9 novembre 2022 - Jacques Erard

 

Événements

Ces jeunes responsables d’entreprise qui changent le monde

 

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Comment créer, développer et faire prospérer une entreprise? La Semaine de l’entrepreneuriat, qui se déroule à l’UNIGE du 14 au 19 novembre, a pour vocation de répondre à ces questions. Conférences, tables rondes, ateliers et concours permettront aux étudiant-es, aux entrepreneurs/euses et au public de mieux appréhender l'univers des start-up.

La conférence d’ouverture, le lundi 14, donne la parole à quatre jeunes entrepreneurs/euses qui s’engagent à révolutionner nos modes de vie et à relever les multiples défis de ce début de siècle. Portraits de personnalités qui voient loin.

 

Caecilia Charbonnier

image001-1-J.jpgNée à Genève en 1981, Caecilia Charbonnier peut se targuer d'une belle carrière en tant que joueuse de tennis professionnelle: 4e joueuse suisse, WTA 256 en 1999. À la suite d’une blessure à l’épaule, elle s’intéresse à l’infographie 3D et à la médecine du sport. Elle obtient un Master of Advanced Studies en infographie à l’EPFL en 2006, puis un doctorat en informatique en 2010 à MIRALab (UNIGE). Caecilia Charbonnier fonde alors la société Artanim, un centre spécialisé dans les technologies de capture du mouvement, dont elle est actuellement présidente et directrice de recherche. Décidée à ne pas s’arrêter en si bon chemin, elle participe, en 2016, à la création de Dreamscape Immersive, une compagnie américaine spécialisée dans le divertissement en réalité virtuelle dont elle devient CEO, tout en dirigeant le réseau national Virtual Switzerland. Tout cela, sans pour autant délaisser le monde académique puisqu’elle occupe un poste de privat-docent au Département de radiologie et informatique médicale (Faculté de médecine).

Ses travaux de recherche portent principalement sur l’utilisation de la capture du mouvement dans diverses disciplines, allant de l’animation 3D aux performances en temps réel, en passant par la science du mouvement, l’orthopédie et la médecine du sport. Elle s’intéresse également à la biomécanique articulaire – en particulier la modélisation 3D, l’analyse du mouvement et la simulation des articulations natives ou prosthétiques. Caecilia Charbonnier est lauréate de très nombreux prix dans les domaines de la médecine du sport, de la réalité virtuelle et du cinéma 3D.

À l’heure des débuts – difficiles – du métavers, comment Caecilia Charbonnier voit-elle ces réalisations s’insérer dans ce marché émergent des avatars? Interrogée à ce sujet par ICTJournal, elle estime que son entreprise Dreamscape n'est pas concerné par ce secteur même si certain-es de ses acteurs/trices pourraient s’intéresser aux outils qu’elle développe: «À mes yeux, le concept de métavers correspond avant tout à des mondes virtuels exploitant le Web3, où les utilisateurs sont interconnectés dans une réalité alternative et où il est possible d’accéder à des services, d’acheter des actifs numériques, etc. Même si certaines entreprises comme Meta créent leur propre monde immersif, je crois que nous ne sommes pas près de voir un métavers standardisé et interopérable, avec des univers interconnectés.»

Andy L. Yen

Andy_Yen-J.jpgIl fallait indubitablement être physicien pour appeler son entreprise Proton. Il fallait aussi être particulièrement sensibilisé aux enjeux de la surveillance numérique et du respect des données privées. Après une enfance passée à Taïwan, Andy L. Yen obtient un doctorat en physique des particules à Harvard. Il se destine à une carrière de physicien et gagne Genève pour travailler au CERN, où, en 1989, un certain Tim Berners-Lee, lui aussi physicien, inventait le protocole World Wide Web, afin de faciliter l’échange de connaissance entre chercheurs/euses et entre citoyen-nes.

Durant l'été 2013, la trajectoire d'Andy L. Yen est déviée vers une nouvelle orbite. Grâce au lanceur d’alerte Edward Snowden, il apprend que l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) surveille régulièrement l'activité sur Internet de millions de personnes dans le monde, aidée en cela par les géants des technologies numériques. Une année plus tard, il fonde Proton avec deux collègues, Wei Sun et Jason Stockman, en s’appuyant sur une démarche de crowdfunding. L’entreprise propose un des premiers services d'e-mail chiffrés accessibles au grand public. Depuis, il œuvre à créer des services internet respectueux la vie privée, en misant sur un système de cryptage de bout en bout qui garantit que les données ne peuvent être décodées que par leurs destinataires.  Aujourd’hui, Proton emploie plus de 400 personnes et comptabilise quelque 70 millions d’inscriptions. Outre l'e-mail, l’entreprise offre désormais un service de VPN, d’agenda et de partage de données. Elle est devenue en moins de dix ans très populaire, notamment dans des pays comme l’Ukraine et la Russie. Dans ce dernier pays, son application VPN aurait été téléchargée plus d’un million de fois en mars 2022.

