23 avril 2020

 

«Les étudiants ont fait preuve d’une capacité d’adaptation admirable»

 

Comment les enseignant-es ont-ils organisé, ces dernières semaines, leur dispositif d’enseignement à distance? Les témoignages de deux assistant-es de la Faculté de droit, Valentine Delaloye et Jeremy Bacharach

 

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Comment avez-vous vécu les débuts du confinement et la mise en place du dispositif d’enseignement à distance?
Valentine Delaloye
 : Le temps a été suspendu durant quelques jours. Le vendredi 13 mars, juste avant la fermeture de l’Université, nous avions une réunion. Nous suivions en même temps les informations sur nos téléphones portables. Il y avait les conférences de presse du Conseil fédéral, on attendait aussi une décision du Rectorat. Passablement d’incertitudes planaient: comment allions nous enseigner si l’Université fermait? Le semestre allait-il être annulé? Puis, dès le moment où la décision de fermer est tombée, les choses se sont mises en place très rapidement. L’équipe informatique chargée de fournir l’infrastructure d’enseignement à distance a effectué un travail incroyable. Nous avons été opérationnels en quelques jours. Je n’ai jamais eu de pépin technique, cela a fonctionné tout de suite.

Jeremy Bacharach : Pour ma part, j’ai le souvenir d’un changement progressif. On a commencé par enregistrer nos cours sur Mediaserver, ce que nous ne faisions pas auparavant. Puis, du moment où les étudiants n’étaient plus présents sur le campus, il nous a fallu passer à Zoom. Ces changements sont intervenus sur une période de deux semaines et j’ai eu le sentiment d’avoir le temps de me préparer psychologiquement. Des discussions ont eu lieu sur la façon de tirer le meilleur parti de Zoom. Certain-es enseignant-es ont préféré enregistrer leurs cours, tandis que d’autres ont opté pour des sessions en live.

 

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Vous vous êtes donc beaucoup concertés entre enseignant-es durant cette première phase?
V. D. 
: Chaque équipe a mis au point sa manière d’utiliser les outils et de les adapter aux différents formats de cours, en consultant les collègues et les professeurs. Nous avons eu une très bonne interaction au sein de notre Département. Nous nous sommes beaucoup parlé. Celles et ceux qui avaient de meilleures connaissances informatiques en ont fait profiter leurs collègues moins à l’aise. Je crois aussi que tout le monde s’est senti écouté et responsabilisé.

J. B. : Il est vrai que les décisions se sont prises de manière décentralisée, à l’échelon des professeurs, parfois même des assistants qui connaissaient mieux les outils numériques. Dans le cours pour lequel je suis assistant, un étudiant a fait une proposition en vue d’améliorer la façon d’interagir sur Zoom qui s’est avérée être une excellente idée et qui a été mise en œuvre.

Avez-vous pu maintenir des contacts avec vos étudiant-es?
V. D. 
: Ils sont nettement réduits. Nous nous efforçons d’être disponibles le plus possible par mail ou visioconférence, mais cela ne remplace pas le contact direct. Je m’attendais à une avalanche de mails de personnes inquiètes à propos des cours et des examens. Elle n’a pas eu lieu. Les étudiant-es ont fait preuve d’une capacité d’adaptation admirable.

J. B. : Le contact est plus difficile en raison du côté formel qui s’instaure dans les échanges. En temps normal, lorsque des étudiant-es viennent nous voir à la pause ou à la fin du cours, les questions se règlent très vite, en moins d’une minute. A distance, ils doivent envoyer un mail, ce qui prend plus de temps. Un professeur a mis en place une permanence téléphonique, il leur faut alors trouver le courage d’appeler. Ce n’est pas toujours évident pour des étudiants ayant peu confiance en eux ou qui ne sont pas de langue maternelle française.

Comment vivez-vous le confinement en termes d’organisation de travail?
V. D. 
: Au début, on a fait comme tout le monde : au jour le jour. Puis, après quelques semaines de rodage, une certaine flexibilité d’horaire s’est installée. Autant on ne sera pas tous les matins à 8 heures au pied levé devant son ordinateur, autant on travaillera durant le week-end. Nous avons dû effectuer des recherches liées au Covid-19 avec des délais très courts. On s’adapte. C’est naturellement plus facile lorsqu’on n’a pas d’enfants.

Comment est-ce que vous envisagez les examens?
V. D. 
: Notre principale préoccupation est de préserver la légitimité du processus d’évaluation. Il faut pour cela garantir la plus grande égalité de traitement possible et éviter à tous prix de donner le sentiment que les diplômes délivrés cette année auraient moins de valeur. Nous discutons par exemple avec Christian Bovet, notre professeur à la Faculté de droit, sur les moyens d’éviter la tricherie durant les examens oraux en visioconférence.

Qu’est-ce qui va rester de cette période très spéciale en termes d’enseignement?
J. B.
 : Je suis assez sceptique quant à l’éventualité d’un bouleversement et l’arrivée d’un âge d’or de l’enseignement à distance. Je prédis, au contraire, que cette période va mettre en exergue la différence d’expérience entre l’enseignement dans une salle de cours face à des étudiant-es et une connexion via une petite fenêtre sur un écran d’ordinateur. En termes d’enseignement, d’interaction et d’expérience humaine, cela n’a juste rien à voir.

V. D. : Nous serons tous heureux de retrouver une vie sociale normale, c’est sûr ! Les vieilles habitudes vont revenir au galop. Mais ce n’est pas une fatalité. Cette crise devrait aussi nous inciter à réfléchir à une nouvelle manière de travailler, là où l’activité à distance peut s’avérer plus efficace. L’enseignement n’en fait pas partie, mais il y a de nombreuses autres tâches pour lesquelles c’est certainement le cas. Sur le plan professionnel comme privé, nous ne pourrons certainement pas garder toutes les bonnes choses que nous découvrons en ce moment. Mais peut-être simplement quelques-unes, qui permettront de nous rendre meilleurs.

 

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