4 décembre 2024 - Victoria Monti

 

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Quand l'ARN messager livre ses secrets

Le 12 décembre, à la suite de la projection du film «The Messenger» qui retrace la découverte des propriétés de l’ARNm, un débat permettra de mieux comprendre les espoirs et controverses que cette molécule suscite.

 

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Illustration 3D d'un ribosome traduisant de l'ARN messager. Image: Ch. Burgstedt


En 2020, avec l’annonce d’un vaccin contre le Covid-19, l’ARN messager (ARNm) fait une entrée fracassante dans l’espace public, suscitant une foule de commentaires pas toujours très mesurés. Cette molécule est pourtant au cœur de la recherche scientifique depuis des décennies. Intermédiaire entre l’ADN et la synthèse des protéines, l’ARNm est en effet fondamental aux mécanismes du vivant. Il recèle aussi un immense potentiel thérapeutique contre des pathologies aussi diversifiées que les cancers, les maladies transmissibles ou certains défauts développementaux. Afin de revenir sur les origines de la recherche scientifique sur l’ARNm, sur les débats qui l’entourent et sur le futur qu’elle propose, l’UNIGE projettera le 12 décembre Le Messager: une histoire de l’ARNm. Le film sera suivi d’une table ronde sur l’avenir des traitements médicaux issus de cette innovation.


L’ARN messager se situe à l’interface entre le code génétique logé dans le noyau cellulaire et les protéines chargées d’exécuter ce programme au bon endroit et au bon moment. «Il s’agit donc d’un élément clé de la régulation de l’expression des gènes, la variable d’ajustement qui donne le signal de la synthèse des protéines, puis qui se dégrade rapidement quand son action n’est plus nécessaire, explique Martine Collart, professeure au Département de microbiologie et médecine moléculaire (Faculté de médecine) et vice-rectrice de l’UNIGE, qui s’intéresse à l’ARNm depuis le tout début de sa carrière scientifique.

Une recherche de longue haleine

Les travaux sur l’ARN messager comme thérapie remontent à plus de trente ans. À l’origine, ils s’inscrivent dans la recherche en oncologie. En effet, c’est le processus d’expression des gènes qui se dérégule lors d’un cancer et agir sur l’ARNm pourrait corriger ce mécanisme. L’intérêt s’élargit rapidement à d’autres pathologies, avec des études menées notamment depuis douze ans par le Pôle de recherche national RNA and Disease, dont font partie plusieurs scientifiques de l’UNIGE. Sommité mondiale du domaine, Adrian Krainer, l’un des experts scientifiques externes de ce réseau national, interviendra lors du débat du 12 décembre. «Il travaille sur les applications thérapeutiques de l’ARNm dans de nombreuses maladies, explique Martine Collart. L’un de ses plus grands succès réside dans la mise au point d’un traitement contre l’amyotrophie spinale – une maladie génétique affectant les muscles – qui a pu sauver des enfants qui, sans cela, auraient été condamnés.»

 

Agir sur la fabrication des protéines

De nombreuses approches thérapeutiques visent à administrer des substances que le corps du patient ou de la patiente est incapable de produire, par exemple l’insuline pour les diabétiques. Or, certaines maladies affectent le mécanisme même de production des protéines. En administrant un petit bout d’ARNm pour corriger ce défaut, l’organisme se trouve à nouveau capable de synthétiser les protéines nécessaires à son bon fonctionnement.

Dans le cas de vaccins, le principe est le suivant: on administre une courte séquence d’ARNm qui lance la synthèse d’une protéine identique à un antigène du pathogène à combattre – la protéine Spike située sur la surface du virus du Covid-19 par exemple, mais cela peut aussi être un antigène tumoral lors d’un traitement contre un cancer. Le système immunitaire adaptatif réagit alors en fabriquant des anticorps. Ainsi stimulé, il gardera la mémoire du pathogène pour construire son immunité à long terme. «Au-delà des vaccins, les possibilités thérapeutiques sont immenses et on commence seulement à les entrevoir, s’enthousiasme Martine Collart. En se basant sur les mécanismes intrinsèques de nos cellules, nous pouvons imaginer mieux cibler les maladies à combattre en amoindrissant les effets sur l’organisme.»

Plusieurs thérapies contre le cancer basées sur l’ARNm sont actuellement en phase d’essais cliniques. «Les premiers résultats sont encourageants, notamment pour les mélanomes, le cancer du pancréas et les glioblastomes, détaille Mikaël Pittet, professeur au Département de pathologie et immunologie (Faculté de médecine) et spécialiste des immunothérapies, qui interviendra aussi dans le débat. Cependant, toutes ces études restent préliminaires. Nous n’en sommes qu’au tout début.»

LE MESSAGER: UNE HISTOIRE DE L’ARNm

Projection suivie d’un débat avec Adrian Krainer, Cold Spring Harbor Laboratory, expert en épissage génétique ARN; Steve Pascolo, Hôpital universitaire de Zurich, immunologiste et première personne à avoir reçu des injections d’ARNm synthétique; Alexandra Calmy, UNIGE, médecin spécialiste des maladies infectieuses; Arnaud Didierlaurent, UNIGE, spécialiste de l'immunologie vaccinale; Mikaël Pittet, UNIGE, spécialiste des immunothérapies contre le cancer.

Jeudi 12 décembre 2024 | de 18h à 20h | Uni Dufour, salle U300


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