Méthodes et problèmes

Histoire de la lecture

Laurent Jenny, © 2003
Dpt de Français moderne – Université de Genève

IV. Du codex à l'écran

IV.1. Le texte tabulaire

Aujourd'hui plus que jamais cette intrication des textes et des images apparaît comme une donnée essentielle de notre culture, en liaison avec l'émergence de nouveaux supports du livre. L'un des caractères absolument nouveaux du support-écran des textes informatisés, c'est qu'il est constitué d'unités élémentaires (les pixels) qui ne relèvent à proprement parler ni du signe ni de l'image. Cette ambiguïté constitutive du support a d'ailleurs un répondant dans l'apparence même du texte sur écran qui est à la fois vu comme une image et déchiffré comme un texte. De fait les textes sur écran apparaissent de plus en plus dans des configurations tabulaires où se conjuguent des messages textuels, et des messages icôniques. Certes cette structure mosaïque s'est d'abord développée sur des supports-papiers (notamment ceux de la presse écrite depuis la fin du XIXe siècle), mais elle connaît une expansion sans précédent avec les supports électroniques.

La juxtaposition sur la page d'éléments textuels et visuels a pour effet de modifier l'économie du texte, qui tend à laisser à l'image les données descriptives et référentielles pour se consacrer à l'explicitation des éléments abstraits ou des liens entre les données.

Vandendorpe 1999, 155

On remarquera surtout que de telles configurations défont la linéarité de la lecture. L'oeil peut en effet partir de n'importe quelle unité illustrative sur la page et opérer à partir d'elle de multiples trajets. On peut penser que dès lors la lecture prend une forme associative, fragmentaire et subjective, le lecteur retenant des éléments verbaux et icôniques dans une synthèse personnelle fortement teintée d'affectivité (Vandendorpe 1999,155).

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004