Source et copyright à la fin du texte
Texte d’une intervention au colloque " Repenser les espaces éducatifs ", Lisbonne, Fondation Gulbenkian, 28-30 novembre 2001

 

 

 

 

 

Espaces-temps de formation
et organisation du travail

 

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
2001

 

Sommaire

Une organisation pédagogique immuable ?

Les limites de l’organisation tayloriste du travail scolaire

Repenser méthodiquement les espaces-temps de formation et l’organisation du travail

Références


L’école a son espace propre, protégé des fureurs du monde. On y enseigne et on y apprend. Les autres activités sociales n’y ont pas droit de cité, ou alors seulement " sur invitation " et parce qu’on leur prête des vertus éducatives. Cet espace n’est donc pas clos, mais il prétend maîtriser son ouverture, On y fait du sport, du théâtre, des arts plastiques, de la musique, des travaux manuels, mais c’est pour développer des savoirs, des capacités ou des compétences. Si l’on sort de l’école, pour aller au spectacle, au musée, en excursion, au jardin botanique, dans une ferme ou dans une entreprise, tout se passe comme si l’espace-temps scolaire se dilatait un instant, annexait quelque territoire étranger, parfois à des heures insolites, puis se repliait sur ses frontières et ses horaires habituels.

La police est exclue des écoles, sauf si elles deviennent incapables d’assurer elles-mêmes la sécurité intérieure. Dans les écoles laïques, la religion est tenue en lisière. La politique, les mouvements sociaux, les luttes syndicales doivent rester à l’extérieur. Lorsque les élèves mangent à l’école, voire y dorment, c’est en principe sous le contrôle des éducateurs. Les parents eux-mêmes sont tenus en marge.

Cette fermeture varie selon la taille des écoles, l’âge des élèves, l’architecture scolaire, la culture nationale ou locale. Elle s’est matérialisée longtemps dans des murs, des grilles, des portes surveillées. Certaines écoles ressemblent encore à des forteresses, des casernes, des prisons. Les plus récentes tendent à s’intégrer à l’espace urbain. Certaines écoles alternatives s’installent même dans des appartements ou des maisons d’habitation. Quelle que soit l’architecture, il existe une frontière, visible ou invisible, qui interdit de considérer une école comme un espace public, même si c’est une institution publique. Du moins durant les " heures d’école ", car pour des raisons pratiques ou idéologiques, il arrive que les bâtiments soient mis le soir ou en fin de semaine à la disposition d’associations diverses ou de groupes sportifs ou musicaux.

Ces espaces-temps protégés sont au principe de la forme scolaire (Vincent, 1994 ; Vincent, Lahire et Thin, 1994). Ils ont été voulus pour créer les conditions d’un travail intellectuel serein. Pour le sociologue, l’école n’est pas en dehors de la vie, ni des pratiques sociales. C’est une partie de la vie et une pratique sociale. Mais elle ne se fond pas dans les autres activités, à l’instar de l’hôpital ou d’autres espaces-temps dédiés à des activités spécifiques. Si bien que les acteurs peuvent l’imaginer comme un no man’s land, un sanctuaire, une oasis ou toute autre métaphore qui indiquerait qu’elle est à l’abri de l’agitation et des conflits du " monde ".

Il se peut que les développements technologiques rendent archaïque ce regroupement des maîtres et des élèves dans une " maison d’école " (Magnin, 1983). Peut-être la classe sera-t-elle remplacée par une " communauté virtuelle " (Laferrière, 2000) ou un réseau anonyme. Le " temps des études " (Verret, 1975) survivra-t-il alors aux " espaces éducatifs " ? Peut-être restera-t-il distinct d’autres temps, mais il correspondra de moins en moins à un âge défini de la vie, dans le sens du " life long learning ". On évoquera un jour avec émotion ces époques révolues où une cloche ou une sonnerie appelaient les élèves à se rassembler dans la même pièce pour écouter une leçon.

Les cinquante dernières années nous ont enseigné cependant à ne pas succomber trop vite à la tentation de la pédagogie-fiction. Ni la télévision, ni la vidéo, ni le CD-ROM, ni l’informatique, ni Internet n’ont radicalement altéré la forme scolaire. Peut-être - c’est la thèse des modernistes - en raison d’un conservatisme sans limites de l’école et des enseignants. Peut-être - c’est la thèse des humanistes - parce que rien ne remplace la relation et le face-à-face pédagogiques.

Quelles que soient les raisons d’une faible mutation de la forme scolaire, elles dissuadent de fuir une fois de plus dans l’utopie d’une éducation entièrement repensée en fonction des nouvelles technologies et affranchie par conséquent des temps et des espaces pédagogiques traditionnels.

Plutôt que de rêver d’une éducation non scolaire, je vais donc examiner une question moins futuriste, mais dont les enjeux me paraissent importants du point de vue de la lutte contre l’échec et les inégalités. Étant donnés les espaces-temps globalement attribués à l’école, qu’en fait-elle ? Comment les structure-t-elle dans sa sphère d’autonomie relative ?

Aucune entreprise n’est entièrement libre de structurer à sa guise le temps et l’espace, même à l’intérieur de ses propres murs et dans le cadre des horaires de travail autorisés par la loi. La culture, le droit du travail, les normes de sécurité, les conventions collectives imposent des limites à l’autonomie de structuration interne. Ces limites sont plus fortes dans les organisations qui intègrent des clients, des justiciables, des patients ou des élèves, car alors l’organisation doit gérer deux types de populations, ses salariés et ses " hôtes ", qui, eux, ne lui ont pas liés par un contrat de travail.

L’école ne peut donc structurer ses temps et ses espaces de travail comme bon lui semble. Il ne suffit pas qu’elle respecte les jours de congé et de vacances et s’inscrive dans des plages horaires relativement compatibles avec la vie des familles. Elle ne peut pas, par exemple, décider de façon unilatérale de consacrer une semaine entière à une seule discipline ou de former de nouveaux groupes d’élèves quand cela lui chante. Elle doit au minimum justifier ses choix et faire la preuve qu’ils ne nuisent pas à la santé, à la sécurité, à l’équilibre, à la sociabilité et bien entendu au développement et aux apprentissages des élèves.

Alors qu’une usine peut restructurer brutalement son organisation du travail, souvent à l’insu ou contre l’avis de ses salariés, l’école doit expliquer, négocier, convaincre. Modifier la journée d’école ou le jour de congé en milieu de semaine est une " longue marche ". Souvent le statu quo prévaut, car une minorité active parvient à bloquer tout changement. On comprend donc que l’organisation du travail et la gestion interne des espaces-temps fassent montre de davantage d’inertie dans l’école que dans une entreprise industrielle, une banque ou un grand magasin.

Ne nous cachons pas cependant que cette inertie tient tout autant à l’absence de raisons fortes et précises de changer. Et cette absence s’explique elle-même par le fait que l’organisation du travail, et donc des temps et des espaces de travail, semble, dans l’école, figée depuis plus d’un siècle.


Une organisation pédagogique immuable ?

L’organisation pédagogique est un produit de l’histoire, mais les acteurs d’aujourd’hui semblent l’ignorer. Il leur paraît " naturel " que la scolarité soit, presque partout dans le monde, organisée selon le modèle qui a paru le plus rationnel au XIXe siècle.

Quels sont les traits les plus universels de cette organisation ?

1. Le cursus est découpé en étapes annuelles, chacune ayant son " programme ", soit un ensemble de contenus et/ou d’objectifs à couvrir en une année scolaire.

2. Ces étapes sont censées être parcourues, dans un ordre immuable, par les générations successives.

3. L’année scolaire varie dans son rapport à l’année civile, mais elle a rarement plus de 40 semaines, le reste étant défini comme des " vacances scolaires ", avec une plage plus longue à l’issue de l’année scolaire.

4. Les enfants entrent donc tous, en principe à l’école obligatoire au même âge, suivent le même programme, puis progressent chaque année d’une étape vers la fin du cursus.

5. Il existe des correctifs à la marge, pour les élèves ayant une grande facilité, qu’on " avance " d’un an et pour ceux qui rencontrent de grandes difficultés, qui ont du retard scolaire (un ou deux ans, exceptionnellement davantage), accumulé à la faveur du redoublement d’une ou de plusieurs années de programme. Le redoublement est en principe entraîné par des résultats insuffisants en fin d’année scolaire.

6. Les élèves sont scolarisés dans des établissements de même type dispersés sur le territoire, au gré d’une " carte scolaire " qui établit un lien plus ou moins contraignant entre le domicile des parents et l’établissement fréquenté.

7. Au sein d’un établissement, les élèves qui suivent le même programme forment un ou plusieurs groupes-classes, de composition stable durant l’année scolaire, dont l’effectif varie de 15 à plus de 60 encore aujourd’hui. Dans les établissements de petite taille (ruraux), on réunit dans le même groupe-classe des élèves suivant des programmes différents.

