Source et copyright à la fin du texte
Texte d’une conférence présentée
à Québec le 10 octobre 2000.

 

 

 

 

 

Du curriculum aux pratiques : question
d’adhésion, d’énergie ou de compétence ?

 

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
2000

 Sommaire  

I. Une critique constructive

II. Poursuivre le débat de fond

III. Compétences requises pour mettre en œuvre le programme

Pour ne pas conclure

Références


Quelles compétences professionnelles nouvelles ou plus pointues les enseignants devraient-ils développer pour mettre en œuvre le Programme de formation de l’école québécoise dans sa version de juin 2000 ? S’agit-il de l’amorce d’une modification en profondeur du rôle des enseignants ? Si oui, quelles conséquences doit-on en tirer ?

Telles sont les questions qui m’ont été proposées et que je vais tenter de traiter. Non sans prendre d’abord trois précautions.

1. Je ne suis pas l’auteur de ce programme et je n’ai pas été impliqué dans sa conception et sa construction, si ce n’est à travers deux brèves rencontres de travail avec l’équipe du ministère, fin 1998 et fin 1999. Examiner ses implications pour les enseignants et leurs compétences ne revient pas à prendre position sur le bien-fondé de ce programme. On ne m’a pas demandé de le juger. Il est pourtant difficile de dissocier entièrement les deux aspects. Je dirai donc quelques mots sur les orientations générales du programme des programmes et du programme de formation tels que je les comprends et les apprécie.

2. Pour traiter sérieusement de la question, il faudrait être familier des pratiques actuelles des enseignants québécois, avoir une idée précise de leurs compétences et connaître les programmes jusqu’alors en vigueur, sur le papier et dans la réalité des classe québécoises, de sorte à mesurer le chemin à parcourir. Je ne dispose pas de tous ces éléments, je viens d’un autre continent, d’un autre système éducatif. Je ne peux donc véritablement répondre à la question dans le contexte du Québec. Je me bornerai donc à ouvrir des pistes, éventuellement à provoquer le débat.

3. On ne peut se limiter à la question des compétences, car on ne saurait tenir pour acquis ni l’adhésion des enseignants au nouveau programme, ni leur investissement pour faire réussir la mise en œuvre.

 


I. Une critique constructive

Lorsqu’un nouveau programme est adopté, ne serait-il pas opportun d’en prendre acte et de se concentrer sur la réussite de sa mise en œuvre ? Quel bénéfice les cadres et les enseignants pourraient-ils retirer d’une critique intervenant lorsque les choses sont jouées et que leur tâche, bon gré mal gré, est d’appliquer des textes qui ont désormais force de loi ?

Si j’estimais que le nouveau programme québécois est indéfendable, je ne consacrerai pas cinq minutes à réfléchir à sa mise en œuvre. Si j’entre en matière, c’est donc qu’il me paraît aller dans le bon sens. Il plaide pour une cohérence tout au long du cursus, de l’éducation préscolaire au collégial. Il est associé à l’introduction de cycles d’apprentissage pluriannuels. Il prend parti pour une évaluation formative et une pédagogie différenciée. Et il se soucie du sens des apprentissages et de leur réinvestissement dans des situations de la vie, fondements de l’approche par compétences. Autant de choix dont je ne saurais me désolidariser.

Ce n’est pas une raison pour afficher une totale adhésion. Certes, je défends depuis quelques années une approche par compétences. Cela ne m’incline pas à soutenir inconditionnellement tout curriculum qui s’en réclame. Je crains au contraire que les systèmes éducatifs qui se hâtent de récrire leurs programmes dans ce sens n’aient pas pris le temps d’aller au bout de la réflexion et ne contribuent à conforter les adversaires de l’approche par compétences dans leur combat. On pourrait, de façon générale, reprocher aux gouvernements des pays développés de multiplier les réformes scolaires en s’emparant trop vite de bonnes idées qui, du coup, ne constituent pas un progrès.

On peut sans doute formuler des réserves sur la stratégie de changement : un calendrier trop serré, un partenariat au départ insuffisant avec la recherche en éducation et les universités qui forment les enseignants, une conception des cycles encore inachevée. J’ai développé quelques-uns de ces thèmes en 1998 à Québec dans une conférence intitulée " L’école saisie par les compétences ", publiée depuis (Perrenoud, 2000). Je me limiterai ici au programme proprement dit et plus particulièrement à ses orientations générales, à ses options conceptuelles. Je ne puis en effet juger du bien-fondé des contenus proprement dits, ni de la pertinence didactique de leur découpage par cycles de deux ans.

Mes réserves principales portent sur dix points :

  1. Zones d'ombre dans la conception des compétences.
  2. La confusion entre compétences et capacités.
  3. La question des poupées russes.
  4. Les compétences transversales.
  5. Le rapport connaissances-compétences.
  6. Le sort incertain des autres objectifs.
  7. L'ambiguïté des domaines d'expérience de vie.
  8. La référence trop rapide au socio-constructivisme
  9. Le risque d'une hypertrophie prescriptive.
  10. Le déni des incertitudes.

Reprenons rapidement ces divers points. Chacun mériterait de plus amples développement, mais ce n’est pas ici mon propos principal.

 

Zones d’ombre dans la conception des compétences

Lorsqu’on organise un programme autour de la notion de compétence, ne faudrait-il pas en dire un peu plus ? Le texte propose une définition :

En ce qui concerne la compétence, la définition retenue dans le Programme de formation est la suivante : un savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficace d’un ensemble de ressources. Cette définition plutôt générale renferme quelques caractéristiques importantes liées à la notion de compétence. L’expression " savoir-agir " permet de distinguer la compétence du savoir-faire, plus limité dans sa portée et davantage associé à l’objet de son exercice. Parce qu’elle renvoie à un savoir-agir, la compétence est indissociable des contextes dans lesquels elle est appelée à se manifester et des situations dont elle permet la maîtrise. De même, puisqu’elle repose sur la mobilisation de ressources, les connaissances dont on vise l’acquisition doivent nécessairement être liées à leur usage et n’acquièrent le statut de ressources que dans la mesure où l’élève peut les mobiliser dans des situations où leur utilisation s’avère pertinente. De plus, parce que la compétence repose sur l’utilisation efficace d’un ensemble de ressources, elle nécessite une sélection et une organisation de ces ressources en fonction des situations dans lesquelles elles sont mobilisées. Enfin, elle est complexe, c’est-à-dire qu’elle ne peut se réduire à une addition de composantes, et évolutive, en ce sens que son enrichissement peut se poursuivre tout au long du cursus scolaire même et au-delà de celui-ci.

