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In Éducation et Francophonie, Revue de l'Association canadienne d'éducation de langue française, accès: http://www.acelf.ca/revue/XXVIII-2/articles/05-Perrenoud.html

 

 

 

 

Le rôle de la formation à l’enseignement
dans la construction des disciplines scolaires

 

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et de sciences de l’éducation
Université de Genève
2000

Sommaire

Introduction

1. Qu’est-ce qu’une discipline d’enseignement ?

2. Les effets possibles de la formation des enseignants

3. Conclusion : les disciplines scolaires, des constructions autonomes

Références


 


Introduction

Certaines disciplines semblent faire partie de l’école " de toute éternité ". D’autres se cherchent encore ou surgissent au gré des transformations des sociétés et des cultures. Dès le moment où elle naît, une discipline scolaire s’affirme en formant des enseignants à la maîtrise des contenus (sous leur forme savante, puis scolaire) aussi bien qu’à la didactique et à la pédagogie correspondantes. Bien loin d’être un simple reflet des disciplines qu’elle prépare à enseigner, la formation des enseignants contribue donc à définir leur identité et leur image. La définition des savoirs et des pratiques de référence et la transposition didactique ne s’achèvent pas, en effet, avec la rédaction des programmes. Elles se jouent tout autant dans l’interprétation des textes que font les enseignants et dans la façon dont ils conçoivent et créent des situations d’enseignement-apprentissage.

Au-delà des programmes, la formation et la socialisation professionnelles construisent une culture qui homogénéise à la fois :

La formation est garante, aux yeux de l’institution, d’interprétations relativement orthodoxes des programmes et de l’adhésion à des méthodes acceptables pour les enseigner. La formation est donc un message fort sur les contours, les raisons d’être et les armatures essentielles de la discipline autant que sur la façon de la concrétiser au jour le jour.

Ce rôle de clarification et de spécification des disciplines scolaires n’est pas indépendant de la façon dont est conçue la formation des enseignants. Une formation centrée sur la maîtrise des savoirs et la normalisation des pratiques privilégie une identification de la discipline à ses contenus intellectuels généraux et sous-estime la part de l’enseignant et de son rapport au savoir dans la transposition didactique. À l’inverse, une formation en alternance, inductive, fondée sur une démarche clinique, éclaire différemment la nature profonde d’une discipline. Elle n’est plus alors présentée seulement comme un ensemble de contenus à enseigner, mais comme un champ d’action fortement marqué par les contraintes de temps et d’espace, les clauses explicites et implicites des contrats pédagogique et didactique, le niveau, les attentes et les stratégies des élèves, les exigences des collègues et de la hiérarchie, le système d’évaluation et de sélection.

Or, les finalités et les méthodes de formation à l’enseignement évoluent, jusqu’à un certain point, indépendamment du renouvellement des programmes et des disciplines. Chaque nouvelle génération d’enseignants est confrontée à des discours et à des dispositifs partiellement différents de ceux qu’ont vécus leur prédécesseurs.

Assiste-t-on aujourd’hui à une rupture ? Chaque époque se plaît à imaginer qu’elle apporte une façon radicalement nouvelle de poser les problèmes ou d’y répondre, alors que les historiens montreront peut-être qu’il s’agissait d’une simple variation sur des thèmes imposés, voire d’un retour à des figures déjà tracées vingt ou cinquante ans auparavant.

Sans pouvoir être sûr de rien, tentons tout de même d’esquisser quelques hypothèses sur les incidences possibles des nouveaux paradigmes de formation à l’enseignement sur la construction des disciplines scolaires.


1. Qu’est-ce qu’une discipline d’enseignement ?

N’importe quel élève est capable de répéter la liste des disciplines qu’on lui enseigne. Cela ne clarifie pas pour autant le concept. Ce que l’école nomme " discipline " recouvre des réalités très hétérogènes d’un point de vue épistémologique. L’unité d’une discipline est d’ordre sociologique, ce que cache la mythification des savoirs ou des pratiques de référence.

 

1.1 La discipline scolaire, fille d’une discipline universitaire ?

Aujourd’hui, on imagine volontiers une discipline scolaire comme la version allégée et simplifiée d’une discipline enseignée à l’université. Dans la mesure où le système éducatif s’est construit par le haut, nombre de disciplines de l’enseignement secondaire long sont en effet conçues comme préparations à des enseignements universitaires, sorte de propédeutique de la propédeutique. Les lobbies disciplinaires veillent au grain et s’assurent à la fois :

Ce double contrôle n’empêche pas les lamentations rituelles : les étudiants n’en savent pas assez, le niveau baisse, il faut " tout reprendre à zéro " ou " l’école n’a pas suivi les réorientations de la discipline universitaire ". Ce discours, médiatisé, contribue à faire accroire que cette filiation, aussi décevante soit-elle, légitime les disciplines scolaires, qu’elles ne sont en quelque sorte qu’une voie initiatique destinée à orienter, puis à préparer ceux qui entreront en faculté.

Du coup, connaissant les disciplines universitaires, on identifierait facilement les disciplines scolaires qui en dérivent, en faisant la différence au prix du simple examen des simplifications et des allégements opérés pour mettre les savoirs à la portée d’élèves de huit, douze ou seize ans. Grosbois, Ricco et Sirota (1992) montrent par exemple qu’on enseigne au second degré des théories de la respiration non seulement vulgarisées, mais scientifiquement dépassées, alors que l’enseignement universitaire colle de plus près aux acquis de la recherche.

Cette approche permet de retrouver de nombreuses filiations, et suggère une transposition didactique en cascade, de la science vers l’enseignement supérieur, de celui-ci vers les écoles qui y préparent et de ces dernières vers l’enseignement secondaire obligatoire, puis vers le primaire.

Cette théorie, sans être absurde, ne rend pas justice à l’histoire des disciplines et même aux logiques actuelles qui sous-tendent leurs évolutions aux divers niveaux de l’enseignement. Mais surtout, elle ne clarifie pas le concept de discipline d’enseignement. Elle postule que des disciplines portant le même nom, à l’université et dans d’autres ordres d’enseignement, sont des variantes de la même construction sociale, les unes découlant des autres. Les fondements de cette construction restent à expliquer.

 Les disciplines universitaires : un patchwork

Dans un premier temps, le découpage en disciplines d’enseignement paraît procéder du découpage des sciences. Or, rien n’autorise cette superposition.

Il est évidemment tentant, parce que simple et prestigieux, d’assimiler une discipline universitaire au travail d’initiation aux méthodes et aux acquis de l’une des sciences reconnues : sciences formelles (mathématique, logique), sciences naturelles (physique, chimie, biologie, etc.) ou encore sciences sociales et humaines (économie, psychologie, histoire, linguistique, sociologie, etc.).