8. Chaque groupe-classe est confiée à un enseignant unique au primaire, puis à un ensemble de professeurs disciplinaires, dont l’un est le " professeur principal ". Si l’espace disponible le permet, chaque groupe-classe dispose de son espace propre, sa " salle de classe ", sorte de territoire stable pour l’année entière. À défaut, le planning lui garantit un espace réservé et protégé pour chaque période de cours.

9. Une partie du cursus est légalement obligatoire, en général 8-9 ans dans les pays développés, soit de 6-7 à 15-16 ans environ.

10. La plupart des systèmes éducatifs proposent d’un à trois ans de scolarité préobligatoire, appartenant à ce qu’on appelle école maternelle, école enfantine ou préscolaire selon les cultures nationales.

11. Il y a partout plusieurs années d’école primaire (de 3 à 7) durant lesquelles l’enseignement est assuré dans toutes les disciplines par un enseignant polyvalent, qu’on appelle souvent instituteur ou professeur d’école.

12. Vers 10-12 ans, les élèves passent dans le " second degré ", dont l’appellation varie, mais qui se caractérise partout par l’intervention successive de professeurs spécialisés dans une ou deux disciplines. Dans certains systèmes, les cursus se différencient en filières ou niveaux, dans d’autres, les classes restent " hétérogènes ".

13. Après 15-16 ans, la scolarité propose, à ceux qui poursuivent leurs études, divers cursus parallèles, plus ou moins longs ou exigeants. Dans les systèmes qui différencient les cursus dès l’entrée au secondaire, les cursus postobligatoires prolongent cette première orientation/sélection.

14. La semaine scolaire est définie par un horaire type, qui prévoit en général 4 ou 5 jours de travail, parfois 6, avec congé les autres jours.

15. L’emploi de ce temps est structuré par une grille horaire qui attribue chaque semaine un temps fixe, à des moments définis, à chaque discipline. Cette structuration est impérative au secondaire, puisqu’elle organise le passage des professeurs spécialisés dans plusieurs classes. Elle est devenue plus indicative au primaire.

Ces éléments, que chacun connaît, soulignent l’incroyable uniformité et la forte stabilité de l’organisation du travail dans le monde scolaire. On insiste en général sur les différences. Elles sont réelles, en particulier entre 10 et 15 ans, selon la structure de l’école moyenne. Qu’elles ne masquent ni l’universalité des principes d’organisation du travail, du temps et des espaces scolaires, ni leur parenté avec les schémas tayloristes de l’organisation du travail industriel, schémas pourtant dépassés ou contestés dans la plupart des secteurs de la production…

Dans le monde des entreprises, on ne trouve pareille uniformité que lorsqu’un groupe impose le même modèle à toutes ses filiales. C’est ainsi qu’on peut trouver dans diverses parties du monde des hôtels, des restaurants ou des magasins qui semblent " coulés dans le même moule ". Or, aucune multinationale n’est garante de la permanence de la forme scolaire, dont la mise en œuvre dépend de pouvoirs locaux, régionaux ou nationaux indépendants les uns des autres. Il existe en revanche des modèles culturels de l’organisation du travail, du temps et de l’espace scolaires, modèles qui traversent les frontières et servent de " prêt-à-organiser ".

L’uniformité peut aussi s’expliquer par des contraintes techniques semblables, celles qui, par exemple, font que les raffineries, les centrales nucléaires, les gares ou les banques se ressemblent, parce qu’elles sont confrontées aux mêmes contraintes, aux mêmes tâches, aux mêmes risques, aux mêmes technologies. Soulignons toutefois que les technologies n’ont guère d’influence sur la standardisation de l’organisation du travail scolaire. Reste la ressemblance des tâches (éduquer, instruire, orienter) et des contraintes (nombre, âge, hétérogénéité des apprenants, temps globalement disponible, par exemple).

Une analyse superficielle pourrait donc laisser croire que n’importe quel être raisonnable, s’il devait organiser à large échelle la scolarisation des enfants et des adolescents d’un pays, réinventerait inévitablement l’actuelle organisation du travail et du cursus. Ce qui suggérerait que le simple bon sens conduit à apporter les mêmes solutions aux mêmes problèmes :

Or, rien de tout cela ne va de soi, l’organisation du travail scolaire résulte de " choix " historiques et a varié au cours des âges, du désordre et de l’extrême hétérogénéité des premières classes au modèle qui s’est imposé au XIXe siècle presque partout (Giolitto, 1983).

Supposons qu’un détour par l’histoire persuade nos contemporains du relatif arbitraire de certaines solutions. Cela suffirait-il à les convaincre de la nécessité de repenser l’organisation du travail, du temps et des espaces scolaires ? Nullement. Admettre qu’on puisse s’y prendre autrement n’est pas en soi une raison de changer. Les Occidentaux ont inventé la fourchette là où les Chinois ont inventé les baguettes. Nul n’est enclin à reconsidérer ce " choix ", quand bien même il aurait admis son relatif arbitraire et accepté l’idée qu’il y a plusieurs façons rationnelles et efficaces de porter les aliments à sa bouche. On ne change que s’il existe une alternative qu’on estime parée d’indéniables avantages. Pour mettre en question l’actuelle organisation du travail, du temps et des espaces scolaires, il faudrait donc montrer qu’elle n’est pas la plus efficace possible, voire qu’elle est carrément contre-productive en regard des objectifs déclarés des systèmes éducatifs contemporains.

La tâche n’est pas facile, pour plusieurs raisons :

En raison de l’absence de toute " culture de l’organisation du travail " ou de sa relative pauvreté conceptuelle dans le monde scolaire, il faut consentir des efforts considérables pour poser le problème et y faire entrer les acteurs, alors qu’ils peuvent se déchirer des heures sur des questions de méthodes ou de contenus. Cela explique en tout cas l’absence, aujourd’hui, de large débat sur ce thème et de " problématisation collective " (Becker, 1966). Il se pourrait même que l’intérêt croissant du monde scolaire pour " l’analyse du travail ", dans la ligne des travaux de Clot (1995, 1999, 2000, 2001) fasse l’impasse sur l’organisation, pour ne s’intéresser qu’aux activités et aux situations, sans percevoir que des dernières ne sont possibles qu’à la faveur d’une organisation particulière du travail, à l’échelle du système éducatif dans son ensemble et de chaque établissement. Alors que l’organisation du travail a, sur le mode essentiellement prescriptif, obsédé les systèmes éducatifs au XIXe siècle, elle n’est plus un concept central dans le débat sur l’école, sauf, justement, à la marge, dans les courants critiques ou les écoles alternatives.

Pour affaiblir cette cécité, il faut avancer quelques raisons de mettre sérieusement en question l’actuelle organisation du travail, du temps et des espaces scolaires. Essayons !


Les limites de l’organisation tayloriste du travail scolaire

Les problèmes que je vais soulever ici ont été pointés depuis longtemps par divers pédagogues et tous les mouvements d’école nouvelle. On peut regretter que cette tradition critique n’ait pas eu recours plus systématiquement à l’idée d’organisation du travail, du temps et des espaces scolaires.

Je structurerai mon propos en six volets, présentés comme autant de transitions possibles et souhaitables d’une logique ancienne à une façon nouvelle de concevoir l’organisation du travail, du temps et des espaces scolaires :

1. Des programmes aux objectifs.

2. Des étapes annuelles aux cycles d’apprentissage pluriannuels.

3. De la classe immuable aux groupes flexibles.

4. Du zapping de la grille horaire aux modules intensifs.

5. Des cloisons disciplinaires aux projets pluridisciplinaires.

6. Des exercices classiques au travail par problèmes et projets.

Certaines de ces transformations sont amorcées dans le cadre d’innovations planifiées, presque toutes ont été au moins expérimentées par des écoles alternatives. L’enjeu est de transformer le système éducatif dans son ensemble.

 

Des programmes aux objectifs

Lorsqu’on poursuit un objectif, il est de bon sens d’établir un plan de travail qui dessine à la fois un itinéraire, un calendrier, des méthodes et des objectifs intermédiaires. L’idée d’une programmation des apprentissages scolaires est d'autant moins absurde qu’ils sont complexes, nombreux et s’étendent sur de nombreuses années.

Le paradoxe de toute planification, c’est qu’elle peut " devenir l’objectif ". Les pays communistes en ont fait la démonstration caricaturale : réaliser le plan quadriennal ou quinquennal devenait l’unique obsession des entreprises. On ne se souciait plus des besoins, des priorités, des circonstances, des obstacles, des évolutions. Il fallait, contre vents et marée, réaliser le plan, même s’il était devenu irréaliste ou inadéquat en regard des finalités, dont il était pourtant censé tirer sa légitimité et son sens.

Cette déliaison menace toutes les bureaucraties, dont l’école fait partie. La planification et la division du travail assignent à chacun une tâche et des échéances. S’il accomplit la tâche en respectant les échéances, un travailleur ou une unité deviennent irréprochables. Ils ont " fait ce qu’ils avaient à faire ". Que le plan ait été mal conçu ou se trouve dépassé par les événements ne relève pas de leur responsabilité. D’ailleurs, ils sont souvent privés de la vue d’ensemble, des informations et des compétences qui leur permettraient de mesurer le décalage entre la tâche qu’on leur assigne et les besoins du système.

