«Il est primordial pour les étudiant-es de réfléchir à ces représentations culturelles et à l’importance qu’elles peuvent avoir sur leur future profession, estime Radu Suciu, collaborateur scientifique aux Facultés de médecine et des lettres. Le cinéma est à la fois le témoin des préoccupations scientifiques de son temps et l’acteur qui façonne la vision de la médecine et encourage les attitudes à adopter envers les corps malades.»
Ce cours, proposé en coproduction avec la Maison de l’histoire et les Activités culturelles, favorise la collaboration intellectuelle entre disciplines. «Ce qui est génial dans ce projet, c’est justement la transversalité: voir des personnes provenant de différents cursus discuter d’un sujet commun», se réjouit-il. L’accès à la première séance est libre.
Les cours seront structurés autour de huit films. L’un d’eux sera Bienvenue à Gattaca, réalisé par Andrew Niccol et sorti en 1997 sur les corps sélectionnés par la technologie. «Ce film soulève des questions éthiques et de responsabilité de la médecine dans l’ingénierie génétique», pointe Radu Suciu.
Un autre sera le chef-d’œuvre de David Lynch sorti en 1980, Elephant Man. «Des étudiants en 3e et 4e années de médecine viendront présenter leur travail de recherche de l’an dernier sur ce long-métrage.» En effet, pour valider le cours «Corps au cinéma», il n’y aura pas d’examen, mais la présentation d’un travail de recherche réalisé en groupe à partir d’un film sera demandée.
«L’originalité que j’ai voulue pour cette édition consiste à mélanger des séances de cours régulières avec des projections de films et des conférences publiques», précise le collaborateur scientifique. Ainsi, deux projections ouvertes au public auront lieu dans la Maison de l’enfance et de l’adolescence (MEA) des HUG. «C’est idéal, car cet espace dispose d’une petite salle de cinéma à l’intérieur d’une structure hospitalière.»
Le film d’horreur Frankenstein, réalisé par James Whale et sorti en 1931, sera projeté le 8 octobre. «Un film culte que tout le monde connaît, mais que très peu de personnes ont finalement vu, résume-t-il. L’image de ce monstre, de ce corps créé et animé par la science, est entrée dans la culture populaire.»
Le deuxième film, projeté le 19 novembre et réalisé par Radu Jude, est issu de la nouvelle vague du cinéma roumain. Cœurs cicatrisés, sorti en 2016, montre la vie dans un sanatorium de la première moitié du XXe siècle dans lequel on traitait des formes graves de tuberculose osseuse. «C’est un film superbe et très spécial, dit-il. Ces personnes sont alitées, car on couvrait intégralement leur corps de plâtre pour protéger les os qui, à cause de la maladie, pouvaient littéralement se briser.»
Deux conférences publiques sont également annoncées le 15 octobre et en novembre. L’une, animée par la professeure Silke Grabherr qui dirige le Centre universitaire romand de médecine légale, répondra par la thanatologie à la question suivante: Vampire séducteur ou corps en décomposition? Cette spécialiste de la médecine forensique appuiera son analyse sur des représentations cinématographiques.
Une autre conférence, «un peu plus gore», portera sur la manière de filmer des corps morts en se tournant vers le cinéma médical – soit des films qui ne sont pas destinés au grand public, mais à des médecins ou des étudiant-es. Joël Danet, de l’Université de Strasbourg, va comparer des films d’autopsies des années 1930 et 1950 pour montrer comment, même dans ce genre particulier, le corps est représenté.
Radu Suciu a donné des cours sur l’histoire du corps pendant plusieurs années. En s’intéressant aux représentations culturelles, comme ici le cinéma, il espère explorer l’histoire moderne avec des étudiants et étudiantes qui viennent de différentes filières. Le but de la médecine était principalement de réparer des corps, mais aujourd’hui, son augmentation, son dépassement est aussi recherché. Et de conclure: «Avec le transhumanisme, c’est peut-être un avenir sans la nécessité même d’un corps qui est envisagé.»
Cours «Corps au cinéma»
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