Mais cette assimilation hâtive exclut une bonne partie des enseignements universitaires :

Les disciplines ne relevant pas directement d’une science sont d’autant plus nombreuses qu’une société a " universitarisé " de nombreuses formations professionnelles qui, dans d’autres pays, relèvent d’écoles supérieures, voire secondaires, comme les soins infirmiers ou la musique.

Même dans les institutions les plus proches du modèle canonique, distinguant lettres, sciences, théologie, médecine et droit, l’université est bien loin d’être la " cité des sciences ". Ces dernières y sont en réalité minoritaires, même si la médecine leur a fait une place croissante, même si le droit ou les lettres se donnent certaines bases " scientifiques ", même si la psychologie et les sciences sociales, économiques et politiques se sont implantées. De fait, une partie des disciplines enseignées à l’université sont orientées vers l’action professionnelle de haut niveau ou vers des pratiques culturelles fondées sur des corpus organisés de savoirs experts et de valeurs (Lessard, 1998).

La réalité est que les disciplines universitaires sont, comme les disciplines scolaires, des disciplines d’enseignement. Chacune se réfère à un champ complexe de savoirs et de pratiques, les sciences n’étant qu’un cas particulier. Chacune tient sa légitimité institutionnelle du fait qu’elle propose un enseignement cohérent, contribuant à une ou plusieurs formations académiques sanctionnées par un grade.

On peut en conclure que, dans l’université comme dans l’école, les disciplines d’enseignement sont des construits sociaux dont les origines, les sources de légitimité et les statuts épistémologique et praxéologique sont fort divers. Ces construits prennent appui sur le découpage des savoirs et des pratiques sociales dans la société considérée, mais n’en sont pas le reflet pur et simple. Les processus de disciplinarisation résultent en effet de stratégies d’acteurs qui ont intérêt à faire émerger et exister une discipline scolaire et/ou universitaire. Comme les disciplines sont le mode d’existence et la source d’identité des professeurs, il n’est pas besoin de longues recherches pour comprendre que, dans une société fortement universitarisée, tout champ de savoir qui s’autonomise quelque peu, toute pratique sociale qui se différencie tendront à être " disciplinarisés ", au gré d’une alliance entre les savants ou les praticiens ainsi reconnus et les enseignants-chercheurs qui occuperont ce nouveau créneau…

L’histoire des disciplines universitaires est en partie locale, même si chaque institution est influencé par les options prises les premiers pays qui ont créé des universités. Les disciplines qui se retrouvent presque partout, non seulement dans leur intitulé, mais aussi dans leurs grands chapitres, correspondent à la division du travail scientifique à l’échelle internationale. Seule la communauté scientifique peut prétendre délimiter des disciplines de recherche, indépendamment de leur enseignement. Dans les autres cursus, c’est l’histoire singulière du champ social de référence et de l’institution universitaire qui décide des découpages, même s’il faut toujours faire la part de modèles nationaux ou internationaux dont on s’inspire localement.

Concluons sur ce point : l’immense hétérogénéité des disciplines universitaires ne laisse aucun espoir de découvrir dans l’enseignement supérieur la source d’inspiration d’une définition simple des disciplines scolaires. En fin de compte, en dépit des différences entre la forme scolaire et la forme universitaire d’enseignement (Demailly, 1991 ; Ropé, 1996), la question de la nature des disciplines et des fondements de leur découpage est assez semblable.

 Des disciplines scolaires sans ancrage universitaire

Certaines disciplines ont été scolaires avant d’être universitaires : la grammaire, la technologie, la géographie, l’éducation physique, les arts, la musique. Certes, une fois instituée, leur version universitaire justifie et nourrit en retour la discipline scolaire, mais elle n’en constitue pas le fondement historique. On ne peut donc penser systématiquement les disciplines scolaires comme des " modèles réduits " de disciplines universitaires.

Il existe d’ailleurs des disciplines scolaires sans aucun équivalent dans le monde universitaire. La couture (ou les " activités créatrices sur textile "), les travaux manuels (ou les " activités créatrices sur bois ou métal "), les arts culinaires ou ménagers n’ont pas - pas encore ? - d’équivalents universitaires, du moins pas dans tous les pays. Dans l’enseignement professionnel, c’est encore plus vrai. Ces disciplines s’enracinent d’abord dans des pratiques sociales et des savoirs experts plutôt que savants ou scientifiques. Que les disciplines scolaires dont on ne trouve nulle version noble à l’université soient moins bien considérées que les autres ne les empêche pas de prendre leur place dans le cursus. À l’intérieur des disciplines représentées à la fois dans le monde scolaire et le monde universitaire, certains domaines particuliers n’ont d’existence que dans le premier : le calcul mental apparaît comme une " sous-discipline " des mathématiques enseignées à l’école primaire ou secondaire, sans équivalent universitaire. Il en va de même de l’enseignement de la conjugaison des verbes, sauf dans les langues étrangères auxquelles la scolarité de base n’a pas initié les étudiants.

Ces diverses disciplines ou partie de disciplines scolaires peuvent certes être l’objet de recherches universitaires en didactique, psychologie, histoire des disciplines scolaires ou sociologie du curriculum, mais elles ne sont pas enseignées comme telles au niveau universitaire. Si l’ancrage universitaire d’une discipline scolaire influence son statut (prestige, dotation horaire, poids dans la sélection), il n’est une condition nécessaire ni de son émergence, ni de sa reproduction.

En conclusion, disciplines scolaires et disciplines universitaires ne sont pas aussi distinctes qu’on voudrait le croire. Elles ne diffèrent souvent que par la forme de l’enseignement, l’âge des apprenants et la participation des professeurs à la construction des savoirs nouveaux. Pour combien de temps ? La scolarisation des études universitaires est en marche et rien ne distinguera bientôt les premières années de l’enseignement supérieur des dernières années de l’enseignement secondaire long : même structuration en leçons, mêmes travaux pratiques, mêmes examens, même participation docile et faiblement active des formés au processus de formation.

Même s’il subsiste des différences &endash; par exemple en termes de cohérence, de rapidité de la mise à jour, de débat critique &endash;, la question de la définition se pose dans les mêmes termes. N’espérons donc pas baser une définition de la discipline scolaire sur une hypothétique clarté de la notion de discipline universitaire. Mieux vaut se risquer à définir une discipline d’enseignement, en spécifiant ensuite le rapport au savoir et à sa production en fonction du niveau d’études et en faisant la part des disparités internes à la forme scolaire aussi bien qu’à la forme universitaire d’enseignement.