Imaginons par exemple qu’un employé d’un centre de documentation pédagogique soit chargé de recenser les publications sur les internats. Si les internats se raréfient et s’il n’y a presque plus de publications nouvelles à leur sujet, l’employé concerné ne mettra pas nécessairement sa mission en question, il attendra qu’on lui donne de nouvelles directives. Ne sachant ni pourquoi il fallait recenser ces publications, ni pour quelle raison leur nombre diminue, il n’aura pas intérêt à demander une autre mission, qui lui donnerait davantage de travail. Si personne ne s’avise qu’il est payé à ne rien faire, peut-être faudra-t-il attendre qu’il prenne sa retraite pour qu’une régulation intervienne.

Mauvaise gestion des ressources humaines ? Sans doute. Mais elle ne fait que pousser à son extrême la forme bureaucratique : chacun fait ce qu’il a à faire, la machine tourne et cela peut durer aussi longtemps qu’il n’y a pas de problème visible. La volonté de réduire les coûts est sans doute un moteur de régulation. Mêmes les administrations publiques et les organisations à but non lucratif n’ont plus les moyens de gaspiller des ressources.

Mais la régulation induit des coûts, parfois élevés :

On hésitera d’autant plus à engager ces coûts qu’il y a divergence sur le diagnostic et incertitude sur la possibilité de réellement mieux faire. C’est le cas au sein des bureaucraties scolaires.

Il est en effet très difficile d’évaluer les bénéfices et les effets pervers de la traduction des objectifs de la scolarité en programmes. Cette structuration du cursus mène à coup sûr une partie des élèves à la maîtrise des savoirs et des compétences visées à l’issue de la scolarité de base. Pour eux, les programmes sont bénéfiques. C’est donc sur la fraction de chaque génération qui n’atteint pas les objectifs qu’il faut se fonder pour estimer la part de responsabilité des programmes standardisés et comparer bénéfices et inconvénients.

Or, dans presque tous les systèmes éducatifs, même les plus actifs dans la démocratisation de l’enseignement, la plupart des acteurs estiment, au moins en privé, qu’il est impossible d’amener tous les élèves à maîtriser tous les objectifs de la scolarité de base dans le même temps ou à un ou deux ans près. On se garde bien toutefois de dire à quel point c’est impossible ! Aucun système ne s’engage explicitement sur le niveau moyen de connaissances et de compétences attendues au sortir de l’enseignement de base, ni sur les disparités tolérables au sein d’une cohorte.

Comment démontrer que les résultats sont en dessous des objectifs si ces derniers sont définis en fonction des résultats ? Une production industrielle, même si elle ne garantit pas le " zéro défaut ", peut s’engager à livrer telle proportion de produits sans aucun défaut, telle autre avec des défauts mineurs et telle proportion résiduelle avec des défauts majeurs. Rien de tel dans les systèmes éducatifs. On ne peut donc comparer les résultats aux visées. Les objectifs de la formation sont formulés dans l’abstrait, pour un élève idéal, sans aucune dimension statistique. Quant aux comparaisons internationales, elles sont délicates et rarement probantes.

Quand bien même on admettrait que le système éducatif puisse mieux faire, on mettra en évidence le manque de moyens ou le nombre excessif d’élèves par classe, plutôt que de s’en prendre au fonctionnement. Si ce dernier est finalement mis en question, il sera difficile de faire la part des multiples facteurs qu interviennent. Les divers groupes d’acteurs se renvoient la balle, les uns accusent la formation des enseignants, d’autres les équipements, la gestion, la pédagogie, l’évaluation, les parents ou " la société de consommation "… Il est fort difficile d’isoler dans cet ensemble l’influence spécifique de la traduction des objectifs en programmes standardisés.

Pour la mettre en question, il faut donc plutôt observer les fonctionnements curriculaires et didactiques et montrer que certains élèves sont assignés à des programmes qui ne peuvent en aucun cas les faire progresser vers les objectifs. Pourquoi ? Parce que ces élèves " perdent leurs temps " dans l’école telle qu’elle est organisée :

Un programme scolaire vise un ensemble défini d’apprentissages, qui constituent des objectifs de formation, en principe les mêmes pour tous. C’est un premier problème, lorsque les mécanismes de formation des groupes-classes et d’orientation/sélection amènent dans un programme des élèves qui ne peuvent espérer en tirer un quelconque profit et dont le seul apprentissage prévisible consistera à renforcer leur sentiment d’indignité culturelle (Bourdieu, 1966).

Un programme scolaire postule que tous ceux qui y entrent et le suivent sont capablea d’accomplir les apprentissages visés au même rythme et selon les mêmes modalités. Il s’adresse donc à des individus différents comme s’ils étaient semblables. Cette fiction est d’autant plus dangereuse que certains élèves sont effectivement capables d’assimiler ce qu’on leur propose selon les méthodes et dans le temps prescrits. Pour eux, la programmation convient. C’est aux extrêmes qu’elle ne convient pas. Or, ces marges peuvent être traitées comme quantités négligeables. Ou on peut estimer que les correctifs en place (avancement d’un degré ou redoublement) sont des réponses suffisantes. L’indifférence aux différences, selon la belle formule de Bourdieu (1966), est un principe extraordinaire d’organisation du travail, un principe à certains égards insensé.

L’école fonctionne comme un hôpital qui donnerait le même traitement à tous les patients atteint de la même pathologie, à quelques exceptions près. L’uniformité est la règle, le traitement différencié une exception coûteuse. On imagine ce que produirait une telle médecine. L’école est probablement la seule organisation qui, ayant affaire à des gens aussi différents, s’applique à ignorer ces différences, à croire qu’un traitement standard suffit.

Nul ne prétend que chaque élève soit différent des autres au point qu’il faille autant d’itinéraires de formation que d’apprenants. Prendre en compte les différences ne revient nullement à créer autant de programmes que d’élèves. Il y a dans le même établissement des élèves qui, dans telle discipline, ont un niveau et des acquis comparables, butent sur les mêmes obstacles, apprennent au même rythme. Rien ne s’oppose à ce qu’ils soient groupés et fassent un " bout de chemin " ensemble. Aussi longtemps que leur relative homogénéité le justifiera, donc pas nécessairement jusqu’à la fin de l’année scolaire, ni pour toutes les disciplines.

L’individualisation des parcours de formation existe de facto, car chaque apprenant trace son propre chemin dans les savoirs, même si tous suivent le même cursus formel. Cette individualisation, l’école ne la maîtrise pas ! C’est pourquoi elle devient une source majeure d’inégalité : les élèves astreints à suivre le même curriculum formel ne font pas les mêmes apprentissages, même si et parce qu’on les traite, durant une année, comme " égaux en droits et en devoirs ". Du coup, les écarts entre eux s’accroissent, l’hétérogénéité réelle augmente au point de devenir irréversible.

Prenons deux enfants de dix ou douze ans ayant fréquenté les mêmes classes dès leur entrée à l’école. L’un lit couramment, l’autre très lentement et laborieusement, mais pas au point de figurer parmi les 5 % qui redoublent. Chacun progresse apparemment du même pas dans le cursus, mais lorsque vient la première sélection, au début du secondaire, on voit bien que cette égalité est une pure fiction. Il est alors trop tard pour rétablir l’égalité de compétence en lecture. Pourtant, tous les enseignants qui auront pris ces élèves en charge entre leur sixième et leur dixième ou douzième année, auront constaté très vite les difficultés en lecture de l’un, la facilité de l’autre. Mais plus l’élève en difficulté progressera dans le cursus, moins ses maîtres auront eu la tâche prioritaire, le temps et les compétences didactiques de lui enseigner à lire. Si bien qu’on est à peu près sûr que s’il ne lit pas couramment à dix ou douze ans, il n’aura pas comblé cette lacune à quinze ou vingt ans, au contraire (Bentolila, 1996). Quant au redoublement, on sait que c’est une pauvre solution (Crahay, 1996).

Pourquoi laisse-t-on " s’installer " des inégalités aussi criantes ? Parce que peu de professeurs &emdash; il y a de notables exceptions &emdash; auront le bon sens, le courage, la présence d’esprit et les moyens pédagogiques de donner aux objectifs finaux la priorité sur le programme annuel. À cet élève qui lit très difficilement, on fera, au fil des années, lire des textes qui lui seront de plus en plus étrangers, on parlera littérature et explication de textes, on demandera de produire des écrits qu’il serait incapable de lire…

L’inégalité des apprentissages scelle alors des orientations inégales et augure de destins sociaux fort contrastés. La reproduction des inégalités sociales et culturelles par le système éducatif n’est plus une découverte (Bourdieu et Passeron, 1970). Cela n’autorise pas à croire qu’elle a fléchi. Les choses n’ont que faiblement changé, la prise de conscience est sans doute plus forte, mais elle n’a pas transformé radicalement le traitement des différences dans l’école. L’antipédagogisme primaire qui tient le haut du pavé dans certains pays tend même à éradiquer les quelques avancées faites dans le sens d’une pédagogie différenciée.

