Unité d'archéologie classique

Mazi (Attique, Grèce)

Le Mazi Archaeological Project (ou MAP) est un projet de prospection destiné à mieux connaître la plaine de Mazi, située aux frontières entre l’Attique et la Béotie (voir le site web du projet : www.maziplain.org). Ce projet de terrain s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre le Ministère de la Culture Hellénique (Ephorie d’Attique Occidentale, du Pirée et des Iles) et l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce. Son financement est assuré par le FNS, avec le soutien grandissant de partenaires scientifiques internationaux, notamment la Loeb Classical Library Foundation.  

En deux ans, nous avons couvert 8 km2, investigué 1860 unités de prospection et documenté 325 structures archéologiques s’étendant entre la Préhistoire et la période Byzantine. Si la campagne 2014 avait permis de relever et d’étudier en détails le site d’Oinoé, le dernier dème attique avant la Béotie, nous avons concentré cette année nos efforts autour du site d’Eleuthères, qui domine la partie ouest de la plaine, à l’entrée de la passe de Kaza permettant de rejoindre les villes de Platées et Thèbes. L’identité de cette bourgade est originellement béotienne, mais elle passa plusieurs fois sous contrôle athénien au cours de son histoire. Les travaux ont permis de prospecter intensivement la bourgade antique d’Eleuthères, fort mal connue, ainsi que la grande forteresse homonyme. 

Dans la ville antique, nous avons dégagé les vestiges du temple de Dionysos Eleuthereus, découvert au début du 20e siècle mais resté enfoui depuis lors. Selon Pausanias, qui visita le temple au 2e siècle après J.-C., la statue de culte y avait été enlevée par les Athéniens (1.38.8). Un nouveau plan du temple, qui date du 4e siècle av. J.-C., est en cours de réalisation. La connaissance de ce sanctuaire est essentielle pour la compréhension du paysage religieux de la frontière.

En-dessus de cette bourgade, Pausanias mentionne la petite grotte d’Antiope, où cette dernière donna naissance aux jumeaux Amphion et Zeathos, mentionnés par Homère en tant que premiers constructeurs des murailles de Thèbes (Hom. Od. 11.260-265). Un riche assemblage de céramique a pu être prélevé en 2015, remontant essentiellement aux époques archaïque et classique et lié à des activités de culte conduites dans la grotte. Antiope et ses fils étant très solidement ancrés dans les mythes et la topographie de la Béotie, ce sanctuaire de montagne apparaît dès lors comme un fort marqueur identitaire pour localisation de la frontière.

Mais les indices la plus marquants de la présence de la frontière dans cette plaine furent localisés en 2015 dans la forteresse d’Eleuthères. A eux seuls, ils permettent d’écrire de nouvelles pages de l’histoire des frontières attico-béotiennes entre les 5e et 3e siècles av. J.-C. Une prospection intensive a permis de relever les traces d’une phase antérieure à celle du 4e siècle, ce qui n’avait jamais été souligné auparavant. Cette découverte suggère que le site fut déjà fortifié au 5e siècle av. J.-C. déjà. Dans une seconde phase, le site est contrôlé par les Béotiens, qui érigent les formidables fortifications visibles de nos jours. Elles permettent d’établir un contrôle accru de la route carrossable de Thèbes, dont l’une des branches traversait la forteresse, comme l’atteste la découverte d’ornières tracées dans la roche près de la porte de Platées. En outre, plusieurs indices inédits viendraient donc corroborer un contrôle béotien de la forteresse aux 4e et 3e siècles et la position de la frontière attico-béotienne au centre de la plaine. Ils pourraient confirmer que des taxes étaient récoltées à l’entrée méridionale de la Béotie, hypothèse que j’avais émise dans un article paru en 2013.

La masse de données récoltées lors des campagnes de prospections dépasse bien entendu le cadre de la présente étude et fera l’objet d’une publication séparée à l’horizon 2019. A ma connaissance, la plaine d’Oinoé-Eleuthères est désormais la zone-frontière la mieux étudiée du monde grec. En combinant les nouvelles données avec celles provenant des prospections de la plaine de Skourta voisine, conduite à la fin des années 1980 par l’université de Stanford, je bénéficie maintenant d’un niveau d’analyse unique pour étudier en profondeur les frontières séparant deux des plus grandes cités grecques.

Sylvian Fachard, co-directeur.

La co-direction du projet est assurée entre outre par A. Knodell (Carelton College) et K. Papangeli (Ministère de la Culture hellénique). 

Contact: Sylvian.Fachard(at)unige.ch

http://www.bordersofattica.org

www.maziplain.org