 

1.2 Essai de définition d’une discipline d’enseignement

Une discipline d’enseignement se présente comme un ensemble de savoirs, de compétences, de postures physiques ou intellectuelles, d’attitudes, de valeurs, de codes, de pratiques, de schèmes constitutifs d’un habitus :

a. offrant une certaine unité intellectuelle et didactique, une certaine " clôture systémique " ;

b. jugés dignes d’être enseignés, appris, évalués et certifiés dans un cadre scolaire ou universitaire ;

c. en général dérivés, par transposition didactique, d’un ensemble de savoirs, de compétences, d’attitudes, de valeurs, de codes, de pratiques qui ont cours dans la société en général ou dans certains milieux sociaux ou professionnels.

Revenons sur ces trois critères.

a. La " clôture systémique " n’est jamais totale. Les disciplines sont des ensembles flous et mouvants, avec des recouvrements et des zones de " no man’s land ". Les découpages du réel qui fondent les frontières d’une discipline sont des construits sociaux, épistémiques et pragmatiques. Ils sont changeants, partiellement arbitraires, enjeux de conflits, expression de rapports de forces. Develay (1992) propose une conception de la discipline comme matrice intégrant un ensemble d’éléments disparates (objets, savoirs, pratiques, tâches) et fondant leur unité. Cette conception, paraît mieux convenir aux disciplines scientifiques qu’aux autres, à un découpage épistémologique plus que pragmatique du réel. Même en science, la matrice disciplinaire fait rarement l’objet d’un consensus, plusieurs paradigmes sont en compétition ou en conflit. C’est encore plus évident lorsqu’une discipline trouve son unité dans sa référence à une pratique sociale : cette dernière évolue, se fragmente, intègre des technologies, subit les effets de l’évolution de la division et de l’organisation du travail. Une discipline s’identifie à une partie du réel ou des pratiques présentant une certaine autonomie et une certaine stabilité, mais il n’existe aucune référence permanente ; le découpage du monde dont résultent les disciplines est une dimension de la culture, l’enjeu, comme le reste des construits sociaux, de luttes de territoires et de classements.

b. La dignité à laquelle on " élève " un ensemble de contenus culturels au statut de discipline d’enseignement résulte, elle aussi, d’une construction historique inséparable de l’émergence, puis de l’expansion, de la forme scolaire d’éducation. À un moment donné de l’histoire, dans un système défini, les diverses disciplines enseignées apparaissent de très inégale dignité : les unes semblent constitutives de l’identité de l’école ou de l’université, d’autres sont nouvelles ou marginales, voire à peine tolérées, parfois reléguées dans des filières dévalorisées. Une discipline inscrite au programme de la scolarité obligatoire, qui s’impose à toutes les générations durant des décennies et tout au long du cursus, témoigne d’une dignité sans commune mesure avec celle d’une discipline récente, offerte en option dans une filière post obligatoire marginale. À place équivalente dans le cursus, l’inégale dignité des disciplines d’enseignement se traduit encore par divers signes que les gens d’école, les élèves et les parents décodent fort bien : dotation horaire, qualification des professeurs, modes d’évaluation, poids dans la sélection.

c. J’insiste ici sur les limites de la transposition didactique : tout ce qu’on enseigne dans une école ou une université ne renvoie pas nécessairement à des savoirs ou à des pratiques homologues hors des institutions d’enseignement. L’école a une capacité de création de savoirs et de pratiques, voire de " production de la société " (Petitat, 1982). Ce décalage ne dure que quelques années ou décennies lorsqu’il s’agit d’une discipline entière, car le succès d’une création endogène assure la diffusion de la discipline nouvelle hors du système scolaire et, dans le meilleur des cas, sa reprise par l’université. Il est plus courant de trouver, à l’intérieur d’une discipline d’enseignement, des contenus qui ne sont pas la transposition de savoirs ou de pratiques ayant cours dans la société, mais des créations internes (Chervel, 1988, 1998).

 1.3 Les " contenus " d’une discipline

Il y a, dans la délimitation d’une discipline, juxtaposition d’éléments hétérogènes : savoirs, compétences, postures, attitudes, valeurs, codes, pratiques, habitus, Ces divers vocables ne renvoient pas au même type d’acquis. Le poids de ces ingrédients varie d’une discipline à l’autre, et, au sein de chacune, d’un niveau d’enseignement ou d’une filière à l’autre. Une comparaison entre systèmes éducatifs ou entre époques montrerait de plus grandes différences encore.

Il importe de rompre avec le primat des savoirs dans la conception des disciplines d’enseignement et des didactiques correspondantes. Les premiers travaux sur la transposition didactique (Verret, 1965, Chevallard, 1985) ont insisté sur le passage des savoirs savants aux savoirs enseignés. Une discipline d’enseignement pouvait dans cette perspective apparaître comme un " texte du savoir ". Par rapport au savoir savant, un savoir scolaire certes appauvri, simplifié, stabilisé, didactisé, fragmenté de sorte à pouvoir être enseigné et évalué. Mais un savoir d’abord.

Ce primat du savoir était d’autant plus facile à défendre qu’on s’intéressait aux mathématiques, domaine dans lequel les pratiques peuvent paraître la simple traduction des principes théoriques ou de savoirs procéduraux. En sciences, en dépit de la place des savoirs théoriques, on initie à une démarche, à une pratique de la mesure, de l’observation, de l’expérience qui ne sont pas réductibles à des savoirs méthodologiques correctement appliqués. Ce qui a conduit Martinand (1986) a introduire, en physique d’abord, la notion de pratique sociale de référence. Elle permet à d’autres disciplines - éducation physique, arts, langues - de nommer ce à quoi elles se réfèrent, qui n’est pas réductible à des savoirs. Les didacticiens du français parlent d’écrits sociaux.

Cette hétérogénéité complique l’entreprise théorique et peut embarrasser les didacticiens qui ont construit un modèle de la transposition didactique exclusivement à partir des savoirs savants. Pour sauvegarder l’unité de tels modèles, ils peuvent être tentés d’élargir la notion de savoir de sorte à y inclure " tout ce qu’un être humain peut apprendre ". Il me paraît plus sage de lui conserver une acception restreinte, de considérer les savoirs comme des ensembles organisés de représentations explicites et tenues pour vraies d’une partie de la réalité. Mieux vaudrait utiliser d’autres vocables pour désigner d’autres acquis, d’autres facettes du capital culturel d’une personne ou d’un groupe. Sans doute est-il nécessaire de souligner que tous ces éléments ont en commun d’être appris au fil d’une histoire de vie et parfois au gré d’une intention d’instruire ou de s’instruire. Au-delà de ce point commun, ils diffèrent fortement selon leur mode de construction, de conservation, de transformation, de prise de conscience et d’explicitation dans l’esprit du sujet concerné, de mise en œuvre dans l’interprétation de la réalité et dans l’action. Tout cela induit de fortes différences dans les modes d’apprentissage et d’enseignement et dans la nature même de la transposition didactique : connaître le principe d’Archimède, savoir composer un résumé, aimer la musique, pratiquer un sport ou être capable de se décentrer sont des acquis bien différents, qui ne justifient pas le même traitement épistémologique et didactique.