Donc, aujourd’hui comme il y a trente ou cent ans, les écarts s’accroissent au long du cursus, au vu et au su de tout le monde, dans un système éducatif impuissant à apporter à ce problème la seule réponse qui soit à sa mesure : repenser l’organisation du travail dans le sens d’un enseignement stratégique (Tardif, 1992), régi par des objectifs et capable de s’affranchir des programmes dès qu’ils empêchent d’atteindre les objectifs.

Pourquoi les professeurs respectent-ils le programme plutôt que donner la priorité aux objectifs ? Parce que l’organisation du travail est ainsi faite, parce que parcourir le programme annuel est leur contrat, parce qu’on ne leur demande pas de garantir une progression vers les apprentissages visés en fin de cursus. Un professeur est en faute s’il dispense un élève de faire de la grammaire ou de l’algèbre sous prétexte que cela n’a pas de sens pour lui. Alors qu’on ne peut rien lui reprocher s’il ne fait rien pour développer le savoir-lire dès lors qu’il n’est plus au programme !

Les programmes ont évolué, et sont conçus de plus en plus comme " cycliques " ou " spiralaires ", si bien que les mêmes contenus sont retravaillés plusieurs années de suite, ce qui donne en principe aux professeurs une meilleure chance de reprendre les apprentissages là où ils avaient été abandonnés. Même alors, les programmes distinguent des niveaux de maîtrise et de formalisation des mêmes connaissances. Les professeurs n’ont donc pas toute latitude de prendre les élèves tels qu’ils sont. L’aspect spiralaire des programmes les autorise seulement - sans nécessairement les y inciter expressément - à susciter in extremis des apprentissages qui auraient dû " normalement " se faire bien avant.

La vogue de la " pédagogie par objectifs " a reflué, avec ses excès. Il en reste une tendance - heureuse - à associer les programmes à l’énoncé des savoirs à maîtriser en fin d’année. C’est un progrès, en particulier si l’on évite la fragmentation excessive des objectifs et la focalisation de l’évaluation sur des indicateurs comportementaux et des objectifs de bas niveau taxonomique (Hameline, 1979). Toutefois, les objectifs restent annuels, comme les programmes.

Les inconvénients pédagogiques de cette organisation du travail n’ont d’équivalent que ses avantages gestionnaires : attribuant à chaque groupe d’élève un programme et des professeurs chargés de l’enseigner, l’administration a le sentiment de contrôler le travail. Imaginons qu’à l’opposé, on dise aux professeurs réunis dans le même établissement : vous avez tant d’élèves, tels moyens, vous connaissez les objectifs du cursus, vous disposez de tant d’années de scolarisation pour chaque élève : " Faites au mieux ! "

Il ne serait alors prescrit ni groupements particuliers des élèves, ni programmes. Nul ne saurait d’avance qui travaille avec qui, quand et pour faire quoi. Cela ne serait possible que si l’administration et les parents faisaient une confiance immense aux enseignants. Encore faudrait-il que ces derniers s’en jugent dignes et en acceptent le prix, une plus forte responsabilité professionnelle.

Étendre cette responsabilité à l’ensemble du cursus de la scolarité obligatoire n’est sans doute ni possible ni nécessaire. Si la programmation par années scolaires est trop rigide, il est en revanche plausible d’associer des apprentissages définis à des tranches d’âge plus larges, mais encore " raisonnables ". Il arrive qu’un professeur soit confronté à un élève de quinze ans ne maîtrisant pas la lecture ou les principes de base de la numération. Mieux vaudrait qu’une intervention se soit produite en amont plutôt que d’attendre d’un professeur de collège ou lycée la capacité d’encadrer des apprentissages relevant du début de l’école primaire. À l’inverse, il n’est pas vital que les enseignants primaires soient capables d’initier les élèves les plus avancés au calcul des probabilités ou à certaines connaissances chimiques ou biologiques.

Bref, il serait inutilement coûteux de préparer les professeurs à maîtriser au même point toutes les étapes du cursus. On peut leur demander d’avoir en tête, au moins dans leurs grandes lignes, tous les objectifs finaux de la scolarité obligatoire et les grandes étapes intermédiaires, mais sans attendre des compétences didactiques égales pour tous les âges.

Il est en revanche possible et utile de restructurer le cursus en un nombre plus réduit d’étapes plus longues et d’assigner à chacune des objectifs à échéance de deux, trois ou quatre ans, selon la durée de ce qu’on nomme aujourd’hui des " cycles d’apprentissage pluriannuels ".

 

Des étapes annuelles aux cycles d’apprentissage pluriannuels

On l’aura déjà compris, il est vain d’instituer des cycles pluriannuels si c’est pour reconstituer au sein de chacun les marches et les échéances annuelles. L’administration scolaire devrait non seulement éviter de prescrire ce retour à l’ordre ancien, mais décourager activement les enseignants tentés de ne rien changer, par peur de la coopération ou de la complexité.

L’échec relatif des cycles d’apprentissage introduits en France dès 1989 tient sans doute au fait que l’on a cru suffisant d’écrire les objectifs et les programmes cycle par cycle plutôt qu’année par année, sans percevoir les enjeux de la réorganisation du travail des enseignants. Pourtant, les pionniers avaient clairement tracé la voie. Les enseignants de la Maison des Trois Espaces (1993) indiquaient, dans la dénomination même de leur établissement, que la scolarité élémentaire et primaire était désormais structurée en trois espaces seulement plutôt qu’en huit " classes " annuelles. La réforme globale de 1989 n’a pas institué ces espaces avec assez de force, elle a laissé perdurer les marches annuelles et la terminologie qui les désigne en France (petite, moyenne et grande sections de maternelle, cours préparatoire, cours élémentaire 1 et 2, cours moyen 1 et 2). Les anciennes catégories sont restées en vigueur, comme les anciens francs au moment où le nouveau franc disparaît au profit de l’euro…

Ce conservatisme des mentalités ne pouvait être que renforcé par des indications de programmation et des manuels ou moyens didactiques se référant clairement aux étapes annuelles. Le message était clair : les cycles ne sont que des regroupements de marches annuelles, celles-ci ne disparaissent pas, même si elles concourent à l’atteinte d’objectifs dits " de fin de cycle " plutôt qu’à des objectifs " de fin d’année ".

Dès lors que les conséquences pour l’organisation du travail ne sont pas explicitées et que des organisations alternatives ne font l’objet ni de recommandations fortes, ni de formations, qu’arrive-t-il ? Les enseignants se distribuent les élèves, l’un prend les plus jeunes, le second les moyens, le troisième les plus âgés. Chacun les garde un an et les " passe " à son collègue du même cycle.

Cette organisation du travail, très proche de ce qui se passait auparavant, n’est nullement un retour clandestin du refoulé. Elle n’est pas en contradiction avec les textes, elle ne heurte que l’esprit des cycles, qui n’est défendu que par quelques idéalistes. Les enseignants qui travaillent année par année à l’intérieur d’un cycle ne sont pas en infraction, on ne peut rien leur reprocher, formellement, même s’ils vident largement la structure de ses vertus potentielles.

Instituer des objectifs de fin de cycle et en faire la référence majeure est une importante avancée, mais c’est parfois la seule. Pour que la division et l’organisation du travail se transforment, il faut qu’une équipe pédagogique s’en saisisse et aille au-delà de ce que l’institution attend.

La structure le permet, sans toutefois l’imposer. Si c’était une stratégie de changement progressif, on pourrait la trouver habile. C’est plutôt, en France, la conséquence d’une alternance politique intervenue juste après l’introduction des cycles, qui a suscité un flottement durable de l’administration scolaire et de l’encadrement, qui se demandaient si le nouveau ministre, de centre droit, allait accepter ou rejeter cet " héritage " du gouvernement socialiste. Lorsqu’il l’accepta, le mal était fait.

Ce n’est toutefois que la surface des choses. Si les acteurs avaient été convaincus, si la loi d’orientation n’avait fait que légitimer des pratiques assez largement répandues, les textes auraient suffi. On peut avancer l’hypothèse inverse : ces textes étaient en avance sur les pratiques et les mentalités, tant des cadres que des enseignants et des parents. Les textes n’auraient eu la moindre chance de transformer fondamentalement les pratiques qu’au prix d’un effort immense de persuasion, de formation, d’accompagnement des innovations, effort qui n’a pas été fait, ni même envisagé.

L’enlisement d’une idée neuve est assez fréquent dans l’école et les causes en sont multiples. L’une d’elles me paraît être le manque de conceptualisation des changements en termes d’organisation du travail. C’est particulièrement frappant pour les cycles d’apprentissage pluriannuels.

Ce manque naît-il d’un oubli, d’une centration excessive sur le curriculum ou d’une prudence tactique ? La résistance est sans doute plus profonde. L’administration et les enseignants, qui s’opposent sur de nombreux dossiers, se rallient à un slogan non dit mais puissant " Touche pas à l’organisation du travail ! ".

