Méthodes et problèmes

L'œuvre dramatique

Danielle Chaperon, © 2003-2004
Dpt de Français moderne – Université de Lausanne

II.2.7. Utilité générale des structures actantielles

L'application des modèles actantiels au corpus classique est loin d'être mécanique et réserve souvent des surprises car chaque auteur a sa manière, sobre ou virtuose, d'inventer une Action et une Intrigue (il est aussi des époques où cet aspect de l'écriture est dévalorisé, les fils dégénèrent en ficelles et le plan en carcasse déléguée à des carcassiers à la fin du XIXe siècle). Cette technique d'analyse n'est pas limitée à la décortication des actions hiérarchisées de type classique. Dans le cas du théâtre baroque, par exemple, de nombreuses structures peuvent être établies sans que celles-ci paraissent unifiées à proprement parler; mais le baroque crée souvent entre les fils des liens d'analogie et de contraste qui ne sont pas moins intéressants que les liens logiques du théâtre classique.

En ce qui concerne le corpus moderne et contemporain, l'exercice est souvent éclairant par sa difficulté et son inachèvement même. On remarquera par exemple les innombrables actions secondaires qui parasitent et paralysent l'action principale d'En attendant Godot, ou les desseins si évanescents et pourtant si âpres des personnages de Quai Ouest de Koltès. C'est que les structures actantielles peuvent aussi bien mettre en évidence la multiplication des objets du désir que le renoncement à tout projet, la fatalité des dénouements que le blocage des situations, la toute puissance de l'idéologie que la disparition des idéaux. L'exercice permet même de décrire la manière dont un auteur s'y prend pour déconstruire la notion d'intrigue ou de personnage.

Edition: Ambroise Barras, 2003-2004