C’est dans un même mouvement que nombre d’Etats occidentaux proclament la démocratie et mettent en place dès le 19^e et tout au long du 20e siècle une instruction publique, bientôt décrétée gratuite, laïque et obligatoire. Ces principes favorisent non sans contradictions la progressive généralisation de l’alphabétisation et de la scolarisation. Au fil des décennies, on assiste ainsi à la construction, consolidation puis diffusion mondiale de la « forme école », transformant l’enfant/le jeune en écolier/étudiant.

Parce qu’elle requiert à la fois l’exercice d’une citoyenneté éclairée et l’adhésion aux nouvelles formes d’administration de la chose publique, la démocratie se veut l’institutrice du peuple. L’Etat se fait enseignant et éducateur: l’instruction, droit du nouveau citoyen, est à la fois condition d’une liberté et instrument de conformisation.

Soucieux de la performance des systèmes éducatifs, l’Etat enseignant renforce la formation des enseignants, hissés au statut de fonctionnaires, tandis que les professionnels de l’éducation se regroupent en associations, aspirant à se faire reconnaître comme interlocuteurs légitimes en matière pédagogique.

Ces mutations sont interrogées à partir de plusieurs entrées.

1. Les enjeux culturels, politiques, religieux, sociaux, économiques et pédagogiques de ces formes d’instruction publique, leurs conditions d’émergence, les obstacles rencontrés par l’expansion de la scolarisation.

2. Les reconfigurations controversées de la « forme école » durant la Modernité et les débats controversés aujourd'hui sur le rôle de l'Etat dans la formation des populations juvéniles.

3. L'émergence puis les restructurations des institutions de formation des enseignants. Ces restructurations se donnent notamment pour ambition la professionnalisation des enseignants moyennant une transformation de leurs cursus de formation et de leurs savoirs de référence.

4. Les modalités de prise en charge réflexive et critique des objectifs de l’Etat éducateur au sein de corps enseignants devenant acteurs de la politique scolaire, leurs modes d’engagement, d’autonomisation et d’émancipation (associations, syndicalisme, militantisme pédagogique) au sein des institutions d’Etat.

• Durand, G., Hofstetter, R., Pasquier, G. (Ed.) (2015). Les bâtisseurs de l'école romande. 150 ans du syndicat des enseignants romands et de l'Educateur. Genève: Georg.
• Hofstetter, R. (1998). Les lumières de la démocratie. Histoire de l'école primaire publique à Genève au 19^e siècle. Berne: Lang/Exploration. Descriptif et commande de l'ouvrage
• Hofstetter, R., Magnin, C., Criblez, L. & Jenzer, C. (Ed.). (1999). Une école pour la démocratie. Naissance et développement de l'école primaire publique en Suisse au 19^e siècle. Berne: Lang/Exploration. Descriptif et commande de l'ouvrage