Méthodes et problèmes

L'autobiographie mythique

Dominique Kunz Westerhoff, © 2005
Dpt de Français moderne – Université de Genève

I.8. Une saturation symbolique

Enfin, il faut relever le caractère symbolique du récit mythique. C'est ce qui définit son statut, entre fiction et vérité sacrée: le mythe est en effet une fiction, mais qui n'est pas perçue comme telle pour pouvoir fonctionner en tant que mythe dans une collectivité: il est tenu pour vrai. Philippe Sellier caractérise ainsi le mythe par sa saturation symbolique, qui s'offre à de constantes réinterprétations et l'empêche de se réduire à une simple allégorie. Un célèbre mythocritique, Pierre Albouy, a beaucoup utilisé le terme de palingénésie, désignant en grec une renaissance et une métamorphose, pour décrire l'infini renouvellement du mythe, en raison du caractère inépuisable de ses significations symboliques. Chaque réécriture littéraire du mythe ajouterait encore des signifiés à la référence empruntée, et créerait de nouveaux mythes en retour.

Ce type d'analyse, cherchant à interpréter les significations symboliques du mythe, a mené à ce que l'on appelé, à la suite de Denis de Rougement: la mythanalyse. Sa fonction est d'établir les rapports entre textes mythiques et contexte social; Gilbert Durand s'y est particulièrement consacré. Une autre discipline, plus restreinte, s'est spécialisée dans l'étude des mythes dans les textes littéraires: la mythocritique, pratiquée entre autres par Pierre Albouy et Pierre Brunel. Ceux-ci ont distingué les mythes littérarisés (repris par des textes littéraires) des mythes littéraires proprement dit, créés uniquement par la littérature (comme Faust ou Don Juan).

Ils se sont également efforcés de distinguer le mythe en littérature du mythe sociologique. Selon Philippe Sellier, ce qui caractérise un mythe littéraire ou littérarisé, à la différence d'un mythe ethno-religieux, c'est avant tout sa puissance symbolique, son organisation complexe et sa portée métaphysique. Il n'est plus ni anonyme, ni collectif, il n'est plus tenu pour vrai et n'a plus de fonction sacrée. Mais il symbolise, sous une forme esthétique ordonnée, et son sens a une valeur essentielle.

Edition: Ambroise Barras, 2005