Publié le 14 mai 2020

 

Les belles histoires de l'UNIGE

 

Que ce soit dans leur vie privée ou au travers de leurs activités professionnelles, les membres de la communauté universitaire multiplient les initiatives qui «changent le monde». Zoom sur la belle histoire de la semaine

 

Mieux prévenir les inondations grâce à la science participative

Lors d’une inondation, les habitantes et les habitants de la région touchée – qu’elles ou ils soient témoins ou victimes de la catastrophe – sont une source d’information précieuse sur le déroulement des faits. Quand les données scientifiques manquent, ces informations deviennent essentielles pour mieux comprendre les processus à l’origine des crues et prévenir les risques grâce à l’implémentation de mesures efficaces.

 

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Dans le cadre de sa thèse de doctorat au Département des sciences de la Terre, Bocar Sy a associé démarche participative et méthodes propres aux sciences «dures» pour reconstituer la chaîne d’événements responsable de trois inondations survenues à Dakar entre 2005 et 2012. Le Sénégal compte en effet peu de stations pluviométriques, la disponibilité des images satellites y est réduite et les cartes d’occupation des sols sont rarement à jour. Sans ces données, il est donc difficile de reconstruire les événements passés. Grâce à une méthode inspirée par les enquêtes policières, Bocar Sy est allé rechercher les informations manquantes, à la source, auprès des populations directement concernées. Après une première phase de recrutement, il a interrogé les participant-es en leur demandant de focaliser leurs souvenirs sur trois graves inondations, en 2005, 2009 et 2012. «Comme certains de ces événements remontent assez loin dans le temps, il a fallu employer une stratégie permettant de raviver au mieux les souvenirs, explique Bocar Sy. Par rapport à d’autres formes d’interrogatoire, la technique que j’ai utilisée a l’avantage de permettre au «témoin» de jouer un rôle actif et de s’exprimer librement sans être influencé ou interrompu par des questions qui pourraient fausser la mémoire. La seule consigne était donc de décrire en détail tous les éléments susceptibles d’être en rapport avec l’inondation.»

 

Un lieu, un son ou une odeur peuvent faire ressurgir des souvenirs

Cette première tâche accomplie, les participant-es ont été de nouveau sollicité-es pour établir une cartographie aussi précise que possible des zones concernées. Les informations obtenues ont ensuite été croisées avec des relevés in situ. «Même si cela n’a pas toujours été facile à organiser compte tenu de l’âge souvent avancé des personnes concernées, il s’agit d’une étape importante car la récupération de la mémoire est facilitée lorsque le contexte de l’événement est reconstitué, note Bocar Sy. Un lieu, un son ou une odeur peuvent faire ressurgir tout d’un coup un élément qui semblait oublié.» L’ensemble de ces données ont ensuite été comparées avec celles fournies par les instruments de télédétection.

Les résultats obtenus montrent que l’approche citoyenne a permis d’identifier une quantité significative de zones inondées qui avaient échappé aux images prises par satellite. Enfin, les témoignages recueillis dans le cadre de l’étude ont mis en évidence un certain nombre de facteurs qui ont joué un rôle aggravant dans la survenue de ces inondations, tels que la remontée de la nappe phréatique, le dysfonctionnement des canalisations, le débordement d'un lac.

«Sur la base de ces éléments, il est possible de reconstituer de manière relativement fidèle la chaîne des événements qui ont conduit à ces catastrophes, ce qui va permettre d’affiner considérablement les différents scénarios qui peuvent être envisagés pour les années à venir, se réjouit Bocar Sy. Mais cette étude, qui peut être répliquée n’importe où dans le monde, a aussi apporté aux citoyennes et aux citoyens impliqués dans ce projet des compétences en matière d’acquisition de données sur les inondations ainsi qu’une meilleure compréhension de ces phénomènes. Ce qui leur permettra de participer plus activement au processus décisionnel et de s’impliquer plus directement dans la gestion des risques inhérents à ce genre de catastrophes.»

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