Revenir sur une dénomination n’est pas un acte anodin. Le Rectorat a donc souhaité que cette décision soit prise dans un cadre défini et éclairé par des principes explicites. Ceux-ci ont été établis dans le rapport en s’appuyant sur la notion d’héritage principal (Principal Legacy) de la personne concernée: au fil du temps, les valeurs d’une institution évoluent et ses représentations dans l’espace public, à travers notamment des figures historiques, peuvent entrer en contradiction avec ces valeurs. Quelles que soient par ailleurs les contributions positives de tel ou tel personnage, il n’est pas possible, en vertu du principe d’héritage principal, de ne retenir que ces aspects, en occultant les messages problématiques que son image véhicule.

Carl Vogt, naturaliste du XIXe siècle, a mené parallèlement à ses activités scientifiques, une carrière politique durant laquelle il a soutenu des positions progressistes. Il a notamment joué un rôle déterminant pour l’Université de Genève, dans la transformation de l’ancienne Académie de Genève en une université moderne. Sa volonté de classer les êtres vivants l’a toutefois conduit à soutenir des thèses détestables sur la hiérarchie des races et l’infériorité du sexe féminin, qui sont à l’évidence incompatibles avec les valeurs de l’UNIGE, telles que définies dans sa Charte d’éthique et de déontologie.

Parmi les éléments qui ont motivé la décision de renommer le bâtiment, il y a le fait que le nom, récent, ne soit pas encore passé dans les usages et qu’au moment de la dénomination l’aspect problématique de l’héritage de Carl Vogt était déjà connu. Cette décision ne doit pas pour autant être interprétée comme une volonté de faire table rase du passé. Au contraire, ce processus s’accompagnera d’une contextualisation expliquant les raisons du changement de nom, par exemple sous la forme d’une plaque apposée à l’entrée de l’édifice. Il s’inscrit par ailleurs dans une démarche globale et participative sur la dénomination, dont les modalités sont à l’étude. Les bâtiments universitaires étant fortement imbriqués dans le tissu urbain, un nouveau code de dénomination – l’usage voulait jusqu’ici que les bâtiments soient en règle générale nommés d’après la rue où ils sont situés – permettra de porter dans l’espace public une discussion sur l’histoire du discours scientifique et sur les raisons conduisant à privilégier tel ou tel choix mémoriel, contribuant ainsi à un enrichissement pour l’ensemble de la collectivité.

Le buste de Carl Vogt érigé devant Uni Bastions fera lui aussi l’objet d’une réflexion en vue d’une contextualisation, qui devra être menée d’entente avec la Ville de Genève, puisqu’il se trouve sur le domaine public.

L’Université continuera également de développer les outils et ressources à disposition lors d’expériences de discrimination et d’exclusion et d’encourager la thématisation des héritages problématiques dans ses cursus de formation et dans ses recherches.