14 octobre 2021 - UNIGE

 

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Il n'y a probablement jamais eu d'océan à la surface de Vénus

En se basant sur les modèles climatiques, une étude a conclu que les conditions régnant sur la plus proche voisine de la Terre n’ont jamais permis la condensation de la vapeur d’eau présente dans son atmosphère. Un sort auquel la Terre a pu échapper de justesse.

 

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Un explorateur en visite sur Vénus il y a plus de 4 milliards d'années constate l'absence d'océan malgré la présence de vapeur d'eau dans l'atmosphère. Image: Manchu


Il restait un petit espoir que dans le passé lointain du Système solaire, Vénus, à l’image de sa voisine la Terre à laquelle elle ressemble beaucoup, ait pu abriter de la vie ou, du moins, présenter certaines caractéristiques propices à son éclosion. Comme un océan d’eau, par exemple, sans lequel on imagine mal qu’une telle étape puisse être franchie. Un article paru le 13 octobre dans la revue Nature porte toutefois un coup dur à cette hypothèse. Ses auteur-es, mené-es par Martin Turbet, chercheur au Département d’astronomie (Faculté des sciences) et membre du Pôle de recherche national PlanetS, y montrent en effet, sur la base de modèles sophistiqués, que les conditions climatiques régnant à la surface de Vénus n’ont jamais permis la condensation de la vapeur d’eau de son atmosphère. Un sort auquel, toujours selon les mêmes modèles informatiques, la Terre aurait d’ailleurs échappé de justesse.

Pour en savoir plus

 

La planète Vénus, telle qu’elle apparaît aujourd’hui, peut être considérée comme la jumelle maléfique de la Terre. À première vue, sa masse et sa taille sont comparables à celles de la planète bleue. Elle est composée essentiellement de matériaux rocheux, contient un peu d’eau et possède une atmosphère. Toutefois, l’épaisse atmosphère de CO2, la température et la pression extrêmes qui règnent à sa surface ainsi que les nuages d’acide sulfurique créent des conditions infernales rendant la vie actuellement impossible sur Vénus. Certaines études antérieures ont néanmoins suggéré que, par le passé, celle que l’on surnomme l’«étoile du berger» aurait pu être un endroit beaucoup plus hospitalier, comptant même des océans primitifs.
Cette hypothèse devrait être testée par au moins trois missions spatiales dont les lancements sont prévus dans les dix prochaines années par les agences spatiales européenne et étatsunienne (ESA et NASA). Ne souhaitant pas attendre, Martin Turbet et ses collègues ont tenté de répondre à cette même question avec les outils disponibles sur le plancher des vaches.

Planètes en fusion
Ils ont d’abord simulé par ordinateur le climat qui devait régner sur Terre et sur Vénus au tout début de leur évolution, il y a plus de 4 milliards d’années, lorsque la surface des planètes était encore en fusion. L’eau y était présente mais, en raison de la température élevée, sous forme de vapeur, comme dans une gigantesque cocotte-minute. Ensuite, à l’aide de modèles tridimensionnels de l’atmosphère, semblables à ceux utilisés pour simuler le climat actuel de la Terre, l’équipe a étudié l’évolution de l’atmosphère des deux planètes au fil du temps et la possibilité que des océans aient pu se former au cours de ce processus.
Les simulations ont montré que les conditions climatiques n’ont pas permis la condensation de la vapeur d’eau de l’atmosphère de Vénus. Les températures ne sont en effet jamais descendues assez bas pour que l’eau présente dans son atmosphère forme des gouttes de pluie qui auraient pu tomber sur sa surface. Cela s’expliquerait, selon les auteur-es de l’article, par le fait que les nuages se forment préférentiellement du côté nuit de la planète, créant un formidable effet de serre qui a empêché Vénus de se refroidir aussi rapidement qu’on le pensait.

La chance terrienne
Étonnamment, les simulations des astrophysicien-nes genevois-es montrent également que la Terre aurait bien pu subir le même sort que sa voisine. Si notre planète avait été juste un peu plus proche du Soleil – ou si le Soleil avait brillé aussi fort il y a quelques milliards d’années qu’aujourd’hui –, elle n’aurait pas pu se refroidir suffisamment pour que l’eau se condense et que les océans se forment.
Ironiquement, l’hypothèse selon laquelle le rayonnement solaire ait pu être nettement plus faible dans le passé lointain qu’aujourd’hui était jusqu’à présent perçue comme un obstacle à la vie. Selon les spécialistes, cette caractéristique aurait eu comme résultat de transformer la Terre en une boule de glace hostile. Or il s’avère aujourd’hui que dans le cas d’une jeune Terre très chaude, un Soleil faible représente au contraire une opportunité inespérée.
Les auteur-es de l’étude, dont font également partie Émeline Bolmont et David Ehrenreich, professeure assistante et professeur associé au Département d’astronomie (Faculté des sciences), précisent toutefois que leurs résultats sont basés sur des modèles théoriques qui ne permettent pas de trancher la question des océans sur Vénus de manière définitive. Les observations des trois missions vénusiennes seront donc indispensables pour confirmer ou infirmer leurs travaux.

 

 

 

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