21 octobre 2021 - UNIGE

 

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Où sont les femmes?

Durant la pandémie de Covid-19, les femmes chercheuses ont nettement moins soumis d’articles scientifiques pour publication que leurs homologues masculins. Une différence qui s’explique probablement par une surcharge de travail combinée à l’obligation d’assumer des tâches supplémentaires au sein du foyer familial.

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Le confinement a contraint les femmes chercheuses à adapter leurs activités académiques afin d’être en mesure de gérer les tâches domestiques ainsi que l’école à la maison. C’est ce que vient de démontrer une étude de l’UNIGE et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), en collaboration avec le groupe d’édition BMJ. La première vague de la pandémie a en effet eu pour conséquence une diminution de près de 20% de femmes premières auteures ou auteures de correspondance dans les parutions des revues scientifiques. Les positions d’auteur-es sont attribuées en fonction des responsabilités de chacun-e: le/la premier-ère auteur-e est la personne qui a le plus contribué dans la recherche, le/la dernier-ère auteur-e est la personne qui chapeaute l’ensemble de la recherche et l’auteur-e de correspondance est la personne centrale qui peut répondre à toutes les questions. «Ces places sont déterminantes, car elles attestent de la contribution à la production scientifique et permettent par la suite d’évoluer au niveau académique», explique Angèle Gayet-Ageron, professeure au Département de santé et médecine communautaires (Faculté de médecine) et première auteure de l’étude.

 

Pour pouvoir quantifier la production scientifique des femmes durant la pandémie, l’équipe genevoise a analysé les positions d’auteur-es dans plus de 60’000 manuscrits soumis entre le 1er janvier 2018 et le 31 mai 2021. Au cours des deux années précédant la pandémie, les femmes occupaient 46% des places de premier-ère auteur-e, 31% de celles de dernier-ère auteur-e et 39% de celles d’auteur-e de correspondance. «Notre idée était de prendre les années 2018-2019 comme années de référence, puis de nous concentrer, d’une part, sur les manuscrits traitant du Covid-19 durant la pandémie et, d’autre part, sur ceux traitant d’autres thèmes durant cette même période», explique Khaoula Ben Messaoud, chercheuse au Département de santé et médecine communautaires (Faculté de médecine) et copremière auteure de l’étude.

 

Chute de la production scientifique

«Nos résultats sont éloquents: durant la première partie de la pandémie, début 2020, nous avons constaté une diminution de près de 20% des femmes premières auteures, de 12% des dernières auteures et de 20% d’auteures de correspondance dans les manuscrits traitant du Covid-19», relève Angèle Gayet-Ageron. Cette inflexion importante correspond à la mise en place du premier confinement et à la fermeture des écoles. «Il se pourrait que les femmes aient eu plus de difficultés à poursuivre leurs activités de recherche – au vu des surcharges professionnelles et familiales – comparées à leurs homologues masculins», appuie la professeure. Cette perte de visibilité s’est atténuée par la suite, avant de revenir au niveau d’avant la pandémie lors de la reprise progressive des activités de la société.

 

Frein à la carrière de la femme chercheuse

«La pandémie nous a permis de faire ressortir le fait que les femmes ont été moins impliquées dans les recherches scientifiques liées au Covid-19 et qu’elles ont occupé des places moins prestigieuses en regard de leurs collègues masculins. Cela pourrait avoir un impact négatif sur leur carrière académique», résume Angèle Gayet-Ageron. L’équipe genevoise estime dès lors qu’il faudra prendre en compte ces inégalités au cours des années à venir, notamment lors de l’analyse de dossiers académiques pour lesquels le nombre d’articles publiés est un critère déterminant.

Par ailleurs, l’étude a révélé une autre inégalité: plus il y a d’auteur-es pour une recherche, moins les femmes y occupent les postes clés. «En revanche, lorsque la dernière auteure est une femme, il y a deux fois plus de chances que la première auteure en soit une également», constate Khaoula Ben Messaoud. De nettes différences apparaissent aussi entre pays: en Océanie (principalement en Australie), parmi les articles soumis, les femmes représentent 54% et 44% des premier-ères et dernier-ères auteur-es, contre 51% et 34% en Europe, et seulement 34% et 22% en Chine.

 

 

 

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