Tentons de comprendre pourquoi à partir d’un exemple. À Genève, à l’issue d’une phase d’exploration menée sur le mode d’une recherche-action à large échelle, dans une trentaine d’écoles primaires volontaires (soit environ une sur huit) regroupant près de 500 enseignants (20 % du corps), le groupe de pilotage de la rénovation, d’entente avec les coordinateurs et les enseignants des 30 écoles, proposait en 1999 de remplacer les 8 degrés annuels de la scolarité élémentaire et primaire par deux cycles de 4 ans, confiés dans chaque école à des équipes pédagogiques différentes, mais unies par un projet d’établissement.

Le groupe de pilotage proposait aussi de laisser chaque équipe libre de s’organiser pour prendre en charge les élèves du cycle, son contrat se bornant à les faire atteindre en quatre ans les objectifs de fin de cycle. Ce qui ne dispensait pas l’administration scolaire, bien au contraire, de proposer des modèles d’organisation du travail et d’offrir des formations, des accompagnements et des ressources.

Les cycles étaient notamment définis de la sorte (Groupe de pilotage, 1998) :

1. Le cycle pluriannuel est défini par une série d’objectifs d’apprentissage que tous les élèves doivent atteindre en fin de cycle. Ces objectifs, qui seront définis en temps utile par l’institution, s’inscrivent explicitement dans la continuité des objectifs de formation (instruction et éducation) de l’école primaire et de la scolarité obligatoire.

2. Les programmes annuels, aussi longtemps qu’ils subsistent, n’ont qu’un statut indicatif. On cesse de s’y référer au fur et à mesure qu’on devient capable de gérer les progressions en fonction des objectifs de fin de cycle et de fin de cursus.

3. Il n’y a plus de référence aux degrés dans les inscriptions, dans le carnet, dans la formation des classes ou des groupes, dans les fichiers et statistiques scolaires, dans l’attribution des enseignants. Un élève appartient officiellement à un cycle, auquel il est intégré en fonction de son âge, même s’il vient d’un autre système scolaire. La référence aux degrés devrait peu à peu disparaître des méthodologies et moyens d’enseignement officiels mis à la disposition des écoles. Elle perd également son sens en ce qui concerne les épreuves communes ou autres évaluations standardisées.

4. La notion de redoublement ne veut plus rien dire, puisqu’il n’y a plus de degrés et qu’on ne peut évidemment redoubler l’ensemble d’un cycle, ni même la dernière année d’un cycle.

5. La durée normale de traversée du cycle par un élève est égale à la durée officielle du cycle : on passe par exemple trois ans dans un cycle de trois ans, ni deux, ni quatre ! Des règles strictes garantissent que les parcours réels des élèves ne s’écartent de cette norme que de façon exceptionnelle, avec des mesures personnalisées, négociées de cas en cas.

6. Durant tout le cycle sont mis en place des dispositifs efficaces de pédagogie différenciée, qui visent à permettre à tous les élèves d’atteindre les objectifs dans le même temps.

7. En fin de cycle, pour les élèves encore loin des maîtrises visées, on prévoit des mesures intensives, prolongées, au début du cycle suivant, par des modules de mise à niveau et de consolidation différenciée. On peut envisager des structures ad hoc de transition entre cycles successifs.

8. L’évaluation se fait sans notes. Elle est critériée et formative. Elle permet de situer régulièrement chaque élève par rapport aux objectifs visés en fin de cycle et en fin de cursus primaire. Des outils d’observation et d’évaluation sont mis à disposition par l’institution. Les parents sont régulièrement informés de la progression de leur enfant, sur la base d’un " cahier d’évaluation " fondé sur diverses sources (autoévaluation, observation, épreuves, entretiens, etc.). Ce cahier est conçu par chaque école sur la base de quelques principes généraux.

En 2000, après diverses péripéties, l’autorité scolaire décida de d’instituer effectivement deux cycles d’apprentissage de quatre ans chacun, assortis d’objectifs de fin de cycle. Mais il fut de moins en moins question d’équipes pédagogiques et de responsabilité collective. Dans la réforme qui s’implante actuellement, chaque enseignant reste titulaire de sa classe, dans laquelle les élèves passent un an. La seule obligation des enseignants est d’assurer un " suivi collégial " des élèves, idée vague qui n’exige aucune coopération forte, notamment lorsqu’elle est interprétée de façon minimaliste : veiller à une certaine continuité des prises en charge annuelles successives et se concerter pour que les transitions se passent bien. C’est mieux, évidemment, qu’une absence de suivi et la rupture de toute continuité entre années scolaires. Mais on est loin d’une responsabilité collective.

Les écoles doivent présenter un " plan de travail annuel " aux contours assez vagues, qui apparaît surtout comme un outil de contrôle des enseignants qui voudraient aller trop loin dans la coopération et la mise en place d’une organisation du travail plus inventive, dans la ligne de ce que les établissements impliqués dans la phase d’exploration ont expérimenté. Il n’est pas explicitement interdit de décloisonner les années successives et de travailler en équipe, mais rien n’est dit, rien n’est fait pour encourager les enseignants à aller dans ce sens. On pourrait même dire que tout est fait pour dissuader le plus grand nombre, en laissant une certaine latitude aux équipes militantes, à leurs risques et périls, comme d’habitude.

Le syndicat des enseignants, qui avait soutenu en 1999 le principe des cycles de 4 ans confiés à des équipes, contre l’avis d’une partie de ses adhérents, paraît divisé quant à cet appauvrissement de la réforme. Certains de ses membres, hostiles aux cycles ou à toute forme de coopération, se réjouissent de n’être obligés qu’à un " suivi collégial " qui n’engage à rien. D’autres, qui fonctionnaient déjà en équipes, se désolent de cette timidité. Faute de consensus, on se rapproche d’un scénario minimaliste " à la française ", les cycles se limitant progressivement à une restructuration du curriculum et à un suivi des élèves de marche annuelle en marche annuelle…

On peut lire ce rétrécissement comme l’expression d’une forme de conservatisme banal, traduisant la simple " peur du changement " du côté des enseignants et la résistance des parents de bons élèves et des partis de droite, qui voient d’un mauvais œil l’introduction de cycles longs et la suppression des notes.

Peut-être est-ce plus complexe. Il apparaît que les forces qui orientent l’avenir de l’école n’osent pas toucher ouvertement à l’organisation du travail scolaire et notamment au degré de coopération requis entre enseignants, donc de responsabilité collective. Elles font même machine arrière dès qu’elles se rendent compte que certaines options, prises pour d’autres raisons, ont de fortes incidences sur l’organisation du travail et suscitent à ce titre de vives résistances. Aucune innovation n’est sans risque. Un nouveau curriculum ménage toujours des surprises, ses incidences sur la relation pédagogique, la dynamique des groupes, les activités didactiques ou l’évaluation sont rarement anticipées dans le détail et peuvent aussi conduire à faire machine arrière le jour où l’on comprend à quoi mène l’innovation.

Pourquoi l’organisation du travail est-elle une " vache sacrée ", que nul n’ose bousculer ? On peut avancer une double hypothèse ;

1. L’organisation du travail est un impensé, un allant de soi, si bien qu’on ne sait pas la (re)penser, on manque de mots, de représentations partagées. Du coup, on ne s’engage pas dans le changement, même progressif, de même que nul ne s’aventure volontiers dans un territoire inexploré, inconnu, donc menaçant.

2. L’adhésion à l’organisation conventionnelle du travail est au cœur de l’identité des enseignants, elle correspond au désir d’être " seul maître à bord ", de régner sans partage sur un espace de travail personnel ; cette organisation du travail est aussi en phase avec les connaissances et les compétences que les professeurs ont acquises en formation et au gré de leur expérience.

Si un système éducatif a la lucidité et le courage de s’attaquer tout de même à l’organisation du travail, par exemple dans le cadre des cycles d’apprentissage pluriannuels, il est d’emblée confronté à un dilemme :

Pourquoi le système éducatif s’interdirait-il de définir une organisation alternative unique, si cela rassure de nombreux enseignants ? Pour deux raisons :

1. C’est loin de rassurer ceux qui veulent de toute façon que rien ne change, par conviction ou parce qu’ils ont l’impression que le moindre changement les mettra en difficulté ou amenuisera leur liberté, leur efficacité ou leur satisfaction.

2. Substituer à l’ancienne une nouvelle organisation du travail, aussi rigide et aussi imposée aux professionnels ne peut être qu’un mince progrès.

