Journal n°167 - du 21 nov. au 12 déc. 2019

Immorale et illégale, la torture est aussi inefficace

image-7.jpgS’interroger publiquement sur l’utilité de la torture a longtemps relevé du tabou. Illégale et immorale, cette pratique réservée à l’usage de régimes barbares ne pouvait faire l’objet d’examens empiriques sans risquer de se voir accorder une potentielle légitimité, avec en ligne de mire cette perspective effrayante: et si, en fin de compte, la torture s’avérait efficace?
Tout change avec les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Dans les années qui suivent, l’administration Bush met en place un système de détention hors du territoire américain où les prisonniers sont soumis à la torture. Mark Fallon est alors directeur de la Task Force d’investigation criminelle à Guantanamo. Il assiste ébahi au déroulement de ce plan et décide de lancer l’alerte. Intimement convaincu que la torture est inefficace pour obtenir des informations valables, il espère convaincre le gouvernement américain qu’il fait fausse route et sollicite pour cela les psychologues qui travaillent autour de lui afin de lui fournir l’état de la science à ce sujet. Faute de suffisamment de données, il poursuit cette tâche au sein d’un groupe d’étude lancé sous la présidence d’Obama.

Témoignage d’un ex-détenu de Guantánamo
Dans le sillage de ces recherches, quelque 120 articles scientifiques montrent aujourd’hui que la torture est non seulement illégale et immorale, mais de surcroît inefficace: les meilleures informations s’obtiennent en développant une relation avec un suspect. Apprenant ces résultats qui l’intéressent dans le cadre de ses propres travaux, Steven  Barela, chercheur à l’Institut d’études globales de l’UNIGE (GSI), prend contact avec Mark Fallon et lui propose d’éditer un livre s’inspirant de son histoire dans le but de faire connaître ses récents résultats scientifiques.
Afin de marquer le lancement de cet ouvrage, le GSI organise le 10 décembre un colloque réunissant de nombreux experts. Parmi eux: Mark Fallon, Nils Melzer, rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, et Sami El-Haj, qui apportera la perspective d’un ancien détenu de Guantanamo. D’autres experts présenteront une initiative visant à mettre en place une série de recommandations qui pourraient aboutir à un protocole universel sur les techniques d’interrogatoire. Ce projet intéresse le gouvernement suisse dont un émissaire figure parmi les invités du colloque. —



Mardi 10 décembre  — 16h15–20h
Interrogation and torture: science, law and morality
Uni Mail, salle MR290