La référence aux pratiques sociales et aux compétences qu’elles suppose n’est qu’un premier pas (Perrenoud, 1998 b). Il reste à prendre en compte les valeurs, le rapport au savoir et le rapport à la pratique, les attitudes, l’ethos, l’habitus, soit l’ensemble des dispositions intériorisées qui, avec les savoirs et les compétences, sous-tendent les pratiques. S’y ajoute le problème des objectifs de développement : certaines disciplines visent le développement physique, intellectuel, socioaffectif. Vygotski a souligné, autrement que Piaget, les interdépendances entre apprentissage et développement. Toutes les disciplines peuvent contribuer au développement, mais certaines sont explicitement orientées dans ce sens, comme les arts, la musique, l’éducation physique, mais aussi les mathématiques.

Cette diversité des contenus et des intentions, masquée par les premières théories de la transposition didactique, devrait désormais être intégrée à la conceptualisation d’une discipline d’enseignement, ce qui permettrait de traiter avec les mêmes outils à la fois des disciplines organisées autour d’un texte du savoir et des disciplines dont l’unité tient à une pratique, une vision du monde ou une esthétique. La réflexion sur les formations professionnelles (Arsac, Chevallard, Martinand et Tiberghien, 1994) comme sur les " éducations " (physique, artistique, citoyenne, morale) oblige à reconstruire et élargir notre vision des contenus d’une discipline scolaire et des sources de la transposition.

 

1.4 Lire entre les lignes

Une discipline d’enseignement n’est à l’origine qu’un projet, un avatar de l’intention d’instruire. On pourrait, par souci de simplicité, être porté à croire que les contenus de l’enseignement, quelle que soit leur nature, sont définis par les programmes et qu’il suffit de consulter les textes pour appréhender les contours, la substance et la structure d’une discipline scolaire ou universitaire.

Dans l’enseignement supérieur, cet espoir tourne court dès que l’on découvre que les " programmes " se limitent à de brefs intitulés, parfois à d’elliptiques descriptifs insérés dans le cahier des charges des professeurs ou destinés à l’information des étudiants. À l’école, cependant, les programmes sont plus prolixes, parfois massifs, étalés sur des pages et des pages. N’est-ce pas là qu’on saisit l’essence d’une discipline ?

Les programmes les plus substantiels attestent sans nul doute d’un effort spectaculaire de cadrage de contenus enseignés. Ils se sont d’ailleurs développés, il y a un peu plus d’un siècle, en réaction au sentiment que les enseignants choisissaient trop librement les contenus de leurs cours. Ce cadrage est bien réel, mais ne devrait pas conduire à croire que l’abondance de textes officiels suffit à contrôler les contenus effectifs de l’enseignement. Ce serait faire abstraction d’un fait sociologique majeur : un texte n’a d’effets sociaux que s’il est lu, compris et accepté par des lecteurs ! Les textes ne sont que des aide-mémoire, ils stabilisent, fixent des représentations sociales.

Puisque les enseignants savent lire, on pourrait imaginer que les textes prescriptifs - lois, référentiels d’objectifs, programmes, directives, méthodes - vont standardiser suffisamment de ce qu’ils auront en tête. En réalité, pour décoder un programme de façon " orthodoxe ", il ne suffit pas de savoir lire. Il faut savoir " lire ce qui n’est pas écrit ".

N’importe quel être alphabétisé peut " déchiffrer " un texte sacré ou un texte juridique. Avec un vocabulaire étendu ou un bon dictionnaire, il peut même le comprendre superficiellement. Mais, pour le comprendre " vraiment ", il faut " appartenir à la tribu ", partager la culture, les codes, les implicites, les pratiques qui donnent au texte son plein sens, parce qu’ils permettent de " lire entre les lignes " et de situer chaque phrase dans un réseau sémantique et conceptuel. Seul un croyant ou un théologien peuvent " vraiment " comprendre un texte sacré, seul un juriste comprend " vraiment " un texte de droit.

Il n’en va pas autrement pour les programmes scolaires et les autres textes censés décrire le curriculum formel (Perret et Perrenoud, 1990 ; Perrenoud, 1984, 1994 a). Ce sont des textes pour initiés. Seuls des enseignants formés peuvent véritablement les lire en y projetant tout ce qu’ils savent " par ailleurs " des finalités et des contenus de l’enseignement. Chevallard (1986 a) dit " Un programme est un cadre vide, mais l’enseignant voit le tableau déjà peint ". Pourquoi ? Parce qu’il ne parvient plus à isoler le cadre du contenu qui lui est habituellement associé dans la culture professionnelle dont il participe et dans son expérience personnelle s’il a déjà enseigné ce programme. Culture et expérience surdéterminent le sens du texte, permettent d’y investir des contenus substantiels là où le profane ne voit que des mots assez abstraits. Pour une part, cette culture est scientifique ou, plus globalement, de l’ordre de l’érudition : les programmes désignent succinctement des objets de savoir ou des pratiques avec lesquels l’enseignant est censé être familier en vertu de sa formation académique ou didactique. Les applications affines, le théâtre élisabéthain, le génitif, la morphologie du conte, la méiose, voilà autant de notions et de champs substantiels pour les spécialistes, autant de mots qui sonnent creux aux oreilles des profanes, mêmes s’ils ont fait de longues études secondaires.

La formation disciplinaire des enseignants assure au moins :

1. Qu’ils vont, à partir des signifiants inclus dans les programmes, construire des signifiés riches, denses, complexes, bien au-delà de ce qu’un profane pourrait se représenter et comprendre.

2. Que ces signifiés ne seront pas trop éloignés de ce que voulaient dire les auteurs, donc que les divers professeurs, sans se concerter, auront des représentations suffisamment homogènes du même programme.

 1.5 La transposition est une pragmatique

Si la culture commune des enseignants s’arrêtait à la lecture du programme, les contenus effectifs de leur enseignement et leurs niveaux d’exigence seraient encore plus disparates qu’ils ne le sont actuellement. Une formation disciplinaire semblable ne suffit pas à homogénéiser la compréhension des programmes. Les mathématiciens " purs " ne lisent pas un programme de mathématique comme le lit un professeur. Ce dernier ne perçoit pas seulement des notions et savoirs mathématiques. Il les voit d’emblée sous leur forme scolaire, transposables, voire déjà transposés, associés à un certain niveau d’études et de développement intellectuel des élèves, à un contrat didactique, à une orientation et à une filière spécifiques, à des formes particulières de travail scolaire et de contrôle des connaissances. La culture commune des professionnels de l’enseignement des mathématiques superpose à leur formation scientifique une " couche " didactique qui situe immédiatement les contenus dans une perspective pragmatique.

