Journal n°109

Une étude auprès des jeunes Suisses analyse les enjeux du «vivre ensemble»

Basée sur un échantillon de plus de 40 ooo jeunes, l’enquête la plus complète jamais réalisée à ce jour sur la diversité culturelle révèle les distinctions faites entre les différents enjeux liés à la migration

Qu’ils soient pour ou contre la présence étrangère dans le pays, les jeunes Suisses attendent des communautés immigrées l’adhésion à des principes non négociables, comme l’égalité des genres ou la liberté d’expression. Et cela quelle que soit la position de ces jeunes sur l’échiquier politique. Tel est l’un des résultats d’une enquête réalisée sous l’égide de l’Observatoire économie-langues-formation (ELF) (lire p. 2), qui donne quelques pistes pour renouveler la réflexion sur les politiques d’intégration, notamment en tenant compte des distinctions que font les jeunes gens entre les différents enjeux liés à la diversité culturelle.

L’enquête «Suisse: société multiculturelle» visait, dans sa partie liée à l’interculturalité, à mesurer, d’une part, les compétences interculturelles des jeunes Suisses et, d’autre part, à analyser leurs positionnements face aux manifestations d’altérité culturelle. «Notre enquête ne cherche pas à déterminer si les jeunes Suisses aiment les étrangers ou non, mais à expliquer comment se structurent les enjeux autour de la migration», explique François Grin, directeur de l’Observatoire ELF. Trois catégories d’enjeux ont ainsi pu être définies: la présence (plutôt que l’absence) de communautés étrangères, les normes à caractère civique qui structurent la vie en société et les possibles arrangements ponctuels en faveur des cultures étrangères.

Large consensus social

Si les jeunes portent des jugements souvent très contrastés sur la première et la troisième famille d’enjeux, il existe sur la deuxième un large consensus social qui transcende les régions, les parcours individuels ou les sympathies politiques: les jeunes, dans leur grande majorité, rejettent les manifestations d’altérité qui remettent en cause les normes sociales, politiques et juridiques auxquelles ils tiennent (égalité entre les sexes, censure dans les médias, union entre personnes de même sexe, etc.). Consensus également pour accepter les propositions telles que «les personnes de toute origine doivent pouvoir pratiquer leur religion dans leur vie privée comme elles veulent». Le résultat s’avère au contraire contrasté pour tout ce qui concerne notamment des aménagements ponctuels dans une perspective d’intégration, comme par exemple l’octroi aux écoliers de certains jours fériés en fonction de l’appartenance religieuse. «En résumé, les jeunes demandent que, pour tout ce qui concerne la vie publique, il y ait une démarche qui témoigne clairement d’une volonté de vivre ici», commente François Grin. Une démarche qui passe notamment par l’acquisition de la langue de la région et l’adhésion à certaines normes.

Cibler les groupes à risque

A noter que les items soumis à l’enquête ne visaient pas à effectuer un balayage complet du vivre ensemble. «Toutefois, nos résultats permettent de cibler certains enjeux de la politique d’intégration – ceux où l’attitude face à l’altérité est la plus différenciée – où un travail reste à faire, que ce soit en termes de politique d’information, de familiarisation, etc., explique François Grin. De surcroît, la méthode permet d’identifier des sous-groupes à risques, menacés par des idéologies xénophobes, et de pouvoir proposer des programmes spécifiques.»

multidimension des enjeux

Ainsi, la dernière recommandation de l’enquête pose, comme principe général, de tenir compte de la multidimensionnalité des enjeux de la diversité. «L’électeur se retrouve souvent coincé entre une extrême-droite toxique qui veut nous faire croire que les enjeux de l’immigration sont un tout monolithique qui doit être rejeté en bloc, et une gauche où certains sont visiblement très empruntés dès qu’il faut faire face à ces enjeux sociologiques et aborder sans langue de bois certains aspects parfois conflictuels du rapport à l’altérité», regrette le professeur.

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