21 mars 2024 - VM

 

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La loi du colon

 

 

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Du Canada à la Louisiane, de la Guadeloupe aux îles Maurice, en passant par les comptoirs indiens de Pondichéry ou de Chandernagor, le premier empire colonial français administre plusieurs centaines de milliers d’âmes. Dès le milieu du XVIIe siècle, se met en place dans ces territoires un système judiciaire dont, malgré l’extrême diversité des pratiques locales, se dégagent des dynamiques communes. Ces différentes institutions font ainsi preuve d’un même zèle quand il s’agit de réprimer les individus «dépendants» dont la mobilité n’est pas souhaitée, au premier rang desquels figurent les esclaves fugitifs. Elles s’efforcent également de tenir à l’œil les personnages «à risque», éloignant de manière tant préventive que punitive toux ceux qui sont susceptibles de fragiliser l’ordre social. À l’inverse, les «bons sujets» jouissent d’une forte tolérance, bénéficiant notamment, en cas d’homicide entre individus libres, d’une politique de grâce largement répandue. Les magistrats des juridictions ultramarines appartenant par ailleurs à l’élite sociale des colonies, il serait malvenu qu’ils versent dans l’opposition au pouvoir central, lequel s’efforce donc de limiter la politisation locale au travers de dispositifs limitant l’autonomie des magistrats (dépendance envers le secrétaire d’État à la Marine pour leurs gages et leur nomination, surveillance par le gouverneur, droit de recours des particuliers). Des garde-fous qui ne suffiront pas à éviter qu’à Saint-Domingue, la force des contestations sociales balaie l’intégration impériale lorsque éclate la révolution haïtienne.

 

Marie Houllemare
«Justices d’empire, la répression dans les colonies françaises au XVIIIe siècle»
Presses universitaires de France 2024
441 p.

 

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