Journal n°166 - du 7 au 21 novembre 2019

Ceux qui pointent le moins sont ceux qui triment le plus

image-4.jpgLes employés qui n’enregistrent pas leurs heures ne travaillent pas moins que les autres. En réalité, ce sont eux qui triment le plus. C’est ce qui ressort d’une étude menée par Jean-Michel Bonvin, professeur à l’Institut de démographie et socioéconomie (Faculté des sciences de la société), et ses collègues sur mandat du Secrétariat d’État à l’économie. Publié le 29 septembre, le travail est destiné à évaluer une révision de la loi, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, et qui prévoit notamment un régime dérogatoire à l’enregistrement systématique du temps de travail pour les travailleurs touchant un salaire brut annuel de plus de 120 000 francs.

Basée sur un questionnaire auquel ont répondu 2013 personnes actives dans quatre secteurs (assurances, télécommunications, industrie et commerce de détail), l’étude montre que l’absence d’enregistrement et, dans une moindre mesure, l’enregistrement allégé coïncident avec un nombre d’heures de travail effectif de 45,6 en moyenne contre 39,6 pour les autres. De plus, 11,7% des travailleurs concernés par la dérogation complète rapportent une durée hebdomadaire du travail très élevée (au-delà de 55 heures), contre seulement 1,3% de ceux qui enregistrent toutes leurs heures.

«Les personnes concernées par ces dérogations sont souvent des cadres, explique Jean-Michel Bonvin. Ces employés subissent en général une forte pression et vont se consacrer énormément à leur travail pour atteindre leurs objectifs.»

L’étude ne mesure pas de lien direct entre la modalité d’enregistrement du temps de travail et l’exposition à un risque de stress important. Selon les auteurs, cela peut s’expliquer par la plus grande autonomie dont jouissent les travailleurs au bénéfice d’une dérogation, autonomie qui contribue à une meilleure gestion des situations de stress.

Les auteurs précisent que l’étude ne prend pas en compte le secteur bancaire, qui a refusé de participer alors qu’il compte le plus de travailleurs concernés (44%, contre 3 à 20% dans les autres secteurs).  —