Journal n°87

Le chômage des jeunes n’est pas lié au travail des aînés

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Pour lancer le certificat de formation continue «Politiques de l’emploi et des salaires», l’UNIGE accueille Tito Boeri, professeur à l’Université de Bocconi, qui viendra parler de l’emploi chez les jeunes

L’Université de Genève lance une nouvelle formation continue (CAS) en «Politiques de l’emploi et des salaires» qui débutera en avril 2014. Dans ce cadre, le professeur Tito Boeri, professeur d’économie à l’Université Bocconi de Milan, s’exprimera en anglais lors de la conférence d’ouverture sur les liens qui existent entre l’entrée des jeunes sur le marché du travail et l’employabilité des seniors.

«Le marché suisse du travail a connu une flexibilisation qui s’est traduite par un accroissement des emplois atypiques et une diversification des trajectoires individuelles. En plus des facteurs démographiques, cette évolution structurelle pose des défis majeurs», explique Yves Flückiger, directeur scientifique du programme. Le nouveau CAS a pour ambition de présenter l’ensemble de ces enjeux et d’offrir aux futurs participants les moyens d’analyse et d’action pour y faire face. Entretien avec Tito Boeri.

Quels sont les principaux obstacles à l’accès au travail pour les jeunes?

Tito Boeri: Ils sont différents dans chaque pays. Le taux de chômage des jeunes est de 23,5% en Europe et il atteint plus de 50% en Espagne et en Grèce. Le marché du travail est devenu, de manière générale, beaucoup plus compétitif qu’autrefois. Les jeunes n’obtiennent souvent que des places de travail à durée déterminée (CDD). Ils sont les premières victimes des crises économiques. Avec la récession, un certain nombre de personnes perdent leur emploi, et tant que l’activité ne repart pas, la file d’attente s’allonge. Les jeunes, qui par défaut n’ont pas d’emploi, sont au bout de cette file d’attente.

Pourquoi les entreprises ont-elles tendance à favoriser les engagements des 30-50 ans au détriment des plus jeunes?

Certainement à cause des asymétries d’informations entre les deux profils. Les personnes plus expérimentées peuvent mettre en avant leurs expériences passées, et l’embaucheur peut se renseigner auprès d’anciens employeurs pour s’assurer que le candidat corresponde aux besoins de l’entreprise. Cela n’a rien de négligeable surtout lorsque le coût de licenciement est très élevé. Prendre un jeune travailleur en CDI est trop risqué pour les entreprises, qui préfèrent embaucher des personnes qualifiées, surtout en période de crise.

Les jeunes sont de plus en plus formés. Est-ce un atout ou un handicap?

C’est clairement un atout. On voit que la formation est un des facteurs stratégiques pour augmenter la probabilité d’obtenir un emploi. C’est le cas dans tous les pays: le taux de chômage des personnes avec une formation supérieure est plus bas que pour les autres. Ils ont également des salaires plus élevés.

Existe-il une réelle concurrence entre les plus de 50 ans et les plus jeunes?

Non, je ne crois pas. Des études montrent que les pays dans lesquels le chômage des jeunes est le plus élevé sont aussi les pays dans lesquels les vieux travaillent le moins. L’idée qu’il y ait un nombre fixe d’emplois et que donner plus de travail aux jeunes en prive les plus vieux, ou vice-versa, n’est pas une réalité. Le travail des jeunes et celui des plus âgés sont complémentaires. Les compétences de formation didactique augmentant avec l’âge, les vieux sont indispensables à la formation des plus jeunes. Ces derniers sont dynamiques et apportent des idées nouvelles que les seniors sauront concrétiser. Il n’y a, par conséquent, pas de substitution possible pour les entreprises entre le travail des jeunes et celui des personnes âgées.

Quelles sont les solutions envisageables pour diminuer le taux de chômage des jeunes?

Premièrement, il faut flexibiliser le marché du travail pour permettre l’embauche des jeunes. C’est-à-dire qu’il faut une législation moins protectrice pour qu’il y ait plus de rotation. Les personnes perdent plus facilement leur emploi, mais en retrouvent aussi plus aisément, car les entreprises sont moins réticentes à embaucher. Ces conditions sont favorables à l’entrée des jeunes sur le marché du travail. Cependant, cela instaure deux marchés du travail parallèles: le marché des jeunes travailleurs avec des CDD et celui des CDI, avec de gros risques pour les premiers lors de récessions. Il faut ensuite changer les règles du système des retraites pour que les taxes ne soient pas trop élevées pour les jeunes. Finalement, il faut travailler sur les conditions d’entrée dans le milieu du travail en augmentant la formation des jeunes.

La Suisse a un taux de chômage plus bas que les pays d’Europe. Pourquoi, à votre avis?

La crise de 2008 n’a pas été aussi forte en Suisse qu’ailleurs. Il faut se rappeler que les politiques d’embauches ne peuvent pas compenser l’absence de demandes d’emploi. Le système des écoles techniques avancées est très important pour créer des compétences intermédiaires nécessaires aux entreprises. Il y a aussi de grosses différences au niveau des taxations, qui sont plus basses. En Italie, le contribuable paie un impôt sur les salaires de plus de 50%.

| 13 mars 2014 |

«How to combine the Entry of Young People in the Labour Market with Retention of Older Workers

par Tito Boeri

à 18h, Uni Mail, salle MR080

www.unige.ch/formcont/politiquesemploisalaires