Cette définition est parfaitement en accord avec celle de Le Boterf (1994). On se trouve alors loin du sens commun, puisqu’il faut conceptualiser la compétence comme un processus de mobilisation de ressources cognitives variées pour faire face à une situation. La notion de situation prend donc une grande importance et suscite un débat essentiel sur les familles de situations, autrement dit sur les analogies de structure qui permettent de faire face à diverses situations avec la même compétence. Comme les notions de " compétence " et de " situation " sont les clés de voûte du programme, on peut regretter qu’elles soient introduites de façon aussi rapide et abstraite, sachant que tout malentendu ou refus d’adhésion à ce niveau pervertira la lecture des programmes proprement dits.

De même, on passe comme chat sur braise sur la distinction &endash; peu courante - entre " savoir-faire " et " savoir-agir ", en la réduisant à une question de " portée ". Enfin le rapport entre transfert et compétence n’est pas explicitement abordé. S’agit-il, comme je le crois, de deux métaphores pour évoquer la mobilisation de ressources (Perrenoud, 2000 a) ? Le transfert est-il une facette de la mobilisation ? Ou faut-il parler de " transfert de compétences ", désignant de la sorte un niveau supérieur d’apprentissage ? Ces questions n’ont aucune réponse simple et consensuelle, mais les ignorer est la plus sûre façon de les laisser venir parasiter la mise en œuvre du programme, du moins pour ceux qui ont besoin de concepts clairs ou d’incertitudes repérées.

 

La confusion entre compétences et capacités

La distinction n’est pas évidente. Elle varie selon les auteurs. Certains n’en font aucune. Certains nomment habiletés ou savoir-faire ce que j’appelle capacités.

Quel que soit le vocabulaire qu’on emploie, mieux vaudrait traiter ouvertement, d’une manière ou d’une autre, du problème de la contextualisation des opérations. En effet, un " savoir-agir " se réfère à une action ou opération plus ou moins complexe. Or, certaines opérations font référence à un contexte extrêmement vague ; l’énoncé de la compétence est compatible avec une immense variété de situations ; ainsi, " savoir interagir oralement " désigne toutes les situations de communication humaine. À l’autre extrême, " savoir convaincre quelqu’un qui vous a attendu longtemps qu’on avait une bonne raison d’être une nouvelle fois en retard " se réfère à une situation de communication plus précise, dans laquelle les enjeux sont identifiés ; on pourrait la particulariser encore, par exemple en précisant s’il faut excuser un retard au travail, à un repas de famille, une audience, un rendez-vous d’amour ou d’affaire…

Peut-on parler de compétences quelque que soit le degré de décomposition et de contextualisation des savoir-agir ? Ce n’est pas interdit, mais alors, nous manquerons de mots pour faire les distinctions qui s’imposent.

J’ai proposé récemment (Perrenoud, 2000 c) :

Dans le premier cas, on identifie et on exerce un nombre limité d’opérations intellectuelles de base, qui ne suffisent pas, prises isolément, pour gérer globalement une situation complexe, mais sont des moyens, indispensables.

Dans le second cas, on a affaire à un nombre beaucoup plus élevé - potentiellement sans limites - de familles de situations auxquelles l’acteur est censé faire face globalement, en mobilisant toutes les ressources nécessaires et en parvenant à les orchestrer dans un contexte concret et en référence à des pratiques sociales.

Dans cette perspective, les capacités ne seraient que des ressources, mises comme les connaissances ou les informations, au service de compétences qui, elles seules, permettraient de faire face à des situations. Par exemple, " savoir soustraire " est une capacité qui, à elle seule, ne répond à aucune situation. En revanche, pour faire un achat, une personne a besoin de savoir vérifier la monnaie qu’on lui rend lorsqu’elle règle son achat, alors qu’elle n’a pas de machine à calculer, que d’autres clients gens attendent leur tour et que ce calcul vise à obtenir une correction immédiate en cas d’erreur. Il ne suffit pas de savoir soustraire, il faut mobiliser cette capacité et de nombreuses autres pour gérer une situation sociale complexe, en conciliant ses propres intérêts, son amour-propre, la susceptibilité et l’impatience du vendeur, l’attente des autres clients, le souci de ne pas paraître ridicule, l’envie de ne pas être roulé ou victime d’une erreur, le dilemme à gérer si l’on reçoit plus qu’on ne mérite, la difficulté d’interpréter ce que signifierait un rendu insuffisant (erreur involontaire ou intention malhonnête ?) et de savoir que faire… On voit bien que l’opération mathématique de soustraction, dès lors qu’elle est mobilisée dans une transaction sociale, s’articule à d’autres capacités, d’autres connaissances. Si bien qu’apprendre à gérer des dettes (comme créancier ou débiteur) est un apprentissage beaucoup plus large qu’apprendre à soustraire un nombre d’un autre…

Le programme de formation québécois prétend définir des compétences, mais énumère surtout, selon ma définition de ces concepts, des capacités. Je n’ignore pas que la notions de capacité était présente dans les projets antérieurs et qu’elle a été retirée en fonction des critiques. Quel que soit le vocabulaire qu’on adopte, une chose est sûre : le nouveau programme désigne des actions ou opérations très faiblement contextualisées, comme " résoudre des situations-problèmes " (en mathématique) ou " écrire des textes variés " (en français langue d’enseignement). La déclinaison de ces actions ou opérations en plusieurs " composantes " ne précise en aucune manière les contextes !

On peut comprendre ce choix. Les " savoir-agir " les moins contextualisés présentent l’immense avantage de rejoindre les contenus classiques des disciplines et de pouvoir être travaillés et évalués séparément, dans des contextes scolaires stylisés, qui se bornent éventuellement à évoquer des situations de la vie.

Ce n’est pas parce qu’on ajoute quelques éléments de contextualisation que l’on travaille ipso facto la maîtrise d’une situation ! On connaît ces exercices de mathématique qui feignent de reconstituer la vraie vie " Marie va au marché, elle achète douze œufs et un melon et paie 5.50 $ en tout. Sachant que le melon coûte 2.50 $, combien coûte un œuf ? " Ce faux habillage réaliste ne constitue par une situation, mais un décor. Travailler les capacités de la sorte est peut-être plus intéressant que de le faire sur des données désincarnées, mais cela laisse en suspens la question de leur mobilisation face à de réelles situations complexes.

