Méthodes et problèmes

Histoire de la lecture

Laurent Jenny, © 2003
Dpt de Français moderne – Université de Genève

II.4. Pratique personnelle

Cependant parallèlement se développe la lecture personnelle. La fin du XVIIIe siècle est marquée par une véritable fureur de lire. C'est aussi un nouveau type de lecture qui suscite une considérable participation imaginaire et affective du lecteur. La Nouvelle Héloïse (1761) qui a connu pas moins de 70 éditions jusqu'en 1800 a ainsi été le plus grand best-seller de l'Ancien Régime. Mais les mêmes effets se produisent à l'étranger avec les lectures de Richardson, Klosptock ou Goethe. Comme le dit Reinhard Wittmann:

Cette forme de lecture se trouvait à la jonction entre la passion individuelle, qui isole de l'entourage et de la société, et la soif de communication à travers la lecture. Il résulta de cet immense besoin de contact avec la vie derrière la page imprimée une confiance complètement nouvelle, d'une intensité jamais atteinte auparavant et même une amitié imaginaire entre l'auteur et le lecteur, entre le producteur de littérature et son destinataire.

in Cavallo et Chartier 1997, 345

Sans doute le lecteur – et la lectrice – sont-ils physiquement isolés, mais ils ont le sentiment d'appartenir à une communauté privilégiée d'adeptes. Ce qui se constitue ainsi au XVIIIe siècle c'est un type de lecture moderne – (mais peut-être pas contemporaine si l'on admet qu'au XXe siècle on assiste à un mode de perception du livre plus distrait, sans véritable hiérarchie ni continuité entre les types de livre, et qui transpose parfois à la lecture les habitudes du zapping).

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004