transpose à partir de pratiques sociales et non de savoirs savants (Perrenoud, 1998 b) on peut être tenté, parce que c’est le modèle scolaire le plus prégnant, de formaliser des savoirs experts (Joshuah, 1996) pour les transmettre comme tels, dans l’espoir qu’ils guideront la pratique des formés. Je plaide au contraire pour une chaîne de transposition didactique passant par l’analyse des compétences en jeu, l’inventaire des ressources mobilisées (capacités et connaissances) et la mise en place de dispositifs didactiques visant à développer ces capacités par la pratique autant qu’à faire construire les connaissances. Même quand les connaissances sont l’exact reflet des schèmes, leur appropriation n’est nullement garante de la construction de la capacité correspondante.

Il me semble que l’entrée par les capacités et les compétences pose, en didactique des langues, la même problématique de transposition didactique élargie.

Mon insistance sur l’inconscient pratique n’entend pas nier la place des savoirs, ni même les réduire tous au statut de ressources pour des compétences. Il existe plusieurs raisons de savoir et de faire savoir (Perrenoud, 1999 b). Seule une tyrannie des compétences conduirait à exclure des programmes tout savoir qui ne serait pas explicitement relié à une pratique. Ce qui devient inacceptable, c’est de justifier les programmes par leur seule existence, en cédant à la pression des lobbies disciplinaires qui ne veulent même pas que la question de la pertinence de tel ou tel savoir soit posée…

 


IV. Construire dès l’école des compétences
en rapport avec la langue ?

Supposons que l’on veuille, dans l’enseignement des langues, non seulement transmettre (ou faire construire) des savoirs, mais aussi développer des capacités à adapter la production langagière aux caractéristiques du contexte et du référent (capacités d’action) ; à mobiliser les modèles discursifs pertinents pour une action déterminée (capacités discursives) ou à accomplir les multiples opérations psycholinguistiques requises pour la production d'un discours singulier (capacités linguistico-discursives), il reste à se demander si l’on veut franchir un pas de plus et travailler ouvertement à la construction de compétences. J’entends " compétences " au sens défini plus haut, autrement dit en référence à des familles spécifiées de situations d’interaction.

Cela ne va pas sans risques, à la fois de brouillage de la division du travail entre disciplines et de transgression de la " neutralité de l’école ". L’exemple de l’argumentation est peut-être le plus parlant. On peut sans doute, à partir de nombreux travaux sur l’argumentation, dégager non pas une compétence argumentative universelle, mais des capacités langagières diverses, mobilisées dans les situations où l’argumentation a de l’importance. On pourrait, pour faire court, les appeler capacités argumentatives.

Faut-il identifier et construire des compétences mobilisant fortement ces capacités ? Si on les travaille sérieusement, par le débat interne (conseil de classe, expériences et discussions scientifiques, situations-problèmes, démarches de recherche, pilotage de projets), par des actions sur le terrain (enquêtes, ventes, actions de protection de l’environnement, prospection de ressources, propositions d’aménagement des espaces publics, etc.), par des jeux de rôles, des simulations ou même des " exercices scolaires ", il sera difficile de ne pas faire référence à des situations " concrètes ". Toute " mise en situation " dans le cadre scolaire évoque, de près ou de loi, des situations extrascolaires.

Cela peut d’ores et déjà poser des problèmes éthiques et mettre en tension avec les missions de l’école ou les attentes des parents. Pourtant, ce faisant, on ne vise pas encore à construire des compétences. Si bien qu’on peut, au gré des activités, faire varier les mises en situation, ne retenir de la vraie vie que quelques éléments stylisés, du type " Essayez de convaincre vos parents de vous laisser vous coucher très tard " ou " Tentez de persuader votre tante de vous offrir un vélo neuf ".

Si l’on veut réellement développer des compétences pertinentes dans le champ des rapports sociaux, on ne peut faire l’économie d’une analyse de certaines situations qui concernent le monde des adultes, et notamment le monde du travail, la vie familiale, associative, politique. La compétence de défendre son autonomie ou de faire entendre son avis au sein d’une organisation, fondamentale dans la vie de tout salarié, de tout militant, de tout membre d’une collectivité, relève-t-elle des finalités de l’école ? Les textes curriculaires sont à cet égard ambigus : ils insistent sur l’autonomie du sujet, mais se gardent bien de la situer dans un cadre explicite. Elle se présente comme une composante de l’identité personnelle plutôt que comme une compétence à faire valoir sa volonté dans des situations concrètes de décision, de contrôle, de délégation de pouvoir.

Supposons qu’un texte ministériel soit plus clair ou qu’un projet d’établissement l’interprète dans un sens précis et engagé. L’enseignement des langues serait-il concerné ? Il le serait au premier chef (mais pas exclusivement) parce qu’une partie des capacités, voire des connaissances mobilisées dans les pratiques sociales sont de nature langagière et plus spécifiquement argumentatives. Mais une autre partie des ressources relèveront d’autres disciplines, éducation à la citoyenneté, histoire, droit, économie, psychologie, sociologie, mathématique. En les identifiant, on constatera qu’une partie des connaissances nécessaires pour comprendre les rapports sociaux et défendre son autonomie dans les organisations ne sont pas enseignées durant la scolarité de base. Est-ce entièrement par hasard ?