On comprendra ce second argument un peu plus concrètement en traitant du groupement des élèves. Mais l’idée de base est assez simple : s’il faut figer et uniformiser l’organisation du travail, les cycles d’apprentissage peuvent produire davantage d’échecs que l’organisation actuelle. En effet, si les enseignants doivent s’inscrire dans des dispositifs complexes pensés sans eux et dûment codifiés, ils ne seront pas en mesure de respecter les principes de base en ajustant leurs modalités. À quoi sert-il en effet d’avoir des échéances éloignées si les parcours de formation ne peuvent être individualisés en fonction des élèves qu’on accueille, faute d’avoir une assez large autonomie de fonctionnement ? En l’état de l’art, il est exclu de concevoir une organisation précise qui serait efficace dans tous les contextes, quels que soient les enseignants et les élèves en présence.

La vertu principale d’une organisation standardisée, peut-être la seule, est de donner à l’administration l’impression que " tout est sous contrôle ". C’est évidemment une illusion, mais l’observation des bureaucraties montre que l’impression de tout contrôler et surtout le fait de pouvoir en faire état publiquement importent plus à l’administration que l’influence réelle qu’elle exerce sur les pratiques.

Ce qui fait alors obstacle, c’est moins la substitution d’une organisation du travail à une autre que le transfert formel et visible d’un pouvoir d’organisation du travail aux équipes pédagogiques. En Belgique, le ministère fonctionne surtout comme une autorité de surveillance, ce sont surtout des associations ou des collectivités locales qui ouvrent et gèrent les écoles. Elles sont qualifiées de " pouvoirs organisateurs ". Cette notion juridique renvoie à un concept sociologique : le pouvoir d’organiser le travail (au sens large). Dans l’école telle qu’elle est constituée, ce pouvoir appartient à l’administration scolaire pour tout ce qui concerne la définition des espaces-temps de formation et la répartition des enseignants et des élèves entre ces espaces.

Ce n’est qu’à l’intérieur de chaque espace-temps que le pouvoir d’organisation du travail est en partie dévolu aux professeurs ou, plus exactement, à chaque professeur individuellement dès qu’il prend en charge son groupe-classe.

Ajoutons que cette autonomie d’organisation à l’intérieur de la classe s’exerce dans les limites, parfois étroites, du prescrit formel - grille horaire, équilibre entre les disciplines, équipements ou matériels autorisées ou imposés, procédures standards d’enseignement et d’évaluation, durée normée des activités - et des attentes tacites des collègues, des responsables, des formateurs, des parents et des élèves…

En matière d’organisation du travail, une fois " refermée la porte de leur classe ", le pouvoir réel des enseignants dépend donc d’au moins deux facteurs :

L’introduction de cycles d’apprentissage pluriannuels à part entière passe par un affaiblissement du degré de prescription. Si l’on veut que les enseignants s’organisent plutôt que d’être organisés d’en haut, il faut élargir leurs pouvoirs.

Cela effraie l’administration. Non pas tant en raison d’un goût maladif du pouvoir que de sa peur de ne plus maîtriser ce qui se passe sur le terrain et de devoir assumer la responsabilité globale de fonctionnements divers, parfois opaques, parfois imprudents ou inefficaces. Sans doute cette peur est-elle la rançon d’un mode de gouvernement bureaucratique, fondé sur les règles et la défiance à l’égard des enseignants.

Il faut dire, en miroir, que ces derniers ne tiennent pas tous à avoir davantage de pouvoir sur l’organisation de leur travail. Cela peut sembler surprenant : qui ne voudrait avoir davantage d’autonomie ? Toutefois, si elle se paie de davantage de responsabilités, sans avantages financiers, ce peut être un marché de dupe.

D’autant que trois facteurs compliquent singulièrement le tableau :

Sans développer dans le détail ces trois aspects, retenons quelques éléments.

1. La formation initiale des enseignants en place ne les a pas préparés à organiser le travail à l’échelle de plus vastes espaces-temps de formation qu’une classe. Organiser le travail de cent élèves de 8 à 12 ans pose des problèmes inédits, même aux praticiens expérimentés qui gèrent une classe " les yeux fermés ". Certaines des décisions prises auparavant par l’administration ou le chef d’établissement sont confiées aux enseignants, qui peuvent vivre cette " délégation de pouvoir " comme un cadeau empoisonné s’ils se sentent incompétents et ne disposent pas des moyens de se former rapidement.

2. Un cycle digne de ce nom suppose une équipe, ce qui exige une forte coopération professionnelle, une volonté et une capacité de concertation permettant une décision collective, ce qui n’est pas fréquent dans un métier d’individualistes (Gather Thurler, 2000 a, 2001).

3. Dans maints secteurs de la production, les entreprises imposent aux salariés une autonomie individuelle ou collective jugée plus fonctionnelle, en particulier lorsque les ingénieurs ou autres responsables ne sont plus capables de prescrire des procédures précises, en raison de la variabilité et de l’évolution croissantes des produits, des matériaux, des attentes des clients, des contextes, des marchés, des conjonctures économiques, des technologies, des modèles de management (Chatzis et al., 1999). Même si une telle autonomie n’est pas, dans l’école, dictée par la recherche du profit, elle pourrait présenter une parenté avec ce qui se passe dans le secteur marchand, sur un point au moins : lorsque l’encadrement ne sait plus que prescrire, il a intérêt à laisser aux salariés la charge psychique et la responsabilité de " se débrouiller " et d’affronter les contradictions (Perrenoud, 2001 c).

On mesure peut-être alors à quel point le remaniement des espaces-temps de formation et la réorganisation du travail sont des enjeux juridiques, syndicaux, économiques, sociologiques, voire politiques, tout autant que techniques (évaluation, pilotage des progressions, groupement des élèves, didactiques, etc.).

L’un des enjeux symboliques et pratiques, c’est " la classe ".

 

De la classe immuable aux groupes flexibles

Il n’est pas impossible de différencier le traitement pédagogique, donc d’individualiser les parcours de formation dans le cadre d’un groupe-classe, si l’on a des objectifs de formation à échéance de deux, trois ou quatre ans. C’est néanmoins un tour de force pour une personne seule, dans un espace unique.

Si l’on confie un cycle à une équipe, la question du groupement des élèves se posera immédiatement. Si l’on constitue des groupes stables, chacun étant pris en charge par l’un des enseignants, on retrouve l’organisation traditionnelle du travail, en particulier si chaque groupe correspond à une classe d’âge. Mais on perd du coup le potentiel de flexibilité du cycle d’apprentissage.

Si l’on veut en tirer parti, il faut accepter l’idée de grouper les élèves de diverses manières, parfois par niveaux, parfois selon leurs besoins, leurs projets ou leur style d’apprentissage. Ces groupements peuvent être plus ou moins éphémères, ce qui implique une redistribution des élèves et des enseignants au gré des nécessités.

Travailler avec des groupes flexibles pose de nombreux problèmes. Je n’en retiendrai ici que trois, en lien direct avec l’organisation du travail :

Le deuil de la classe

L’organisation du travail n’est jamais une affaire purement rationnelle, ou plus exactement, il faut distinguer la rationalité du management, qui vise à optimiser la production, et celle des acteurs, en quête d’une vie vivable. Toute organisation crée des territoires, des habitudes, des pouvoirs, des zones d’ombre ou d’autonomie, des modes de sociabilité ou de solidarité aussi bien que des solitudes ou des concurrences.

Lorsque l’organisation du travail est remaniée aussi souvent que l’exigent les changements technologiques ou les fluctuations de la conjoncture, les travailleurs " s’habituent ", apprennent à considérer l’organisation du travail comme une variable et à retrouver plus ou moins rapidement, lorsqu’elle change, leurs marques et une certaine sécurité. Certains éprouvent sans doute une satisfaction professionnelle à l’occasion de ces transformations, d’autres en souffrent mais s’en accommodent, faute d’avoir le choix.

L’école est de ce point de vue un monde à part, puisque l’organisation en groupes-classes stables y apparaît presque " immuable ". Son abandon semble à nombre d’enseignants proprement inconcevable. Pour eux, l’école, c’est d’abord leur classe. Le système éducatif est vécu comme une réalité externe. qui peut changer du moment que ses évolutions ne touchent pas à la classe. Cette dernière peut absorber de nouveaux programmes, de nouveaux manuels, de nouvelles formes d’évaluation, une nouvelle grille horaire à condition de continuer à exister comme telle : un groupe d’élèves réunis durant un an autour de son maître au primaire, de ses professeurs au secondaire.

Il n’y a aucune raison de combattre cette formule par principe. L’enjeu actuel est de ne pas en faire l’alpha et l’oméga de toute organisation du travail scolaire, donc de ne la conserver que dans les domaines où elle est la meilleure solution. Il apparaît à cet égard raisonnable :

Tout cela se discute et nul ne devrait affirmer péremptoirement qu’il faut attribuer au travail en groupe-classe au moins trois quarts du temps scolaire ou au contraire le réduire à une réunion hebdomadaire d’une ou deux heures. L’important est que le groupe-classe ne soit pas traité comme un sanctuaire, une institution dont il est interdit de débattre. Sachant que le changement ne peut être que progressif, dans la tête d’abord, dans les pratiques ensuite.

