Méthodes et problèmes

L'autobiographie mythique

Dominique Kunz Westerhoff, © 2005
Dpt de Français moderne – Université de Genève

I.6. Mythe et Histoire

Mircea Eliade insiste enfin sur le statut originaire du mythe, qui se rapporte à un temps primordial, au temps fabuleux des commencements. Il se situe ainsi hors de l'Histoire, ou avant le début des temps historiques. Son temps est celui de l'éternité, de la permanence et de la répétition. Il relève d'un ordre archaïque et cyclique, et présente dès lors une vérité primordiale, non pas une réalité objective: il donne sens à ce que l'homme ne parvient pas à saisir dans sa propre histoire. D'où sa fonction essentiellement explicative, ou étiologique: il produit les causes symboliques de notre situation dans l'univers.

C'est le propre du mythe de décrire des relations fondatrices, des dynamismes organisateurs. Par là, il intéresse également la littérature, car il présente à nouveau le modèle d'une puissance de la parole, une capacité à réactiver un événement premier et à faire vivre sa répétition. Il atteste le pouvoir fondateur du verbe, autant que sa pérennité. Discours mythique et création littéraire sont tous deux des émergences, et mettent en évidence des processus de création.

Par ailleurs, l'un et l'autre prétendent à la totalité, parce qu'ils cherchent à se déshistoriciser, à se configurer en un univers autarcique, disposant de son temps et de son espace propres. Tout récit vise en effet à créer son propre monde référentiel, à se clore sur sa propre histoire. C'est donc dans la recherche d'une parole totale et perdue que la littérature, toujours ancrée dans une époque, retrouve le mythe. Kierkegaard écrit ainsi que la mythologie consiste à maintenir l'idée d'éternité dans la catégorie du temps et de l'espace (Miettes philosophiques).

Cependant, tous les mythes ne sont pas des mythes d'origine. On peut ajouter à cette première catégorie celle des mythes d'individuation, qui singularisent un héros, et des mythes finalistes, qui dessinent une fin de l'humanité (mythes eschatologiques, comme l'Apocalypse et le Jugement dernier). Les mythes de fin permettent d'orienter l'Histoire, de lui donner un sens, en instaurant une temporalité qui n'est pas réelle, mais symbolique. Ils créent une destinée, en traçant un trajet de l'homme vers la révélation d'un sens.

Edition: Ambroise Barras, 2005