La capacité de soustraire ou de diviser n’est qu’une ressource. Une fois acquise, il reste à savoir la mobiliser pour faire face à d’autres situations qu'une série de soustractions. En effet, les capacités, même si elle sous-tendent des opérations mentales, et semblent du coup plus proches de l’action, ne sont pas plus spontanément mobilisables ou transférables que le concept d’angle droit ou la connaissance du nombre pi. Pour apprendre à mobiliser des capacités, il faut, comme pour les notions et les connaissances, être confronté maintes fois à des situations complexes, non à des exercices mathématiques prenant les allures du concret.

Il me semble que tous les programmes qui se réclament des compétences au niveau des principes font du concept de situation un usage abstrait et rhétorique, avant de proposer des listes de capacités sans contextes identifiables. Ce faisant, un ministère se simplifie la vie, il modernise plus vite les textes, mais il renonce à une véritable approche par compétences, au profit d’un rééquilibrage des programmes en faveur des capacités. Sans doute en va-t-il ainsi parce que l’on ne sait pas encore, en formation générale, se référer à de véritables situations. Sans doute sont-elles trop nombreuses, difficiles à classer, trop marquées idéologiquement.

Or, si les situations s’évanouissent (avec les pratiques sociales) dans l’énoncé des objectifs de formation, il est douteux qu’on les retrouve comme par miracle dans le choix de " contextes d’apprentissage " que font les enseignants.

 

La question des poupées russes

Lorsqu’on se préoccupe de conceptualiser des " savoir-agir " et de les développer à l’école, on se trouve confronté à un problème difficile, celui de la décomposition des opérations et actions décrites. Ainsi, construire un texte écrit, c’est notamment (mais pas exclusivement) formuler des phrases correctes ; c’est donc, notamment (mais pas exclusivement) accorder les sujets et les verbes ; c’est donc, notamment (mais pas exclusivement), maîtriser les marques du singulier et du pluriel ; c’est donc, notamment (mais pas exclusivement), connaître et savoir appliquer des règles d’accord et leurs exceptions ; c’est donc, notamment (mais pas exclusivement)…

En opposant " compétences " et " composantes ", on feint de croire qu’il n’existe que deux niveaux… En fait, on peut toujours considérer une composante comme une compétence et à l’inverse traiter une compétence comme la composante d’une composante plus large. C’est ainsi que " résoudre des problèmes " n’est qu’une ressource pour des actions plus larges, comme réaliser un projet ou conduire une stratégie…

Bref, en masquant l’arbitraire des niveaux taxonomiques, on livre un outil apparemment maniable (compétences, composantes, manifestations), mais dont l’arbitraire se révélera à l’usage.

 

Les compétences transversales

Le livre de Bernard Rey (1996) " Les compétences transversales en question " est cité dans les références du programme de formation québécois, mais que fait-on de la thèse principale de l’auteur, qui doute fortement de l’existence même de compétences transversales ? Du moins si transversales veut dire : traversant toutes les disciplines. Car dans un autre sens, il est évident, Rey le montre, que toutes les compétences sont " transversales " en cela qu’elles relient des situations qui sont différentes, quand bien même elles présentent des ressemblances.

Par exemple, existe-il une compétence comme " résoudre un problème " qui traverserait toutes les disciplines et vaudrait pour tous les problèmes qu’un être humain peut rencontrer ? On peut en douter. Sans doute peut-on dégager quelques guides méthodologiques du problem setting et du problem solving. Ce ne sont que des ressources, des savoirs procéduraux, bien loin de constituer à eux seuls une compétence (ou une capacité) universelle. On peut tenir le même raisonnement pour des compétences telles que " porter un jugement " ou " exploiter de l’information ".

On a certainement le droit de définir des concepts aussi abstraits en se limitant à leurs dimensions logico-mathématiques. Les opérations sémantiques et cognitives sous-jacentes sont-elles les mêmes ? Le jugement ou la capacité d’analyse d’un amateur de golf ne se développe pas de la même façon que celle d’un coach de hockey, d’un critique musical, d’un ingénieur, d’un médecin, d’un juriste ou d’un géologue. Tout simplement parce que l’analyse et le jugement ne sont pas de pures opérations de logique formelle, mais l’intrication, l’imbrication étroite de savoirs spécialisées, d’intuitions, d’analogies et de raisonnements formels.

Parler de compétences transversales n’est peut-être, en fin de compte, qu’une façon de reconnaître et de nommer l’intelligence générale d’un sujet, dont dépend sa capacité de transposer, d’inférer, de comparer, de synthétiser des éléments disparates. Peut-être vise-t-on aussi à mettre en évidence des méthodes et des principes de base dans le traitement des informations, quel qu’en soit le contenu disciplinaire, du type " Mieux vaut poser correctement le problème avant d’essayer de le résoudre " ou " Avant de construire un système de classement, il importe de clarifier ses fonctions " ou encore " Il faut vérifier et recouper des informations sensibles avant de prendre une décision ".

Les véritables compétences et capacités transversales - au sens de commune aux disciplines - ne serait-elles pas liées à la maîtrise de la langue et des codes de communication ? Le paradoxe est qu’à l’école, l’apprentissage de la langue et des codes relève principalement d’une discipline - l’enseignement de la langue officielle -, quand bien même on reconnaît aujourd’hui une certaine contribution des autres…

On peut saluer l’intention transversale et le souci de relier les disciplines. Il n’est pas certain que la notion de compétences transversales, en dépit de sa grande fortune, soit une réponse à la hauteur du problème.

 

Le rapport connaissances-compétences.

Il y de multiples raisons de savoir et de faire savoir. J’en ai énuméré quelques-unes (Perrenoud, 1999 c). Les savoirs scolaires peuvent se justifier comme :

Si l’approche pas compétences prétend, parmi toutes ces raisons de savoir et de faire savoir, ne retenir que la dernière, elle s’expose à de graves désillusions. Non seulement parce qu’elle mobilisera contre elle tous ceux qui, pour des raisons avouables ou moins avouables, défendent à un autre titre l’intégration de certains savoirs aux programmes scolaires. Ceux qui pensent que les compétences tournent le dos aux savoirs ou les instrumentalisent tous trouvent une confirmation de leur crainte dans l’obsession de présenter tout contenu de savoir comme un élément de compétence (Perrenoud, 2000 b)

Au-delà de la tactique, reste le problème de fond. à mon sens, il n’est ni possible ni souhaitable de connecter constamment chaque connaissance et chaque capacité enseignées à l’école des situations complexes susceptibles de les mobiliser. La volonté de le faire pousse à inventer des situations fictives qui enlèvent de la crédibilité à l’approche par compétences.

