25 novembre 2020 - UNIGE

 

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COVID-19: la qualité de l'air influence la pandémie

Les phénomènes dits d’inversion des températures accompagnée de brouillard ou les poussières sahariennes favorisent la présence de particules fines dans l’air. Leur concentration peut aggraver les conséquences du Covid-19.

 

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Jour de brume à Genève. D’octobre à mars, une grande partie du Plateau suisse et de la plaine du Pô peut être recouverte de brouillard. Ces inversions thermiques agissent comme un chapeau et emprisonnent les particules fines qui atteignent des valeurs excessives sous la couche d’inversion et aggravent les conséquences du covid. © Anton Vos

Les fortes concentrations de particules fines de moins de 2,5 micromètres dans l’atmosphère peuvent moduler, voire amplifier, les vagues de contamination du SARS-CoV-2 et expliquer en partie le profil particulier de la pandémie de Covid-19. C’est ce que suggère une étude publiée le 21 novembre dans la revue Earth Systems and Environment. Les auteurs, Mario Rohrer et Markus Stoffel, collaborateur scientifique et professeur à l’Institut des sciences de l’environnement (Faculté des sciences), ainsi qu’Antoine Flahault, professeur à l’Institut de santé globale (Faculté de médecine), précisent que leurs résultats peuvent justifier d’éventuelles mesures préventives en cas d’augmentation future des concentrations de particules fines. Une telle hausse est généralement favorisée par les inversions de température de l’air, caractérisées par les situations de brouillard, ou par les intrusions de poussières sahariennes.

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Cela fait longtemps que les épidémiologistes s’accordent à dire qu’il existe une corrélation entre les concentrations aiguës de particules fines dans l’air et la gravité des vagues de grippe. «Nous avons cherché à savoir si un tel lien existait également avec la virulence du Covid-19», explique Mario Rohrer, qui est aussi directeur de Meteodat, spin-off de l’École polytechnique fédérale de Zurich.

Un décalage surprenant
Les études sur le Covid-19 menées en Italie et en France indiquent que le SARS-CoV-2 était déjà présent en Europe à la fin de l’année 2019 alors que la forte augmentation de la morbidité et de la mortalité n’est enregistrée qu’au printemps 2020 à Paris et à Londres.
«Ce décalage dans le temps est surprenant, note Mario Rohrer. Il laisse penser qu’en plus du contact entre les personnes, un autre facteur favoriserait la transmission et surtout la gravité de l’infection.» Lui et ses collègues ont pu montrer que ces augmentations de cas suivent des phases lors desquelles les niveaux de particules fines dans l’air sont plus élevés.
L’équipe a ensuite observé des associations similaires dans le canton du Tessin où la pollution liée aux particules fines a très fortement augmenté pendant une période de brume peu profonde sur la plaine de Magadino et le Sottoceneri, à la fin du mois de février 2020. Peu de temps après, une augmentation explosive des admissions hospitalières dues au Covid-19 a été enregistrée dans ce canton. Le fait qu’une grande manifestation de carnaval avec quelque 150 000 visiteurs ait eu lieu au même moment a toutefois probablement eu un impact supplémentaire sur la propagation du virus, estime le chercheur genevois.
L’information est importante pour la Suisse puisque l’augmentation des concentrations de particules fines est particulièrement fréquente lors des inversions thermiques, c’est-à-dire lorsque du brouillard se forme sur le Plateau suisse, limitant ainsi l’échange de masses d’air de sorte que les émissions s’accumulent dans la couche située sous le brouillard. La Suisse est également fréquemment balayée par des poussières issues des tempêtes de sable du Sahara, elles aussi pointées du doigt dans cette étude.

Facteur aggravant
L’équipe de recherche helvétique montre par ailleurs que les concentrations aiguës de particules fines, particulièrement celles se situant en dessous de 2,5 micromètres, entraînent une inflammation des voies respiratoires, pulmonaires et cardiovasculaires, et épaississent le sang. En combinaison avec une infection virale, ces inflammations peuvent entraîner une grave progression de la maladie. L’inflammation favorise également l’arrimage du virus aux cellules. De plus, il n’est pas impossible que le coronavirus soit également transporté par les particules fines. «Cela a déjà été constaté pour la grippe et une étude italienne a détecté la présence d’ARN de coronavirus sur les particules fines, souligne Mario Rohrer. Tout cela reste bien évidemment à démontrer dans le cas du covid mais c’est une possibilité.»
Bien que la pollution par les particules fines influence la virulence du coronavirus et l’évolution vers une forme grave de la maladie Covid-19, les chercheurs précisent clairement que des facteurs physiologiques, sociaux ou économiques influencent également la pandémie.

 

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