Les difficultés rencontrées par le Conseil fédéral face à la signature d’un accord-cadre avec l’Union européenne (UE), pourtant sur la table des négociations depuis 2018, offrent une nouvelle illustration de l’ambiguïté qui caractérise depuis des décennies la relation de la Suisse à l’UE. Une relation prise en tenaille entre une improbable adhésion et une impossible voie solitaire. Professeur au Global Studies Institute de l’UNIGE, René Schwok revient sur l’histoire de ce partenariat compliqué, dans la quatrième édition de son livre Suisse-Union européenne, l’adhésion impossible?

À travers un exposé des principales étapes qui ont permis à la Suisse de composer durant des décennies avec cette attitude ambivalente, il souligne l’inventivité qui a conduit à développer les concepts intermédiaires de zones de libre-échange, d’Espace économique européen puis d’accords bilatéraux, avec des succès plus ou moins heureux. Le traumatisme créé par le refus d’adhérer à l’Espace économique européen (EEE), en 1992, a enterré les rêves d’adhésion d’une partie de la population suisse, en particulier des plus jeunes, et a conduit à la voie bilatérale. Celle-ci a permis, selon René Schwok, de récupérer l’essentiel du contenu de l’EEE. Ce mécanisme a toutefois eu un coût: des accords engendrés dans la douleur et provoquant d’intenses confrontations au sein de la population. Quelque 120 accords sectoriels ont en effet été négociés entre 1999 et aujourd’hui, dans des domaines aussi variés que l’immigration, les échanges commerciaux, la recherche et les transports.

À l’heure où les tensions avec l’UE au sujet de l’accord-cadre mettent en péril cette architecture âprement élaborée, René Schwok cherche à comprendre les raisons profondes des réticences helvétiques vis-à-vis de l’Europe.