Certains programmes sont déjà écrits dans ce sens. La conception de l’éducation physique et sportive, en France, insiste par exemple sur les activités. Ce sont à la fois des pratiques sociales de référence et des activités d’enseignement et d’apprentissage. Lorsque le programme d’une discipline se réfère à des pratiques, il est assez évident que leur apprentissage est censé se faire " par la pratique " et donc que les objectifs de formation dictent assez largement un ensemble d’activités didactiques à exercer en classe. Lorsqu’une discipline se réfère plutôt à la maîtrise de savoirs théoriques, la nature des activités qui en permettent l’appropriation est moins évidente. Toutefois, la nécessité d’un détour pragmatique est de moins en moins déniée. Même si l’on s’en tient aux leçons et exercices propres aux pédagogies traditionnelles, il s’agit de pratiques, censées permettre que se construisent les connaissances et les compétences dans la tête et le corps des apprenants.

Dans tous les cas, tenir une classe, c’est mettre les élèves au travail, les engager dans des tâches. Comme ancien élève, chaque adulte instruit a intériorisé des coutumes didactiques, il a donc une petite idée de la nature des tâches et du travail scolaire. Mais c’est à sa formation et à sa socialisation professionnelles qu’un enseignant doit des modèles et des exemples de tâches susceptibles d’alimenter sa pratique en classe. 


2. Les effets possibles de la formation des enseignants

Pour analyser de façon précise les effets de la formation des enseignants sur l’évolution des disciplines scolaires, il faudrait multiplier les études de cas, en prenant chaque fois une période de référence assez longue, car la formation à l’enseignement ne se transforme pas en un jour.

A ce stade de la réflexion, il n’est possible que de proposer des hypothèses étayées par l’observation de divers systèmes de formation.

Je distinguerai six axes selon lesquels le renouveau de la formation à l’enseignement peut infléchir le statut, le sens, la conception des disciplines scolaires :

1. L’élévation du niveau de formation académique préalable.

2. Le développement des didactiques comme disciplines de recherche.

3. La nouvelle sociologie du curriculum.

4. L’approche anthropologique du travail enseignant

5. Les travaux sur l’apprentissage et la cognition.

6. La centration sur des objectifs à moyen terme

Bien entendu, ces évolutions sont très inégales selon les systèmes éducatifs et les cursus de formation à l’enseignement. 

2.1 L’élévation du niveau de formation académique préalable

L’universitarisation de la formation des enseignants est achevée en Amérique du Nord, plus ou moins avancée en Europe. Si bien qu’au début de leur formation à l’enseignement :

Cette double tendance recouvre une forte hétérogénéité non seulement des parcours formels, mais des savoirs et compétences réellement disponibles. À cursus comparable, il faut tenir compte du niveau des étudiants qui commencent des études supérieures, qui dépend lui-même de la sélection opérée en amont et des taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur, très variable d’un pays à l’autre. Il faut ensuite estimer le niveau de ceux qui, parmi les étudiants admis dans l’enseignement supérieur, s’orientent vers la formation à l’enseignement, qui n’est en général pas la filière la mieux située dans l’éventail des carrières universitaires ou assimilables…

Il serait donc aventureux d’affirmer que le niveau de maîtrise des savoirs à enseigner est proportionnel au nombre d’années d’études accumulées à l’entrée de la formation à l’enseignement. Cette dernière, par ailleurs, accorde une place très inégale à des compléments de formation académique, présentés comme tels ou intégrés aux didactiques des disciplines. Lorsque le cursus est situé en sciences de l’éducation ou dans une école axée sur la professionnalité, la part des sciences humaines et des savoirs professionnels est plus forte que dans les IUFM français par exemple.

Malgré ces nuances, il semble possible d’avancer l’idée que l’élévation du niveau de formation académique modifie la vision des disciplines. On pourrait classer les enseignants en exercice sur un continuum qui va d’un niveau de maîtrise à peine supérieur à celui de ses élèves à la domination souveraine de sa matière.

On sait que les remplaçants ou les moniteurs engagés lorsqu’il y a pénurie d’enseignants ont souvent à peine une leçon d’avance sur leurs élèves ; ils lisent le manuel et s’imprègnent des moyens d’enseignement la veille pour faire bonne figure le lendemain. La formation des enseignants primaires a longtemps été proche de cette situation. Ils étaient certes plus instruits que la plupart des parents d’élèves, mais cela ne signifiait pas qu’ils avaient une immense culture, dans une société faiblement alphabétisée et dans laquelle le niveau moyen d’instruction était bas. Cette situation est encore d’actualité dans les nombreux pays du monde où la scolarisation des enfants et la formation des maîtres ne sont pas assurées à large échelle.

On s’en doute, une aussi faible maîtrise ne peut être dévoilée sans compromettre la crédibilité et l’autorité de l’enseignant. Il doit donc incarner le savoir et afficher des certitudes dans un ou plusieurs domaines qui, en réalité, lui sont étrangers. Cela ne peut conduire qu’à un enseignement dogmatique qui traite le savoir comme LA vérité, l’erreur comme une faute, le doute comme une menace.

On se trouve alors aux antipodes d’une vision du savoir comme produit d’une histoire, objet de controverses, construction humaine fragile, provisoire, plausible. Dans les disciplines qui font une plus large place à des principes, à des normes ou à des critères esthétiques, le dogmatisme porte sur le bien, le beau, le juste. Tout relativisme ouvrirait la porte au débat et effriterait la légitimité du discours magistral.

D’une certaine manière, on pourrait dire que le discours est d’autant plus magistral que l’enseignant ne domine pas sa matière et a besoin de l’argument d’autorité et du déni des contradictions pour s’imposer. Cela varie selon les disciplines. La maîtrise de la langue, de l’histoire et de la géographie nationale est sans doute plus grande que celle des sciences et des mathématiques. Dans ces derniers domaines, les enseignants sont plus à l’aise en zoologie qu’en physique, en calcul mental qu’en algèbre.

