Journal n°143

La lutte contre une cause de septicémie passe par le fer

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La bactérie Pseudomonas aeruginosa est responsable de divers types d’infections aiguës ou chroniques potentiellement létales. Elle est en particulier l’une des causes principales d’infections et de septicémie chez les personnes souffrant de brûlures sévères, car elle est difficile, voire impossible, à combattre. C’est pourquoi l’Organisation mondiale de la santé l’a récemment classée comme l’un des pathogènes prioritaires à cibler pour la mise au point de nouveaux traitements.

Un objectif qui est exactement le même que celui poursuivi avec succès par Karl Perron, directeur du Laboratoire de bactériologie au Département de botanique et biologie végétale (Faculté des sciences), et ses collègues du Centre hospitalier universitaire vaudois et de l’Hôpital universitaire de Berne. Dans un article paru le 27 février dans la revue Frontiers in Cellular and Infection Microbiology, les chercheurs suisses sont en effet parvenus à révéler la dynamique de la physiologie et du métabolisme du pathogène au cours de sa croissance dans des exsudats, c’est-à-dire les liquides biologiques qui s’épanchent des plaies de personnes brûlées. En d’autres termes, cette étude permet de suivre, pas à pas, les stratégies mises en place par Pseudomonas aeruginosa pour proliférer.

Capter le fer
En effectuant l’analyse de l’expression de ses 6000 gènes ainsi que des composés qu’elle utilise, les chercheurs ont découvert que la bactérie surexprime très rapidement tous les gènes codant pour des protéines permettant de capter le fer, un élément nécessaire à sa croissance et à sa prolifération.

Il s’agit aussi bien de sidérophores, des composés se liant au fer soluble, que d’hémophores, de véritables «aspirateurs moléculaires» extirpant le fer lié aux globules rouges. Les chercheurs ont également découvert que Pseudomonas aeruginosa utilise le lactate, les lipides et le collagène de l’hôte comme sources de nutriments. Elle y accède en produisant des enzymes spécifiques capables de détruire les tissus environnants. Ces facteurs de virulence sont produits dans les exsudats même lorsqu’ils ne contiennent que relativement peu de bactéries, suggérant que cette dernière devient rapidement agressive dans les plaies de brûlure. Pire: Pseudomonas aeruginosa génère des pompes servant à expulser des molécules jugées nuisibles, ce qui pourrait lui permettre de résister à certains antibiotiques.

Étant donné que la disponibilité en fer est un facteur limitant pour la croissance bactérienne, les auteurs de l’étude suggèrent une stratégie du type cheval de Troie. Celle-ci, qui est en cours de développement, consiste à attacher à des sidérophores des antibiotiques (ou d’autres composés capables d’inhiber les facteurs de virulence) pour que la bactérie les importe en grandes quantités, en même temps que le fer soluble.

Pour cette étude, les microbiologistes ont eu recours à une méthode alternative à l’expérimentation animale qui a valu à Karl Perron le Prix 3R (pour reduce, replace, refine) 2017 de l’UNIGE. —