On ne progressera sur ce terrain qu’à la condition d’accepter que les acteurs, enfants comme adultes, sont dans l’école en quête de place et de reconnaissance bien avant d’être en quête de connaissance (Haramein et Perrenoud, 1981). Toute organisation du travail qui ignorerait que les processus cognitifs s’ancrent dans des relations intersubjectives et des investissements émotionnels serait vouée à l’échec. Les résistances inconditionnelles à tout changement tiennent en partie à la dénégation des vrais besoins des personnes, élèves et enseignants. Ce qui empêche de rechercher d’autres manières de les prendre en compte.

Le mythe de la classe et l’attachement des enseignants à cette formule méritent d’être analysés. Ils correspondent certainement à des dimensions assez profondes du métier d’enseignant, de la relation pédagogique, de la recherche de sécurité et de sens, des raisons d’enseigner. S’il est si difficile d’expliciter ces composantes, c’est par excès de rationalisme, par réduction de la pédagogie au cognitif et aux savoirs.

La conception des divers types de groupements

À supposer qu’on entre en matière, on se heurte à des obstacles plus techniques. Travailler dans des groupes diversifiés semble une condition d’individualisation maîtrisée des parcours de formation. Mais ce n’est qu’une condition nécessaire. La multiplicité des groupes et des types de groupes n’a aucun effet magique.

Meirieu (1989) a dressé un panorama très cohérent de ce qu’il appelle les " pédagogies de groupes ". Ces travaux sont maintenant connus, mais n’ont guère suscité de développements récents, la pédagogie différenciée est plutôt en butte aux critiques sans nuances des tenants du savoir et de l’élitisme. Il manque à l’école un investissement collectif et une recherche de grande amplitude sur l’ingénierie de formation et la construction curriculaire, les efforts sont investis massivement dans les didactiques ou la lutte contre la violence, plutôt que dans la conception du travail enseignant. Insistons-y, une ingénierie ne se limite pas à un habile bricolage, elle mobilise des savoirs de référence, des principes de base, souvent des technologies.

Dans l’école, l’organisation du travail reste artisanale, elle ne s’adosse pas à un corpus de concepts et de savoirs déclaratifs ou procéduraux. D’où l’angoisse qui saisit ceux qui veulent faire fonctionner des cycles, qui les conduits à retrouver des formes connues faute d’être capables de construire des alternatives réalistes.

Ceux qui ne se replient pas immédiatement sur le connu ont tendance à construire des systèmes trop complexes, des " usines à gaz " qui absorbent une énergie démesurée sans résultats probants. Autre façon de favoriser le retour au statu quo ante.

Une partie du problème relève de l’imagination didactique, du répertoire de groupements pertinents sur lesquels il conviendrait de jouer, comme un organiste de divers registres. Une autre partie du problème consiste à " faire avec " les ressources disponibles, les locaux et les forces humaines. En tenant compte dans ce dernier cas des préférences, des compétences, des affinités…

La redistribution des acteurs

Lorsqu’on sait de quelles ressources on dispose, ici une gamme de groupements, ayant chacun sa spécificité et sa fonction, il reste à en jouer " habilement ". L’hôpital a construit un mode de répartition des patients entre services spécialisés sur la base de leur pathologie et du type de soins qu’ils requièrent. On ne peut transposer ce modèle à l’école, non seulement parce que l’ignorance n’est pas une maladie, mais surtout parce qu’il serait désastreux d’enfermer durablement les apprenants dans des boîtes fermées.

Dans un service hospitalier, la pathologie de chacun évolue, si possible dans le sens de la guérison qui met fin à l’hospitalisation. Aussi longtemps que le traitement continue, il relève de la même spécialisation, même s’il faut faire la part de cas complexes relevant de plusieurs expertises et d’une coopération entre services, par exemple cardiologie et neurologie, ou médecine interne et psychiatrie. Il en va autrement dans l’école, il faut reconsidérer régulièrement la nature des obstacles et des réponses.

C’est une raison par exemple de ne pas attribuer durablement un élève à un " groupe de niveau ", dont on sait qu’il l’installera, justement, dans ce niveau, alors qu’il importe que tous atteignent les mêmes objectifs, donc le niveau optimal. C’est pourquoi on préférera des " groupes de besoins " aux groupes de niveaux, en se centrant non sur l’ensemble d’une discipline, mais sur un chapitre et des difficultés spécifiques, le groupe disparaissant comme tel lorsque le besoin est comblé. C’est cependant plus facile à dire qu’à faire, car les élèves en difficulté dans une discipline le sont souvent dans ses diverses composantes, ce qui tendrait à les installer durablement dans un niveau faible.

Il faut aussi tenir compte de la multiplicité des disciplines et de la relative indépendance des niveaux et des difficultés d’apprentissage dans les unes et les autres. Au secondaire, dans les écoles moyennes dites " à niveaux ", on a admis depuis longtemps l’idée que l’attribution d’un élève à un niveau se faisait discipline par discipline et pouvait être différente de l’une à l’autre, même si c’est une indépendance limitée. On convient en outre de la nécessité de revoir périodiquement l’attribution d’un élève à un niveau.

Ces caractéristiques se retrouvent dans un cycle d’apprentissage et s’étendent à l’ensemble des modes de travail. Se pose alors la question des critères d’attribution et des procédures et moyens permettant de prendre des décisions de maintien dans un groupe ou de transfert dans un autre. On peut envisager deux approches :

Le premier modèle induit des temps d’orientation institués, le second permet de réorienter continûment les élèves. On peut les combiner. Les deux rencontrent de nombreux obstacles.

Une fois le sort des élèves provisoirement scellé, un autre problème doit être traité : la répartition des enseignants, des espaces et des ressources matérielles entre les divers groupes fonctionnant en parallèle. Cela ne va pas sans dilemmes, ni risques d’injustice, qui touchent également, ce n’est pas la moindre difficulté, au nombre d’élèves dans les divers groupes. Prendre intensivement en charge cinq élèves en grande difficulté, est-ce équivalent à encadrer trente élèves selon la méthode du " plan de travail " ? Pour le savoir, il faudrait comparer et pondérer l’effort mental, les compétences en jeu, le stress, les satisfactions, les heures de préparation, le mode d’implication personnelle, la prise de risque, la souffrance et bien d’autres dimensions encore. Trouver une forme d’équité en composant des grandeurs aussi incomparables n’est pas le plus mince défi. On peut imaginer un scénario bureaucratique, décomposant les tâches et affectant des coefficients à chaque facette, ou un scénario basé sur les régulations au sein d’une équipe qui peut se déclarer satisfaire si tous ont à l’impression que chacun fait " sa juste part ".

On le voit, en passant de la classe immuable à des groupes flexibles et diversifiés, on s’attaque à l’un des fondements de l’école et du métier d’enseignant…

Du zapping de la grille horaire aux modules intensifs

Il faut sans doute revenir à ses racines religieuses, voire monastiques, pour comprendre la structuration du temps scolaire. Peut-être convient-il de distinguer deux composantes :

La plupart des administrations et des entreprises ont un horaire de travail standard, légèrement assoupli par l’introduction de l’horaire libre. Pourquoi l’école n’adopterait-elle pas ce schéma, qui a le mérite de la simplicité et permet une coordination stable avec l’horaire des transports, des restaurants scolaires, et surtout celui des parents et des activités périscolaires ou des garderies ? On ne voit pas quelle vertu il y aurait à commencer l’école à 10 heures le lundi, à 8 le mardi, etc. Le déplacement du jour de congé suscite déjà de nombreux ajustements.

En revanche, une fois les élèves arrivés à l’école, rien n’impose que, chaque semaine ils fassent tous des mathématiques le lundi de 8 à 10 heures, le jeudi de 15 à 16 et le vendredi de 10 à 12 heures, les autres disciplines s’inscrivant dans d’autres plages, aussi immuables, d’une grille horaire valable pour un semestre, voire une année scolaire entière.

On voit bien cependant les avantages, tant gestionnaires que didactiques, d’un tel fonctionnement :

  1. Cela assure entre les disciplines &emdash; du moins sur le papier &emdash; une répartition du temps prévisible et conforme aux prescriptions.
  2. Cela crée une alternance dans les activités, qui favorise des ruptures bienvenues dans de longues journées.
  3. Cela standardise les formats didactiques, donc le type de dispositif et de préparation.
  4. Cela limite le temps d’affrontement entre maîtres et élèves autour de la même tâche, ce qui allège la charge des professeurs dans les classes difficiles.
  5. Au secondaire, cela permet d’organiser des emplois du temps stables pour les professeurs et de régler le ballet qui permet leur succession dans chaque classe.
  6. Cela permet de mener un projet durant des semaines ou des mois, tout au long de l’année scolaire, à raison d’une ou quelques heures par semaine.
  7. Cela ménage des temps de latence, de mûrissement ou de travail personnel entre deux phases du même apprentissage.
  8. Cela affaiblit la tension autour des objectifs et de la régulation des apprentissages, car tout peut en principe être repris, on a l’impression d’avoir des semaines devant soi.
  9. L’expérience de l’échec est moins lourde, car on remet les compteurs à zéro à la fin de chaque période, c’est une nouvelle partie qui commence.

