Le spécialiste des questions hydropolitiques observe que les tensions augmentent tant aux échelles transfrontalières qu’aux échelles régionales. «Pour pouvoir les gérer, il faut être en capacité de les anticiper avec des cadres institutionnels structurés qui soient les plus robustes possible, analyse-t-il. Le défi est donc de développer des espaces d’échange entre parties prenantes, une nécessité au vu de l’urgence climatique.» C’est dans ce cadre que la chaire s’est vue reconduite par l’Unesco jusqu’à fin 2028.
Son objectif: analyser la diversité des pratiques institutionnelles qui sous-tendent la coopération et les raisons qui poussent les différents acteurs et actrices à se mettre autour d’une table ou les en empêchent. «Au niveau international, c’est souvent le modèle de la commission internationale articulée autour d’un bassin-versant qui est plébiscité, une structure qui fonctionne bien dans le cadre du Rhin ou du Danube, explique Christian Bréthaut. Mais cette solution, potentiellement lourde et bureaucratique, est surtout efficiente dans les régions où il y a beaucoup d’argent et où les politiques publiques sont bien structurées. Le problème, c’est que le modèle – porté par les grands bailleurs de fonds, mais aussi par certaines organisations internationales – est parfois imposé à d’autres régions du monde qui se retrouvent avec des commissions internationales sans mandat politique ni moyens. Bref, des coquilles vides.»
Huit années au service des enjeux de coopération
Pour atteindre ses objectifs, la chaire a notamment été, ces dernières années, le moteur de la coordination de l’UPWCD (Universities Partnership for Water Cooperation and Diplomacy), un partenariat mondial qui regroupe 35 universités. «Nous avons essayé de mettre en commun les capacités existantes en matière d’analyse des processus de coopération ou de conflit dans le domaine de l’eau, le champ de recherche étant très vivant, mais particulièrement fragmenté», détaille Christian Bréthaut. Autre réussite à mettre au palmarès de la chaire: la mise sur pied d’un nouveau MOOC, nommé «Water Cooperation and Diplomacy», qui compte actuellement 1500 participant-es et qui vient compléter la palette de formations déjà proposées sur l’eau à l’UNIGE: «Gestion et politique de l’eau» (disponible en français ou en anglais) – suivie par quelque 55'000 participant-es, elle a donné lieu à près de 6000 certifications – et «Droit international de l’eau douce».
L’offre d’enseignement s’est également enrichie en lien avec des universités étrangères et en particulier avec un module à la Kazakh-German University. «En Asie centrale, il est encore compliqué d’adopter une approche critique des processus politiques, on reste dans un cadre passablement autoritaire, relève Christian Bréthaut. Des représentant-es des cinq pays de la région ont participé à cette formation, une opportunité de préparer des professionnel-les avec une vision différente de celle de leurs prédécesseurs issus de l’époque soviétique qui ancraient la gestion de l’eau uniquement dans des approches infrastructurelles et ingénieuriales.» Parmi les nombreuses réalisations de la chaire, on peut par ailleurs citer le développement de programmes en ligne, en collaboration avec l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.
Des activités de recherche foisonnantes
Du côté de la recherche, les activités de la chaire ne faiblissent pas, avec le commencement d’une thèse sur le fleuve Volta en Afrique de l’Ouest et d’une autre sur le Syr-Daria en Asie centrale qui permettront d’analyser les discours et les rapports de force entre les différentes parties prenantes. Par ailleurs, un nouveau projet européen traitera des structures de coopération mises en place en vue de gérer les extrêmes climatiques et hydrologiques. Ces travaux porteront sur la Meuse (Belgique, France, Hollande, Allemagne et Luxembourg) et sur le Brahmapoutre, un fleuve indien. «L’objectif est d’identifier, avec des approches comparatives, les instruments pouvant être utiles à l’une ou l’autre des régions, explique Christian Bréthaut. Un travail similaire a été réalisé pour Genève, où 40 instruments de politique publique pour la gestion franco-suisse de l’eau ont été identifiés et analysés. Nous cherchons maintenant à comprendre comment ces instruments peuvent inspirer d’autres régions et comment d’autres régions peuvent, elles aussi, inspirer les mécanismes de gouvernance de notre région.» Pour ce faire, la méthode est aujourd’hui également appliquée dans le bassin du Sénégal en Afrique de l’Ouest et dans celui du Murray-Darling en Australie.