Il serait bien optimiste de penser qu’aujourd’hui les enseignants primaires s’ébattent dans les savoirs qu’ils ont à enseigner comme des poissons dans l’eau. Cependant, la figure du " maître ignorant " (Rancière, 1987) appartient à l’histoire et une partie des enseignants ont une formation académique suffisante pour se lancer dans des recherches, des projets, des situations-problèmes, activités à haut risque épistémologique. Ils devient possible de considérer l’erreur comme un " outil pour enseigner " (Astolfi, 1997), de faire de l’évaluation formative, de favoriser la métacognition. Sans croire que ces pratiques sont majoritaires, on peut les prendre pour des indices d’une évolution du rapport au savoir à enseigner, liée d’abord au degré auquel l’enseignant le maîtrise.

Dans le secondaire, la formation académique a longtemps été, et reste dans de nombreux pays, de plus haut niveau que celle qu’on exige des instituteurs. Mais comme les professeurs ont à faire à des élèves plus âgés et à des programmes de plus haut niveau, la problématique de la distance entre l’enseignant et ses élèves est largement la même.

Le niveau d’instruction des enseignants secondaires ne s’est pas élevé aussi vite qu’au primaire. En France, les professeurs d’école sont, comme les professeurs de collège et lycée, recrutés à bac (français) + 3 (licence) et sortent de l’IUFM à bac + 5. Ce rapprochement historique signifie un saut en avant pour les instituteurs et une moindre avancée, sinon une stagnation, pour les enseignants secondaires. Il reste cependant une différence de taille : les professeurs d’école doivent maîtriser toutes les disciplines présentes au primaire, alors que les professeurs de lycée ou collège n’en enseignent qu’une ou deux. Leur formation académique est donc moins dispersée.

Ce n’est pas sa maîtrise absolue, mais l’écart entre le degré de maîtrise de l’enseignant et le niveau d’études (programme. savoirs des élèves) qui détermine la vision de la discipline, entre avance dérisoire et souveraine maîtrise. On peut de ce point de vue être plus optimiste pour les enseignants primaires que pour les enseignants secondaires, dont la formation a moins évolué et qui sont pris dans une université de masse de plus en plus scolarisée, dans laquelle la formation disciplinaire est souvent donnée dans des auditoires surchargés, évaluée par des tests de connaissances standardisés, voire des QCM et, faute de temps et d’intérêt, dépourvue de dimensions d’histoire et d’épistémologie de la discipline.

Selon le premier axe analysé ici, je ne suggère donc pas que nous sommes passés d’une vision normative, étroite et scientiste des disciplines à une vision relativiste, large et dialectique. Pour établir le profil des divers cursus, il faudrait y aller voir de près, discipline par discipline, université par université. Mon propos était de mettre en évidence un lien probable entre le niveau de formation dans une discipline et la conception qu’on en a comme enseignant et qu’on en transmet à ses élèves. 

2.2 Le développement des didactiques
comme disciplines de recherche

La formation des enseignants s’est initialement préoccupée de leur donner une méthode, façon à la fois de parer aux limites de leur formation disciplinaire et à la légèreté de leur formation en sciences humaines. Comme en sciences, la méthode est en pédagogie un pare angoisse (Devereux, 1980), en même temps qu’une façon de prescrire le travail, qui limite les déviances et les accidents de parcours.

Cette formation méthodologique se nommait souvent didactique, didactique générale ou didactique " de branche ", mais ce mot désignait alors un ensemble de préceptes à suivre pour planifier la progression dans le programme, préparer et dispenser des cours ou des leçons, donner et corriger des exercices, conduire des interrogations orales ou encore administrer et noter des épreuves écrites.

Peu à peu se substitue à cette formation méthodologique (ceux qui la donnaient à Genève étaient nommés " méthodologues ") une formation didactique au sens de la didactique des disciplines telle que Brousseau ou Chevallard l’ont définie en mathématique (Artigue, 1994 ; Brun, 1996), suivis par d’autres " didacticiens " en sciences (Martinand, 1986 ; Astolfi et Develay, 1989 ; Joshua et Dupin, 1993), langues (Bronckart, 1985 ; Bronckart et Schneuwly, 1991 ; Halté, 1992), puis dans toutes les disciplines scolaires (Develay, 1995 ; Jonnaert et Lenoir, 1993 ; Raisky et Caillot, 1996).

Les didactiques des disciplines se refusent, au moins dans un premier temps, à être prescriptives. Elles ont vocation d’étudier l’enseignement d’une discipline comme une réalité qui peut être décrite " scientifiquement ", à partir des sciences humaines et sociales : psychologie cognitive et sociale, histoire, anthropologie, sociologie, sciences du langage et des systèmes symboliques. On construit la théorie du système didactique, du fameux triangle élève-enseignant-savoir, des " interactions didactiques ". On développe le concept de transposition didactique, introduit par le sociologue Michel Verret ( 1975), repris par Chevallard (1985). On travaille sur les notions de contrat didactique, de dévolution, de représentations, de situation, de mémoire didactique, etc.

Si bien que, dans certains cursus plus " orthodoxes " que d’autres, les étudiants ne reçoivent plus aucune indication prescriptive sur la façon d’enseigner la discipline, sauf durant leurs stages. Dans les cours, on les introduit à une théorie didactique et aux méthodes de recherche correspondantes : protocoles détaillés des interactions, analyse fine des tâches, des situations et des moyens d’enseignement. Dans d’autres universités ou dans d’autres disciplines, on assiste à un mariage entre l’approche théorique non prescriptive et quelques orientations plus pratiques quant à la manière de construire des dispositifs et des séquences didactiques.

Lenoir (2000), qui propose un tableau des diverses recherches en didactiques des disciplines, estime prématuré de dresser le bilan leurs effets dans la formation à l’enseignement. J’en conviens, mais on peut d’ores et déjà faire l’hypothèse que par son existence même, l’approche théorique qui prévaut en didactique dans les pays francophones ne peut que transformer profondément, la conception même d’une discipline d’enseignement. Même lorsqu’elle ne refuse pas de donner des outils et des orientations pour la classe, c’est le langage de la théorie qui structure les recommandations pratiques. Quelques exemples parmi les plus évidents :

On pourrait débattre de la question de savoir si la didactique des disciplines n’a pas, assez souvent, mis des mots nouveaux sur des processus déjà identifiés par la psychopédagogie ou les sciences sociales. La force des didactiques des disciplines, c’est sans doute leur prétention à mettre de l’ordre dans l’ensemble des phénomènes présents à l’intérieur d’un champ disciplinaire, à l’aide d’un ensemble limité et homogène de concepts et en affirmant haut et fort qu’ils ne doivent rien à la pédagogie ! Du coup, elles donnent une base de sciences de l’éducation à des enseignants qui ne veulent pas en entendre parler, notamment au secondaire, ou à ceux qu’effraie la complexité des approches psychologiques et sociologiques.