Les ministères des pays développés semblent passer de programmes qui ne se souciaient guère du transfert et de la mobilisation des connaissances à des programmes traitant toute connaissance comme une ressource pour une compétence identifiable.

Le mieux est en l’espèce l’ennemi du bien. Certes, en fin de compte, tous les savoirs sont censées avoir une pertinence hors de l’école, directement ou comme préparation à d’autres savoirs qui, eux, seront des atouts pour comprendre le monde et agir. Cette vision ne devrait conduire ni à un utilitarisme forcené, ni à des efforts sans espoir pour connecter chaque théorème à une situation précise de la vie quotidienne. Ne serait-ce que parce que les connaissances s’intègrent à des réseaux conceptuels et sont rarement mobilisées isolément. On ne recourt au nombre pi que comme composante du champ de la géométrie du cercle, par exemple. Il est donc absurde de chercher une totale correspondance terme à terme entre, d’une part, des notions et des connaissances isolées, d’autre part des situations complexes.

 

Le sort incertain des autres objectifs

L’école est-elle censée ne développer désormais que des compétences transversales ou disciplinaire ? À lire les nouveaux programmes, on pourrait le craindre. Je ne vois pas pourquoi on présenterait comme des compétences des objectifs de formation qui n’en sont pas, que l’on force abusivement dans ce moule conceptuel pour unifier le vocabulaire. Il me semble impossible d’organiser l’ensemble des objectifs de l’éducation et de l’instruction scolaires à l’aide de la seule notion de compétence, en lui associant éventuellement des ressources. Cette simplification dilue le concept de compétence. Si tous les acquis scolaires sont des compétences, de quoi parle-t-on ?

L’école entend stimuler des développements (intellectuel, sensori-moteur, affectif, relationnel). Or, si ces derniers peuvent être des conditions d’émergence des compétences, il ne sont pas en eux-mêmes des compétences.

À l’école, on vise par ailleurs des apprentissages de divers types : normes, valeurs, goûts, attitudes, identité, culture commune, rapport au monde, au pouvoir, aux institutions, à la nation, à l’ordre social, aux autres, aux savoirs, etc. Tous ces acquis légitimes entretiennent des relations avec les compétences mais ne sont pas des compétences. Les traiter comme telles brouille considérablement les cartes, appauvrit le champ conceptuel et empêche de penser ces relations.

C’est particulièrement vrai pour l’éducation préscolaire : " Affirmer sa personnalité " exige des connaissances, des capacités et des compétences, mais c’est un rapport au monde plus complexe, qui passe par une image et une estime de soi, une volonté de s’affirmer, des attitudes, des valeurs, un projet, une force, une identité. Dans le domaine des langues, on trouve par exemple présentée comme une compétence ce qui me paraît plutôt une attitude et un rapport à la langue : " Démontrer son ouverture à l’univers culturel lié à la langue ".

Certes, il n’est pas simple de nommer les diverses catégories d’acquis visés par l’école et certains sentent le souffre, dès lors qu’il apparaît clairement que le système éducatif véhicule et privilégie une vision du monde parmi d’autres, une conception de la justice, de la beauté, de la raison, de la cohérence, de l’honnêteté, de l’ordre, de l’harmonie, de la citoyenneté.

Le langage des compétences ne devrait pas contribuer à masquer, sous des apparences essentiellement cognitives, des choix idéologiques au demeurant compatibles avec les finalités de l’école. Ainsi " apprécier des œuvres d’art, des produits culturels " n’est pas seulement une compétence, mais une " disposition esthétique ", une initiation à ce qu’une société (ou ses élites) juge beau. L’histoire des arts montre l’arbitraire des normes de chaque époque et de chaque société. Mais l’école n’est pas tenue au relativisme culturel. Longtemps, elle s’est donné ouvertement pour mission de transmettre des valeurs. Dans une époque plus individualiste et pluraliste, cet aspect de ses programmes ne peut être affirmé sans précautions. Toutefois, si une société veut inculquer à travers l’école une forme de morale, d’éthique, d’esthétique, de rationalisme, de patriotisme, il serait préférable que cette intention soit affichée et qu’on en débatte à ciel ouvert, plutôt que de déguiser des attitudes et des valeurs en compétences.

 

L’ambiguïté des domaines d’expérience de vie

L’énoncé des domaines d’expérience de vie dans le " programme des programmes ", est l’une des idées fortes des nouveaux textes. Bien entendu, tout découpage en domaines prête à discussion. Ceux qui ont été retenus donnent une vue sans doute trop personnaliste et harmonieuse des rapports sociaux. Les contestataires de l’ordre du monde n’y trouveront pas leur compte. Toutefois, ces domaines ont le mérite d’exister et d’offrir un contrepoids aux disciplines classiques d’enseignement. Ils devraient être le lieu par excellence d’une référence aux situations de l’existence et aux pratiques sociales, donc le terrain d’entraînement à la mobilisation des acquis.

Leur place dans les pratiques quotidienne reste cependant assez ambiguë. Sans doute ne serait-il pas heureux de donner à ces domaine le statut de disciplines, en leur attribuant une dotation horaire, des moyens, des évaluations spécifiques, voire des professeurs spécialisés au secondaire. Deux problèmes demeurent :

Une réponse à cette objection serait sans doute de dégager des temps extérieurs aux disciplines, propices à des démarches de projet.

On peut se demander si les domaines de vie ne sont, dans cette première ébauche, surtout une façon symbolique de compenser les faibles rapports existant entre les disciplines enseignées à l’école de base et la vie contemporaine.

 

La référence trop rapide au socio-constructivisme

Il me semble regrettable d’assimiler constructivisme et approche par compétences. Certains y voient même une contradiction. Ce serait vrai si les compétences étaient réduites à des objectifs et si toute clarification des objectifs était un signe de soumission totale et non critique au modèle de la pédagogie de maîtrise et à la vision béhavioriste de l’apprentissage.