Ces avantages suffisent-ils à justifier sans examen le maintien de ce système ? On peut en douter si l’on envisage les effets pervers de ce zapping permanent :

  1. Perte de mémoire, énergie immense investie pour renouer le fil plusieurs jours plus tard.
  2. Choix exclusif d’activités courtes, telles les tâches scolaires classiques, ce qui convient à certains élèves rapides.
  3. Possibilité pour certains élèves de faire illusion sur un temps court, d’avoir l’air de participer, de masquer leurs difficultés jusqu’au changement d’activité.
  4. Arrêt de l’activité au moment où l’apprenant bute sur de vrais obstacles et où un travail didactique approfondi et individualisé pourrait commencer.
  5. Reprise d’une tâche nouvelle quelques jours plus tard, recommencement du processus d’entrée dans la tâche et nouvelles marche d’approche avant confrontation aux vrais obstacles.
  6. Faibles possibilités de différenciation dans une période de 45 minutes ou même du double.
  7. Obstacle à des activités (recherches, projets) qui demandent une forte tension vers un objectif et souffrent d’être interrompues arbitrairement.

Pour neutraliser ces effets pervers du zapping, j’ai avancé l’hypothèse d’une structuration modulaire du curriculum dans les cycles d’apprentissage à l’école primaire (Perrenoud, 1997). Cette hypothèse, jugée d’abord irréaliste, tant elle rompt avec les habitudes, a été mise à l’épreuve par quelques écoles dans le cadre de la rénovation de l’enseignement à Genève. De premières tentatives ont été décrites (Wandfluh et Perrenoud, 1999).

L’idée générale est assez simple : découper dans le curriculum des objectifs et des contenus qu’il serait pertinent de travailler de façon intensive et attribuer ces apprentissages à un module concentrant un nombre respectable d’heures sur une courte période. Cela ne veut pas dire qu’un module absorbe toutes les heures disponibles. Plusieurs modules peuvent se partager le temps scolaire durant la semaine et coexister avec des activités filées selon une grille horaire classique.

Dans ce nouvel espace-temps de formation, le zapping n’a plus cours, maîtres et élèves ne poursuivent qu’un seul objectif, disposant de tout le temps accordé au module pour l’atteindre, ni plus, ni moins. Un tel module peut par exemple compter trente-six heures réparties sur trois semaines. On y travaille fort différemment, dans un compte à rebours permanent, puisqu’il est impossible de se dire, comme dans une classe, tout en sachant que c’est irréaliste, qu’on finira " un autre jour " ou " la semaine prochaine " ce qu’on n’a pu achever le jour même. Le but est évidemment d’éviter le gaspillage d’énergie, mais aussi de viser une forme de différenciation centrée sur l’atteinte d’objectifs bien définis.

De là à organiser une partie du curriculum sous forme modulaire, il reste du chemin à faire, à la fois du point de vue de l’architecture de l’ensemble, du découpage adéquat du curriculum et des dispositifs didactiques internes aux modules, sans compter l’évaluation. Il apparaît d’ores et déjà qu’il serait absurde de vouloir tout faire en modules intensifs, certains apprentissages bénéficient d’un étalement sur l’année alors que d’autres se font mieux de façon intensive et condensée, comme c’est le cas des langues étrangères.

Mon propos n’était pas ici d’entrer dans le détail d’une architecture modulaire, mais seulement de mettre en évidence une autre caractéristique de l’organisation du travail scolaire qui n’est pas aussi intangible qu’on l’imagine.

 

Des cloisons disciplinaires aux projets pluridisciplinaires

La grille horaire classique partage clairement le temps de travail entre les disciplines. À chacun son dû ! Dans un établissement secondaire, cette répartition est respectée, dans la mesure où chaque discipline est confiée à un professeur spécialisé. Au primaire, la grille est moins contraignante, ce qui amène en général à attribuer aux disciplines principales un temps effectif supérieur à leur dotation formelle, l’inverse étant vrai pour les disciplines artistiques, la musique, les sciences…

Une organisation modulaire rompt avec la grille horaire, mais elle peut, ou non, respecter le découpage en disciplines et l’idée que chacune dispose d’un capital défini d’heures au long de l’année. À l’inverse, on peut maintenir une grille horaire hebdomadaire stable et y introduire des plages attribuées à des thématiques inter ou pluridisciplinaires. Notons seulement que certaines activités pluridisciplinaires, par exemple des démarches de projet ou des recherches, profitent de la forme modulaire, alors qu’elles s’étiolent si on les " réchauffe " chaque semaine pour une heure ou deux.

L’introduction d’activités pluridisciplinaires modifie l’organisation du travail, mais ce n’est alors qu’une conséquence d’options pédagogiques et didactiques. On peut repérer trois raisons d’aller dans ce sens :

1. Former à la pensée pluridisciplinaire comme composante de la pensée complexe et systémique.

2. Développer des compétences qui puisent leurs ressources dans plus d’une discipline.

3. Pratiquer des démarches de projet ou une approche par problèmes qui obligent à franchir les frontières des disciplines.

Mon propos n’est pas ici de débattre dans le détail des raisons d’introduire des activités et/ou des objectifs pluridisciplinaires. Qu’il suffise d’en imaginer les incidences sur l’organisation du travail.

C’est ainsi qu’un collège secondaire pourrait fonctionner tous les matins sur des contenus disciplinaires distincts et une grille horaire stable, en attribuant tous les après-midi à des activités pluridisciplinaires, qu’elles soient filées tout au long du semestre ou groupées de façon intensive. Cette organisation aurait plusieurs conséquences pour les enseignants et leur travail :

On a du mal, dans ce domaine, à distinguer clairement ce qui concerne l’organisation du travail à l’échelle de l’établissement et ce qui change dans les interactions entre maîtres et élèves, ce qu’on pourrait appeler la " micro organisation " du travail. Ce sera encore plus vrai de la nature des activités didactiques.

 

Des exercices classiques au travail par problèmes et projets

La critique des exercices scolaires traditionnels est aussi ancienne que les courants de pédagogie nouvelle. Tâches sans contexte, sans histoire, sans référence à des pratiques sociales, qui ne répondent à aucun besoin, aucun projet, aucun " vrai problème ", les exercices sont suspects de ne convenir qu’aux bons élèves, que ce jeu abstrait n’effraie pas, ou aux élèves moyens que cette forme de travail ennuie, mais rassure.

Travailler par problèmes, situations-problèmes, recherches ou projets permettrait d’échapper aux seuls exercices et d’accroître le sens du travail scolaire. Sans entrer ici dans ce débat, soulignons ses implications pour l’organisation du travail. Elles sont évidentes s’agissant de la micro organisation du travail au sein d’un espace-temps de formation défini. Ni enseignants, ni élèves ne font dans une démarche de recherche ou de projet le même travail que dans une alternance conventionnelle entre cours magistral et exercices. Ni le temps, ni l’espace, ni les outils ne sont utilisés de la même façon, puisque les tâches des uns et des autres sont différentes.

Cela n’affecte pas fatalement l’organisation du travail à l’échelle de l’établissement. Il est rare cependant que les pédagogies actives et constructivistes n’ébranlent pas peu à peu les frontières de la classe et les grilles horaires.


Repenser méthodiquement les espaces-temps
de formation et l’organisation du travail

Les six entrées passées en revue suggèrent que l’organisation du travail et des espaces-temps de formation gagnerait à être reconsidérée de façon explicite, globale, systémique.

La forme scolaire implosera si elle ne parvient pas à rompre avec l’organisation conventionnelle du travail scolaire. Pour s’engager dans cette dissociation, il nous manque un langage, des concepts et la représentation partagée de formes alternatives ou au minimum de pistes de recherche.

Toutefois, disposer d’outils théoriques et méthodologiques plus pointus ne servira à rien si les uns &emdash; les administrateurs scolaires - ne veulent abandonner aucune parcelle de leur pouvoir d’organisation du travail et si les autres &emdash; les enseignants &emdash; se satisfont d’une organisation du travail sur laquelle ils n’ont guère de prise mais avec laquelle ils peuvent prendre des libertés ou qu’ils peuvent dénoncer.

D’où la connexion avec un double enjeu :

Faire exister le problème dans le registre des représentations sociales et fédérer de nombreuses raisons d’ouvrir le débat est une première étape ! Il n’est pas indispensable de faire une brutale " révolution culturelle " Instaurer une " organisation apprenante ", traquer les vrais problèmes et ne pas cloisonner les territoires et les niveaux, tout cela amènera à reconsidérer " naturellement " l’organisation du travail.

Si j’insiste ici sur l’utilité d’une prise de conscience de l’importance de l’organisation du travail dans les changements du système éducatif, je soulignerai en même temps qu’à elle seule, elle peut provoquer un effet de mode aussi contre-productif qu’éphémère. L’essentiel se joue dans le rapport au changement, à la professionnalisation, à la recherche, au pilotage négocié qui prévaut dans le système.

 


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