Journal n°160

La «conscience projective» mise en sculpture

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Enchaînés dans une grotte, des hommes tournent le dos à l’entrée. Ils ne connaissent du monde que les ombres projetées sur les murs: c’est l’allégorie de la caverne de Platon. Une fiction que le sculpteur genevois Vincent Du Bois a décidé de détourner en proposant une installation où les ombres sont plus fiables que les objets, dans le cadre d’une collaboration avec le professeur David Rudrauf du Centre interfacultaire en sciences affectives.

Les deux hommes se sont rencontrés lors d’une exposition de l’artiste dédiée au cerveau et à la conscience (galerie Airproject, Genève). Une manifestation qui ne pouvait que susciter l’intérêt du scientifique dont les travaux ont servi à développer, en 2017, un modèle mathématique de la psychologie humaine. «La perception, l’imagination et l’action sont soutenues par des mécanismes inconscients et nous avons découvert que la conscience les intègre à travers une géométrie spécifique: la géométrie projective», expliquait alors le professeur. Ce modèle de conscience projective a, de son côté, séduit le sculpteur, dont le travail s’attache à représenter l’abstraction dans la matière. Une collaboration débute dès lors et le professeur accueille l’artiste en résidence dans son laboratoire au Campus Biotech.

Mon travail ne vise pas la vulgarisation, il est au service des scientifiques tout en présentant une vision personnelle de la notion de conscience

«Mon travail consiste à matérialiser la théorie de la conscience établie par les scientifiques, de sorte que le public puisse la comprendre immédiatement et se l’approprier, explique le sculpteur. Si j’ai choisi de travailler sur l’ombre, c’est que, comme la conscience, elle est complètement indissociable de la personne. Mon travail ne vise pas la vulgarisation, il est au service des scientifiques tout en présentant une vision personnelle de la notion de conscience.»

Le projet d’installation qui a émergé de cette collaboration se verra concrétisé en octobre prochain à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne, dans le cadre de l’exposition Shadows. Intitulées «Catching Shadows», des sculptures en trompe-l’œil, conçues pour empêcher le spectateur de reconnaître immédiatement les objets qu’elles représentent. Seule l’ombre projetée reproduit leur forme habituelle. Ainsi, le spectateur est amené à reconstruire sa perception des objets en utilisant la géométrie projective, un exercice qui lui permettra de comprendre le rôle de la perspective et du point de vue dans la conscience. Pour faire le lien entre les sculptures et la théorie scientifique, des visites guidées seront par ailleurs proposées sous forme de performances théâtrales.  —