Il est vrai que l’approche par compétences met l’accent sur le savoir-agir et évoque du coup l’insistance du béhaviorisme sur des comportements observables. Mais c’est un raisonnement simpliste que d’amalgame approche par compétences et retour à Skinner. D’autant que le niveau de complexité de l’action visée par les compétences et son articulation à la pensée du sujet n’a rien à voir avec un dressage à des comportement isolés.

Non, il n’y a pas contradiction, mais confusion : ce n’est pas l’approche par compétences qui justifie le socio-constructivisme, c’est la réalité des processus d’apprentissages. Les compétences se construisent, certes, mais pas davantage que les savoirs (Bassis, 1998 ; Groupe français d’éducation nouvelle, 1996 ; Jonnaert et Vander Borght, 1999).

Que la réforme soit l’occasion de faire avancer la cause du constructivisme, fort bien, mais c’est un enjeu qui la dépasse et aurait mérité des clarifications conceptuelles plus pointues. Jonnaert (2000) se demande si la thèse socio-constructiviste dans les nouveaux programmes d’étude au Québec est un trompe l’œil épistémologique ? À mon sens, c’est un choix cohérent avec l’approche par compétences, mais qui aurait mérité d’en être conceptuellement dissocié et de faire l’objet d’une clarification théorique plus pointue.

 

Le risque d’une hypertrophie prescriptive

Peut-on défendre la professionnalisation du métier d’enseignant et nantir les professeurs de programmes de plusieurs centaines de pages ? Il se peut bien qu’on réponde de la sorte à leur demande. Faut-il y céder ? L’excès d’explicitation rend le lecteur dépendant, le dissuade d’être actif autrement que dans le registre du déni ou de la dérision. Quand tout est dit, que reste-t-il à dire ?

L’hypertrophie prescriptive vient sans doute de l’espoir de contrôler de la sorte les interprétations des lecteurs et donc l’homogénéité du curriculum réel. En mettant les points sur le i, on croit s’assurer que chacun " lira le même texte ". Pure illusion. Il ne suffit pas, par exemple, de décliner " Exploiter l’information " en quatre composantes (se concentrer sur l’information pertinente, organiser l’information, utiliser l’information, évaluer sa démarche), ni d’assortir chacune de " manifestations " (se concentrer sur l’information pertinente = se référer à des sources variées, sélectionner l’information, recueillir l’information, valider l’information recueillie), pour que la représentation de ce processus devienne commune dans l’esprit des professeurs qui lisent ce texte. D’autant que la plupart de ces descriptifs sont frappés d’un " rationalisme schématique " qui pousse à se récrier : mais non, c’est beaucoup plus complexe, moins linéaire, moins logique !

L’art de l’ellipse sied sans doute mieux aux romanciers qu’aux auteurs de programme, mais c’est dommage. Il me paraît qu’on aurait mieux fait d’en dire davantage sur les intentions et d’être moins précis sur les contenus, en se disant :

L’esprit d’un programme compte plus que la lettre. On peut regretter que l’angoisse des auteurs les pousse à en rajouter, au point que les arbres cachent la forêt. Peut-être est-ce aggravé par une culture qui préfère les listes et la codification précise aux grandes envolées " à la française ".

 

Le déni des incertitudes

La critique est aisée… Il est facile de mettre en évidence les points faibles d’un programme aussi ambitieux. S’il fallait avoir des certitudes sur tous les soubassements conceptuels de la réforme, le système éducatif sans doute attendre des décennies encore avant de modifier les programmes.

Peut-on au moins le reconnaître ? Gérer ouvertement la contradiction entre les incertitudes théoriques ou idéologiques et la nécessité d’agir ? Bien sûr, un ministère doit rassurer les parents, l’opinion, les enseignants. Il lui faudrait un extrême courage pour dire qu’il s’engage sur un chemin qui n’est pas entièrement balisé.

En même temps, l’apparence lisse, exhaustive et finie d’un programme suscite des réactions de scepticisme et de rejet chez le lecteur le mieux disposé. Il ne suffit pas de dire le texte " provisoire " ou " expérimental ". C’est la façon de l’écrire qui efface tout doute, toute ouverture.

Peut-être devrait-on inventer une nouvelle façon d’écrire les programmes, articuler l’argumentatif et le prescriptif qui en découle, donner prise sur un raisonnement, expliciter des renoncements, des hésitations, des insatisfactions, présenter comme tels des choix qui se discutent et pourront être contestés et révisés.

 


II. Poursuivre le débat de fond

Aucun programme n’est parfait. Mais il faut un programme. Il existe. Les enseignants ne sont pas " à leur compte " et leur mandat est d’appliquer les textes avec loyauté. La tentation pourrait donc être de considérer que les choses sont jouées, que ceux qui n’adhérent pas au nouveau programme n’ont qu’à s’incliner, comme n’importe quels fonctionnaires ayant à servir la loi en vigueur, démocratiquement votée.

Pourtant, au risque d’inviter les enseignants à une douce schizophrénie, il me semble nécessaire de mettre en œuvre le programme adopté sans cesser de réfléchir aux les finalités de l’éducation scolaire (Perrenoud, 2000 d). Certes, le débat, s’il se poursuit, n’autorise pas à suspendre la mise en œuvre. Mais il peut et doit l’infléchir.

Les étudiants en droit de première année apprennent aujourd’hui que les textes juridiques les plus simples ne valent que si les acteurs les connaissent, y adhèrent et ont de bonnes raisons de les appliquer ou de sanctionner la déviance d’autrui. Il serait temps de prendre conscience du fait que ce phénomène vaut au centuple pour les programmes scolaires. Les véritables auteurs d’un programme scolaire sont ses lecteurs (Perret et Perrenoud, 1990), en particulier les professeurs. De phrases abstraites, issues d’un texte, ils doivent faire des actes d’enseignement et d’évaluation, des moments et des contenus du travail scolaire quotidien. C’est leur part dans ce qu’on appelle la transposition didactique, c’est la source majeure de l’écart en le curriculum prescrit et le curriculum réel.

L’ergonomie, la psychologie et la sociologie du travail, ont mis en évidence l’écart irréductible entre le travail prescrit et le travail réel. L’école n’est en ce sens pas un cas particulier. Les enjeux sont néanmoins différents. Ils dépassent les soucis de productivité et de sécurité. Le travail réel des enseignants est censé mettre en œuvre une politique de l’éducation, des finalités de l’école adoptées de façon démocratique. C’est donc une question d’égalité devant la loi, de mise en œuvre de ce que les parlements ou les gouvernements ont légitimement décidé.

