23 septembre 2021 - UNIGE

 

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Une étude pour sonder la réalité des sans-abri de Genève

La Ville de Genève a mandaté des chercheurs de l’UNIGE et un consultant indépendant pour effectuer une recherche visant à mieux connaître la population des sans-abri, à analyser l’offre de prise en charge ainsi que la gouvernance des dispositifs.

 

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L’absence de statistiques cantonales et fédérales n’a pas permis jusqu’ici de communiquer des chiffres précis sur l’ampleur du sans-abrisme à Genève. Photo: DR

Genève, comme d’autres grandes villes, n’échappe pas au phénomène du sans-abrisme. L’explosion de l’extrême précarité qui a accompagné la crise sanitaire a mis tous les dispositifs sous forte tension et nécessite de les adapter dans un contexte budgétaire extrêmement tendu. Au cours de l’année 2020, la Ville a en effet accordé près de 20 millions de francs pour répondre aux besoins liés à la pandémie. Mais pour pérenniser et développer les structures d’accueil, il est aujourd’hui nécessaire de mutualiser les compétences et les ressources financières entre les collectivités publiques, ainsi que d’optimiser la coordination.

Dans ce contexte, la Ville de Genève a mandaté le professeur Jean-Michel Bonvin et le chercheur Oscar Waltz, tous deux affiliés à l’Institut de recherches sociologiques (Faculté des sciences de la société), ainsi que Thomas Vogel, consultant indépendant, afin qu’ils présentent un diagnostic quantitatif des personnes en situation de sans-abrisme à Genève. Dans un deuxième temps, les experts ont effectué un inventaire détaillé des prestations existantes financées tant par la Ville de Genève que par le Canton ou les associations. Enfin, les questions de gouvernance ont été étudiées et des recommandations ont été formulées afin de renforcer les collaborations et les synergies entre les différent-es acteurs/trices impliqué-es dans le champ de l’hébergement d’urgence.

 

Le premier pan de l’étude consistait à comptabiliser les personnes en situation de sans-abrisme. «Pour ce faire, nous avons effectué un recensement exhaustif des personnes en hébergement d’urgence les nuits du 2 mars et du 16 mars 2021 et nous leur avons systématiquement demandé leur statut de résidence, leur âge et leur nationalité», explique Jean-Michel Bonvin. Respectivement, 486 et 545 personnes ont été accueillies durant ces deux nuits. Ces chiffres ne prennent toutefois pas en compte les hommes et les femmes ayant dormi dans la rue. Afin de pouvoir également les comptabiliser, les sociologues se sont appuyés sur les résultats d’une étude menée à Bâle et sur les réponses fournies par les associations genevoises en décembre 2020. Cela leur a permis d’estimer que 185 personnes avaient dormi dans la rue la nuit du 16 mars 2021. «Nous arrivons donc au chiffre possible de 730 personnes en situation de sans-abrisme ce jour-là», estime Jean-Michel Bonvin.

Les prestations vues par les usager-ères

Un panel de 25 personnes s’est par ailleurs prêté à un entretien de 45 minutes visant à évaluer la perception des prestations proposées en matière d’hébergement et d’aide d’urgence. Dans l’ensemble, les prestations sont jugées de bonne qualité, bien que certains points – relatifs à l’hygiène ou aux possibilités de consigner ses affaires – pourraient être améliorés. Le nombre de places en surface pourrait également être augmenté et un accueil des bénéficiaires en continu a été suggéré. «De fait, l’offre d’hébergement d’urgence varie énormément en fonction des périodes de l’année, des financements et des flux migratoires du moment. En date du 16 mars 2021, 596 places étaient ainsi disponibles, mais ce chiffre n’est plus le même aujourd’hui», poursuit-il. Enfin, l’accompagnement social des personnes présentes depuis plus de six mois à Genève pourrait, lui aussi, être renforcé.

Améliorer la prise en charge des besoins

Les sociologues se sont également penchés sur la gouvernance régissant les hébergements d’urgence. «Il s’agit d’un point important, car les acteurs/trices publics/ques doivent travailler conjointement avec des associations privées et leurs objectifs respectifs ne sont pas toujours en parfait accord», relève Jean-Michel Bonvin. Des 45 entretiens menés auprès des responsables associatifs, institutionnels et politiques, il ressort que les rôles endossés par les un-es et les autres doivent être clarifiés afin d’optimiser le travail fourni en matière d’hébergement d’urgence. «Il s’agit de mettre en place une stratégie commune de réponse aux besoins des personnes en situation de sans-abrisme, tout en prenant en compte l’engagement financier de chacun-e», conclut le chercheur genevois. La récente loi sur l’aide aux personnes sans abri (Lapsa) pose les premiers jalons dans cette direction, l’effort devra toutefois être poursuivi.

«Étude des besoins en matière d’hébergement d’urgence» – Rapport complet

 

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