Le professeur de français qui s’engage en solitaire dans cette voie se trouvera donc confronté à une double difficulté : d’une part, il doit dispenser des connaissances juridiques, économiques, sociologiques dont il n’est pas expert, mais qu’aucun autre professeur n’est censé apporter au niveau du collège ou du lycée ; d’autre part, il doit empiéter sur des disciplines enseignées par d’autres professeurs, ce que ces derniers ne verront pas nécessairement d’un bon œil.

On s’en doute, la solution passera par un travail d’équipe et une interprétation large des programmes, qui autorise à prendre en charge le développement de compétences non disciplinaires. Je ne les nommerai pas transversales, notion dont Rey (1996) a montré les ambiguïtés. Je ne pense pas ici à des compétences supposées communes à plusieurs champs disciplinaires (par exemple des compétences d’observation), mais à des compétences qui se réfèrent à des situations de la vie, dont la plupart ne se plient pas aux découpages disciplinaires. Peut-être le plus commode, en l’état des programmes, serait-il de loger ces compétences dans l’éducation à la citoyenneté ou éventuellement l’éducation à l’environnement.

Si une équipe ou un établissement parvenaient à assumer un tel projet, en disant clairement de qui la construction de telles compétences est l’affaire, puis en favorisant les coopérations entre enseignants de diverses disciplines, il resterait à affronter la question du parti pris idéologique et des garde-fous éthiques d’une telle démarche. On ne peut en effet développer l’autonomie et les compétences qui la rendent possible sans en faire un projet explicite, fondé sur des valeurs (Perrenoud, 1999 e). Ce genre de projet ne dérange personne tant qu’on reste dans l’abstraction. Qui pourrait s’élever contre l’autonomie ? Mais ce beau consensus s’effrite lorsqu’on redescend sur Terre : l’autonomie au travail, comme l’autonomie des enfants ou des adolescents dans leur famille, sont des enjeux très vifs pour ceux que les rapports sociaux opposent autant que leurs visions respectives de l’ordre social. Développer l’autonomie des mineurs ou des salariés, c’est inévitablement limiter le pouvoir des adultes ou des employeurs. Comment les dominants pourraient-ils vivre l’autonomisation de leurs interlocuteurs autrement que comme une menace (Perrenoud, 2000 c) ?

Par prudence, les réformes actuelles du curriculum dans le sens d’une approche par compétences se garderont probablement d’appeler un chat un chat. Elles se défendront de revoir fondamentalement les finalités de l’école et se présenteront comme une reformulation des programmes dans le sens d’un accent plus vif mis sur la mobilisation et le transfert des savoirs classiquement enseignés (Perrenoud, 2000 b). Les professeurs de langues ont donc de bonnes chances de ne pas avoir à s’aventurer sur ces terrains minés. Les didacticiens de ces disciplines, du coup, ne courent guère le risque de devoir se confronter aux dimensions langagières de véritables pratiques sociales touchant à l’autonomie et au pouvoir.

On peut le regretter, d’un point de vue idéologique, mais c’est une question de conviction. On peut aussi le déplorer sur le plan théorique : seule une orientation vers les pratiques et les compétences réellement en jeu dans la vie sociale donnera pleinement son sens au travail sur les capacités langagières, en aidant à les contextualiser et en attirant l’attention sur les conditions de leur mobilisation et de leur mise en synergie.

En dépit de la vogue du concept, rien n’assure que l’école soit déjà, à large échelle, en train de travailler sérieusement les capacités argumentatives. Si elle allait dans ce sens, elle n’échapperait pas à une question essentielle : cet infléchissement accroît-il le pouvoir des apprenants dans les situations de la vie - scolaire ou non - où ils doivent argumenter pour obtenir gain de cause ? En l’absence de référence à ces pratiques et sans entraînement intensif, le développement de compétences argumentatives restera un exercice scolaire, que les élèves ne parviendront pas à relier à des pratiques sociales.

Tel est bien l’enjeu de l’approche par compétences dans la réécriture des programmes : faire en sorte que les acquis de la scolarité de base ne soient pas seulement des tremplins vers des études longues ou des bases d’une formation professionnelle, mais des atouts dans l’existence de tous les jours.

 


V. Les compétences au carrefour des sciences sociales

D’autres problèmes pourraient être posés dans le même esprit. J’en mentionnerai deux :

Ces problèmes, comme d’autres encore, invitent à un travail théorique impliquant plusieurs sciences humaines et sociales. On ne peut construire le concept de compétence, ni décrire des compétences réelles et leurs contextes à partir d’une seule science humaine ou sociale. Biologie, neurosciences, sciences cognitives, anthropologie, sociologie, linguistique, psychologie, voire économie et science politique sont également nécessaires.

La didactique est elle-même, du moins est-ce la conception que j’en ai, un point de convergence entre ces sciences plutôt qu’une science nouvelle. Que ce carrefour se constitue progressivement en discipline universitaire n’en fait pas pour autant une science supplémentaire, mais au contraire un " lieu géométrique " des sciences contributives. C’est la coopération entre plusieurs sciences sociales dans l’analyse d’un objet complexe qu’il s’agit de " discipliner " ou de " disciplinariser ".

Il me semble que la réflexion sur les compétences pourrait apporter un renouveau à ces rencontres, revitaliser les travaux sur la transposition didactique à partir des pratiques sociales (Perrenoud, 1998 b, 1999 b) et pousser à la prise en compte de l’inconscient pratique aussi bien que des processus de transfert et de mobilisation dans la réflexion sur le curriculum et les démarches de formation.

 


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