18 novembre 2021 - UNIGE

 

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La vitesse de maturation des neurones définit leur fonction

Au cours de leur maturation, les différentes populations de neurones nécessaires aux connexions entre les aires cérébrales partagent un programme génétique similaire mais se développent à un rythme différent.

 

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L’activation des aires cérébrales augmente progressivement au cours du développement postnatal. Dans cette étude, les auteur-es ont examiné les bases génétiques de l’établissement de cette connectivité. Image: Laboratoire Denis Jabaudon

Dans le cerveau, tout est question de rythme. Et ce, non seulement dans son fonctionnement – cet organe est le siège de l’horloge interne, ou circadienne – mais aussi dans son développement. Le tempo joue en effet un rôle essentiel durant les premiers jours et semaines qui suivent la naissance, alors que les neurones mûrissent et se projettent d’une aire du cortex à l’autre, selon une chorégraphie méticuleusement ordonnée visant à mettre progressivement en place les différentes fonctions cérébrales. Dans un article paru dans la revue Nature du 9 novembre, l’équipe de Denis Jabaudon, professeur au Département des neurosciences fondamentales (Faculté de médecine), montre qu’en ne faisant varier que la vitesse d’exécution d’un programme génétique, il est possible de produire des types de neurones distincts.

 

Concrètement, il ressort d’une expérience menée sur des souris par Esther Klingler, chercheuse au sein de l’équipe de Denis Jabaudon et première auteure de l’étude, que les cellules nerveuses qui se connectent avec les aires responsables du toucher se mettent en place rapidement tandis que celles qui se projettent vers les aires impliquées dans la motricité arrivent à maturité plus lentement. Et quand le rythme de lecture de la partition génétique est artificiellement changé, via une modification génétique en l’occurrence, il en résulte une perturbation des connexions neuronales ainsi que du comportement des souriceaux. L’exploration de leur environnement, par exemple, est alors fortement altérée.

«Le développement par étapes de ces différents neurones permet aux aptitudes sensorielles d’émerger dans le même ordre et au même rythme, détaille Denis Jabaudon. Le souriceau nouveau-né a d’abord besoin de pouvoir téter. Il développera donc en premier la relation au toucher. Puis, dans un deuxième temps, il aura besoin de se déplacer. C’est pourquoi ses aptitudes motrices, faisant appel à d’autres aires cérébrales, émergent plus lentement au cours des deux semaines suivant sa naissance.»

Les différentes fonctions gérées par le cortex cérébral s’organisent selon une cartographie précise. Les aires de la vision sont situées à l’arrière de la tête, tandis que le toucher est représenté sur le côté et le contrôle moteur à l’avant. Pour pouvoir accomplir leurs différentes fonctions, ces aires doivent cependant communiquer efficacement. Pour attraper un ballon, par exemple, l’aire de la vision et celle du mouvement doivent se coordonner.

La communication entre les différentes aires corticales est assurée par les neurones dits «de projection corticale interaréaux» (ICPN) dont les connexions doivent impérativement s’établir aux bons endroits et aux bons moments.

Les connexions entre les aires responsables du toucher et de la motricité chez la souris, étudiées ici, se créent après la naissance. Alors qu’elles utilisent un programme génétique qui n’est globalement pas différent dans les deux cas, les deux cellules nerveuses sont anatomiquement très différentes. Un résultat qui ne peut s’expliquer que par la différence de vitesse d’exécution – considérable selon les auteur-es de l’étude – de ces programmes.

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