Cela n’impose pas un combat obsessionnel, d’ailleurs perdu d’avance, pour que tous les professeurs enseignent exactement les mêmes contenus et poursuivent exactement les mêmes objectifs. Il est en revanche opportun que les ministères se donnent tous les moyens pour :

Un immense effort est fait sur les deux premiers volets. Ce sont des conditions nécessaires de l’adhésion, mais cette dernière ne se décrète pas. Or, lorsque la réforme va aussi loin et aussi vite qu’au Québec, touche l’ensemble du cursus et toutes les disciplines et modifie aussi sensiblement la conception même de la culture scolaire, elle n’est pas acquise. Il y a même fort à parier que la réforme suscite parmi les enseignants et les cadres scolaires, des attitudes variées, de l’enthousiasme inconditionnel à la résistance militante, en passant par l’adhésion critique, la conformité de surface, la loyauté civique sans conviction, l’indifférence blasée, le scepticisme, le dénigrement ironique, le sabotage cynique.

Nul ministère ne saurait se résigner à ce qu’un programme qui a force de loi soit mis en œuvre par un corps enseignant présentant un aussi large éventail d’attitudes, non pas sur des points de détail, mais sur le principe même d’un changement curriculaire et sur ses orientations majeures. Avant, pendant et après la rédaction des textes, l’enjeu reste donc de convaincre, sachant qu’un programme mis en pratique sans conviction n’aura guère de vertus.

Heureusement, on ne change pas les programmes scolaires tous les deux ans. Si l’on travaille à l’échelle d’une ou plusieurs décennies, prendre quelques années pour informer, convaincre et former de façon intensive est la moindre des choses.

C’est probablement beaucoup plus difficile que de rédiger les textes, car on se heurte aux mille stratégies des acteurs. Ceux qui se dérobent à toute confrontation, n’expriment pas leur opposition et se replient sur leur classe, sachant qu’ils feront ce qu’ils veulent à la faveur de l’opacité des pratiques, sont très difficiles à atteindre. De même que ceux qui entrent publiquement en guerre contre " la politique aberrante du ministère " au nom de la culture et se prennent pour des dissidents intouchables.

Un optimisme raisonnable suggère que de nombreux enseignants sont ouverts au débat. Même s’ils ont des doutes ou se posent des questions, ils sont prêts à s’informer et à discuter avec des collègues, des formateurs, des experts. Du moins durant une phase initiale qui prend fin lorsque chacun, un instant intéressé et déstabilisé, retombe dans ses routines.

De cette phase naissent &endash; ou non &endash; des besoins de formation. Il est inutile de prévoir des programmes de formation substantiels si les professeurs n’en voient pas la nécessité. Il importe donc d’organiser un travail de lecture, d’analyse, de débat, d’inventaire des réticences, des obstacles, des ressources, des compétences en jeu. C’est le rôle des équipes pédagogiques, des établissements et des commissions scolaires autant que du ministère.

La légitimité d’un référentiel de compétences et des offres de formation continue dépendra de ce travail. Les compétences que je vais maintenant esquisser n’auront donc de sens que si les enseignants concernés conviennent du fait qu’elles sont nécessaires et admettent en même temps qu’ils ne les possèdent pas toutes au niveau souhaitable…

 


III. Compétences requises pour mettre en œuvre le programme

Quelles sont les compétences requises pour mettre en œuvre le programme de formation québécois ? Le problème se pose dans tous les pays et il est crucial. Une partie de l’adhésion se joue en effet sur l’impression d’être capable d’enseigner les nouveaux programmes. Si les pratiques requises ne sont pas encore maîtrisée, elles doivent au moins sembler à la portée des enseignants de base, ceux qui ne se droguent pas à l’innovation, à la formation continue, à l’aventure pédagogique.

Le chapitre 3 de " Construire des compétences dès l’école " (Perrenoud, 1997) inventorie les implications de l’approche par compétences pour le métier d’enseignant. Ils doivent être en mesure de :

Ces orientations valent pour la réforme québécoise. Je ne les reprendrai pas toutes. J’insisterai ici sur quelques aspects plus spécifiquement liés au programme de formation québécois, renvoyant à l’ouvrage pour de plus amples développements. On se reportera à un référentiel moins centré sur le curriculum pour avoir une idée plus large des nouvelles compétences des enseignants, celles qu’appellent les réformes et les évolutions spontanées des systèmes éducatifs aussi bien que la professionnalisation du métier d’enseignant et son orientation vers la pratique réflexive (Perrenoud, 1999 a).

Je retiendrai les aspects suivants :

Je n’ai pas, pour les raisons évoquées, retenu l’appropriation du modèle socio-constructiviste de l’apprentissage comme spécifique enjeu de formation. Non pas parce que je le sous-estimerais, ni parce que je jugerais cette appropriation tellement avancée qu’il ne vaudrait pas la peine d’en parler. Mais parce qu’elle dépasse la réforme curriculaire en jeu et n’est pas à mon sens spécifiquement liée à l’approche par compétences.

Forme-t-on encore des enseignants à penser que le savoir se transmet de l’esprit de celui qui sait à l’esprit de celui qui apprend par le miracle de la parole et de la lecture ? Certainement pas en sciences de l’éducation. On peut craindre en revanche que cette vision reste très dominante dans l’université - sinon, elle fonctionnerait autrement - et que le constructivisme ne soit pas aujourd’hui au cœur des représentations des enseignants, en particulier au secondaire.

L’approche par compétences peut mettre ce problème en lumière, elle ne le crée pas et l’effort de formation dans ce domaine devrait être permanent, et non enfermé dans le calendrier d’une réforme particulière du curriculum. Le socio-constructivisme vaut désormais pour tous les programmes !

 

Se mettre en recherche et questionner son propre rapport au savoir

Un professeur ne peut aider ses élèves à construire des compétences sans s’approprier personnellement cette intention et les concepts sous-jacents. Il ne suffit pas de lire le programme et de l’appliquer scrupuleusement. On peut même souhaiter que les professeurs sachent s’en détacher, non par résistance, indifférence ou légèreté, mais pour mieux en respecter l’esprit.

Pour cela, il importe qu’ils travaillent leur propre rapport su savoir, qu’ils " reparcourent " mentalement le chemin par lequel ils ont construit leurs propres compétences, qu’ils se persuadent qu’ils sont certes, comme professeurs, des " savants ", mais aussi des gens capables de mobiliser leurs savoirs dans des situations complexes, à commencer par l’échange didactique.