Interviewé en mai dernier par le magazine Time, Andy L. Yen déclarait: «Internet a évolué dans une direction très différente des principes fondateurs qui ont présidé à sa création au CERN. Le fait d’être originaire de Taïwan influence ma vision du monde. La raison pour laquelle j'ai créé Proton, et la raison pour laquelle je suis très profondément engagé dans notre mission, c'est qu'il y a un lien direct entre ce que nous faisons et ce que je considère comme la garantie que la démocratie et la liberté pourront survivre au XXIe siècle.» Dans cette optique, Proton a opté pour un mode de financement basé sur la souscription des utilisateurs-trices, ce qui préserve son indépendance – aucun-e investisseur-euse en capital-risque ne détient de participation dans l’entreprise – et lui a permis d’être rentable et d’engager du personnel très qualifié pour élargir sa gamme de services.

Anna Bory

anna-bory-J.jpgCertain-es n’hésitent pas à l’appeler la Tesla du vélo électrique. En moins de deux ans, l’entreprise Miloo, fondée par Anna Bory avec Daniel van den Berg en janvier 2021, s’est taillé une solide réputation dans l’univers de la mobilité douce. À consulter son CV, on constate qu’Anna Bory ne tient pas en place. Après avoir passé son enfance dans le canton de Vaud et un Bachelor de HEC Lausanne en poche, elle poursuit sa formation aux États-Unis, d’abord à la New York University où elle obtient un Master en communication graphique, puis à la Booth School of Business de l’Université de Chicago. Adepte de la vitesse, passionnée de sports extrêmes, de voiture et de moto, elle file ensuite à Singapour puis en Chine où elle travaille comme directrice du marketing pour la marque Audi. Elle est de retour à Genève en 2019 et se décide enfin à réduire le tempo, après mûre réflexion sur son expérience asiatique.

«En matière d’inspiration la Chine n’a pratiquement pas d’équivalent, confie Anna au magazine PME. Ce qui frappe d’abord dans une ville chinoise, c’est la circulation. De gigantesques bouchons en permanence. À tel point que je me déplaçais systématiquement à vélo, alors que je disposais d’une limousine avec chauffeur. Avec le temps, l’idée de se déplacer autrement qu’en voiture a fini par s’imposer. Un concept qui me tenait de plus en plus à cœur. Je l’évoquais souvent avec Daniel van den Berg, un pote fou de mobilité et de vélo que j’ai rencontré en Chine. Nous ne le savions pas encore, mais, en 2018 déjà, la start-up Miloo venait d’être lancée, avant que nous la créions officiellement en 2020, à Genève. À partir d’un postulat simple: comme plus de 70% des voyages quotidiens que nous effectuons ne dépassent pas 20 kilomètres, nous avons pris le pari que la tendance voiture versus mobilité douce finirait par s’inverser. Et ça marche. Les ventes de trottinettes et de vélos électriques de notre conception ont tout de suite décollé. Un million de chiffre d’affaires en 2021, 5 millions espérés cette année grâce à l’ouverture d’un magasin à Lausanne et d’un autre à Zurich, pourquoi pas 100 millions à l’horizon 2030!»

Le secret de Miloo: avoir compris que le vélo avait changé de statut dans les pays développés. Il n’est plus seulement un accessoire de loisir ou pour enfants. Grâce à l’ajout de l’électricité, il est devenu un moyen de transport adapté aux besoins des pendulaires, avec en ligne de mire une révolution de la mobilité en milieu urbain.

Max Carrel

team_mca-J.jpg«La data au service de la performance énergétique des bâtiments». C’est ainsi que se présente l’entreprise E-nno Switzerland. Cofondée par Max Carrel, cette start-up genevoise collecte les données des installations énergétiques des bâtiments et les centralise afin d’optimiser les flux énergétiques, en s’appuyant sur l’internet des objets. Formé en physique et en mathématiques à l’EPFL, Max Carrel en est persuadé: une utilisation innovante des données peut aider à relever de nombreux défis commerciaux et sociétaux.

«L’immobilier représente 30% des émissions de gaz à effet de serre en Suisse comme dans le reste du monde, explique l’entrepreneur. Un tiers des bâtiments en Suisse peut potentiellement améliorer son empreinte carbone. Mais pour cela, il faut des données à jour pour permettre des rénovations synonymes d’économies d’énergie pérennes.»

Semaine de l'entrepreneuriat 2022
Conférence d'ouverture - Vie d’entrepreneur: de l’idée au succès
Lundi 14 novembre à 17h - Fédération des entreprises romandes (Rue de Saint-Jean 98, 1201 Genève)
Programme complet de la semaine


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