Les didacticiens des disciplines font de la recherche, elle nourrit leur propos. Je ferai néanmoins l’hypothèse que ce que les enseignants en formation retiennent de ces enseignements, c’est avant tout une autre vision de leur discipline, comme construit historique, comme travail de transposition, comme gestion d’un contrat, comme confrontation de divers rapports aux savoirs.

Paradoxalement, cette orientation ne dévalorise pas le savoir. Au contraire, de simple " savoir à enseigner ", il devient la matière première d’une pratique qui ne cesse de le transposer, de le recomposer, voire de le négocier. Du coup, l’enseignant apparaît, à sa façon, comme aussi " expert en savoirs " que le chercheur qu’il n’est pas devenu. Le mépris de la " relation éducative " et des dimensions affective qu’ont affiché, à leurs débuts, les didactiques des disciplines, leur insistance à mettre le savoir au centre et à souligner la spécificité de chaque discipline, ont sans doute contribué à désarmer les résistances aux sciences humaines et sociales que développent nombre de cursus universitaire en sciences et en lettres. Le tour de force des didactiques est d’apparaître souvent comme une extension de la discipline qu’elles étudient plus que comme une composante des sciences de l’éducation, dans lesquelles elles puisent pourtant leurs outils conceptuels… 

2.3 La nouvelle sociologie du curriculum

La sociologie de l’éducation des années 1970, autour de Bourdieu en France, de Bernstein en Angleterre, a ouvert la voie à ce qu’on a appelé la " nouvelle sociologie du curriculum " (Forquin, 1989, 1997 ; Trottier, 1987 ; Whitty and Young, 1976 ; Young, 1971).

S’il fallait résumer la vulgate qui subsiste de ces travaux dans l’esprit d’une partie de nos contemporains, on pourrait retenir quelques idées forces :

Des thèses fracassantes de la reproduction aux analyses plus fines des différences de participation en classe (Sirota, 1988) ou de rapport au savoir ou à l’écrit selon les classes sociales (Charlot, Bautier et Rochex, 1992 ; Charlot, 1999 ; Lahire, 1992, 1993), les théories se sont affinées. De nombreux chercheurs, formateurs et praticiens se sont attaqués au problème, notamment sous l’angle de la pédagogie différenciée et du sens des savoirs (Meirieu, 1989 ; Perrenoud, 1994 a, 1997). Mon propos n’est pas ici d’esquisser une synthèse de " l’état des savoirs ", mais d’envisager les influences possibles de ces savoirs sur la conception des disciplines scolaires.

Il serait bien intéressant de cerner dans quelle mesure et sous quelle forme ces savoirs sont présent aujourd’hui dans la formation à l’enseignement. Il est probable que, l’esprit contestataire de 1968 ayant fait place à davantage d’individualisme et d’insécurité économique, une partie des enseignants et des formateurs parviennent à faire l’impasse sur toute approche sociologique du curriculum et reviennent à la vision rassurante de savoirs neutres et d’une culture scolaire pétrie de bonnes intentions et d’un grand souci d’égalité.

On peut cependant avancer l’hypothèse que la formation des enseignants, faisant une place croissante aux sciences sociales, contribue lentement a déniaiser les enseignants en formation, à leur donner un peu de distance sociologique à l’endroit des savoirs disciplinaires et des programmes, donc aussi à instiller quelques doutes sur la légitimité de l’enseignement et de l’évaluation à partir de formes et de normes d’excellence scolaire dont on ne peut plus aujourd’hui ignorer complètement l’arbitraire culturel, pour reprendre l’expression de Bourdieu et Passeron (1970).

Il est devenu difficile, du coup. de croire que l’inégalité sociale devant la réussite est une pure affaire de don ou d’aptitude à apprendre, de ne pas voir qu’une discipline peut être un champ d’exclusion, de distinction, de hiérarchisation des personnes et des groupes autant qu’une " conquête sur l’ignorance ". 

2.4 L’approche anthropologique du travail enseignant

La formation des enseignants évolue - lentement - vers la prise en compte de la réalité du métier d’enseignant. Sans doute parce que, depuis cinquante ans - pour fixer un large intervalle - plusieurs choses ont changé :

Pour ces diverses raisons, il devient difficile de conserver l’image d’un enseignant tout puissant dispensant ex cathedra son savoir à des élèves avides de l’assimiler. Les travaux anthropologiques (ou ergonomiques) sur les pratiques pédagogiques et la réalité de l’enseignement sont relativement récents (Bourdoncle et Demailly, 1998 ; Durand, 1996 ; Gauthier, 1997 ; Huberman, 1989 ; Perrenoud, 1996 c ; Tardif et Lessard, 1999 ; Woods, 1990). Il n’est pas sûr qu’ils aient, en tant que tels, pénétré le curriculum de la formation à l’enseignement.

En revanche, la posture réflexive et l’analyse de pratiques sont devenus des paradigmes dont on se réclame partout et qu’on met au moins en partie en œuvre (Altet, 1994 ; Paquay et al., 1996 ; Perrenoud, 1994 b, 1996 c, 1998 a, 1999 a ; Raymond et Lenoir, 1998). C’est pourquoi la formation des enseignants met désormais l’accent sur le savoir-analyser, sur les dispositions et les compétences requises par une démarche de résolution de problèmes. On peut encore parler de pratique réflexive (Schön, 1983).

Sans surestimer la part - encore faible - de l’entraînement à la pratique réflexive dans les cursus de formation à l’enseignement, on peut faire l’hypothèse que le regard sur les pratiques est en train de changer, qu’on va vers plus de réalisme, moins de tabous dans l’analyse du métier d’enseignant, une plus juste appréciation de ce qui tourne autour des savoirs et de ce qui relève plutôt de la gestion des choses et du temps, de la dynamique de groupe, de la négociation, de la résolution de conflits.

L’analyse précise des usages du savoir dans la classe, de la réalité quotidienne du travail scolaire et de l’évaluation ne peut qu’aboutir à une démythification des disciplines. C’est une autre façon de prendre conscience de la transposition didactique, non pas seulement sous l’angle des simplifications et schématisations requises pour se mettre " au niveau des élèves ", mais aussi sous l’angle des ruses du métier d’élève (Perrenoud, 1994 a ; Sirota, 1993), des transactions et des arrangements autour de l’évaluation et des programmes (Chevallard, 1986 b ; Merle, 1996 ; Perrenoud, 1984).

Une discipline, d’un point de vue anthropologique, n’est pas d’abord un domaine du savoir, c’est un champ social dans lequel s’affrontent des acteurs à la fois unis par des enjeux communs et opposés par des intérêts et des stratégies. Peut-être cette vue des choses est-elle lentement en train de gagner droit de cité dans la formation à l’enseignement, grâce à la fois à des apports théoriques et à l’analyse des pratiques. 