Dans les programmes orientés vers les compétences, la question importe plus que la réponse. La question est : comment faire pour que les élèves soient capables, sortis de l’école, de réinvestir leurs acquis, d’en faire des ressources pour agir ? Le nouveau programme n’est qu’une réponse partielle et provisoire à cette question. Provisoire, car si l’on savait exactement comment s’y prendre, ce serait déjà fait. Partielle, car il ne faut pas attendre du programme ce qui passe d’abord par un état d’esprit et une conception nouvelle de la culture et du sens de l’école.

Les professionnels ont le choix entre deux attitudes face aux manques, aux ambiguïtés et aux imperfections de toute réforme curriculaire de ce genre :

Adopter la seconde attitude, c’est faire un choix dans le sens de la professionnalisation. Pour assumer ce choix, il faut des connaissances en didactique, en pédagogie, en psychologie cognitive et en sociologie, à propos des pratiques sociales et des situations de référence, notamment dans les domaines d’expérience de vie.

Avant d’appliquer les textes ministériels, la première compétence que les enseignants ont intérêt à développer est de savoir les investir, les critiquer, les enrichir, en prendre et en laisser, en débattre avec les collègues, se mettre en recherche, aborder la question en praticiens réflexifs plutôt qu’en " manœuvres " qui attendent des prescriptions parfaites et définitives.

 

Organiser un apprentissage par problèmes

Seuls les activistes inguérissables agissent pour agir. Même alors, ils doivent " s’inventer " des problèmes ou des projets. Les gens ordinaires &endash; enfants ou adultes - n’apprennent et n’agissent que confrontés à des défis, des attentes, des objectifs à atteindre, des problèmes à résoudre.

L’école met depuis toujours les élèves " à la tâche ", elle leur " propose " des exercices à perte de vue, qu’elle appelle souvent des " problèmes ". Alors, rien de nouveau ? Au contraire, l’approche par compétences propose une forte rupture dans la conception des problèmes à travailler en classe. La réforme invite les enseignants à apprendre à élaborer et animer, d’une part, des situations-problèmes, d’autre part des problèmes ouverts.

En didactique des mathématiques et des sciences, la différence est schématiquement la suivante :

La distinction n’est pas absolue, une situation-problème mobilise toujours des acquis et la mobilisation de ressources pour résoudre un problème ouvert les stabilise, les relie, les nuance, bref les enrichit.

Ce travail par problèmes n’est pas nouveau, il est préconisé par les courants d’école nouvelle et les recherches en didactique des disciplines, il devient une orientation forte dans les formations professionnelles de haut niveau. Le nouveau programme en fait une compétence incontournable de tous les enseignants, dans toutes les disciplines, dès le préscolaire et jusqu’à la fin du secondaire et du collégial !

 

Animer des démarches de projets

La meilleure façon de confronter les élèves à des tâches complexes susceptibles de mobiliser leurs acquis est sans doute de les engager régulièrement dans des démarches de projet. On ne parle pas alors du projet de s'instruire ou de réussir un exercice scolaire, mais d'un projet collectif dont l'enjeu principal est de transformer la réalité de façon volontariste, les apprentissages - qu'il s'agisse de connaissances, de compétences, d'attitudes ou d'identité - constituant en quelque sorte un " bénéfice secondaire ". La démarche de projet, comme les exercices scolaires, s’appuie sur le principe que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. La différence est que les exercices consolident des gestes isolés et ciblés, alors que la démarche de projet s’apparente à une véritable pratique sociale qui obliger à mobiliser des ressources multiple supposées acquises, mais dont la mise en œuvre et en synergie mérite d’être entraînée.

En formation à l’enseignement primaire à l’université de Genève, il existe une unité de formation nommée " Complexité et gestion de projet ", qui vise à initier les étudiants à cette démarche, théoriquement et pratiquement. Les formateurs proposent aux étudiants de considérer qu’une démarche de projet :

Ils leur demandent ensuite de conduire une telle démarche en classe, puis une autre à l’université (pour en savoir plus, consulter le site de cette unité de formation : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teaching/uf762/ufi2.html).

À l’usage, il apparaît que les visées formatrices d’un projet peuvent être diverses et qu’il serait réducteur de les limiter. L’important est de savoir pourquoi on mène des projets en classe, ce qu’on en attend a priori et ce qu’ils ont permis de travailler a posteriori, ce qui est parfois différent.

J’ai tenté (Perrenoud, 1999 d) de distinguer dix fonctions du projet conduit avec les élèves (à distinguer du projet d’établissement) :

  1. Entraîner la mobilisation de savoirs et savoir-faire acquis, construire des compétences.
  2. Donner à voir des pratiques sociales qui accroissent le sens des savoirs et des apprentissages scolaires.
  3. Découvrir de nouveaux savoirs, de nouveaux mondes, dans une perspective de sensibilisation ou de " motivation ".
  4. Placer devant des obstacles qui ne peuvent être surmontés qu’au prix de nouveaux apprentissages, à mener hors du projet.
  5. Provoquer de nouveaux apprentissages dans le cadre même du projet.
  6. Permettre d’identifier des acquis et des manques dans une perspective d’autoévaluation et d’évaluation-bilan.
  7. Développer la coopération et l’intelligence collective.
  8. Aider chaque élève à prendre confiance en soi, renforcer l’identité personnelle et collective à travers une forme d’empowerment, de prise d’un pouvoir d’acteur.
  9. Développer l’autonomie et la capacité de faire des choix et de les négocier.
  10. Former à la conception et à la conduite de projets.

On voit que le développement de compétences n’est pas la seule raison de conduire des projets avec les élèves, mais qu’elle suffit à elle seule à inviter tous les enseignants à s’y préparer. Les autres raisons ne me semblent d’ailleurs pas étrangères aux intentions du programme des programmes.

À noter qu’on peut considérer une recherche comme un projet d’un genre particulier, qui vise à produire un savoir partiellement nouveau (au moins pour les acteurs), fondé et transmissible. On fait alors, en quelque sorte, d’une pierre deux coups, en travaillant l’appropriation de savoirs nouveaux et la mobilisation de savoirs mieux installés.

