L’objectif premier de ces ateliers est de montrer que, même si certaines capacités déclinent objectivement avec l’âge, comme la mémoire ou l’attention, il est possible, en l’absence de troubles majeurs, de les entraîner pour garder un fonctionnement qui reste satisfaisant au quotidien. «Nous vivons dans une société extrêmement âgiste, avec beaucoup de stéréotypes autour du vieillissement: les personnes âgées ont la mémoire qui flanche, elles sont lentes, se plaignent tout le temps, etc., relève Émilie Joly-Burra. Dans le cadre de mes activités de recherche, j’entends souvent les participant-es dire que la vieillesse est un naufrage. Le but de nos ateliers est de changer cette perspective fataliste et de restaurer, chez les seniors, une vision de soi en tant qu’individu compétent et capable d’agir sur ses propres aptitudes.»
Améliorer le quotidien
Concrètement, les ateliers enseignent aux participant-es diverses techniques pour améliorer leur quotidien, notamment leur mémoire prospective – qui permet de se souvenir des actions à réaliser dans le futur – ou leur capacité à retenir de nouvelles informations. Basée sur les mécanismes de l’encodage mnésique – soit la façon dont le cerveau intègre une nouvelle information –, une de ces stratégies consiste à focaliser son attention sur le moment où l’information est enregistrée, puis à effectuer un certain nombre de répétitions mentales. «Cet effort conscient pour mémoriser une information n’a rien de sorcier et marche extrêmement bien, même chez les personnes qui ont d’importantes difficultés», se réjouit la spécialiste.
D’autres techniques sont aussi abordées, comme la création d’habitudes pour favoriser l’adoption d’un mode de vie sain. «Notre objectif est d’amener les participant-es à mettre en place de nouveaux comportements qui vont durer, précise Émilie Joly-Burra. En effet, il ne suffit pas de disposer d’un ensemble de techniques, encore faut-il les mettre en pratique. Nous travaillons beaucoup sur ce transfert des apprentissages dans le quotidien, car c’est souvent ce qui fait défaut dans les interventions.» Parmi les techniques à l’efficacité prouvée, les intentions d’implémentation consistent à créer un lien automatique entre une situation et une action à réaliser. Il s’agit d’établir un lien verbal – une phrase de type «quand…, alors… » – avec une image mentale qui permet de se projeter dans la situation. Une personne qui aimerait par exemple marcher trente minutes après avoir mangé peut faire le lien verbal «quand je termine le repas, alors je sors faire le tour du quartier» puis s’imaginer laver son assiette, mettre ses chaussures et sortir. Plus l’association automatique entre ces deux moments est renforcée, plus il y a de chances que la personne passe à l’action. «Nos travaux ont montré que cette stratégie augmente significativement la probabilité d’atteindre son but, de 2,5 fois chez les personnes de 75 ans, et de 5 fois chez les plus âgées (>80 ans)», précise la chercheuse.
Enfin, les changements qui surviennent avec l’âge, qu’ils soient physiologiques ou relationnels, sont explorés comme les différents facteurs qui contribuent au vieillissement physique et cognitif: style de vie, facteurs environnementaux et facteurs psychologiques. «L’image de soi et les stéréotypes ont un énorme impact, observe Émilie Joly-Burra. Les personnes qui adoptent une vision négative du vieillissement vivent en moyenne 7,5 ans de moins que celles qui en ont une vision positive.»
Maintenir des buts personnels
À partir de janvier, un atelier consacré aux aspects identitaires – issu du travail de thèse de la scientifique – sera proposé. Alors que les ressources, qu’elles soient physiques, cognitives, sociales ou financières, déclinent, les seniors ont tout intérêt à maintenir des buts personnels et un sentiment de continuité identitaire pour leur bien-être. L’atelier consistera à réfléchir avec eux/elles à leurs valeurs et à leurs buts, puis à identifier les ressources encore préservées et celles qui sont altérées afin de définir les modifications qui peuvent être mises en place pour atteindre les objectifs visés. «Une personne qui a fait du cyclisme toute sa vie et qui a désormais un problème cardiaque peut réajuster ses habitudes pour garder l’essence de ce qui la motive, explique Émilie Joly-Burra. Elle peut par exemple faire du vélo électrique ou de la marche en montagne avec des ami-es. Au final, il s’agit de revisiter la façon dont les seniors perçoivent et mobilisent leurs ressources en vue de poursuivre des activités qui contribuent à leur bien-être.»
Gratuits dans une première phase, les ateliers sont encore en attente de financement pour la suite. «L’idée est de ne pas créer de barrière pour accéder à ces activités protectrices contre le déclin cognitif», prévient Émilie Joly-Burra.
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