Méthodes et problèmes

L'autobiographie

Natacha Allet et Laurent Jenny, © 2005
Dpt de Français moderne – Université de Genève

III.5. Le pacte autobiographique comme critère absolu

Les différents critères qu'on a envisagés jusqu'ici pour caractériser le genre autobiographique sont des critères relatifs: une autobiographie en effet peut être plus ou moins narrative ou plus ou moins rétrospective, elle peut être plus ou moins centrée sur l'histoire d'une personnalité. Mais le récit qu'elle propose est invariablement celui qu'une personne réelle fait de sa propre existence: tel est le critère absolu de la définition formulée par Lejeune. Cela revient à dire que le narrateur (l'instance qui dit JE), le personnage (le JE dont il est question) et l'auteur (le producteur du texte) sont rigoureusement identiques, et renvoient en dernier ressort au nom propre qui figure sur la couverture, lui-même essentiel au dispositif autobiographique. On conçoit mal en effet une autobiographie anonyme.

L'identité entre ces trois instances ne doit pas seulement exister, elle doit être affirmée dans le texte, elle doit être garantie par ce que Lejeune nomme un pacte autobiographique. Ce pacte est une sorte de contrat de lecture qui est souvent explicite: un titre comme les Confessions de Rousseau ou Histoire de mes idées d'Edgar Quinet suffit à le sceller. Mais il est parfois implicite, et c'est le cas lorsque le nom du personnage dans le cours du récit s'avère coïncider avec celui de l'auteur. On remarquera qu'il n'est pas supposé certifier au lecteur la vérité absolue de ce qui est raconté: il se contente de décliner une identité, au niveau de l'énonciation. Un roman autobiographique peut ressembler en tous points à une autobiographie sur le plan de sa forme ( À la recherche du temps perdu, par exemple), tant que cette condition n'est pas remplie, il sera lu comme un roman. Cela nous enseigne qu'un genre littéraire ne se définit pas seulement à partir d'un ensemble de formes, mais aussi à partir de certaines conventions contractuelles reliant l'auteur et le lecteur. Il faut noter pour finir que l'autoportrait ou le journal intime supposent l'existence de ce pacte, au même titre que l'autobiographie.

Edition: Ambroise Barras, 2005