Apprendre à mener une démarche de projet modifie le rôle de l’enseignant, le pousse à donner un plus grand pouvoir de décision et une plus grande responsabilité aux élèves, en devenant le garant, le coordinateur mais aussi l’un des artisans d’une entreprise collective. Faut-il le dire, ce n’est pas seulement une question de compétence ! A cœur de la démarche doit s’opérer une forme de dévolution du projet : s’il n’est pas ou ne devient pas celui des élèves, ou du moins d’une majorité d’entre eux, il n’aura que des vertus limitées, apparentées à cette d’un exercice.

 

Développer d’autres modes d’évaluation

Il n’est pas facile d’évaluer des compétences. Avec J. Tardif (1996) je proposerai de s’inspirer de Wiggins (1989) dans sa vision d’une évaluation authentique. Par exemple :

On mesure le chemin à parcourir pour réaliser en classe une " évaluation authentique ".

 

Prendre les domaines pluridisciplinaires au sérieux

L’une des avancées du nouveau programme est de regrouper les disciplines en un petit nombre de domaines pluridisciplinaires, regroupant par exemple mathématique, sciences et technologies. Mais je ne suis pas certain que l’on soit allé au bout de cette logique. C’est un défi que les enseignants pourraient vouloir relever : intégrer réellement ces disciplines qui apparaissent encore juxtaposées.

Au primaire, ce n’est pas une question de territoire, de grilles horaires, de formations disciplinaires cloisonnées. Reste l’obstacle principal : intégrer les contenus, les articuler autour de situations qui transcendent les disciplines. Il ne s’agit pas de compétences transversales, mais de compétences s’adressant à des situations dont on ne peut faire façon qu’en mobilisant des savoirs et des capacités appartenant à plusieurs disciplines. Bien entendu, sachant le rôle des mathématiques dans les sciences et en technologie, on n’a guère de peine à imaginer une forme d’intégration classique, la science formelle servant tout naturellement à formaliser les relations et les processus que les sciences et les technologies étudient ou contrôlent. Peut-être existe-t-il d’autres liens. Pourquoi, par exemple, ne pas dériver la notion d’infiniment petit ou d’infiniment grand de la physique, plutôt que d’en faire d’emblée des concepts mathématiques ?

Le géographie et l’histoire sont un vieux couple, on associe souvent les disciplines artistiques ou les langues. Ces domaines ne sont donc pas révolutionnaires. Ils invitent à aller au-delà des idées reçues, en prenant appui sur les notions de situation, de compétence et de ressource.

 

Investir les domaines d’expérience de vie

Ces domaines n’existeront en dehors du programme des programme que s’ils sont " honorés " par les enseignants dans les activités quotidiennes qu’ils proposent en classe Cela suppose que les enseignants élargissent leur culture générale, en particulier s’ils ont une forte identité disciplinaire !

L’imagination didactique qu’on leur demande &endash; connecter les disciplines et les domaines d’expérience de vie &endash; exige en effet une forme de familiarité avec ces domaines, sans laquelle les professeurs reviendront aux exemples, aux illustrations, aux exercices, aux problèmes qu’ils connaissent et font partie de l’héritage de la discipline.

Sans développer une " didactique des domaines " aussi pointue et fermée que les didactiques des disciplines, il me semble nécessaire d’échanger des pratiques et d’élaborer des moyens d’enseignement non pas internes aux domaines, mais facilitant les connexions entre les compétences disciplinaires et les domaines.

 

Savoir négocier et improviser

La volonté de développer des compétences appelle un nouveau contrat didactique, un nouveau métier d’élève, une autre répartition du pouvoir dans la classe.

Pour impliquer les élèves dans des recherches, des projets, des problèmes, des débats, il faut que cela ait du sens, les implique, qu’il y ait dévolution, comme disent les didacticiens des mathématiques. Cela ne va pas sans confiance, sans négociation, sans régulations.

Cela me semble l’un des champs de compétences des enseignants à travailler en priorité, car la peur du désordre ou de la négociation est un obstacle majeur à toutes les innovations didactiques.

Cela passe notamment par une formation aux pédagogies coopératives (tendance Freinet ou nord-américaine) et aux pédagogies institutionnelles.

 

Travailler en cycles et en coopération

La création de cycles d’apprentissage pluriannuels est une condition nécessaire du développement de compétences. Je plaide personnellement pour des cycles plus longs. Mais l’idée est la même : on ne peut enfermer la genèse des compétences dans des étapes et des certifications annuelles.

Or, gérer un cycle, c’est à la fois maîtriser une planification plus longue et assurer une cohérence et une continuité dans la prise en charge, qui passent idéalement par un travail d’équipe ou au minimum une coopération, des échanges entre enseignants.

Sortir de l’individualisme est en partie une question de compétence, dans un double registre :

Ce dernier registre ouvre en réalité un niveau de décision inédit, faisant passer les enseignants de la gestion de classe à l’organisation du travail à l’échelle d’un cycle ou d’un cursus (Perrenoud, 2000 e).

 

Différencier et individualiser les parcours

L’approche par compétences ne résout pas par elle-même la question de l’échec scolaire et des inégalités. Elle offre certes des atouts, notamment dans le registre du sens des apprentissages et du travail scolaire. En contrepartie, elle élève le niveau d’exigence.

La réforme curriculaire ne doit donc aucunement désarmer ou mettre en sommeil les stratégies de démocratisation de l’enseignement. La différenciation de l’action pédagogique, l’individualisation des parcours de formation (Perrenoud, 1997 b ; 2000 f) restent à l’ordre du jour, mais adaptées aux nouveaux programmes.

 


Pour ne pas conclure

On ne peut, en si peu de pages, rendre justice à un programme aussi imposant, ni faire le tour des problèmes ouverts. Il faudrait des livres et des colloques pour approfondir les thèmes à peine évoqués ici. Je souhaiterais donc que les propos qui précèdent ne soient pas sortis de leur contexte et ne servent ni à louer, ni à condamner globalement les nouveaux programmes.

On l’aura compris, je défends l’idée qu’il n’y a pas de réforme qui ne soit négociable et négociée. Il importe que ce soit ouvertement, avec des analyses et des arguments échangés à l’échelle des établissements, des commissions scolaires et du système plutôt qu’au gré de marchandages au sommet entre directions syndicales et ministères…

Dans cet esprit, tout réforme complexe ne peut être qu’évolutive. Pointer ses ambiguïtés et ses failles ne devrait pas nourrir un rejet, mais contribuer à poursuivre sa construction.

On ne peut être résolument socio-constructiviste pour les apprentissages des élèves et abandonner ce paradigme dès qu’on parle du changement des organisations et des pratiques en éducation !

 


Références

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