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Le Laboratoire RIFT a le plaisir de vous inviter à la seconde conférence du cycle « Vulnérabilité(s) et formation : des conceptions et des pratiques inventives ». L’intérêt central de cette thématique est d’articuler deux problématiques, celle de l’innovation en formation, et celle des publics à demandes particulières.

 

La vulnérabilité de l’artisanat-industriel :
Les défis pour l’industrie de la chaussure de luxe entre construction de savoirs et construction identitaire

Par Patrizia Magnoler & Chiara Pachola, Universita degli studi, Macerata
Discutant : Prof. Marc Durand, RIFT, Université de Genève

Mercredi 16 novembre 2016 - 17h30 - Uni Mail - salle R080

La conférence sera suivie d'une verrée amicale.

Résumé

Le travail est aujourd’hui une pratique incertaine et instable. La durée de vie des entreprises est désormais plus courte que celles de leurs employés, et le plein emploi, jadis considéré comme la norme, est de plus décrit comme un objectif désormais inatteignable dans les systèmes industriels. Pour atténuer ces risques, une flexibilité est imposée aux collaborateurs, qui est à l’image de l’adaptabilité demandée à l’organisation. Les lendemains ne sont plus assurés, ni pour les organisations ni pour les employés. Même dans les secteurs de production en pointe, comme c’est le cas de la chaussure de luxe en Italie, il est possible de parler de vulnérabilité, tant les équilibres financiers sont devenus difficiles à atteindre et les techniques de productions, en permanente mises en question. Cette vulnérabilité est particulièrement intéressante à connaître parce qu’elle concerne un travail qui représente une haute valeur ajoutée qui comme tel pourrait sembler garantir, si ce n’est un confort, du moins une certaine sérénité chez les collaborateurs. Or il n’en est rien en raison de divers facteurs, tenant à un phénomène d’hybridation de ce travail qui en fait simultanément un artisanat et une industrie. Comme tel, il génère des problématiques techniques et managériales, qui appellent des solutions originales, notamment dans le domaine de la formation. Les remarquables recherches de P. Magnoler et C. Pacquola, s’intéressent à l’activité des opérateurs en situation de travail et de formation (qui souvent ne font qu’un) ; elles mettent en évidence les solutions qui ont été imaginées « sur la place de travail », et illustrent - plus largement – la manière dont la formation peut contribuer à affronter cette nouvelle forme de vulnérabilité.

Les changements liés à la mondialisation des marchés ont obligé le monde artisanal à s’industrialiser de plus en plus pour répondre aux exigences de production. De sorte que s’est progressivement constituée une forme « d'artisanat industriel » qui a conservé la valeur des « savoir faire » intégrés dans les gestes professionnels des artisans, mais qui gère simultanément les temps et les étapes du travail selon un modèle taylorien. Ces entreprises ont à faire face à des problèmes dont la résolution détermine, pour un grand nombre d'entre elles, leur possibilité de survie sur le marché mondial. Leurs principaux défis à affronter ont trait à la capitalisation des savoirs tacites, à la transmission des compétences à différents niveaux d'expertise, à la reconstruction de l'identité de la société en relation avec le client, et à l'augmentation de l'expertise interne pour faire face aux changements des modes de production.

Ces entreprises doivent revoir leur modèle de formation et leurs stratégies d'intervention sur la place de travail pour transformer le regard des travailleurs sur leurs propres pratiques, ainsi que leur modèle d'organisation afin de faciliter l'explication, la capitalisation et la circulation des savoirs d’expérience. Mais ce n’est pas tout : il faut aussi permettre aux travailleurs un transfert des responsabilités et une disponibilité au partage des savoirs d’expérience, pour augmenter globalement la capacité de réponse collective.

Une expérience de recherche-formation dans le district « Brenta Chaussures » (Italie) a permis d'explorer diverses façons de relever ces défis. La première consiste en un processus de détection, conceptualisation et amélioration des savoirs des experts afin d'accroître les connaissances en interne et de développer de nouvelles stratégies de formation, utiles pour soutenir le changement de génération. La seconde perspective conduit à la validation de l’expérience des travailleurs afin de promouvoir leur mobilité interne et externe à l'entreprise, et de permettre une circulation vertueuse des savoirs dans le district. La troisième perspective se concentre sur un examen de l'organisation du travail pour alimenter une représentation collective et partagée qui conduise à l'amélioration des activités individuelles en relation avec le système de production. La dernière perspective se concentre sur les potentialités d’action dans l'entreprise, destinée à activer la production de nouveaux savoirs dans la résolution de ces problèmes inédits. Le changement de posture de celle de destinataire à celle d’interlocuteur de la clientèle, transforme l'identité même de l'entreprise.

 

1 novembre 2016
  2016