Carnets de recherche

Discours et pratiques de conservation le long de la frontière finno-russe

Au bénéfice d’un subside de la fondation Schmiedheiny et avec le soutien du pôle GEDT, Ian Florin a effectué un travail de terrain en Europe du Nord durant 4 mois dans le cadre de sa thèse en géographie. Durant cette période, il a été chercheur invité au département de géographie et d’études historiques de l’University of Eastern Finland puis au Barents Institute (Arctic University of Norway).

À partir d’un cas d’étude en Europe du nord, sa recherche propose de mettre en lumière les fondements, le fonctionnement et les effets des corridors écologiques à large échelle. En particulier, il s’intéresse à la gouvernance de ces initiatives, à la manière dont le concept de connectivité écologique définit les problèmes environnementaux en leur sein et à la façon dont elles participent d’un transfert des discours et des pratiques de la conservation de la nature vers des registres proches du marketing.

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 S’inscrivant dans une littérature en géographie environnementale et en Political Ecology, son travail vise à décrire comment les parties prenantes de ce type de projets définissent certains problèmes environnementaux et la manière de les résoudre et surtout à expliquer pourquoi elles le font. Pour se faire, il analyse les motivations idéologiques et stratégiques qui justifient les discours et les pratiques de conservation au sein de ces projets. D’une part, il s’intéresse aux paradigmes de conservation, aux discours scientifiques et aux imaginaires géographiques et sociaux qui justifient les arguments des parties prenantes. D’autre part, il étudie la façon dont les acteurs des projets formulent leurs arguments en fonction d’opportunités, telles que la recherche de fond ou la valorisation de leur travail au niveau national ou international.

Ayant séjourné à Joensuu, Helsinki et Kirkenes, Ian Florin a réalisé une soixantaine d’entretiens avec des acteurs officiellement impliqués dans la Greenbelt of Fennoscandia, ou touchés par le programme (entrepreneurs forestiers, associations de chasseurs…). Complété par un travail de recherche documentaire, ces données permettront de mener à bien sa recherche, basée sur une analyse qualitative de discours et des argumentaires.

Ces entretiens lui ont permis de saisir l’étendue des différents registres discursifs qui motivent et justifient les actions entreprises par les parties prenantes de la Greenbelt of Fennoscandia. Un premier tri des données met principalement en évidence l’importance du discours expert sur la connectivité écologique dans la définition du programme. Ainsi, l’utilisation de la notion apparaît à la fois comme une manière de légitimer scientifiquement certaines pratiques au sein du programme et de promouvoir celles-ci à l’aide d’un concept à la mode et lisible. Plus généralement, ce travail de terrain a permis d’identifier les principaux enjeux discutés dans le programme, quant à la définition des limites du corridor (floues ou rigides), les types d’activités à inclure dans la Greenbelt (strictement conservationnistes ou non) ou encore la nature de la relation qui devrait unir les parties prenantes du programme (contraignante ou découlant d’une vision commune).

Une analyse à chaud permet d’expliquer certaines motivations idéologiques et stratégiques des parties prenantes de la Greenbelt of Fennoscandia. Une première revue des données met en lumière l’importance de certaines conceptions de la nature (hybride, interconnectée) et figures (la colonne vertébrale, l’infrastructure verte) dans les discours des parties prenantes, qui relèvent parfois du biorégionalisme et participent d’un certain naturalisme normatif. En termes stratégiques, certains acteurs saisissent leur participation au programme comme une plus-value dans la recherche de fonds, car elle faciliterait le montage de projet et la reconnaissance par les bailleurs. A l’inverse, d’autres acteurs voient leur inclusion dans le projet comme un prétexte pour des institutions nationales ou internationales participant au programme de s’approprier un travail effectué localement indépendamment de la Greenbelt of Fennoscandia.

Cette période de terrain a été à la fois décisive pour esquisser des réponses aux questions posées en amont du travail empirique, mais également pour faire émerger de nouveaux enjeux qui contribuent à redéfinir certains objectifs de la recherche. Ainsi, les entretiens ont été par exemple l’occasion de renseigner en détails les controverses au sein du programme, mais également de prendre conscience de l’importance de certains mécanismes de financements européens, sous-estimée dans la recherche jusqu’à lors.

4 décembre 2017
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