2.5. Les travaux sur l’apprentissage et la cognition

L’ébranlement le plus important de la représentation des disciplines vient sans doute du constructivisme. Né de l’observation du développement et de l’apprentissage chez les enfants, il a été étendu., notamment par Piaget, à la genèse des connaissances scientifiques elles-mêmes. Cette épistémologie a-t-elle été intégrée aux enseignements disciplinaires dispensés dans les universités ? On peut en douter.

En revanche, il est difficile aujourd’hui de contourner l’approche constructiviste des apprentissages scolaires dont Jonnaert et Vander Borght (1999) viennent de proposer une nouvelle synthèse. Il est probable que les enseignants en formation n’ont qu’une vision très vague de ce qui sépare Piaget et Vygostski, à supposer que ces noms évoquent quelque chose dans leur esprit. Ils n’ont sans doute jamais entendu parler de l’auto-socio-construction des savoirs (Bassis, 1998, Groupe français d’éducation nouvelle, 1996 ; Vellas, 2000).

Mais ils ont probablement entendu dire que les savoirs se construisent, qu’un enseignement stratégique (Tardif, 1992) consiste à guider cette construction, qu’elle passe par des phases de dévolution, de décontextualisation, d’intégration à des champs conceptuels.

Quel que soit le flou des connaissances des nouveaux enseignants en psychologie cognitive, on peut imaginer qu’ils ont acquis au minimum une " sensibilité constructiviste ", de la même manière qu’on ne peut, dans notre société, échapper à une " sensibilité écologique ". Cela ne suffit certainement pas pour piloter cette construction et organiser des situations didactiques optimales, mais on peut au moins faire l’hypothèse qu’il y a rupture avec l’idée qu’une discipline est un ensemble de savoirs organisés qui vont " se déposer " de façon progressive et ordonnée dans l’esprit des apprenants. La formation à l’enseignement encourage une dissociation entre la discipline savante ou la pratique sociale constituées, d’une part, la discipline scolaire en chantier dans l’esprit des apprenants, d’autre part. Les enseignants reconnaissent plus facilement aujourd’hui que les apprenants sont aux prises avec un savoir qui leur résiste, admettent des chemins de traverse, mesure l’étendue de certaines restructurations des champs conceptuels et l’ampleur des conflits cognitifs entre les représentations préalables des élèves (par exemple de la matière, des forces physiques, de l’énergie, des cellules, de la digestion) et les savoirs rationnels et fondés sur la recherche que l’enseignement scientifique veut leur substituer.

Les approches constructivistes, lorsqu’elles alimentent par exemple une pédagogie et une didactique des situations-problèmes, telles que les défendent une partie des formateurs, oblige à entrer plus profondément dans l’histoire et l’épistémologie des disciplines, car c’est là qu’on identifie les obstacles les plus probables à la connaissance (Bachelard, 1996 ; Martinand, 1986 ; Astolfi, 1997). 

2.6. La centration sur des objectifs à moyen terme

Pendant longtemps, les institutions de formation ont proposé ou imposé des méthodes dites " éprouvées " pour faire advenir les apprentissages souhaités. Elles y parvenaient, sinon à coup sûr, du moins avec suffisamment de régularité pour dispenser les enseignants de questionner la méthode, sauf peut-être dans des situations atypiques. Cette façon de voir n’est nullement absurde : pourquoi chacun réinventerait-il la roue ? La culture est une mémoire collective, elle permet de puiser dans un réservoir de " bonnes idées " pour faire face à des problèmes standards, et donc d’investir son énergie et sa créativité dans des entreprises inédites.

Il n’est pas moins vrai que des changements, progressifs mais majeurs, affaiblissent les vertus des méthodes d’enseignement traditionnelles :

Si bien que nantir les enseignants d’une méthode éprouvée n’apparaît plus à la hauteur des problèmes que rencontrent les systèmes éducatifs et une partie importante des professeurs.

Les institutions de formation tendent donc à ne plus former les maîtres à appliquer une méthode orthodoxe, mais à construire leur enseignement en s’appuyant certes sur une connaissance des méthodes et dispositifs de formation reconnus, mais surtout sur une analyse des besoins, des intérêts, des attitudes, du niveau de leurs élèves, aussi bien que des conditions de travail, des contraintes et des ressources qu’offre un établissement particulier dans un environnement particulier.

Par ailleurs, on travaille de plus en plus par objectifs, qu’on assigne de préférence à des cycles d’apprentissage pluriannuels. Les sciences de l’éducation et la formation des enseignants sont souvent porteuses de cette nouvelle manière de concevoir le cursus et la régulation des parcours des élèves.

La discipline n’est plus alors un texte du savoir déjà écrit, qu’il suffit de dérouler au rythme adéquat. L’enseignant a des objectifs à moyen terme, à partir desquels il doit élaborer sa propre planification didactique et gérer la progression de ses élèves. La discipline n’apparaît plus alors comme un rail, mais comme un cadre, dans lequel il reste à tracer un chemin. Perspective moins rassurante, mais qui oblige en même temps à analyse la matrice disciplinaire, à dégager les maillons essentiels et les principaux stades de la construction du savoir, bref à s’intéresser à la discipline comme parcours à frayer, à " inventer ", plutôt qu’à suivre comme un sentier battu. 


3. Conclusion : les disciplines scolaires,
des constructions autonomes

Les hypothèses proposées selon les six axes envisagés sont loin d’être suffisantes pour engager sur cette base des travaux comparatifs. Elles permettent en revanche de donner de la substance à l’idée qu’une discipline scolaire n’est pas la version scolarisée d’une discipline savante, que c’est un fait culturel et institutionnel qui a sa logique propre, même s’il fait référence constamment à la discipline savante.

La question des sources de la cohérence sociologique d’une disciplines scolaire est alors posée, dès lors qu’on ne l’impute pas immédiatement à la cohérence théorique, logique et épistémologique de la discipline savante dont elle se réclame. C’est encore plus évident pour les disciplines scolaires qui s’ancrent dans des pratiques sociales, par nature plus floues, diverses et controversées que les savoirs savants.

Derrière chaque discipline scolaire, il y a un corps enseignant spécialisé et un appareil : les inspecteurs, lorsqu’ils existent, les experts de la discipline savante qui font autorité pour l’élaboration des programmes et manuels, les éditeurs et auteurs de livres scolaires et autres moyens d’enseignement.

La formation à l’enseignement et les formateurs ne sont donc pas les seules instances à exercer une influence sur la constitution et l’identité des disciplines scolaires. Mais ils y participent, selon les mécanismes dont j’ai esquissé la description plus haut et sans doute d’autres encore. 


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