6 octobre 2021 - UNIGE

 

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Un seul gène peut dérégler le sommeil

Une étude a permis d’identifier un gène essentiel dans la régulation des cycles de veille et de sommeil chez la mouche drosophile.

 

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Les neurones du cerveau de la drosophile sont marqués par une protéine fluorescente verte. Les parties les plus colorées mettent en évidence les mushroom bodies, un centre clé de la régulation du sommeil. Image: UNIGE


La journée de Drosophila melanogaster est réglée comme du papier à musique. Tous les jours de la semaine, la mouche à vinaigre, championne des laboratoires, dort en effet dix heures par nuit et interrompt sa journée avec une sieste supplémentaire d’environ quatre ou cinq heures. Ce cycle régulier alternant veille et sommeil peut cependant être sévèrement perturbé chez certains individus. Menée par Emi Nagoshi, professeure associée au Département de génétique et évolution (Faculté des sciences), et son équipe, une étude parue le 1er octobre dans la revue Nature Communications montre que cette dérégulation est due à la sous-expression d’un gène, le Nf1. Il se trouve par ailleurs que l’homologue humain de ce gène est impliqué dans une maladie génétique, la neurofibromatose, qui entraîne la formation de tumeurs dans tout le système nerveux. Et un des symptômes observés chez les patients et les patientes touchées par cette maladie est précisément un trouble du sommeil.

 

Le rythme biologique interne contrôle de très nombreux processus physiologiques tels que le système veille/sommeil, la température corporelle, la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la production d’hormones, les capacités cognitives, l’humeur ou encore la mémoire. Chez l’humain, cette horloge interne, localisée au niveau de l’hypothalamus, est calée sur 24 heures et se manifeste même en l’absence de signaux déclencheurs externes comme les changements de luminosité ou de température.

Toutes les espèces animales ou végétales ont leur propre rythme circadien. Le laboratoire d’Emi Nagoshi s’intéresse en particulier au cas de la petite mouche du vinaigre car elle représente un modèle de choix pour la recherche en génétique. Non seulement cet insecte et son génome se manipulent très facilement en laboratoire mais, en plus, de très nombreux gènes sont conservés entre la mouche et les organismes supérieurs, ce qui permet souvent d’étendre le champ des découvertes vers l’humain.

Capteur à infrarouge
L’équipe de biologistes a utilisé des capteurs à infrarouge qui détectent les mouvements pour suivre les cycles veille/sommeil des mouches. Celles-ci ont été soumises, selon les expériences, à des alternances de périodes de jour et de nuit ou plongées constamment dans l’obscurité. Les scientifiques ont analysé en particulier l’expression des gènes dans une zone précise du cerveau, appelée corpora pedunculata (ou mushroom bodies en anglais) dont la lésion provoque un dérèglement du cycle du sommeil chez ces insectes.

C’est ainsi que les auteurs et les autrices ont identifié le gène Nf1 dont l’expression fluctue en fonction des phases d’éveil et de sommeil. Elle augmente lorsque les mouches sont éveillées et diminue pendant leur sommeil. Chez certains individus, l’activité de ce gène est cependant toujours faible, quel que soit le moment de la journée. Et ce sont également ceux qui sont le plus déréglés, présentant notamment des phases de sommeil plus nombreuses.

L’étude a aussi confirmé que la protéine NF1 (synthétisée par le gène Nf1) se situe en amont d’une cascade de réactions biochimiques qui déclenche la libération de calcium, nécessaire à l’activation des neurones dans les mushroom bodies du cerveau. L’expression de Nf1 provoque donc une activité des neurones de cette zone plus élevée durant la journée que pendant la nuit, ce qui favorise l’éveil diurne.

L’homologue humain de Nf1 est un gène qui empêche le développement de tumeurs du système nerveux. Les personnes porteuses d’une mutation sur ce gène développent une neurofibromatose, une maladie génétique qui prédispose au développement de tumeurs du système nerveux.

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