7 mars 2022 - Antoine Guenot

 

Vie de l'UNIGE

L’UNIGE pilote la restitution d’une icône chypriote

Grâce à l’intervention du Centre du droit de l’art de l’UNIGE, une icône religieuse vient d’être restituée à son pays d’origine.

 

 

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Icône chypriote du XVIIIe siècle représentant saint Jean-Baptiste le Précurseur. Photo: DR


Le 15 juin 2017. Devant les grilles des Bastions, un impressionnant dispositif policier est déployé. Un sarcophage romain du IIe siècle, qui dormait dans un entrepôt des Ports Francs à Genève, vient tout juste d’arriver à l’Université. Il doit y être exposé avant d’être restitué à la Turquie. Il appartient à deux frères marchands d’antiquités qui en ont hérité de leur père. Après une longue enquête, il a pu être établi que le cercueil est issu d’une fouille illicite. Il doit donc être rendu à son pays d’origine.

 

C’est Marc-André Renold, directeur du Centre du droit de l’art de l’UNIGE, qui avait piloté la manœuvre. Depuis dix ans, ce professeur accompagne privés, musées et États qui souhaitent (ou doivent) restituer des biens culturels spoliés. «Dans la majorité des cas, il s’agit de personnes ou d’institutions qui possèdent malgré elles ce type d’objets», explique celui qui est également titulaire de la Chaire Unesco en droit international de la protection des biens culturels.

Hier un sarcophage, aujourd’hui une icône

Le 23 février dernier, c’est cette fois-ci une icône chypriote du XVIIIe siècle qui a retrouvé son pays d’origine grâce à Marc-André Renold. Cette image peinte de 40 cm sur 26 cm, représentant saint Jean-Baptiste le Précurseur – l’un des saints les plus vénérés par les orthodoxes –, a été remise aux représentants du chef de l’Église de Chypre, l’archevêque Chrysostome II. La restitution s’est déroulée à la Villa Moynier (Genève). Elle était organisée en collaboration avec l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève. Cet événement marquait l’aboutissement d’un processus engagé il y a deux ans.

«Tout a commencé par un message reçu dans ma boîte mail en janvier 2020», raconte Marc-André Renold. Dans ce courriel, un pédiatre anglais lui raconte avoir hérité d’une icône d’origine chypriote. Celle-ci a été dérobée par son défunt père, un ex-officier de la Royal Air Force, lorsqu’il était en service sur l’île, une ancienne colonie britannique. Le militaire l’avait rapportée au Royaume-Uni au début des années 1970. Depuis son décès, elle est stockée dans la cave de son fils. Celui-ci souhaite désormais la restituer mais ne sait pas très bien par où commencer.

Diplomatie culturelle

L’icône doit tout d’abord être expertisée. Pour ce faire, Marc-André Renold contacte une historienne de l’art spécialisée, Maria Paphiti, connue pour avoir contribué à plusieurs rapatriements d’œuvres à Chypre. Grâce à cette dernière, des liens sont également noués avec les autorités religieuses de l’île. Puis, il faut évaluer les potentiels problèmes éthiques, juridiques et historiques posés par la possession d’une telle œuvre, tout en garantissant l’anonymat demandé par le propriétaire illégitime. «Il nous a fallu six mois pour boucler les démarches. Nous aurions donc pu restituer l’icône beaucoup plus vite, s’il n’y avait pas eu le covid.»

Marc-André Renold précise que dans cette opération, personne n’a demandé à percevoir le moindre centime, ce qui aurait pourtant pu faire l’objet de négociations. «Le seul souhait du dépositaire de l’œuvre était que celle-ci retrouve son lieu d’origine.» Car si ce tableau de tradition byzantine n’est pas d’une grande valeur économique, il recèle une réelle importance culturelle et sa restitution est hautement symbolique.

«Restituer ce type d’œuvre peut être utile pour améliorer les relations entre certains pays», explique Marc-André Renold. «Cela favorise aussi, lorsqu’il y a eu un conflit, la justice dite transitionnelle.» En d’autres termes, ce genre de démarches peut participer à la reconnaissance de certaines exactions commises par le passé, par l’un ou l’autre des pays impliqués. «Il s’agit véritablement de diplomatie culturelle», estime Marc-André Renold dont l’ambition, à terme, est de faire de Genève une plateforme incontournable dans ce domaine, comme elle l’est déjà dans celui de l’arbitrage commercial international.


Une plateforme pour inciter les restitutions

Comment s’y prendre pour restituer un bien culturel de provenance potentiellement illicite, que l’on détient de manière volontaire ou non? La démarche est complexe sans compter la crainte d’une sanction éventuelle. Elle exige dans tous les cas de grandes compétences juridiques et diplomatiques. Après avoir mis en ligne la base de données ArThemis, qui répertorie les décisions prises en matière de biens culturels, le Centre du droit de l’art de l’UNIGE lance aujourd’hui une plateforme de «diplomatie du patrimoine culturel». Objectif: proposer un lieu à la fois physique et virtuel pour permettre aux personnes concernées de déclarer, en toute confidentialité, la possession d’un objet ou d’une œuvre dont la provenance est délicate. «L’idée est également de proposer un lieu neutre pour régler ce type de litiges», explique Marc-André Renold. Le financement du projet est encore en cours. Il s’agit de la première plateforme de ce type à voir le jour.

 

Une plateforme pour inciter les restitutions

Comment s’y prendre pour restituer un bien culturel de provenance potentiellement illicite, que l’on détient de manière volontaire ou non? La démarche est complexe sans compter la crainte d’une sanction éventuelle. Elle exige dans tous les cas de grandes compétences juridiques et diplomatiques. Après avoir mis en ligne la base de données ArThemis, qui répertorie les décisions prises en matière de biens culturels, le Centre du droit de l’art de l’UNIGE lance aujourd’hui une plateforme de «diplomatie du patrimoine culturel». Objectif: proposer un lieu à la fois physique et virtuel pour permettre aux personnes concernées de déclarer, en toute confidentialité, la possession d’un objet ou d’une œuvre dont la provenance est délicate. «L’idée est également de proposer un lieu neutre pour régler ce type de litiges», explique Marc-André Renold. Le financement du projet est encore en cours. Il s’agit de la première plateforme de ce type à voir le jour.

 

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