18 novembre 2021 - Melina Tiphticoglou

 

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«La vocation de la démocratie est de faire participer les citoyen-nes»

Et si un jour la brochure officielle envoyée aux citoyen-nes avant les votations incluait non seulement les recommandations du monde politique, mais également celles de citoyen-nes ordinaires? Tel est l’objet de l’expérience de démocratie participative menée dans le cadre du projet demoscan autour des votations du 28 novembre.

 

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Photo: J. Erard/UNIGE


Dans l’enveloppe pour les votations du 28 novembre, les électeurs et électrices du canton de Genève découvriront, en plus du matériel habituel, une notice rédigée par un panel citoyen. Cette dernière est le fruit d’un projet pilote mené par l’UNIGE et la Chancellerie d’État du canton de Genève dans le but de faciliter la compréhension et, par conséquent, la participation citoyenne.
 
Cette expérience, intitulée demoscan, se déroule dans le cadre d’une recherche du Fonds national suisse (FNS) dirigée par Nenad Stojanović, professeur au Département de science politique et relations internationales de la Faculté des sciences de la société de l’UNIGE.

 

Son but est de former des assemblées citoyennes tirées au sort, dont la tâche est, selon le site internet du projet, «de porter un regard critique sur les arguments avancés par les deux camps d’une votation et de rédiger un bref rapport envoyé à l’ensemble des votant-es afin de les aider à former leur opinion sur l’objet de votation en question». La démarche est inspirée par le modèle de l’Oregon, un État qui pratique la démocratie délibérative depuis une dizaine d’années. Elle a été expérimentée une première fois en Suisse, dans la ville de Sion, à l’occasion des votations fédérales du 9 février 2020 (voir Le Journal n° 164). L’opération menée cet automne dans le canton de Genève est la deuxième. Une troisième et une quatrième auront lieu en 2022, en Suisse alémanique et en Suisse italienne.

Par tirage au sort
Le panel citoyen genevois a été formé en juin par tirage au sort. Le processus a permis de désigner 21 personnes, reflétant les diverses catégories de la population (âge, formation, genre…), qui se sont penchées sur l’initiative populaire «Pour l’abolition des rentes à vie des conseillers d’État» et son contreprojet, la loi concernant le traitement et la retraite des conseillers d’État et des magistrats de la Cour des comptes, élaboré par une majorité du Grand Conseil. Deux objets soumis au peuple lors des votations cantonales du 28 novembre prochain.
Le temps de deux week-ends de septembre, le panel citoyen a auditionné des partisan-es et des opposant-es à l’initiative et au contreprojet, ainsi que des expert-es indépendant-es. Le panel a ensuite analysé les informations et arguments reçus, a délibéré, puis a rédigé la notice citoyenne, dont le contenu reflète les délibérations du panel et n’a pas de caractère officiel. La notice prend la forme d’un document très simple, mettant en évidence les principaux éléments des objets soumis au vote et présentant une sélection des arguments pour et contre, ceux «qui semblent les plus pertinents aux citoyennes et citoyens du panel», précise le document. Il a été envoyé à tous les électeurs et électrices du canton de Genève, avec le matériel de vote.

 

Trois questions à Nenad Stojanović, professeur au Département de science politique et relations internationales de la Faculté des sciences de la société.

Quels objectifs vise le projet demoscan?
La vocation de la démocratie est de faire participer les citoyen-nes. Or, avec moins de 50% de participation, elle n’y répond actuellement pas. Notre première intention est donc d’enrichir les institutions de la démocratie directe, en contribuant à la fois à augmenter la participation des citoyen-nes lors des votations populaires et en aidant les votant-es à se forger une opinion grâce à une documentation concise et accessible rédigée par des citoyen-nes «ordinaires». Le second objectif concerne les participant-es du panel citoyen. On peut en effet voir cette expérience comme une école de la démocratie qui permet de mieux connaître les institutions et de découvrir la complexité de la politique. Ce qui peut générer un sentiment de reconnaissance et pousser à voter des personnes qui ne le feraient pas habituellement. Dans le cadre de ce projet pilote, 21 personnes sont concernées; mais si on répétait l’opération avant chaque votation populaire – communale, cantonale ou fédérale ¬–, des milliers de personnes auraient chaque année l’occasion de s’emparer d’un objet de votation.

Comment est perçue cette démarche?
Elle rencontre un vif intérêt. J’ai moi-même été très surpris de recevoir, suite au projet pilote mené à Sion en 2019, des demandes de collaboration de la part de beaucoup de villes et de cantons suisses qui sont à la recherche de nouvelles façons d’intégrer leur population. Les citoyen-nes se montrent également très intéressé-es. Par exemple, lorsque nous avons procédé au tirage au sort du panel, le taux de réponses positives a été deux fois plus élevé que ce à quoi nous nous attendions.

Quel est l’impact d’une telle mesure?
Nous avons mené une enquête scientifique après l’expérience de Sion. Elle a notamment montré que les personnes qui avaient bénéficié de la notice citoyenne avaient une meilleure compréhension de l’objet de vote. L’enquête a également révélé que l’intention de participation augmentait et que cette documentation était la deuxième source d’information prise en compte, après la brochure officielle, avant les avis des partis politiques, les informations des médias ou les campagnes partisanes.

 

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