26 mars 2020

 

Ces quelques jours où l’enseignement universitaire
s’est dématérialisé

 

Avec les équipes de direction, les informaticiennes et informaticiens de l’Université chargés de diffuser les cours sur les plateformes d’enseignement en ligne ont été parmi les premiers mobilisés par la crise du COVID-19. Le témoignage du responsable du e-learning, Patrick Roth

 

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Le dimanche 23 février, Patrick Roth découvre dans sa messagerie l’e-mail d’un professeur de l’Université Bocconi à Milan. Le professeur italien demande de l’aide et souhaite connaître l’infrastructure de diffusion en «live streaming» mise en place à l’UNIGE depuis quelques années. À la lecture de ce message, le responsable du pôle e-learning comprend immédiatement ce qui l’attend: «Il fallait se préparer à une offre de cours exclusivement en ligne, car tout indiquait que la situation en Italie risquait de devenir rapidement la norme pour toutes les universités». Le défi apparaît assez gigantesque.

 

Nous avons été inondés de demandes

La petite équipe du pôle e-learning se jette dans le chaudron, escortée par les techniciens de l’audio-visuel. Premières mesures: augmenter les capacités de Mediaserver, la principale plateforme de diffusion vidéo de cours de l’Université, et le nombre de salles équipées pour l’enregistrement, tout en se mettant en quête d’un système permettant aux enseignants et enseignantes de donner leurs cours hors des bâtiments. L’équipe entend beaucoup parler de la plateforme Zoom, utilisée pour l’enseignement à distance dans le cadre du partenariat avec l’Université Tsinghua en Chine. L’UNIGE fait très rapidement l’acquisition d’une licence pour tous les collaborateurs et collaboratrices, puis l’étend aux étudiants et étudiantes. Le succès est immédiat. Entre le 11 mars – date de l’achat de la licence - et le 25 mars, 5200 personnes se sont enregistrées sur la plateforme et plus de 5600 cours et réunions ont eu lieu.

«Durant cette période, nous avons été inondés de demandes, résume Patrick Roth. D’autant plus que le changement a eu lieu en plusieurs phases. Avant la fermeture des bâtiments le 16 mars, les enseignant-es ont été dans un premier temps invités à enregistrer leurs cours dans les salles équipées. Puis les mesures de confinement ont assez vite rendu cette solution obsolète. Cet échelonnement a pas mal déstabilisé le corps enseignant et il nous a fallu être très présents. Heureusement, nous avons bénéficier de l’aide de collègues de la Formation continue qui ont très rapidement produit des tutoriels pour les différentes solutions proposées.»

 

Absence de panique et capacité d’adaptation

Aujourd’hui, la situation s’est en quelque sorte décentralisée, tout en maintenant la cohésion de l’édifice qui se met en place. De plus en plus d’enseignant-es sont autonomes, et les informaticien-nes reçoivent des demandes plus spécifiques sur l’utilisation des outils.

Selon Patrick Roth, le fait le plus remarquable dans cette migration forcée est l’absence de panique et la capacité d’adaptation dont a fait preuve le corps enseignant dans son ensemble. Certain-es enregistrent leurs cours avec les moyens du bord et les mettent à disposition sur des plateformes comme Switchdrive ou Onedrive, avec des fortunes variables en fonction de leur degré d’expérience, la complexité et la résilience des outils. À ce jeu, les enseignantes et enseignants de la Faculté de théologie, rôdés depuis de nombreuses années à l’enseignement à distance, partent avec un indéniable avantage. On observe aussi beaucoup d’émulation, notamment en Faculté des sciences où des enseignant-es innovent en adaptant les dispositifs à leurs besoins. A l’Unité de technologies de formation et apprentissage (TECFA) de la FPSE, Daniel Schneider a mis en ligne un site wiki intitulé «Enseigner à distance dans l’urgence». Celui-ci rencontre un succès notoire, en fournissant les recettes de base de l’enseignement en ligne.

 

Adapter l'approche pédagogique

Au-delà des aspects technologiques, le défi consiste en effet pour les enseignants à adapter leur approche pédagogique, ce qui demande un investissement conséquent. Le Pôle de soutien à l’enseignement et à l’apprentissage (PSEA) est d’ailleurs en train de mettre en place des mini-formations afin de faciliter le passage au tout électronique.

«Cette situation va donner un élan incroyable à l’innovation pédagogique, estime Patrick Roth. Lorsqu’on sera sorti de la crise et que les auditoires vont à nouveau se remplir, on se rendra compte de l’enrichissement que cela représente pour l’enseignement en général.»

 

Impressions d'étudiantes

Le sentiment d’une transition réussie en un temps record semble également dominer chez les étudiantes et étudiants, au vu des quelques témoignages recueillis par la DIFE. «Les différents cours que je suis ce semestre se déroulent pour l'instant convenablement via Zoom et ce même si ce sont des cours très participatifs et interactifs», relève une étudiante de Master en géographie politique et culturelle. Dans cette optique participative, des chercheurs de l’Institut universitaire de formation des enseignants (IUFE) proposent à leurs étudiants de créer des activités par groupes avec la technologie de leur choix. «Je suis surprise de la rapidité avec laquelle mes profs ont réussi à s’adapter aux nouveaux outils, j’ai pu suivre mes cours cette semaine comme si de rien n’était!», confirme une étudiante en lettres. Seul regret exprimé : l’impossibilité de se rendre dans les salles de lecture de la Bibliothèque, un handicap de taille, surtout dans le domaine des sciences humaines et sociales.